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19/11/2013 | FRANCE | N°12-24102

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 19 novembre 2013, 12-24102


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique soulevé d'office, après avertissement délivré aux parties :
Vu les articles 318 et 361 du décret du 28 décembre 2005, applicables à la cause, ensemble l'article 122 du code de procédure civile ;
Attendu que la convocation du dirigeant de la personne morale, poursuivi en paiement des dettes sociales, en vue de son audition personnelle par le tribunal est un préalable obligatoire ; que l'omission de cet acte, qui fait obstacle à toute condamnation, constitue une fin de non-recevoir ;


Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, qu'après la mise e...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique soulevé d'office, après avertissement délivré aux parties :
Vu les articles 318 et 361 du décret du 28 décembre 2005, applicables à la cause, ensemble l'article 122 du code de procédure civile ;
Attendu que la convocation du dirigeant de la personne morale, poursuivi en paiement des dettes sociales, en vue de son audition personnelle par le tribunal est un préalable obligatoire ; que l'omission de cet acte, qui fait obstacle à toute condamnation, constitue une fin de non-recevoir ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, qu'après la mise en redressement puis liquidation judiciaires de la société Eco vie, les 10 décembre 2004 et 11 mars 2005, la société Belat - Desprat désignée liquidateur (le liquidateur) a assigné, les 8 et 9 mars 2007, ses gérants, Mme X... et M. Y..., en paiement des dettes sociales sur le fondement de l'article L. 624-3 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises ; que ces assignations mentionnaient la faculté des défendeurs de se faire représenter à l'audience ; que l'acte d'huissier de justice du 15 avril 2010 délivré à la personne de Mme X... mentionnait également la faculté de celle-ci de se faire représenter à l'audience ;
Attendu que pour condamner Mme X... à payer la somme de 120 000 euros au titre des dettes sociales, l'arrêt retient que le fait que l'acte du 15 avril 2010 mentionne par erreur, après l'invitation expresse à comparaître en personne de celle-ci, la formule « Faute de comparaître ou de se faire représenter, il s'expose à ce qu'un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par le demandeur » ne constitue qu'un vice de forme ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que seule une convocation du dirigeant mentionnant sans équivoque l'obligation d'avoir à se présenter en personne en vue de son d'audition par le tribunal satisfait aux exigences de l'article 318 précité et qu'en l'absence de constat d'une telle convocation dans l'assignation ou dans tout autre acte postérieur et dès lors que l'examen des pièces de la procédure révélait que l'assignation des 8 et 9 mars 2007, comme l'acte du 15 avril 2010, mentionnaient tous les deux la faculté de Mme X... de comparaître en personne ou de se faire représenter à l'audience, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt (RG n°10/08474) rendu le 15 juin 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Déclare irrecevable la demande en paiement des dettes sociales dirigée contre Mme X... ;
Condamne la société Belat - Desprat, ès qualités, aux dépens, en ce compris les dépens exposés devant les juges du fond ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande présentée par Mme X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf novembre deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Spinosi, avocat aux Conseils, pour Mme X....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré l'action de la SCP BELAT et DESPRAT, ès qualités, recevable et d'avoir mis à la charge de Madame A... la somme de 120.000 euros au titre de l'insuffisance d'actif de la SARL ECO VIE ;
Aux motifs que « une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'encontre de la société ECO-VIE par jugement en date du 10 décembre 2004 ; que la liquidation judiciaire a été prononcée par jugement du 11 mars 2005 ;
Attendu que l'action en comblement de l'insuffisance d'actif diligentée par la SCP BELAT et DESPRAT à l'encontre de Monsieur Claude Y... et de Madame Claude X... épouse A... (actes introductifs d'instance en dates respectivement des 9 et 8 mars 2007) est, par application de l'article 191 de la loi 2005-845 du 26 juillet 2005, régie par les dispositions antérieures à cette loi, c'est-à-dire par les dispositions de la loi 85¬98 du 25 janvier 1985 modifiée par la loi 94-475 du 10 juin 1994 et par le décret n°85-1388 du 27 décembre 1985 modifié par le décret 94-910 du 21 octobre 1994, et notamment par l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985 devenu l'article L 624-3 ancien du code de commerce et l'article 164 du décret du 27 décembre 1985 ;
Attendu que l'article L 624-3 ancien du code de commerce dispose :"Lorsque le redressement judiciaire ou la liquidation judiciaire de la personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que les dettes de la personne morale seront supportées, en tout ou en partie, avec ou sans solidarité, par tous les dirigeants de droit ou de fait, rémunérés ou non, ou par certains d'entre eux.
L'action se prescrit pas trois ans à compter du jugement qui arrête le plan de redressement ou, à défaut, du jugement qui prononce la liquidation judiciaire.
Les sommes versées par les dirigeants en application de l'alinéa 1er entrent dans le patrimoine du débiteur et sont affectées en cas de continuation de l'entreprise selon les modalités prévues par le plan d'apurement du passif. En cas de cession ou de liquidation, ces sommes sont réparties entre tous les créanciers au marc le franc.";
Attendu que l'article 164 du décret prévoit que :"Pour l'application des articles 180 à 184 de la loi, le juge désigné par le tribunal peut se faire assister de toute personne de son choix dont les constatations sont consignées dans son rapport. Ce rapport est déposé au greffe et communiqué par le greffier au procureur de la République.
Le ou les dirigeants mis en cause sont avertis par le greffier qu'ils peuvent prendre connaissance du rapport et sont convoqués huit jours au moins avant leur audition en chambre du conseil, par acte d'huissier ou dans les formes prévues aux articles 8 et 9.Le tribunal statue, sur rapport du juge désigné, par jugement prononcé en audience publique" ;
Attendu enfin que l'article L 652-1 du code de commerce issu de la loi 2005-845 du 20 janvier 2005 applicable aux procédures en cours (ayant remplacé L 624-5 ancien, soit l'article 182 de la loi du 25 janvier 1985) qui prévoit :
"Au cours d'une procédure de liquidation judiciaire, le tribunal peut décider de mettre à la charge de l'un des dirigeants de droit, ou de fait d'une personne morale la totalité ou une partie des dettes de cette dernières lorsqu'il est établi, à l'encontre de ce dirigeant, que l'une des fautes ci-après a contribué à la cessation des paiements :1 Avoir disposé des biens de la personne morale comme des siens propres ;2 Sous le couvert de la personne morale masquant ses agissements, avoir fait des actes de commerce dans son intérêt personnel ;3 Avoir fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l'intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement ;4 °Avoir poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale ;5 'Avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l'actif ou frauduleusement augmenté le passif de la personne morale;"
précise dans son dernier alinéa :"Dans les cas visés au présent article, il ne peut être fait application des dispositions de l'article L 651-2", l'article L 651-2 correspondant à l'article L 624-3 ancien,
Attendu que la convocation du dirigeant de la personne morale pour être entendu personnellement par le tribunal est un préalable obligatoire aux débats ; que l'audition du dirigeant doit être personnelle ; qu'il ne peut se faire représenter par un avocat ; que l'omission de la convocation pour être entendu à titre personnel qui fait obstacle à toute condamnation constitue une fin de non-recevoir à la demande de condamnation du dirigeant; que peu importe que les droits de la défense aient pu être respectés par le fait que le dirigeant ait personnellement comparu dès lors qu'il n'a pas été convoqué à comparaître personnellement ;
Attendu que la convocation du dirigeant aux fins d'être personnellement entendu ne doit pas nécessairement être faite dans l'acte introductif d'instance ; que cette convocation peut intervenir par acte séparé mais nécessairement avant toute décision au fond ;
Attendu que peu importe enfin que l'acte séparé soit postérieur au délai de prescription de l'action en comblement de passif dès lors que l'assignation du dirigeant a été faite avant l'expiration du délai de prescription ;
Attendu en l'espèce que par actes d'huissier en date des 8 et 9 mars 2007, la SCP BELAT et DESPRAT es-qualités de liquidatrice judiciaire de la société ECO-VIE a fait assigner Madame Claude X... épouse A... et Monsieur Claude Y..., en tant que co-gérants de cette société, à comparaître devant le Tribunal de Commerce de BOURG-EN-BRESSE aux fins d'être condamnés solidairement, sur le fondement de l'article L 624-3 du code de commerce, à lui payer l'insuffisance d'actif, soit la somme de 800.000 ¿; qu'elle leur reprochait notamment :- le non-paiement des cotisations URSSAF à partir d'avril 2004, cet organisme ayant dû régulariser deux inscriptions de privilège le 2 novembre 2004 pour 18.972,00 ¿ et le 30 novembre 2004 pour 14.260 ¿,- un ensemble de pratiques ayant abouti à un redressement fiscal non contesté conduisant à un passif fiscal qui représente près de 60% du passif total ;Qu'elle a expliqué dans des conclusions ultérieures qu'il résultait de la proposition de rectification :- qu'il n'y avait aucun contrôle des stocks ni à l'ouverture ni à la clôture des exercices,- qu'une confusion était volontairement entretenue entre la société ECO-VIE et l société OCEANE DIFFUSION,- que certains règlements provenant des clients de la société ECO-VIE avaient été encaissés par la société OCEANE DIFFUSION, et vice versa,- que les factures d'achat n'étaient pas numérotées,- que des ventes n'étaient pas déclarées,- que Monsieur Claude Y... et Madame Claude A... bénéficiaient de distributions occultes grâce à des achats à prix majorés,- que des sommes prétendument versées à STRESS ASSESS LIMITED l'étaient en réalité a Monsieur Claude Y... et à Madame Claude A..., qu'ainsi la comptabilité n'était ni probante ni régulière ;
Attendu que le 15 avril 2010, un acte de citation a été délivré à la personne même de Madame Claude X... épouse A..., par la SCP Philippe MATRAZ, Violaine VOILELEQUIN-ARNAL, huissiers de justice à Mâcon, libellé comme suit :
"J'ai cité Mme Claude Agnès A... née X...
À comparaître en personne le vendredi 28 mai 2010 à 11 h 10 devant le Tribunal de commerce de Bourg en Bresse (lui déclarant que faute par lui de comparaître ou de se faire représenter, il s'expose à ce qu'un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par le demandeur; lui indiquant, en outre, qu'il peut se faire assister à ladite audience soit par un avocat soit par un huissier de justice ou par toute personne de son choix justifiant d'un pouvoir spécial.)Pour :Voir appliquer à la personne susnommée les dispositions de l'article L 624-3 du code de commerce et susceptible d'entraîner à son encontre une condamnation à supporter les dettes de la personne morale dont elle e été dirigeante, en tout ou en partie ;
Attendu qu'il y a lieu d'entendre la personne ci-dessus désignée, conformément à l'article R 651-2 du Code de commerce avant qu'il ne soit statué ;Attendu, en conséquence, que la personne sus-nommée devra comparaître les jour, mois et an susdits.La présente demande est fondée sur la pièce suivante :Assignation délivrée à la requête de la SCP BELAT et DESPRAT, agissant en qualité de Liquidateur judiciaire de la société ECO-VIE 01190 BOZ dont copie est jointe au présent acte";
Attendu que cet acte mentionnait expressément que Madame Claude X... épouse A... devait comparaître en personne ;
qu'il précisait qu'il y avait lieu d'entendre la personne désignée conformément à l'article R 651-2 du code de commerce ; qu'il visait enfin l'assignation introductive d'instance en date des 8 et 9 mars 2007 signifiant que l'audition s'inscrivait dans le cadre de la procédure en comblement de l'insuffisance d'actif introduite par cette assignation ;
Attendu que la prescription de l'action a été valablement interrompue par l'assignation introductive d'instance délivrée à Madame Claude Y... le 8 mars 2007, dans le délai de trois ans à compter du jugement de liquidation judiciaire en date du 11 mars 2005 ;
Attendu que la convocation de Madame Claude X... épouse A... par acte d'huissier distinct ultérieur en date du 15 avril 2010 mentionnait bien que l'intéressée devait comparaître en personne ; que cet acte a bien été délivré avant toute décision au fond; que le fait qu'il mentionne par erreur, après l'invitation précise et expresse à comparaître en personne, la formule générale "Faute de comparaître ou de se faire représenter, il s'expose à ce qu'un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par le demandeur" ne constitue qu'un vice de forme d'autant qu'il était encore rappelé expressément dans cet acte :
qu'il y avait lieu d'entendre la personne avant qu'il soit statué,- que la personne devait comparaître les jour, mois et an susdits ;que force est de constater que Madame Claude X... épouse A... ne démontre pas et n'allègue même pas avoir soulevé ce moyen avant toute défense au fond ni davantage l'existence d'un grief, ne contestant d'ailleurs pas avoir comparu en personne et avoir été entendue ; qu'elle ne saurait de plus sérieusement soutenir, en l'état de l'ensemble des mentions dudit acte, qu'elle n'a pas compris la nécessité de comparaître en personne en vue de son audition personnelle étant observé que si telle n'avait pas été la finalité dudit acte, l'on ne voit pas quelle aurait été son utilité par rapport à l'assignation introductive d'instance ;
Attendu en conséquence que la fin de non recevoir tirée du défaut de convocation à comparaître en personne pour être entendue ne peut prospérer et doit être rejetée » ;
Alors que la convocation du dirigeant de la personne morale, poursuivi en paiement des dettes sociales, pour être entendu personnellement par le tribunal, est un préalable obligatoire aux débats ; que l'omission de cet acte, qui fait obstacle à toute condamnation, constitue une fin de non-recevoir ; que la convocation qui indique au dirigeant que faute par lui de comparaître ou de se faire représenter, il s'expose à ce qu'un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par le demandeur emporte omission de la formalité, en ce qu'elle lui offre la faculté de faire représenter ; qu'en déclarant recevable l'action en comblement d'insuffisance d'actif dirigée contre Madame A..., aux motifs que l'irrégularité de la convocation ne constituait qu'un vice de forme supposant la démonstration d'un grief, la Cour d'appel a violé l'article 164 alinéa 2 du décret du 27 décembre 1985, ensemble les articles 14 et 122 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 12-24102
Date de la décision : 19/11/2013
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 15 juin 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 19 nov. 2013, pourvoi n°12-24102


Composition du Tribunal
Président : M. Espel (président)
Avocat(s) : Me Spinosi, SCP de Chaisemartin et Courjon

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.24102
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