LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles 1382 du code civil et R. 112-2 du code de la sécurité sociale ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., né le 14 juin 1941, titulaire depuis le 1er juillet 2001 d'une pension de retraite servie par la caisse régionale d'assurance maladie du Sud-Est devenue la Caisse d'assurance retraite et de la santé au travail du Sud-Est (la caisse), ayant cotisé plus de soixante trimestres au régime de prévoyance d'Alsace-Moselle, a demandé par courrier du 6 avril 2009 le bénéfice de ce régime local d'assurance maladie sur le fondement de l'article 36 de la loi de modernisation sociale n° 2002-73 du 17 janvier 2002 ; que la caisse a rejeté sa demande, le délai ouvert par l'article 6 du décret n° 2002-1299 du 25 octobre 2002 pour la formuler étant expiré ; que l'intéressé a saisi une juridiction de sécurité sociale d'un recours en sollicitant des dommages-intérêts ;
Attendu que, pour accueillir ce recours, l'arrêt énonce que l'article R. 112-2 du code de la sécurité sociale rend les organismes de sécurité sociale débiteurs d'une obligation générale d'information envers leurs assurés et que la caisse ne justifie avoir dispensé aucune information, sur la nouvelle législation intervenue, nonobstant sa spécificité ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'obligation générale d'information dont les organismes de sécurité sociale sont débiteurs envers leurs assurés ne leur impose, en l'absence de demande de ceux-ci, ni de prendre l'initiative de les renseigner sur leurs droits éventuels, ni de porter à leur connaissance des textes publiés au Journal officiel de la République française, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 juin 2012, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Déboute M. X... de sa demande de dommages-intérêts ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit novembre deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boutet, avocat aux Conseils, pour la Caisse d'assurance retraite et de la santé au travail du Sud-Est
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir annulé la décision de la Commission de Recours Amiable, constaté le défaut d'information concernant la situation de Monsieur X..., dit la demande recevable, dit que Monsieur X... aurait dû bénéficier du régime Alsace Moselle à compter du 1er février 2002 et d'avoir fait droit à sa demande en indemnité à hauteur de la somme de 25.542 euros ;
AUX MOTIFS QUE la CARSAT opposait à la demande de Monsieur X... les dispositions de l'article 6 du décret n°2002-1299 du 25 octobre 2002 portant application de la loi n°2002-73 du 17 janvier 2003 aux termes desquelles les personnes remplissant les conditions pouvaient en faire la demande dans un délai d'un an à compter de la parution du décret, soit avant le 28 octobre 2003 et que Monsieur X... s'était rapproché des services compétents début 2009 ; qu'il était donc forclos ; que le requérant soutenait alors que l'organisme était soumis à une obligation d'information notamment prévue par l'article 161-7 du Code de la sécurité sociale ; que ce n'était qu'en raison de l'absence de cette information qu'il n'avait pu faire sa demande dans les délais ; qu'il ne pouvait être forclos ; que le premier juge avait retenu la forclusion en relevant que le devoir d'information était prévu par l'article 161-7 précité, issu de la loi du 21 août 2003, donc postérieur à la liquidation de la pension du requérant et donc inapplicable ; que c'était à bon droit que Monsieur X... faisait apparaître que l'article 161-7 avait été créé par décret du 21 décembre 1985 et que, dans sa version en vigueur du 21 décembre 1985 au 22 août 2003, le devoir d'information était déjà prévu ; qu'en tout état de cause, conformément aux dispositions de l'article R 112-2 du Code de la sécurité sociale, une obligation d'information générale pesait sur les organismes de sécurité sociale dont le champ était large puisque cette obligation concernait aussi bien les prestations auxquelles pouvaient prétendre les assurés que les interrogations relatives aux procédures de contrôle, de redressement ou de recouvrement engagées par les caisses, ou les possibilités de recours et de procédures contentieuses engagées à l'encontre des caisses ; qu'en outre, cette obligation d'information n'avait cessé d'être renforcée par l'ensemble des jurisprudences récentes précisant même que cette obligation n'était pas subordonnée à une demande personnelle des intéressés ; qu'en l'espèce de surcroît, la circulaire du 3 janvier 2003 produite au dossier, de mise en oeuvre de la loi n°2002-73, avait mis en évidence cette obligation en édictant : "compte tenu de la spécificité de cette législation applicable à des salariés retraités, ce sont les organismes qui versent habituellement la pension de vieillesse qui vérifient les conditions d'accès au régime local Alsace Moselle¿" ; qu'ainsi les principes généraux que faisait valoir la caisse et repris en substance par le premier juge selon lequel nul n'est censé ignorer la loi et selon lequel le fait d'imposer à un organisme social d'alerter les assurés sociaux dès qu'un texte est susceptible de les intéresser constituerait une contrainte excédant largement l'obligation d'information devaient être considérés comme inopérants dans le cas précis de la présente espèce ; que le défaut d'information concernant la situation de Monsieur X... ne pouvait qu'être constaté ; qu'en conséquence il n'était pas forclos dans l'examen de sa situation et sa demande était recevable ; que sur le fond de sa demande, la caisse faisait seulement valoir que le relevé de carrière du requérant ne remplissait pas toutes les conditions pour bénéficier du régime local Alsace Moselle, en application de l'article L 325-1 précité tel qu'il résultait de la loi du 14 avril 1998 ; que cette présentation avait été reprise par le premier juge ; que certes au 1er juillet 2001, date à laquelle le requérant était devenu titulaire d'un avantage vieillesse du régime général, il ne remplissait pas toutes les conditions requises à l'article L 325-1 de la loi n°98-278 du 14 avril 1998 pour bénéficier du régime Alsace Moselle ; que toutefois, au 1er février 2002, les conditions du bénéfice de ce régime avaient été modifiées et assouplies par "l'article 36-IV-le 10° du II de l'article 325-1 de la loi n°2002-73 du 17 janvier 2002" (sic) ; que Monsieur X... était recevable à faire valoir ces nouvelles dispositions ; que le requérant faisait valoir que les dispositions de "l'article 36-IV-le 10° du II de l'article 325-1 de la loi n°2002-73 du 17 janvier 2002" (sic) prévoyaient le bénéfice du régime local dès lors que les titulaires d'un avantage de vieillesse avaient relevé du régime local d'assurance maladie pendant au moins soixante trimestres ; qu'il exposait à l'appui des pièces n°14 et 22 produites qu'il avait effectivement cotisé au régime Alsace Moselle plus de soixante trimestres au 1er octobre 1971 au 11 mars 1987 ; que par lettre du 7 octobre 2009, la CARSAT avait validé ce décompte en reconnaissant "¿ vous justifiez de 60 trimestres validés par des salaires reportés par la Caisse Régionale d'Assurance Vieillesse de Strasbourg¿" ; qu'en conséquence, Monsieur X... démontrait qu'il bénéficiait du régime Alsace Moselle à compter du 1er février 2002 ; que le jugement déféré serait réformé en ce sens ; que pour les mêmes motifs, la décision de la Commission de Recours Amiable du 20 juillet 2009 serait annulée ; que sur les conséquences financières, Monsieur X... sollicitait la condamnation de la CARSAT du SUD-EST au paiement d'une indemnité d'un montant de 25.542 euros calculée sur un préjudice financier annuel de 1.771 euros actualisé par un barème de capitalisation depuis l'année 2002, année d'ouverture de ses droits ; que la responsabilité civile des organismes de sécurité sociale reposait sur la démonstration d'une faute ou d'une erreur commise, ayant causé un préjudice ; qu'il découlait de tout ce qui précédait que la Commission de Recours Amiable en date du 20 juillet 2009 étant annulée, Monsieur X... aurait dû bénéficier du régime Alsace Moselle à compter du 1er février 2002 ; que la CARSAT ne contestait pas, subsidiairement, le calcul de la somme de 25.542 euros ; qu'il y avait lieu d'y faire droit ; que le jugement déféré serait réformé en ce sens avec toutes conséquences de droit ;
ALORS DE PREMIERE PART QU' il ne résulte ni del'article L 161-17 du Code de la sécurité sociale dans sa rédaction antérieure à la loi n°2003-775 du 21 août 2003, ni de l'article R 112-2 du Code de la sécurité sociale, ni des principes qui s'évincent de ces textes qu'une caisse d'assurance vieillesse serait débitrice à l'égard des assurés d'une obligation générale d'information la contraignant à les alerter individuellement en cas de publication d'un texte législatif ou réglementaire susceptible de leur ouvrir de nouveaux droits ; qu'en jugeant que les dispositions des textes susvisés faisaient obligation à la CARSAT du SUD-EST d'informer Monsieur X... de ce qu'en application de l'article 36 de la loi n°2002-73 du 17 janvier 2002 et de l'article 6 du décret n°2002-1299 du 25 octobre 2002, il était susceptible de bénéficier du régime d'assurance maladie d'Alsace Moselle et qu'il devait en formuler la demande avant le 28 octobre 2003, la Cour d'appel a violé les articles L 161-17 alors en vigueur et R 112-2 du Code de la sécurité sociale, l'article 36 de la loi du 17 janvier 2002 et l'article 6 du décret du 25 octobre 2002 ;
ALORS DE DEUXIEME PART QUE la Cour d'appel qui a cru pouvoir déduire des termes de la circulaire du 3 janvier 2003 l'obligation qu'aurait eue la CARSAT du SUD-EST d'informer Monsieur X... qu'il était susceptible de pouvoir bénéficier des dispositions de l'article 36 de la loi n°2002-73 du 17 janvier 2002 et qu'il convenait qu'il en formule la demande avant le 28 octobre 2003, a fondé sa décision sur une circulaire dépourvue d'effet normatif et a violé les articles L 161-17 et R 112-2 du Code de la sécurité sociale ;
ALORS DE TROISIEME PART ET SUBSIDIAIREMENT QU'en jugeant qu'il résultait des termes de la circulaire du 3 janvier 2003 prévoyant qu'en raison des spécificités de cette législation applicable à des salariés retraités, c'était les organismes versant la pension de vieillesse qui vérifiaient les conditions d'accès au régime local Alsace Moselle, l'obligation pour la CARSAT du SUD-EST d'informer Monsieur X... qu'il était susceptible de pouvoir bénéficier des dispositions de l'article 36 de la loi n°2002-73 du 17 janvier 2002 et qu'il convenait qu'il en formule la demande avant le 28 octobre 2003 a méconnu l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ;
ALORS DE QUATRIEME PART ET SUBSIDIAIREMENT QUE la faute commise par un organisme de sécurité sociale ouvre droit à des dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de cette faute sans pouvoir admettre l'assuré au bénéfice de droits qui ne lui sont pas ouverts ou qui sont éteints ; qu'ayant constaté qu'en application de l'article 6 du décret n°2002-1299, les personnes remplissant les conditions de l'article L 325-1-10° du Code de la sécurité sociale dans sa rédaction de l'article 36 de la loi n°2002-73 du 17 janvier 2002 devaient en formuler la demande avant le 28 octobre 2003 et que Monsieur X... soutenait qu'il n'avait pu formuler sa demande dans les délais, faute pour la CARSAT du SUD-EST de l'en avoir informé, la Cour d'appel qui a jugé qu'en raison du manquement de l'organisme social à son devoir d'information, Monsieur X... n'était pas forclos en sa demande qui était recevable et qu'il aurait dû bénéficier du régime local à compter du 1er février 2002, a violé l'article L 325-1 du Code de la sécurité sociale dans sa rédaction de la loi n°2002-73 du 17 janvier 2002 et l'article 6 du décret n°2002-1299 du 25 octobre 2002 ;
ALORS DE CINQUIEME PART ET SUBSIDIAIREMENT QU'à supposer que l'arrêt attaqué puisse être lu comme ayant dit que Monsieur X... devait être affilié au régime local d'assurance maladie d'ALSACE MOSELLE à compter du 1er février 2002 la Cour d'appel aurait alors méconnu le principe de réparation intégrale en condamnant en outre la CARSAT du SUD-EST à verser à Monsieur X... une somme de 25.542 euros représentant le préjudice financier annuel résultant pour ce dernier du manquement de l'organisme social à son devoir d'information, actualisé par un barème de capitalisation depuis 2002, en violation de l'article 1382 du Code civil.