LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 53, alinéa 2, de la loi du 29 juillet 1881 ;
Attendu selon l'arrêt, que la société Futura Play, prétendant avoir été diffamée ensuite de la publication dans « la semaine des Ardennes » d'un article intitulé « la caméra prend l'eau » paru le 22 juillet 2010, a engagé une action en réparation du préjudice dont elle s'estimait victime et a assigné M. X... en sa qualité de directeur de la publication, Mme Y..., journaliste, la société Ardennaise de presse, M. Z..., ingénieur commercial de la société Poseidon, et la société MG international, venant aux droits de la société Poseidon ;
Attendu que pour déclarer nulles les assignations délivrées à M. Z... et à la société MG international à la requête de la société Futura Play et déclarer prescrite l'action en diffamation engagée à leur encontre, la cour d'appel énonce qu'il est constant que les assignations délivrées les 21 et 22 octobre 2010 font référence à la SCP d'avocats Ledoux Ferri Yahiaoui-Riou-Jacques Touchon, sans indiquer le nom de l'avocat en particulier, personne physique, représentant la société Futura Play, qu'à bon droit M. Z... et la société MG international font valoir qu'il n'a pas été satisfait aux prescriptions de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881, qu'en particulier, en l'absence de désignation de l'avocat intervenant au nom de la société demanderesse, il n'y a pas eu élection de domicile mais seulement indication de ce que la SCP d'avocats avait son siège social à Charleville-Mézières, que cette omission est nécessairement préjudiciable puisque seule une postulation régulière permet l'offre de preuve de la vérité du fait dénoncé comme diffamatoire, qu'il convient dès lors, infirmant sur ce point l'ordonnance entreprise, de déclarer nulles les assignations délivrées le 22 octobre 2010 à M. Z... et à la société MG international à la requête de la société Futura Play ;
Qu'en statuant ainsi quand la régularité de la constitution comme avocat d'une SCP d'avocats n'est pas subordonnée à l'identification de l'avocat appartenant à cette SCP appelé à représenter la partie au nom de laquelle la constitution est effectuée, en sorte que la constitution de cette SCP dont il n'est pas contesté qu'elle fût domiciliée dans la ville où siège la juridiction saisie, vaut élection de domicile au sens du texte susvisé, la cour d'appel l'a violé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 octobre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Condamne la société MG international Maytronics France et M. Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze décembre deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Bénabent et Jéhannin, avocat aux Conseils, pour la société Futura Play
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré nulles les assignations délivrées à Monsieur Philippe Z... et à la société MG INTERNATIONAL à la requête de la société FUTURA PLAY pour défaut de postulation régulière et d'avoir, en conséquence, déclaré prescrite l'action en diffamation engagée à leur encontre ;
AUX MOTIFS QUE « il est constant que les assignations délivrées les 21 et 22 octobre 2010 font référence à la SCP d'avocats LEDOUX FERRI YAHIAOUI RIOU-JACQUES TOUCHON, sans indiquer le nom de l'avocat en particulier, personne physique, représentant la société FUTURA PLAY ; qu'à bon droit Monsieur Z... et la société MG INTERNATIONAL font valoir qu'il n'a pas été satisfait aux prescriptions de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 ; qu'en particulier, en l'absence de désignation de l'avocat intervenant au nom de la société demanderesse, il n'y a pas eu élection de domicile mais seulement indication de ce que la SCP d'avocats avait son siège social à CHARLEVILLE-MEZIERES ; que cette omission est nécessairement préjudiciable puisque seule une postulation régulière permet l'offre de preuve de la vérité du fait dénoncé comme diffamatoire ; qu'il convient dès lors, infirmant sur ce point l'ordonnance entreprise, de déclarer nulles les assignations délivrées le 22 octobre 2010 à Monsieur Philippe Z... et à la société MG INTERNATIONAL à la requête de la société FUTURA PLAY ; »
1/ ALORS QUE, il est interdit aux membres d'une société civile professionnelle d'avocats d'exercer à titre individuel ; qu'en l'espèce, en affirmant que l'assignation litigieuse faisait «référence » à la SCP d'avocats LEDOUX FERRI YAHIAOUI RIOU-JACQUES TOUCHON, « sans indiquer le nom de l'avocat en particulier, personne physique, représentant la société FUTURA PLAY », pour en déduire qu' « en l'absence de désignation de l'avocat intervenant au nom de la société demanderesse», il n'y avait « pas eu élection de domicile », la Cour d'appel a commis une erreur de droit et a violé l'article 43 du décret n°92-680 du 20 juillet 1992 pris pour l'application à la profession d'avocat de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles ;
2/ ALORS QUE la mention du nom, de l'adresse et de la qualité d'avocat du demandeur d'une société d'avocats dans l'assignation vaut élection de domicile au sens de l'article 751 du code de procédure civile ; qu'il suffit par ailleurs que l'adresse de la société d'avocats représentant le demandeur soit située dans la ville où siège la juridiction saisie pour emporter élection de domicile au sens de l'article 53 alinéa 2 de la loi du 29 juillet 1881 ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel qui a constaté que l'assignation litigieuse mentionnait « la SCP d'avocats LEDOUX FERRI YAHIAOUI RIOUJACQUES TOUCHON » comme avocat de la société FUTURA PLAY et précisait l'adresse de son siège social à CHARLEVILLE-MEZIERES, sans en déduire que ces mentions suffisaient à emporter élection de domicile de la société FUTURA PLAY à cette adresse, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard des articles 751 du code de procédure civile et 53 alinéa 2 de la loi du 29 juillet 1881 ;
3/ ALORS QUE la partie défenderesse qui entend prouver la vérité des faits diffamatoires conformément aux dispositions de l'article 35 de la loi du 29 juillet 1881, doit, par application de l'article 55 de la même loi, faire signifier « au ministère public » ou « au plaignant au domicile par lui élu », son offre de preuve ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel qui a constaté que l'assignation litigieuse mentionnait « la SCP d'avocats LEDOUX FERRI YAHIAOUI RIOU-JACQUES TOUCHON » comme avocat de la société FUTURA PLAY et précisait l'adresse de son siège social à CHARLEVILLEMEZIERES, sans en déduire que ces mentions permettaient amplement aux défendeurs de faire signifier à la société FUTURA PLAY ayant élu domicile à cette adresse, une offre de preuve de la vérité prétendue des faits diffamatoires, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard de l'article 55 de la loi du 29 juillet 1881 ;
4/ ALORS QUE les avocats postulent devant le tribunal de grande instance dans le ressort duquel ils ont établi leur résidence professionnelle ; qu'en particulier, les groupements d'avocats y postulent par le ministère de l'un quelconque de leurs associés appartenant au même barreau ; qu'en l'espèce, la situation du siège social de la SCP d'avocats LEDOUX FERRI YAHIAOUI RIOU-JACQUES TOUCHON suffisait à établir l'habilitation de ladite SCP à postuler devant le Tribunal de grande instance de CHARLEVILLE-MEZIERES, dès lors qu'il n'était ni allégué ni démontré que l'un de ses associés n'aurait pas appartenu au même barreau ; qu'en refusant de déduire de « l'indication de ce que la SCP d'avocats avait son siège social à CHARLEVILLE-MEZIERES », la régularité de la postulation, la Cour d'appel a violé les articles 5 et 8 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ;
5/ ALORS QUE, SUBSIDIAIREMENT, l'absence d'indication dans l'assignation du nom de l'avocat associé, personne physique, par le ministère duquel postule la société d'avocats constituée pour le demandeur, ne constitue qu'une irrégularité de forme qui n'entraîne la nullité de l'assignation qu'en cas de preuve d'un grief à la charge du défendeur ; qu'en l'espèce, la seule absence d'indication du nom de l'avocat associé, personne physique, par le ministère duquel postulait la SCP d'avocats constituée pour la société FUTURA PLAY, ne suffisait pas à entraîner la nullité des assignations litigieuses délivrées à Monsieur Philippe Z... et à la société MG INTERNATIONAL, à défaut de preuve par ces derniers d'un grief, lequel ne pouvait résulter ni de l'impossibilité juridique inexactement prétendue de signifier l'offre de preuve de la vérité des faits diffamatoires, ni de l'irrégularité prétendue de la postulation, contredite par les propres constatations de la Cour d'appel ; que faute de pouvoir caractériser un grief, dûment établi par Monsieur Philippe Z... et la société MG INTERNATIONAL, résultant de l'irrégularité formelle des assignations litigieuses, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 114 alinéa 2 du code de procédure civile.