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10/12/2013 | FRANCE | N°12-28369

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 10 décembre 2013, 12-28369


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 1er de l'ordonnance n° 58-1185 du 10 décembre 1958 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que des investisseurs ont confié un mandat de gestion à M. X..., titulaire de la carte d'auxiliaire de la profession boursière ; qu'à la demande de ce dernier, ils ont ouvert un compte titres et un compte espèces dans les livres de la société JFA Buisson ; que les fonds et titres ont été perdus à la suite de détournements commis par M. X... avec la complicité de M. Y..., préposÃ

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 1er de l'ordonnance n° 58-1185 du 10 décembre 1958 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que des investisseurs ont confié un mandat de gestion à M. X..., titulaire de la carte d'auxiliaire de la profession boursière ; qu'à la demande de ce dernier, ils ont ouvert un compte titres et un compte espèces dans les livres de la société JFA Buisson ; que les fonds et titres ont été perdus à la suite de détournements commis par M. X... avec la complicité de M. Y..., préposé de la société JFA Buisson ; qu'un arrêt irrévocable d'une cour d'appel a condamné MM. X... et Y... à payer des dommages-intérêts à chacun des investisseurs et déclaré la société JFA Buisson civilement responsable de son préposé ; que la société JFA Buisson ayant été mise en redressement judiciaire, les investisseurs ont déclaré leurs créances au passif de cette société ; que soutenant que la société Paris Bourse, aujourd'hui dénommée Euronext Paris, était tenue de les garantir en application de la garantie corporative prévue par l'article 1er de l'ordonnance du 10 décembre 1958, les investisseurs l'ont fait assigner en paiement ;
Attendu que pour condamner la société Euronext Paris à payer certaines sommes aux investisseurs, l'arrêt relève que celle-ci doit garantir aux clients d'une société d'agent de change, en cas de défaillance de cette dernière, la restitution des espèces et valeurs mobilières déposées par eux ; qu'il retient que les investisseurs sont mal fondés à réclamer à la société Euronext Paris les sommes qui leur ont été allouées par la cour d'appel et qui ne correspondent pas aux montants figurant aux comptes de ces derniers dans la société JFA Buisson, mais résultent d'une reconstitution fictive de la perte de chance dont ces investisseurs ont été victimes suite aux détournements de leurs fonds ; qu'il retient encore que les créances des investisseurs ont été admises par le juge commissaire au passif de la société JFA Buisson et qu'il convient de retenir les montants ainsi fixés comme constituant les espèces et valeurs mobilières non restituées par la société JFA Buisson ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans vérifier si les créances admises par le juge commissaire ne correspondaient pas précisément à une reconstitution fictive de la valeur qui aurait pu être celle des comptes en l'absence de détournements de fonds, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Euronext Paris à payer certaines sommes aux investisseurs au titre de la garantie corporative, l'arrêt rendu le 20 septembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt, et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne les défendeurs aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer à la société Euronext Paris la somme globale de 3 000 euros et rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix décembre deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Euronext Paris.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement déféré en ce qu'il avait débouté les appelants de leurs demandes au titre de la garantie corporative, d'AVOIR condamné la société EURONEXT PARIS à payer aux investisseurs les sommes suivantes : Geneviève Z... épouse A... : 17. 136, 46 euros, Pierre-Nicolas A... et Anne-Charlotte A... en qualités d'héritiers de Pierre A... : 15. 923, 17 euros, Jacqueline B... : 127. 652, 49 euros, Jacqueline B..., Catherine C... née B..., Dominique B... : 43. 063, 53 euros, Brigitte D... : 271. 582, 10 euros, Roland E... : 8. 600, 51 euros, Maurice F... : 9. 614, 62 euros, Pierre G... : 48. 939, 74 euros, Denise H... : 78. 975, 67 euros, Eric I... : 2. 263, 93 euros, Eric I..., Blandine I..., Dominique I... : 126. 538, 23 euros, Laurence J... épouse K... : 158. 432, 93 euros, Marie L... veuve M... : 39. 527, 92 euros, d'AVOIR ajouté que les sommes allouées porteront intérêts au taux légal à compter du avril 2000 pour les consorts A... et à compter du 30 décembre 2005 pour les autres appelants, d'AVOIR ordonné la capitalisation des intérêts dus pour une année entière, à compter du 29 décembre 2010, dans les conditions de l'article 1154 du Code civil et d'AVOIR condamné la société EURONEXT PARIS à payer la somme de 2. 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile à chacun des appelants,
AUX MOTIFS QUE les appelants ont confié un mandat de gestion à Monsieur X..., titulaire de la carte d'auxiliaire de la profession boursière et qu'ils ont ouvert, à sa demande, un compte titres et un compte espèces dans les livres de la société JFA BUISSON, société constituée pour l'exploitation d'un office d'agent de change par Messieurs Jacques N..., Francis N... et Alain N... ; que ces fonds et titres ont été perdus du fait de la commission d'infractions pénales par Messieurs X... et Y... ; que le 7 janvier 1989, le tribunal de commerce a prononcé le redressement judiciaire de la société JFA BUISSON ; que les appelants ont déclaré leurs créances et ont reçu un paiement partiel par Maître VAILLOT commissaire à l'exécution du plan ; que dans le cadre d'une action pénale, la Cour d'appel de Metz a rendu un arrêt le 24 octobre 1996 qui a :- condamné Monsieur X... en qualité d'auteur principal des délits d'abus de confiance, faux et usage de faux,- condamné Monsieur Y... préposé de la société JFA BUISSON en qualité de complice du délit d'abus de confiance,- alloué des dommages et intérêts à chacun des demandeurs pour des montants qui devaient être réglés par messieurs X... et Y..., la société JFA BUISSON étant civilement responsable de ce dernier en qualité de commettant,- déclaré irrecevables les demandes formées à l'encontre de la société des Bourses Françaises ; que par acte d'huissier du 13 avril 2000, les époux A... ont assigné la société PARIS BOURSE, aux droits de laquelle est venue la société EURONEXT PARIS, aux fins d'obtenir l'indemnisation de leur préjudice devant le Tribunal de Grande Instance de Metz ; que par ordonnance du 26 septembre 2001, le juge de la mise en état du Tribunal de Grande Instance de Metz s'est déclaré incompétent, a renvoyé la cause devant le Tribunal de Grande Instance de Paris pour les demandes relatives à la mise en jeu de la garantie corporative et les fautes éventuelles dans la délivrance de la carte d'auxiliaire de la profession boursière et devant le tribunal administratif pour la demande portant sur les fautes commise par la Chambre syndicale des agents de change lors du contrôle et de la surveillance de la société JFA BUISSON ; que par conclusions d'intervention volontaire du 30 décembre 2005, les autres demandeurs se sont joints à la procédure des époux A... devant le Tribunal de Grande Instance de Paris ; que c'est dans ces circonstances qu'est intervenu le jugement déféré ; que les appelants soutiennent que la société JFA BUISSON ayant été déclarée responsable du comportement de son préposé, c'est bien du fait de sa défaillance à indemniser ses clients qu'il est demandé la garantie de la société EURONEXT PARIS, que les conditions de mise en oeuvre de la garantie sont réunies, qu'ils en veulent pour preuve les transactions homologuées par le tribunal de commerce de Paris dans des situations similaires ; qu'ils estiment que la garantie doit couvrir la défaillance de la société JFA BUISSON à hauteur des créances admises par la Cour d'appel de Metz le 24 octobre 1996, confirmé par la Cour de Cassation, que subsidiairement il conviendrait de retenir le montant des créances, déduction faite des dividendes reçus du Commissaire au Plan, et plus subsidiairement de retenir le montant des créances admises par le juge commissaire, déduction faite des dividendes reçus ; qu'en réponse la société EURONEXT PARIS rappelle que la garantie corporative s'applique à la bonne fin des négociations de valeurs mobilières et aux dépôts de valeurs mobilières et d'espèces (exception faite des devises étrangères et des matières métalliques), que cette garantie n'est pas une assurance de responsabilité civile professionnelle ayant pour objet d'assurer toute faute emportant préjudice, mais est limitée et ne couvre pas l'ensemble des dettes d'une société d'agent de change ; qu'elle ajoute qu'en l'espèce les demandes ne portent pas sur la restitution des sommes figurant sur les comptes mais sur la valeur théorique et potentielle de leurs comptes en fonction d'une gestion reconstituée à posteriori ; qu'il résulte de l'article 1er de l'ordonnance du 10 décembre 1958 portant extension de la garantie des chambres syndicales d'agents de change que « la garantie de la chambre syndicale, définie à l'article 55 du décret du 7 octobre 1890 modifié, est étendue dans toutes les bourses aux obligations qui résultent, pour les membres de la Compagnie nationale des Agents de change, des dépôts, dans leurs offices, de valeurs mobilières ou de sommes d'argent à l'exception des devises étrangères et des matières métalliques » ; que la société EURONEXT PARIS ne conteste pas qu'en vertu de ce texte, elle doit garantir aux clients d'une société d'agent de change, en cas de défaillance de cette dernière, la restitution des espèces et valeurs mobilières déposées par les clients et que sa garantie s'applique aux montants figurant aux comptes de ces clients ; que dans ces conditions que les appelants sont en droit de solliciter l'application de la garantie corporative, en raison de la défaillance de la société JFA BUISSON à remplir ses obligations de restitution à leur égard ; que les sommes allouées par la Cour d'appel de Metz aux appelants ne correspondent pas aux montants figurant aux comptes de ces derniers dans la société JFA BUISSON mais résultent, selon les calculs d'un expert désigné par le juge d'instruction dans le cadre de l'affaire pénale, d'une reconstitution fictive de la perte de chance dont ont été victimes les appelants suite aux détournements de leurs fonds ; que les appelants sont donc mal fondés à réclamer les montants qui leur ont été ainsi alloués par la Cour d'appel de Metz ; que les demandes en paiement des mêmes sommes après déduction des dividendes perçus doivent être rejetées pour le même motif ; que la société EURONEXT PARIS ne peut prétendre limiter sa garantie aux seuls dépôts initiaux mais qu'elle doit être tenue de garantir les espèces et valeurs mobilières à la date de la défaillance de la société JFA BUISSON ; que les créances des appelants ont été admises par le juge commissaire au passif de la société JFA BUISSON et qu'il convient de retenir les montants ainsi fixés comme constituant les espèces et valeurs mobilières non restituées par la société JFA BUISSON ; que Maître O..., ès qualités de commissaire au plan de la société JFA BUISSON, a versé des dividendes qui doivent venir en déduction des sommes dues aux appelants ; qu'en conséquence les appelants sont fondés à demander la condamnation de la société EURONEXT PARIS à leur verser, après déduction des dividendes versés, les sommes suivantes : Geneviève Z... épouse A... : 17. 136, 46 euros, Pierre-Nicolas A... et Anne-Charlotte A... en qualités d'héritiers de Pierre A... : 15. 923, 17 euros, Jacqueline B... : 127. 652, 49 euros, Jacqueline B..., Catherine C... née B..., Dominique B... : 43. 063, 53 euros, Brigitte D... : 271. 582, 10 euros, Roland E... : 8. 600, 51 euros, Maurice F... : 9. 614, 62 euros, Pierre G... : 48. 939, 74 euros, Denise H... : 78. 975, 67 euros, Eric I... : 2. 263, 93 euros, Eric I..., Blandine I..., Dominique I... : 126. 538, 23 euros, Laurence J... épouse K... : 158. 432, 93 euros, Marie L... veuve M... : 39. 527, 92 euros ; que les sommes allouées porteront intérêts au taux légal à compter des demandes formulées par les appelants, soit à compter de l'assignation du 13 avril 2000 pour les consorts A... et à compter de l'intervention volontaire du 30 décembre 2005 pour les autres appelants ; que la capitalisation des intérêts est de droit à compter de la demande judiciaire qui en est formée et dès lors qu'il s'agit d'intérêts dus au moins pour une année entière ; qu'il convient d'ordonner la capitalisation des intérêts à compter des conclusions du 29 décembre 2010, date de la demande, dans les conditions de l'article 1154 du Code civil ; que les appelants ne démontrent pas que le droit pour la société EURONEXT PARIS de se défendre en justice a en l'espèce dégénéré en abus ; que leur demande de dommages et intérêts pour résistance abusive doit être rejetée ; que la société EURONEXT PARIS, qui succombe, supportera ses frais irrépétibles et les dépens de première instance et d'appel ; qu'il serait inéquitable de laisser à la charge des appelants les frais non compris dans les dépens, exposés en première instance et en appel et qu'il convient de condamner la société EURONEXT PARIS à payer la somme de 2. 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile à chacun des appelants,
ALORS QUE la Cour d'appel a considéré que la « garantie corporative » de l'article 1er de l'ordonnance n° 58-1185 du 10 décembre 1958 portait sur les montants figurant aux comptes des investisseurs à la date de défaillance de l'agent de change et ne pouvait pas porter sur la reconstitution fictive de la valeur qui aurait pu être celle des comptes en l'absence de détournements de fonds ; qu'en octroyant aux investisseurs, sur le fondement de la « garantie corporative », le montant de leurs créances admises par le juge commissaire du redressement judiciaire de la Société d'agent de change (déduction faites des sommes déjà versées par le commissaire à l'exécution du plan), sans vérifier si ces créances admises ne correspondaient pas précisément à une reconstitution fictive de la valeur qui aurait pu être celle des comptes en l'absence de détournements de fonds, ce qui était expressément soutenu par la société EURONEXT et n'était d'ailleurs pas contesté par les investisseurs, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1er de l'ordonnance n° 58-1185 du 10 décembre 1958.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 12-28369
Date de la décision : 10/12/2013
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 20 septembre 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 10 déc. 2013, pourvoi n°12-28369


Composition du Tribunal
Président : M. Espel (président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.28369
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