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17/12/2013 | FRANCE | N°12-26938

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 17 décembre 2013, 12-26938


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, statuant sur contredit, que M. X..., engagé le 13 mai 1996 par la société Sra Savac, a démissionné le 9 décembre 2009 et a rejoint une société concurrente ; que, se prévalant de faits de concurrence déloyale et pour obtenir réparation du préjudice résultant du comportement du salarié, l'employeur a saisi, d'une part, le tribunal de grande instance puis, d'autre part, le conseil de prud'hommes ; que par jugement du 17 janvier 2012, le conseil de prud'hommes s'est dessaisi au pro

fit du tribunal de grande instance ;
Sur le pourvoi incident du sal...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, statuant sur contredit, que M. X..., engagé le 13 mai 1996 par la société Sra Savac, a démissionné le 9 décembre 2009 et a rejoint une société concurrente ; que, se prévalant de faits de concurrence déloyale et pour obtenir réparation du préjudice résultant du comportement du salarié, l'employeur a saisi, d'une part, le tribunal de grande instance puis, d'autre part, le conseil de prud'hommes ; que par jugement du 17 janvier 2012, le conseil de prud'hommes s'est dessaisi au profit du tribunal de grande instance ;
Sur le pourvoi incident du salarié qui est préalable :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt d'infirmer le jugement en ce qu'il avait retenu la litispendance, alors, selon le moyen, qu'il y a litispendance toutes les fois où la demande formée en second aurait été déclarée irrecevable, en raison de l'autorité de la chose jugée, si la demande formée en premier avait déjà fait l'objet d'un jugement ; que tel est le cas lorsque l'objet de la seconde demande est entièrement compris dans celui de la première, peu important que ce dernier soit par ailleurs plus vaste ; qu'en effet, l'autorité de chose jugée attachée à la décision rendue sur la première demande s'opposerait nécessairement à ce que la seconde soit de nouveau présentée devant un juge ; qu'en une telle hypothèse, le renvoi du litige devant la première juridiction pour cause de litispendance doit donc être ordonné ; qu'en l'espèce, la société Sra Savac a tout d'abord assigné M. X... devant le tribunal de grande instance de Lyon pour des faits de concurrence déloyale qui se seraient déroulés pendant le temps du contrat de travail et après la rupture de celui-ci et a sollicité que l'exposant soit en conséquence condamné à lui verser une somme de 300 000 euros à titre de dommages-intérêts ; qu'elle l'a ensuite assigné devant le conseil de prud'hommes de Montargis pour exécution déloyale du contrat de travail, réclamant à ce titre une somme de 26 000 euros à titre de dommages-intérêts ; qu'elle a ainsi porté un litige identique, concernant une éventuelle déloyauté du salarié pendant le temps du contrat de travail, devant deux juridictions différentes également compétentes ; qu'en conséquence, il appartenait au conseil de prud'hommes, saisi en second, de se dessaisir au profit du tribunal de grande instance de Lyon, saisi en premier, ce qu'il a d'ailleurs fait ; qu'en retenant cependant, pour infirmer la décision des premiers juges, qu'il n'y avait pas litispendance entre les deux demandes de la société Sra Savac concernant les faits de déloyauté reprochés à M. X... au cours de l'exécution de son contrat de travail, la cour d'appel a violé l'article 100 du code de procédure civile ;
Mais attendu que la litispendance suppose que chacune des juridictions saisies soit compétente pour connaître du litige ; que l'exception de litispendance présentée devant la juridiction prud'homale au profit du tribunal de grande instance saisi en premier ne peut être accueillie dès lors que ce tribunal n'est pas compétent pour statuer sur une demande d'indemnisation du préjudice subi par l'employeur du fait des agissements commis par un salarié pendant l'exécution de son contrat de travail, qui relève de la compétence exclusive de la juridiction prud'homale ; que par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, la décision se trouve légalement justifiée ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi principal de l'employeur, pris en sa seconde branche :
Vu l'article L. 511-1 du code du travail et l'article 101 du code de procédure civile ;
Attendu que le caractère exclusif et d'ordre public de la compétence d'attribution du conseil de prud'hommes interdit d'y faire échec pour cause de connexité, sauf en cas d'indivisibilité, laquelle ne peut résulter que d'une impossibilité juridique d'exécution simultanée de deux décisions qui seraient contraires ;
Attendu que pour dire qu'il y avait connexité entre les demandes qui lui étaient soumises et celles qui l'étaient parallèlement au tribunal de grande instance et confirmer la décision du conseil de prud'hommes de se dessaisir au profit du tribunal de grande instance, l'arrêt retient que l'assignation devant le tribunal de grande instance visait des faits commis pendant l'exécution du contrat de travail, qui sont les mêmes que ceux invoqués devant le conseil de prud'hommes, auquel elle en ajoute d'autres commis après la cessation de celui-ci et qu'il existe un risque de contrariété de décisions si l'une des juridictions venait à décider qu'aucun comportement déloyal avant l'expiration du contrat n'est prouvé, et si l'autre décidait le contraire ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il n'y avait pas impossibilité d'exécution simultanée de décisions rendues par le tribunal de grande instance et par le conseil de prud'hommes, le premier n'étant compétent que pour se prononcer sur des faits commis postérieurement à la rupture du contrat de travail, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du pourvoi principal de l'employeur :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit y avoir connexité, l'arrêt rendu le 27 septembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi de ce chef ;
Rejette l'exception de connexité ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept décembre deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la société Sra Savac.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit qu'il y avait connexité entre les demandes qui lui étaient soumises et celles qui l'étaient parallèlement au tribunal de grande instance de LYON par la société SRA SAVAC, et d'AVOIR confirmé la décision du Conseil de Prud'hommes de MONTARGIS de s'être dessaisi au profit du tribunal de grande instance de LYON ;
AUX MOTIFS QUE « l'article 101 du Code de procédure civile dispose que, « s'il existe entre les affaires portées devant 2 juridictions distinctes un lien tel qu'il soit de l'intérêt d'une bonne justice de les faire instruire et juger ensemble, il peut être demandé à l'une de ces juridictions de se dessaisir et de renvoyer en l'état la connaissance de l'affaire à l'autre juridiction ». Le conseil des prud'hommes pour les litiges nés de l'exécution du contrat de travail, l'exception de connexité ne peut en principe être soulevée devant lui pour obtenir le renvoi du litige dont il est saisi devant une autre juridiction. Cette exclusion comporte toutefois une exception lorsque les demandes sont indivisibles. Pour soutenir qu'il s'agit de deux actions nettement différenciées, la société prétend que celle devant le conseil des prud'hommes se fonde sur les faits commis au cours de l'exécution du contrat et celle devant le tribunal de grande instance ceux commis après sa rupture. Cela est démenti par les éléments suivants. L'assignation devant le tribunal de grande instance indique que la société a découvert que les salariés qui ont donné leur démission (dont M. X...) ont : commencé à travailler pour le concurrent, la société BCSN, qui les a embauchés, depuis plus mois alors même qu'ils étaient encore ses salariés ; emporté de nombreux matériels, documents et plans avant et après avoir quitté l'entreprise. Elle vise donc bien des faits commis pendant l'exécution du contrat de travail qui sont les mêmes que ceux invoqués devant le conseil des prud'hommes, auquel elle en ajoute d'autres commis après la cessation de celui-ci. Il est d'ailleurs très révélateur que les pièces produites devant les 2 juridictions soient pour l'essentiel les mêmes. Il existe un risque évident de contrariété de décisions si l'une des juridictions venait à décider qu'un comportement déloyal avant l'expiration du contrat n'est pas prouvé et si l'autre décidait le contraire. Ainsi, si les demandes ne sont pas identiques, elles sont nous seulement connexes, mais indivisibles. C'est à juste titre que le conseil des prud'hommes s'est déssaisi au profit du tribunal de grande instance de LYON, la saisine de celui-ci étant plus vaste et chronologiquement la première » ;
ET AUX MOTIFS QU' « il y a connexité quand deux juridictions également compétentes sont saisies de deux litiges différents. Mais ce sont deux litiges entre lesquels il existe un tel lien qu'il est de l'intérêt d'une bonne justice de les faire instruire et juger ensemble ; que la connexité est régie par les articles 103 et 104 du code de procédure civile. Le règlement repose sur la distinction suivante : 1. Attendu que les juridictions ne sont pas du même degré. 2. Attendu que les deux juridictions saisies jouissent d'une compétence exclusive pour connaître du litige. En conséquence de tous ces faits, le Conseil de Prud'hommes dit que les deux conditions citées sont réunies, la connexité est avérée. »
1°) ALORS QUE , si l'indivisibilité entre les demandes soumises à deux juges différents peut conduire à déroger à la compétence exclusive d'un d'entre eux, elle n'existe qu'au cas où, si leurs décisions divergeaient, il serait impossible de les exécuter simultanément ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que les demandes soumises au tribunal de grande instance de LYON et au conseil des prud'hommes de MONTARGIS étaient indivisibles, au motif qu'« il existe un risque évident de contrariété de décisions si l'une des juridictions venait à décider qu'un comportement déloyal avant l'expiration du contrat n'est pas prouvé et si l'autre décidait le contraire » ; qu'en statuant ainsi par un motif inopérant, sans caractériser le fait qu'il aurait été impossible d'exécuter simultanément la décision du tribunal de grande instance et celle du conseil des prud'hommes en cas de divergence, bien que l'un ait pu sans difficulté condamner Monsieur X... à payer les sommes demandées même si l'autre avait rejeté la demande indemnitaire distincte dont il était saisi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 101 du Code de procédure civile ;
2°) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE la cour d'appel a constaté que le tribunal de grande instance était saisi de demandes d'indemnités et de restitution de matériel, tandis que le conseil des prud'hommes était saisi d'une autre demande indemnitaire, et que ce dernier disposait d'une compétence exclusive d'exception ; qu'en ordonnant pourtant son dessaisissement pour cause de connexité, bien qu'aucune indivisibilité n'existât entre les demandes, la cour d'appel a violé l'article 101 du Code de procédure civile.
Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Bénabent et Jéhannin, avocat aux Conseils, pour M. X....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait retenu la litispendance ;
AUX MOTIFS QUE « l'article 100 exige qu'il s'agisse du même litige. Tel n'est pas le cas : selon la saisine, les 26.000 euros sont fondés sur une exécution déloyale du contrat de travail ; l'action devant le TGI a pour fondement une concurrence déloyale, tant avant qu'après la cessation du contrat. Son objet est donc plus large » ;
ALORS QU'il y a litispendance toutes les fois où la demande formée en second aurait été déclarée irrecevable, en raison de l'autorité de la chose jugée, si la demande formée en premier avait déjà fait l'objet d'un jugement ; que tel est le cas lorsque l'objet de la seconde demande est entièrement compris dans celui de la première, peu important que ce dernier soit par ailleurs plus vaste ; qu'en effet, l'autorité de chose jugée attachée à la décision rendue sur la première demande s'opposerait nécessairement à ce que la seconde soit de nouveau présentée devant un juge ; qu'en une telle hypothèse, le renvoi du litige devant la première juridiction pour cause de litispendance doit donc être ordonné ; qu'en l'espèce, la société SRA SAVAC a tout d'abord assigné Monsieur X... devant le tribunal de grande instance de LYON pour des faits de concurrence déloyale qui se seraient déroulés pendant le temps du contrat de travail et après la rupture de celui-ci et a sollicité que l'exposant soit en conséquence condamné à lui verser une somme de 300.000 euros à titre de dommages-intérêts ; qu'elle l'a ensuite assigné devant le conseil de prud'hommes de MONTARGIS pour exécution déloyale du contrat de travail, réclamant à ce titre une somme de 26.000 euros à titre de dommages-intérêts ; qu'elle a ainsi porté un litige identique, concernant une éventuelle déloyauté du salarié pendant le temps du contrat de travail, devant deux juridictions différentes également compétentes ; qu'en conséquence, il appartenait au conseil de prud'hommes, saisi en second, de se dessaisir au profit du tribunal de grande instance de LYON, saisi en premier, ce qu'il a d'ailleurs fait ; qu'en retenant cependant, pour infirmer la décision des premiers juges, qu'il n'y avait pas litispendance entre les deux demandes de la société SRA SAVAC concernant les faits de déloyauté reprochés à Monsieur X... au cours de l'exécution de son contrat de travail, la Cour d'appel a violé l'article 100 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12-26938
Date de la décision : 17/12/2013
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Sociale

Analyses

1° PRUD'HOMMES - Procédure - Litispendance - Conditions - Compétence des deux juridictions saisies - Portée 2° PRUD'HOMMES - Compétence - Compétence matérielle - Caractère exclusif et d'ordre public - Portée

PROCEDURE CIVILE - Litispendance - Conditions - Compétence simultanée des deux juridictions saisies PROCEDURE CIVILE - Connexité - Cas - Indivisibilité - Définition - Impossibilité juridique d'exécution simultanée de deux décisions contraires PRUD'HOMMES - Compétence - Compétence matérielle - Litiges nés à l'occasion du contrat de travail - Contrat de travail - Action en réparation du préjudice résultant du comportement du salarié - Portée

1° La litispendance suppose que chacune des juridictions saisies soit compétente pour connaître du litige. L'exception de litispendance présentée devant la juridiction prud'homale au profit du tribunal de grande instance saisi en premier ne peut être accueillie dès lors que ce tribunal n'est pas compétent pour statuer sur une demande d'indemnisation du préjudice subi par l'employeur du fait des agissements commis par un salarié pendant l'exécution de son contrat de travail, qui relève de la compétence exclusive de la juridiction prud'homale 2° Le caractère exclusif et d'ordre public de la compétence d'attribution du conseil de prud'hommes interdit d'y faire échec pour cause de connexité, sauf en cas d'indivisibilité, laquelle ne peut résulter que d'une impossibilité juridique d'exécution simultanée de deux décisions qui seraient contraires. Doit être cassé l'arrêt qui, pour confirmer la décision du conseil de prud'hommes de se dessaisir au profit du tribunal de grande instance, retient qu'il existe un risque de contrariété de décisions si l'une des juridictions venait à décider qu'aucun comportement déloyal avant l'expiration du contrat n'est prouvé, et si l'autre décidait le contraire, alors qu'il n'y avait pas impossibilité d'exécution simultanée de décisions rendues par le tribunal de grande instance et par le conseil de prud'hommes, le premier n'étant compétent que pour se prononcer sur des faits commis postérieurement à la rupture du contrat de travail


Références :

Sur le numéro 1 : article 100 du code de procédure civile
Sur le numéro 2 : article L. 511-1 du code du travail alors applicable

article 101 du code de procédure civile

Décision attaquée : Cour d'appel d'Orléans, 27 septembre 2012

Sur le n° 1 : Sur un cas de rejet d'une exception de litispendance présentée devant la juridiction prud'homale tirée d'une instance en concurrence déloyale, à rapprocher :Soc., 13 octobre 1988, pourvoi n° 85-45486, Bull. 1988, V, n° 514 (1) (rejet). Sur le principe selon lequel l'exception de litispendance ne peut être opposée que dès lors que les demandes relèvent de la compétence simultanée des deux juridictions saisies, à rapprocher : Soc., 9 janvier 1974, pourvoi n° 72-40592, Bull. 1974, V, n° 28 (1) (rejet). Sur le n° 2 : Sur la portée du caractère exclusif et d'ordre public de la compétence d'attribution du conseil de prud'hommes, à rapprocher :Soc., 11 mars 2003, pourvoi n° 00-45855, Bull. 2003, V, n° 91 (cassation)

arrêt cité


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 17 déc. 2013, pourvoi n°12-26938, Bull. civ. 2013, V, n° 306
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2013, V, n° 306

Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats
Avocat général : Mme Lesueur de Givry
Rapporteur ?: M. Contamine
Avocat(s) : SCP Bénabent et Jéhannin, SCP Célice, Blancpain et Soltner

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.26938
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