LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 27 juin 2012), queM. X..., né le 26 avril 1948, a été engagé le 1er novembre 1985 par la société Colas Ile-de-France Normandie en qualité d'ingénieur d'études en vertu d'un contrat de travail à durée indéterminée ; que, par lettre du 28 avril 2009, l'employeur lui a notifié sa mise à la retraite à compter du 31 juillet 2009, à l'âge de 61 ans, du fait que, depuis janvier 2007, il bénéficie du nombre de trimestres de cotisations lui permettant de liquider sa retraite à taux plein ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale en invoquant l'existence d'une discrimination fondée sur l'âge et en demandant que sa mise à la retraite soit requalifiée en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande alors, selon le moyen :
1° / que la mise à la retraite d'un salarié âgé de 61 ans doit être objectivement nécessaire à la réalisation des embauches invoquées par l'employeur de jeunes salariés appartenant à des catégories d'emploi distincts de celle du salarié concerné ; que la circonstance que M. X... ait été embauché à l'âge de 37 ans en qualité d'ingénieur d'études ne permet pas d'établir que la rupture de son contrat de travail vingt-quatre années plus tard était une mesure objectivement et raisonnablement nécessaire pour justifier l'embauche de jeunes salariés affectés à des postes de travail sans rapport avec celui qu'occupait ce salarié au moment de la rupture de son contrat ; que la cour d'appel de Versailles s'est ainsi prononcée par des motifs qui ne permettent pas de constater que la discrimination dont M. X... avait été victime était objectivement et raisonnablement justifiée par un objectif légitime et qu'elle était proportionnée à cet objectif ; que la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 1133-1 et L. 1133-2 du code du travail ;
2° / que le strict respect des procédures et délais prévus par l'accord national du 13 avril 2004 sur le départ et la mise à la retraite dans le BTP, dont la licéité n'était pas en cause, ne dispensait pas de s'assurer du respect des conditions posées par les articles L. 1133-1 et L. 1133-2 du code du travail à la validité de mesures individuelles de discrimination fondées sur l'âge, lesquelles doivent en toute hypothèse être justifiées par la poursuite d'un objectif légitime et proportionnées à cet objectif ; qu'en se bornant à relever que la mise à la retraite de M. X... avait été décidée conformément aux dispositions de l'accord de 2004, sans constater que cette mesure individuelle était nécessaire à la réalisation des embauches invoquées par l'employeur et strictement proportionnée à l'objectif annoncé relatif à des embauches nouvelles, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 1133-1 et L. 1133-2 du code du travail ;
Mais attendu que, selon l'article 6 § 1 de la Directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, nonobstant l'article 2, paragraphe 2, les Etats membres peuvent prévoir que des différences de traitement fondées sur l'âge ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l'emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires ;
Qu'ayant constaté que le salarié qui avait, lors de la rupture de son contrat de travail, la qualité d'ingénieur d'affaires, avait été engagé à l'âge de 37 ans en qualité d'ingénieur d'études et que la contrepartie en termes d'emploi réside dans des contrats de professionnalisation concernant l'embauche de salariés qui vont notamment occuper les emplois d'assistant chef de chantier, technicien BETP en vue de préparer le diplôme de maîtrise de chantier, de répartiteur adjoint, de technicien de bureau d'études, préparant la qualification d'économiste manager, la cour d'appel en a déduit, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, que, pour la catégorie d'emploi de ce salarié, la différence de traitement fondée sur l'âge était objectivement et raisonnablement justifiée par un objectif légitime et que les moyens pour réaliser cet objectif étaient appropriés et nécessaires ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six novembre deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour M. X....
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir jugé régulière la mise à la retraite de monsieur X... et débouté en conséquence le salarié de sa demande de requalification de la rupture et de sa demande d'indemnisation fondée sur la qualification de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QU'en application de l'article 6 paragraphe 1 de la Directive n°2000/78/CE du conseil du 27 novembre 2000, des différences de traitement fondées sur l'âge ne sont admises qu'à la condition d'être objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l'emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle et si les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires ; que cette directive a été transposée en droit français par la loi du 16 novembre 2001 ; que selon l'article L1133-1 du code du travail, l'article L1132-1 ne fait pas obstacle aux différences de traitement lorsqu'elles répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l'objectif soit légitime et l'exigence proportionnée ; que l'article L1133-2 dispose que « les différences de traitement fondées sur l'âge ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées par un but légitime notamment par le souci de préserver la santé ou la sécurité des travailleurs, de favoriser leur insertion professionnelle, d'assurer leur emploi, leur reclassement ou leur indemnisation en cas de perte d'emploi et lorsque les moyens de réaliser ce but sont nécessaires et approprié (¿) » ; qu'en l'espèce, le salarié soutient que l'accord du 13 avril 2004 ne comporte aucune disposition pour sa catégorie d'emploi, que l'accord ne précise pas quel est son objectif en termes de politique de l'emploi, du marché du travail ou de la formation professionnelle et ne démontre pas en quoi la mise à la retraite d'un cadre de 61 ans constituerait un moyen approprié et nécessaire ; que l'employeur réplique qu'en 2009, il a procédé à quinze mises à la retraite, conformément à l'article 1er de l'accord collectif national du 13 avril 2004 sur le départ et la mise à la retraite dans le BTP étendu par arrêté ministériel du 23 décembre 2004 ; qu'il a choisi à la fois la contrepartie emploi (conclusion de 16 contrats d'apprentissage, de 30 contrats de professionnalisation et de 83 CDI dans les conditions de délai prévues à l'accord) et la contrepartie formation professionnelle; que la mise à la retraite du salarié a été faite dans le parfait respect des conditions fixées par l'accord du 13 avril 2004 et est objectivement et raisonnablement justifié par un objectif légitime, à savoir favoriser l'emploi et la formation des plus jeunes et que les moyens pour réaliser cet objectif étaient appropriés et nécessaires, à savoir l'embauche et la dispense de formation ; qu'il convient de rechercher si, pour la catégorie d'emploi de Monsieur X..., ingénieur d'affaires, ingénieur assimilé cadre (IAC) au sein de la société Colas Ile de France Normandie, mis à la retraite à l'âge de 61 ans en application des dispositions de l'accord collectif national du 13 avril 2004, la différence de traitement fondée sur l'âge était objectivement et raisonnablement justifiée par un objectif légitime et que les moyens pour réaliser cet objectif étaient appropriés et nécessaires; qu'il n'est pas justifié, à la lecture des pièces produites, que la mise à la retraite de M. X... s'accompagne d'une contrepartie formation professionnelle au sens de l'article 1er de l'accord collectif national du 13 avril 2004 ; que toutefois la mise à la retraite de Mr X... s'est accompagnée d'une contrepartie sur l'emploi, mesure alternative à la contrepartie formation professionnelle, par la conclusion de trente contrats de professionnalisation dans els conditions prévues à l'article 1er du dit accord ; que ces contreparties s'entendent à raison d'un contrat conclu pour deux mises à la retraite ; que le salarié objecte qu'aucun de ces contrats ne correspond à sa qualification d'ingénieur d'affaires ; mais considérant que le salarié qui a, au moment de la rupture de son contrat de travail, la qualité d'ingénieur d'affaires, a été embauché à l'âge de 37 ans en qualité d'ingénieur d'études ; que les contrats de professionnalisation conclus concernent l'embauche de salariés qui vont notamment occuper les emplois suivants : assistants chefs de chantier, techniciens BETP en vue de préparer le diplôme de maîtrise de chantier, de répartiteur adjoint ¿ âgé de 20 ans, qualification préparée : BTS transport ¿ de technicien de bureau d'études ¿ âgé de presque 21 ans, qualification préparée : économiste manager : que dès lors, la mise à la retraite de Mr X..., âgé de moins de 65 ans et pouvant bénéficier d'une pension de vieillesse à taux plein au sens du code de la sécurité sociale, ne constitue pas, en application de l'article 1er de l'accord collectif national du 13 avril 2004 sur le départ et la mise à la retraite dans le BTP un licenciement mais une cause autonome de rupture dès lors qu'elle s'accompagne de contreparties sur l'emploi selon les modalités prévues par l'accord ; que le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande tendant à obtenir des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
1)- ALORS QUE la mise à la retraite d'un salarié âgé de 61 ans doit être objectivement nécessaire à la réalisation des embauches invoquées par l'employeur de jeunes salariés appartenant à des catégories d'emploi distincts de celle du salarié concerné ; que la circonstance que monsieur X... ait été embauché à l'âge de 37 ans en qualité d'ingénieur d'études ne permet pas d'établir que la rupture de son contrat de travail 24 années plus tard était une mesure objectivement et raisonnablement nécessaire pour justifier l'embauche de jeunes salariés affectés à des postes de travail sans rapport avec celui qu'occupait ce salarié au moment de la rupture de son contrat ; que la cour d'appel de Versailles s'est ainsi prononcée par des motifs qui ne permettent pas de constater que la discrimination dont monsieur X... avait été victime était objectivement et raisonnablement justifiée par un objectif légitime et qu'elle était proportionnée à cet objectif ; que la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L1133-1 et L1133-2 du code du travail ;
2)- ALORS QUE le strict respect des procédures et délais prévus par l'accord national du 13 avril 2004 sur le départ et la mise à la retraite dans le BTP, dont la licéité n'était pas en cause, ne dispensait pas de s'assurer du respect des conditions posées par les articles L1133-1 et L.1133-2 du code du travail à la validité de mesures individuelles de discrimination fondées sur l'âge, lesquelles doivent en toute hypothèse être justifiées par la poursuite d'un objectif légitime et proportionnées à cet objectif ; qu'en se bornant à relever que la mise à la retraite de monsieur X... avait été décidée conformément aux dispositions de l'accord de 2004, sans constater que cette mesure individuelle était nécessaire à la réalisation des embauches invoquées par l'employeur et strictement proportionnée à l'objectif annoncé relatif à des embauches nouvelles, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L1133-1 et L1133-2 du code du travail.