LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 242-1-2 du code de la sécurité sociale ;
Attendu, selon ce texte, que pour le calcul des cotisations et contributions de sécurité sociale, les rémunérations versées ou dues à un salarié en contrepartie d'un travail dissimulé sont, à défaut de preuve contraire, évaluées forfaitairement ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'à la suite d'un contrôle ayant permis le constat, le 14 avril 2009, d'un travail dissimulé par dissimulation de travailleurs salariés, la société Yi Sheng (l'employeur) a reçu notification par l'URSSAF d'Ille-et-Vilaine, devenue l'URSSAF de Bretagne (l'URSSAF), d'un redressement de cotisations et contributions, calculées sur une rémunération évaluée forfaitairement en application des dispositions de l'article L. 242-1-2 du code de la sécurité sociale, à six fois la rémunération mensuelle minimale par travailleur dissimulé ; que l'URSSAF lui ayant notifié une mise en demeure pour le recouvrement des sommes litigieuses, l'employeur a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;
Attendu que pour accueillir pour partie la demande de l'employeur et juger que les cotisations et contributions de sécurité sociale dues par ce dernier devaient être calculées sur la base de trois fois et demie la valeur de la rémunération mensuelle minimale pour deux travailleurs dissimulés, et sur la base de la moitié de cette même valeur pour deux autres, l'arrêt retient que la société a établi que la durée du travail dissimulé avait été, pour les quatre salariés concernés, inférieure à six mois ;
Qu'en statuant ainsi, alors que pour faire obstacle à l'application de l'évaluation forfaitaire de la rémunération servant de base au calcul du redressement, l'employeur doit apporter la preuve non seulement de la durée réelle d'emploi du travailleur dissimulé, mais encore du montant exact de la rémunération versée à ce dernier pendant cette période, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 septembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ;
Condamne la société Yi Sheng aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à l'URSSAF de Bretagne la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf décembre deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour l'URSSAF de Bretagne
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR fait droit partiellement à la contestation de la société YI SHENG et d'AVOIR dit que les cotisations et contributions de sécurité sociale dues par la société YI SHENG doivent être calculées sur la base de trois fois et demi la valeur du SMIC mensuel pour deux des travailleurs dissimulés, et sur la base de la moitié de la valeur du SMIC mensuel pour les deux autres travailleurs dissimulés, et d'AVOIR invité l'URSSAF à chiffrer sa demande en paiement sur ces bases.
AUX MOTIFS PROPRES QU'aux termes de l'alinéa premier de l'article L. 242-1-2 du Code de la sécurité sociale, pour le calcul des cotisations et contributions de sécurité sociale et par dérogation à l'article L. 242-1, les rémunérations qui ont été versées ou qui sont dues à un salarié en contrepartie d'un travail dissimulé au sens de l'article L. 324-10 du code du travail sont, à défaut de preuve contraire, évaluées forfaitairement à six fois la rémunération mensuelle minimale définie à l'article L. 141-11 (devenu L. 3232-3 et suivants du Code du travail) du même code en vigueur au moment du constat du délit de travail dissimulé ; que ces rémunérations sont soumises à l'article L. 242-1-1 du présent code et sont réputées avoir été versées au cours du mois ou le délit de travail dissimulé est constaté ; que contrairement à ce que l'URSSAF soutient, les dispositions susvisées n'ont pas pour effet de fixer une assiette de cotisations « ne varietur » insusceptible de modulation, selon un principe de tout ou rien ; que la preuve contraire ne pouvant qu'être celle de l'exacte réalité des rémunérations versées, sans qu'elle puisse ne porter que sur la durée de la période de travail dissimulé, la période de six mois ne se rapportant pas à une période de travail effective mais n'étant qu'une évaluation forfaitaire, sans rapport avec la durée effective de la période de travail dissimulé ; qu'en effet, la preuve contraire ci-dessus susceptible d'être rapportée porte nécessairement sue l'ensemble des éléments de l'évaluation forfaitaire de la rémunération à savoir son montant mensuel et sa durée, le fait qu'elle soit censée avoir été versée au cours du mois de commission du délit ne fixant qu'une règle d'imputation pour le calcul des cotisations ; qu'il s'ensuit que pour contester l'application de ce redressement forfaitaire, l'employeur doit prouver la durée et la portée réelle du délit notamment en rapportant la preuve contraire que la durée du travail dissimulé, pour le salarié concerné a été inférieure, à six mois ; qu'en l'espèce, il résulte du contrôle opéré par l'URSSAF d'Ille et Vilaine le 14 avril 2009 que six personnes étaient en situation de travail dans les locaux du restaurant de la société YI SHENG en plus de la gérante, dont deux appartenant à une entreprise extérieure effectuant des travaux de rénovation ; qu'aucune des quatre autres personnes présentes n'avait fait, à la date du contrôle, l'objet d'une déclaration préalable à l'embauche, celle-ci étant effectuée, pour trois d'entre elles, postérieurement au contrôle, la quatrième, selon la gérante, ne devant être déclarée que plus tard car en congé maternité ; que l'inspecteur chargé du recouvrement a constaté qu'il n'était tenu aucun registre du personnel ni aucun enregistrement de horaires n'était effectué ; que la situation de travail dissimulé était donc à juste titre, retenue pour quatre salariés, par l'inspecteur chargé du recouvrement ; que la société YI SHENG a versé aux débats le bail relatif aux locaux dans lesquels a été constaté la situation de travail dissimulé ; que ce bail prend effet au 1er janvier 2009 ; qu'il n'est pas contesté que les locaux étaient destinés à l'exploitation d'une activité de restaurant et que lors du contrôle les personnes présentes étaient occupées à des travaux d'aménagement ; qu'il en résulte que cette situation de travail dissimulé n'a pu, en tout état de cause, commencer avant cette date, ce que confirme la convention relative aux travaux de création du restaurant signée avec la société WANG XIN prévoyant le début de ceux-ci au 2 janvier 2009 ; que concernant l'une des quatre personnes en situation de travail dissimulé, Monsieur X... Bipu, la société YI SHENG justifie, par la production de bulletins de salaire, qu'il exerçait une activité salariée à temps plein de janvier à mars 2009 à MACON ; qu'il ne pouvait donc, pour la même période être occupé par la société YI SHENG aux travaux d'aménagement du restaurant de Rennes avant début avril 2009 d'autant que selon ces bulletins il a son domicile à MONLUCON ; que par ailleurs, Madame X... Yinli, épouse de celui-ci a accouché d'un enfant à MONTLUCON le 18 février 2009 ce qui établit qu'elle résidait avec son mari dans cette ville à cette période ; qu'elle ne pouvait donc être occupée à une activité salariée à Rennes au cours de la même période ; que c'est donc à juste titre que les premiers juges ont retenu, qu'elle n'a pu être en situation de travail dissimulé que durant une période de 15 jours à compter d'avril 2009 ; qu'en conséquence, l'évaluation forfaitaire des cotisations dues à raison du travail dissimulé constaté lors du contrôle du 14 avril 2009 telle que fixée par les premiers juges apparaît justifiée
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la présence de quatre personnes non déclarées en situation de travail dans le restaurant à l'enseigne « Aigle rouge » le 14 avril 2009 a été constatée par procès-verbal par un inspecteur de l'URSSAF ; que la société YI SHENG n'établit aucunement qu'il s'agissait d'une aide ponctuelle de la part de proches de la gérante et cette allégation est contredite par le fait que ces personnes, dont l'une ¿ monsieur Keyi X... ¿ était un ancien salarié de la société, ont été ensuite embauchés dans le restaurant ; qu'à la date du contrôle, le restaurant n'était pas ouvert et la gérante de la société YI SHENG n'a pu produire aucune pièce comptable ; que la taxation forfaitaire prévue par l'article R. 242-5 « lorsque la comptabilité d'un employeur ne permet pas d'établir le chiffre exact des rémunérations servant de base au calcul des cotisations » suppose l'existence d'une comptabilité irrégulière, c'est-à-dire d'une comptabilité incomplète, mal tenue, inexacte ou insuffisante ; qu'elle n'est donc pas praticable en l'absence totale de comptabilité et c'est à juste titre que le montant du redressement a été déterminé par référence aux dispositions de l'article L. 242-1-2 du code de la sécurité sociale issu de la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007 selon lesquelles, pour le calcul des cotisations et contributions de sécurité sociales, les rémunérations qui ont été versées ou qui sont dues à un salarié en contrepartie d'un travail dissimulé sont, à défaut de preuve contraire, évaluées forfaitairement à six fois la valeur du SMIC mensuel calculé sur la base de la durée légale du travail ; que dès lors qu'une possibilité de preuve contraire est ouverte à l'employeur, celui-ci doit être admis à démontrer que la durée d'emploi des travailleurs dissimulés a été inférieure à six mois ; que la société YI SCHENG soutient qu'elle n'a été que de deux jours, les quatre personnes concernées ayant été chargées du nettoyage et des préparatifs de l'ouverture du restaurant lorsque les travaux d'aménagement, confiés à la société WANG Xin, étaient en voie d'achèvement ; que le fait que ces travaux, qui ont fait l'objet d'une convention en date du 25 novembre 2008 produite aux débats se soient prolongés jusqu'au 18 avril 2009, date à laquelle ils ont été réceptionnés, selon une attestation dressée par la gérante de la société WANG XIN, ne permet pas d'exclure une intervention bien antérieure des quatre personnes non déclarées ; qu'il n'est nullement établi que celles-ci n'ont réalisé que des travaux de nettoyage et d'installation de mobilier et décorations, à l'exclusion de tout participation aux travaux d'aménagement des locaux ; que dans son courrier en réponse du 17 juillet 2009 l'inspecteur de recouvrement souligne que certaines pièces étaient manifestement occupées par les personnes présentes et en situation de travail bien avant le 13 avril 2009 ; qu'en revanche, le bail commercial signé le 16 juillet 2008 entre la SCI des Peupliers et la société YI SHENG devant Maître CHARPENTIER, notaire, ayant pris effet le 1er janvier 2009, les travailleurs dissimulés n'ont pu intervenir avant cette date ; que l'évaluation forfaitaire des rémunérations ne peut en conséquence dépasser trois fois et demi le SMIC mensuel ; qu'en outre, la société YI SCHENG produits des bulletins de salaire concernant monsieur Bipu X..., dont l'URSSAF ne conteste pas qu'il était l'une des personnes présentes lors du contrôle, établissant qu'en janvier, février et mars 2009 il était domicilié à Montluçon et occupait un emploi salarié en Saône et Loire, ce qui est incompatible avec une présence à Rennes pendant la même période ; que pour Monsieur X... et pour son épouse, Madame Yinli X..., dont il est établi qu'elle a donné naissance à leur enfant commun le 17 février 2009 à Montluçon, il convient de ramener la base de calcul des cotisations à un demi SMIC mensuel
1°- ALORS QUE pour éviter qu'en application de l'article L. 242-1-2 du Code de la sécurité sociale, les rémunérations qui ont été versées ou qui sont dues à un salarié en contrepartie d'un travail dissimulé soient évaluées forfaitairement à six fois le SMIC mensuel pour le calcul des cotisations, l'employeur doit apporter des éléments permettant le chiffrage réel des cotisations à recouvrer en prouvant non seulement la durée réelle d'emploi du travailleur dissimulé mais aussi le montant exact de la rémunération versée pendant cette période ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a constaté que la preuve contraire que devait apporter l'employeur pour éviter cette évaluation forfaitaire devait nécessairement porter « sur l'ensemble des éléments de l'évaluation forfaitaire de la rémunération à savoir son montant mensuel et sa durée » (cf. arrêt, p. 4, § 8) et qu'il devait prouver « la durée et la portée réelle du délit » (cf. arrêt, p. 4, § 9) ; qu'en jugeant cependant qu'il suffisait pour l'employeur de prouver une durée réelle d'emploi inférieure à six mois pour remettre en cause l'évaluation forfaitaire des rémunérations à six fois le SMIC mensuel, puis en fixant ces rémunérations à seulement trois fois et demi la valeur du SMIC mensuel pour deux travailleurs dissimulés et à seulement la moitié de la valeur d'un SMIC mensuel pour deux autres travailleurs dissimulés en raison de la seule durée établie de leur travail dissimulé, la Cour d'appel a violé l'article L. 242-1-2 du Code de la sécurité sociale.
2°- ALORS QUE dès lors que l'article L. 242-1-2 du Code de la sécurité sociale s'applique faute de pouvoir procéder au chiffrage réel des sommes à recouvrer ni à une taxation forfaitaire, les rémunérations versées en contrepartie du travail dissimulé doivent être évaluées forfaitairement à six fois le SMIC mensuel ; que cette évaluation ne peut être diminuée à proportion de la durée réelle d'emploi du travailleur dissimulé ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a constaté qu'en l'absence de toute pièce comptable, et faute de pouvoir recourir à la taxation forfaitaire, le montant du redressement avait été justement déterminé par référence aux dispositions de l'article L. 242-1-2 du Code de la sécurité sociale ; qu'en jugeant néanmoins que l'évaluation forfaitaire des rémunérations devait être diminuée à seulement trois fois et demi la valeur du SMIC mensuel pour deux travailleurs dissimulés et à seulement la moitié de la valeur d'un SMIC mensuel pour deux autres travailleurs dissimulés en raison de la durée établie de leur travail dissimulé, la Cour d'appel a violé l'article L. 242-1-2 et L. 242-1 du Code de la sécurité sociale.