LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a relevé appel d'une ordonnance du juge des référés d'un tribunal de grande instance qui l'a débouté de ses demandes formées contre la société d'assurance Luxembourgeoise Private Estate Life et fondées sur la mauvaise exécution prétendue d'un contrat d'assurance-vie et l'a condamné à payer des dommages-intérêts pour procédure abusive à la société défenderesse ;
Vu l'article 9, 1., b) du Règlement (CE) du Conseil n° 44/2001 du 22 décembre 2000 ;
Attendu que, pour dire les juridictions françaises incompétentes, l'arrêt retient, au visa des articles 2.1. et 5, 1., b) du Règlement (CE) du Conseil n° 44/2001 du 22 décembre 2000, que tant le domicile du défendeur que le lieu de fourniture de services se situent au Luxembourg ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'en matière d'assurances, l'assureur domicilié sur le territoire d'un État membre peut être attrait par le preneur d'assurance devant le tribunal du lieu où le demandeur à son domicile, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 octobre 2011 entre les parties par la cour d'appel de Paris ; remet en conséquence la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne la société Private Estate Life aux dépens ;
Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991 condamne la société Private Estate Life à payer la somme de 2 800 euros à la SCP Gaschignard ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze novembre deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils, pour M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
:Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré les juridictions françaises incompétentes,
AUX MOTIFS QUE la compétence territoriale s'apprécie au jour de l'introduction d'instance ; qu'une clause attributive de compétence territoriale est inopposable à la partie qui saisit le juge des référés ; qu'en vertu de l'article 2.1 du Règlement CE n° 44/2011 du 22 décembre 2001, « sous réserve des dispositions du présent règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d'un Etat membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet Etat membre » ;
que selon l'article 5 du même règlement, « une personne domiciliée sur le territoire d'un Etat membre peut être attraite, dans un autre Etat membre : 1) a) en matière contractuelle, devant le tribunal du lieu où l'obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée ; b) aux fins d'exécution de l'application de la présente disposition, et sauf convention contraire, le lieu d'exécution de l'obligation qui sert de base à la demande est : pour la fourniture de services, le lieu d'un Etat membre où, en vertu du contrat, les services ont été ou auraient dû être fournis » ; que la société Private Estate, défenderesse, a son siège social au Luxembourg ; que M. X... a assigné cette société aux fins d'obtenir des informations relatives aux conditions d'exécution du contrat d'assurance vie n° 140868.0 souscrit à son nom, à la suite d'une proposition de souscription du 10 juillet 2000 signée à Luxembourg, auprès de cette société, à laquelle il a versé la somme de 457 347 euros, dont il demande le remboursement, et au titre duquel il a perçu des fonds ; que tant le domicile du défendeur que le lieu d'exécution de la fourniture de services se situent au Luxembourg, de sorte que les juridictions françaises sont incompétentes ;
1° ALORS QU'en matière d'assurance, les règles relatives à la détermination de la juridiction compétente sont exclusivement celles fixées aux articles 8 et suivants règlement (CE) 44/2001 du 22 décembre 2000 ; qu'aux termes de l'article 9.1 dudit règlement, le preneur est toujours en droit d'attraire l'assureur devant les juridictions de son domicile ; qu'en faisant application de l'article 5 du règlement pour décider que le litige, relatif à la souscription d'un contrat d'assurance-vie, ne pouvait être porté que devant la juridiction du lieu où la prestation était exécutée, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
2° ALORS au surplus QUE la société Private Estate Life soulevait l'incompétence des juridictions françaises sur le fondement de l'article 9.1 du règlement CE n° 44/2001 du 22 décembre 2000 et, loin de prétendre qu'un preneur domicilié en France ne pourrait pas assigner un assureur luxembourgeois devant les juridictions françaises au motif que la prestation s'exécuterait au Luxembourg, soutenait seulement que M. X... n'avait pas réellement son domicile en France ; qu'en relevant d'office son incompétence sur le fondement de l'article 5 du règlement susvisé sans inviter les parties à présenter leurs observations à cet égard, la cour d'appel a violé les articles 4 et 16 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
:Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance en ce qu'elle a condamné M. X... à payer à la société Private Estate Life une provision de 10.000 euros pour procédure abusive,
AUX MOTIFS ADOPTES QU'il convient de constater que de nombreuses audiences se sont tenues ; que M. X... avait obtenu une précédente ordonnance qu'il n'a jamais fait signifier ; qu'il a intenté de nombreuses procédures devant les juridictions luxembourgeoises, que ces éléments caractérisent les procédures abusives ; qu'il convient de constater que l'assignation a été produite par le défendeur suite à la réouverture faite le 1er octobre ; que M. X... a maintenu sa procédure alors qu'il ne comparaissait pas ;
1° - ALORS QUE la cour d'appel, qui déclarait la juridiction française incompétente pour connaître du litige, ne pouvait dès lors se prononcer sur le caractère prétendument abusif des actions diligentées par M. X... devant les juridictions françaises et luxembourgeoises ; qu'en confirmant l'ordonnance du chef ayant condamné M. X... à payer une provision à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, motif notamment pris qu'il avait déjà engagé de nombreuses procédures devant les juridictions luxembourgeoises, après avoir jugé que les juridictions françaises n'étaient pas compétentes pour connaître du litige, la cour d'appel ;
2° ALORS QU'en confirmant l'ordonnance de ce chef sans répondre aux conclusions qui faisaient valoir que, si la restitution du solde du contrat avait fini par intervenir, elle avait été retardée par des exigences infondées de la société intimée, ce qui avait entrainé plusieurs des renvois constatés par le premier juge, que le conseil de M. X... s'était expliqué avec le magistrat sur certains des renvois, et que la longueur de la procédure de première instance n'avait eu que des conséquences favorables pour la société Private Estate Life, en lui permettant de constituer un dossier plus cohérent que celui existant à l'origine du litige, la cour d'appel, a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
3° ALORS QU'en statuant comme ci-dessus sans caractériser le préjudice dont aurait souffert la société Private Estate Life, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 32-1 du code de procédure civile et 1382 du code civil.