LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 juin 2012), que le 20 octobre 2008, la société Banque populaire rives de Paris (la banque) a émis, sur ordre de la société Sensy international (la société Sensy), une lettre de crédit irrévocable au profit de la société de droit coréen PCBank21, à échéance du 2 mars 2009 reportée au 25 septembre suivant ; que la société Sensy a été placée sous sauvegarde judiciaire le 29 juin 2009, puis mise en liquidation judiciaire le 4 avril 2011 ; que la créance déclarée par la banque au titre de crédits documentaires échus et à échoir a été admise par ordonnance du juge-commissaire du 12 mai 2011, à concurrence de la somme de 223 544, 74 euros mais rejetée pour le surplus ;
Attendu que la société Sensy et son liquidateur font grief à l'arrêt d'avoir admis la créance de la banque au passif de la liquidation judiciaire pour la somme de 77 937, 87 euros à titre chirographaire en plus de la somme de 223 694, 74 euros, alors, selon le moyen :
1°/ que les juges du fond doivent vérifier qu'avant de procéder au règlement de la lettre de crédit, la banque est en possession de documents conformes à ceux requis aux termes de la lettre de crédit ; que la cour d'appel ne pouvait se borner à affirmer que l'avis de réalisation n° 5 transmis par la banque à la société Sensy visait les documents joints parmi lesquels figurait le « certificat de conformité » et que la banque produisait en appel une copie du certificat Rohs qui portait la date du 23 octobre 2008 et qui visait bien le modèle de récepteur satellite digital PAN 24 NAT-F, sans vérifier ni constater, comme elle y était invitée, que la banque était bien en possession de l'original du certificat Rohs au moment de la libération des fonds ; qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du code civil, 12 et 14 des règles et usances uniformes de la chambre de commerce internationale relatives aux crédits documentaires (RUU 600) ;
2°/ que, dans leurs conclusions délaissées, ils faisaient valoir que la lettre de crédit imposait que les documents présentés mentionnent la date et le numéro de la lettre de crédit, c'est à dire le numéro 2481878 et la date du 20 octobre 2008 et soulignaient que sur la copie du certificat Rohs produite par la banque, la date de la lettre de crédit était le 23 octobre 2008 et le numéro ressemblait à 2483578 ce qui ne correspondait pas à la lettre de crédit litigieuse ; qu'en ne répondant pas à ce moyen péremptoire de nature à démontrer que les documents produits par la banque pour justifier son règlement de la lettre de crédit n'étaient pas conformes aux documents requis aux termes de la lettre de crédit, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'après avoir constaté que la lettre de crédit litigieuse subordonnait son exécution à la présentation, notamment, d'un certificat Rohs, en original et en trois copies, daté postérieurement à l'émission de cette lettre de crédit, l'arrêt relève, d'abord, que l'avis de réalisation n° 5 a été transmis à la société Sensy par lettre du 7 novembre 2008, laquelle vise, entre autres, la facture commerciale et le « certificat de conformité » sans invoquer aucune irrégularité, ensuite, que cette facture est relative à un PCS Panel moniteur référence récepteur satellite digital PAN 24 NAT-F et que le certificat Rohs portant la date du 23 octobre 2009 produit en copie par la banque vise ce même récepteur satellite, enfin, que la société Sensy n'a jamais contesté, ni avoir reçu de sa banque les documents que celle-ci avait joints à l'avis de réalisation n° 5, ni la régularité de ces documents ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, faisant ressortir que les documents présentés lors de la demande de réalisation du crédit documentaire répondaient aux exigences de la lettre de crédit, de sorte que la banque était fondée à se prévaloir d'une créance au titre du crédit acquitté pour le compte de la société Sensy, la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions prétendument délaissées et n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Sensy international et la SELARL Garnier-Guillouet, ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois décembre deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour la société Sensy international et la société Garnier-Guillouet, ès qualités.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif sur ce point, D'AVOIR admis la créance de la BPRP au passif de la liquidation judiciaire de la société SENSY INTERNATIONAL pour la somme de 77. 937, 87 ¿ à titre chirographaire, en plus de l'admission de la créance de la BPRP à hauteur de 223. 694, 74 ¿ par l'ordonnance entreprise, confirmée sur ce point ;
AUX MOTIFS QUE « Le litige porte sur l'utilisation n° 5 (146 700 USD) du crédit documentaire n° 2481878 stipulé irrévocable, ouvert par la BPRP suivant lettre de crédit du 26 octobre 2008, sur ordre de la société Sensy International au bénéfice de la société PC Bank21, à échéance du 2 mars 2009 et reportée jusqu'au 25 septembre 2009. Il est constant que la BPRP a payé, le 7 octobre 2009, un acompte de 31 048 USD, selon les instructions de la société Sensy International et que, sur la réclamation de la banque présentatrice, Woori Bank qui, par messages des 13 et 19 octobre 2009, protestait contre la déduction opérée et rappelait que le crédit était venu à échéance, elle a payé le solde de 115 652 USD (77 937, 87 ¿). Selon les règles du crédit documentaire, la banque émettrice est tenue de verser le montant du crédit documentaire dès lors qu'elle a constaté que les documents présentés sont conformes. En l'espèce, il ressort des termes de la lettre de crédit que la réalisation du crédit a été subordonnée à la présentation des documents suivants, devant tous mentionner la date et le numéro de la lettre de crédit :- facture commerciale en six exemplaires,- liste de colisage (packing list), 1 original et 3 copies,- ensemble des lettres de chargement à bord (on board bill),- connaissement avec adresse de livraison,- certificat ROHS 1 original et 3 copies, daté postérieurement à l'émission de la lettre de crédit. L'avis de réalisation de l'utilisation N° 5 a été transmis à la société Sensy International par lettre du 7 novembre 2008 qui vise les documents joints parmi lesquels figurent la facture commerciale el le " certificat de conformité " et qui ne relève aucune irrégularité. Les marchandises sont ainsi décrites dans la facture commerciale : 978 PCS Panel moniteur reference récepteur satellite digital modèle PAN 24 NAT-F. Par ailleurs, la BPRP produit en appel le certificat Rohs qui porte la date du 23 octobre 2008 et qui vise bien le modèle de récepteur satellite digital PAN 24 NAT-F et non, comme il est prétendu par le mandataire liquidateur, les écrans LCD qui devaient être expédiés. Certes, ce certificat est produit en copie. Cependant, il apparaît que Mme X..., gérante de la société Sensy International, n'a jamais contesté avoir reçu de sa banque les documents que la BRPR avait joints à son avis de réalisation n° 5 ni leur régularité. La contestation telle qu'elle résulte des échanges de courriers produits au débat porte sur l'exécution du contrat commercial, comme le confirme la lettre de la gérante au liquidateur en date du 10 novembre 2009 indiquant " qu'ils la BPRD n'auraient jamais dû procéder au règlement du solde du crédit documentaire suite à la lettre reçue de notre. fournisseur ". La lettre visée est celle adressée par M. S. Y..., président de PC Bank2l à la BRPR, avec copie à la société Sensy international, au sujet de la " L/ C N° D248I878 " en date du 25 septembre 2009, dans laquelle M. S. Kim déclare qu'il prendra en charge le crédit à hauteur de 115 652 USD et " confirme " que la société Sensy International paiera le solde à l'exclusion de cette somme, Cependant, cette lettre ne suffit pas à établir une fraude affectant les documents du crédit documentaire de nature à faire échec au paiement. Si un litige a, en effet, opposé la société Sensy International à son fournisseur, il convient de souligner que le certificat en date du 3 décembre 2009 délivré par l'avocat coréen de la société Sensy international relatant le contenu de la plainte pour escroquerie déposée par elle contre PC Bank2l et de sa demande d'indemnisation correspondant aux protections de prix sur les matériels livrés avec retard et aux pertes et dommages subies à cause de manquements de PC Bank 21, ne renseigne aucunement sur une éventuelle corrélation entre les faits allégués et l'utilisation n° 5 du crédit documentaire étant rappelé que les parties étaient habituellement en relations d'affaires. Par suite, faute de preuve de la fraude alléguée, la banque est fondée à se prévaloir d'une créance au titre du crédit acquitté pour le compte de la société Sensy International dans sa totalité. L'ordonnance déférée sera donc infirmée en ses dispositions de rejet et la créance admise pour le tout » ;
1°/ ALORS, D'UNE PART, QUE les juges du fond doivent vérifier qu'avant de procéder au règlement de la lettre de crédit, la banque était en possession de documents conformes à ceux requis aux termes de la lettre de crédit ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait se borner à affirmer que l'avis de réalisation n° 5 transmis par la BPRP à la société SENSY INTERNATIONAL visait les documents joints parmi lesquels figurait le « certificat de conformité » et que la BPRP produisait en appel une copie du certificat ROHS qui portait la date du 23 octobre 2008 et qui visait bien le modèle de récepteur satellite digital PAN 24 NAT-F, sans vérifier ni constater, comme elle y était invitée (conclusions p. 4), que la BPRP était bien en possession de l'original du certificat ROHS au moment de la libération des fonds ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du Code civil, 12 et 14 des règles et usances uniformes de la chambre de commerce internationale relatives aux crédits documentaires (RUU 600) ;
2°/ ALORS, D'AUTRE PART, QUE dans leurs conclusions délaissées (p. 3 et 4), les exposantes faisaient valoir que la lettre de crédit imposait que les documents présentés mentionnent la date et le numéro de la lettre de crédit, c'est à dire le numéro 2481878 et la date du 20 octobre 2008 et soulignaient que sur la copie du certificat ROHS produite par la BPRP, la date de la lettre de crédit était le 23 octobre 2008 et le numéro ressemblait à 2483578 ce qui ne correspondait pas à la lettre de crédit litigieuse ; qu'en ne répondant pas à ce moyen péremptoire de nature à démontrer que les documents produits par la BPRP pour justifier son règlement de la lettre de crédit n'étaient pas conformes aux documents requis aux termes de la lettre de crédit, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.