LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 552-13 et L. 611-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Attendu qu'il résulte du second de ces textes que le procès-verbal établi au cours de la retenue d'un étranger en vue de la vérification du droit de circulation ou de séjour doit être transmis au procureur de la République, à peine de nullité, sous réserve des dispositions du premier ; que, selon ce texte, en cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles, la juridiction qui est saisie d'une demande d'annulation ou relève d'office une telle irrégularité ne peut prononcer la mainlevée de la mesure de placement en rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l'étranger ;
Attendu, selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel et les pièces de la procédure, que M. X..., de nationalité tunisienne, a fait l'objet d'une procédure de retenue pour vérification du droit de circulation ou de séjour le 29 janvier 2013 et a été placé en rétention administrative par un arrêté préfectoral pris le même jour ; que, par une ordonnance du 1er février 2013, un juge des libertés et de la détention a prolongé cette mesure pour une durée de 20 jours ;
Attendu que, pour mettre fin à la mesure de rétention de M. X..., le premier président, après avoir énoncé que l'exigence de transmission du procès-verbal mentionnant, d'une part, les motifs et circonstances qui ont justifié le contrôle et la vérification du droit de circulation ou de séjour et, d'autre part, les conditions de la retenue, est distincte de l'obligation d'informer, y compris par voie téléphonique, le procureur de la République des mesures de retenue ou de rétention prises, retient qu'il ne résulte pas des pièces de la procédure que ce procès-verbal a été effectivement transmis au procureur de la République, circonstance qui porte nécessairement atteinte au droit de M. X... à voir opérer un contrôle par le procureur de la République ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'irrégularité relevée ne portait pas, en soi, atteinte aux droits de l'étranger, le premier président a, par fausse application, violé les textes susvisés ;
Vu l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;
Et attendu que les délais légaux de maintien en rétention étant expirés, il ne reste rien à juger ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 5 février 2013, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Rennes ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit décembre deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par le procureur général près la cour d'appel de Rennes.
Moyen unique de cassation pris de la violation des articles L 61 1-1-1 et L 552-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, 604 du code de procédure civile, violation de la loi et manque de base légale
En ce que le conseiller à la cour d'appel de Rennes, devant lequel a été soulevée l'irrégularité de la procédure de retenue pour vérification du droit au séjour, a infirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Rennes, prolongeant la rétention administrative de Walid X... et a ordonné sa remise en liberté
Au motifs Que, selon les dispositions des huitième et dixième alinéas de I'article L 61 1-1-1 du code de I'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, I'officier de police judiciaire ou l'agent de police judiciaire agissant sous son contrôle, établissent un procès-verbal mentionnant les motifs qui ont justifié le contrôle d'identité ou du droit de circulation ou de séjour, ainsi que la vérification de ce droit, et les conditions dans lesquelles la personne a été présentée devant l'officier de police judiciaire, informée de ses droits et mise en mesure de les exercer, précisant le jour et l'heure du début et de la fin de la retenue et la durée de celle-ci et, le cas échéant, la prise d'empreintes digitales ou de photographies, procès-verbal auquel est annexé le certificat médical établi à l'issue de l'examen éventuellement pratiqué ;
Que ce procès-verbal est transmis au procureur de la République ;
Que cette exigence s'ajoute à celle, prévue au premier alinéa, de I'information du procureur de la République de la mesure de retenue prise dès le début de celle-ci, et à celle de I'information de ce magistrat de la mesure de rétention administrative prescrite par I'article L. 551-2 du même code, informations pouvant être effectuées sommairement y compris par voie téléphonique, qui ne s'y substituent pas ;
Qu'il est ainsi fait en sorte que le procureur de la République puisse exercer pleinement le contrôle de la retenue'qui lui est dévolu par la loi et, le cas échéant, veiller à la destruction de l'ensemble de pièces relatives à la procédure de vérification si celle-ci n'a été suivie d'aucune autre procédure judiciaire ou administrative dans le délai de six mois, destruction qui constitue un droit pour l'étranger prévu au onzième alinéa du même texte ;
Qu'il ne résulte pas en l'espèce des pièces de la procédure que le procès-verbal établi par I'officier de police judiciaire à ces fins a été effectivement transmis au procureur de la République, circonstance qui porte nécessairement atteinte au droit de Walid X... à voir opérer le contrôle précité ;
Que dès lors la procédure ayant précédé immédiatement le placement en rétention de Walid X... dont la prolongation est demandée par le préfet, est entachée d'irrégularité ;
Alors d'une part, que l'article L 61 1-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui impose la transmission au procureur de la République du procès-verbal établi au cours de la retenue d'un étranger en vue de la vérification du droit au séjour et dont les prescriptions sont édictées à peine de nullité, ne fixe aucun délai pour accomplir cette formalité ; Qu'il incombait à M. X... de rapporter la preuve de l'inobservation de cette prescription sans qu'aucune présomption ne puisse être tirée de I'absence de mention en procédure du destinataire du procès-verbal ; Qu'en décidant qu'aucune pièce de la procédure ne permettait de se convaincre de la transmission effective du procès-verbal de retenue au procureur de la République, le conseiller délégué par le premier président, qui ne pouvait sans inverser la charge de la preuve en déduire que la procédure était irrégulière, a violé les textes susvisés ;
Alors, d'autre part, que la juridiction saisie d'une demande d'annulation ne peut, conformément aux dispositions de l'article L 552-1 3 du même code, prononcer la mainlevée de la mesure de placement en rétention que s'il est démontré que l'irrégularité constatée a porté atteinte aux droits de I'étranger ; Qu'en l'espèce il n'est ni allégué ni établi que I'absence de transmission prescrite, à la supposer vérifiée, ait porté atteinte aux intérêts de I'étranger, cette transmission n'ayant pour finalité que de permettre au procureur de la République de veiller à la destruction de l'ensemble des pièces relatives à la procédure de vérification du droit au séjour, si celle ci n'a été suivie d'aucune procédure judiciaire ou administrative ; Qu'en énonçant que cette irrégularité faisait nécessairement grief à I'étranger, alors que la procédure de vérification a été suivie à l'égard de I'étranger retenu d'une décision administrative de placement en rétention faisant obstacle à une destruction des pièces sous le contrôle du procureur de la République, le conseiller délégué par le premier président a violé les textes susvisés ;
Qu'en conséquence, l'arrêt déféré encourt la cassation.