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14/11/2013 | FRANCE | N°12-17479

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 14 novembre 2013, 12-17479


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 février 2012), que M. X..., né le 26 août 1955, employé par la société EDF en qualité d'agent statutaire depuis le 18 août 1980 et père de deux enfants nés en 1975 et 1981, a demandé le 14 novembre 2007 sa mise en inactivité par anticipation de trois ans à jouissance immédiate, en application de l'article 3 de l'annexe III du Statut national du personnel des industries électriques et gazières ; que l'employeur lui ayant opposé un ref

us au motif que cette mesure ne concernait que les mères de familles, il a s...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 février 2012), que M. X..., né le 26 août 1955, employé par la société EDF en qualité d'agent statutaire depuis le 18 août 1980 et père de deux enfants nés en 1975 et 1981, a demandé le 14 novembre 2007 sa mise en inactivité par anticipation de trois ans à jouissance immédiate, en application de l'article 3 de l'annexe III du Statut national du personnel des industries électriques et gazières ; que l'employeur lui ayant opposé un refus au motif que cette mesure ne concernait que les mères de familles, il a saisi le 14 décembre 2007, le conseil de prud'hommes demandant qu'il soit ordonné, sous astreinte, à la société EDF, par une décision opposable à la caisse nationale des industries électriques et gazières (CNIEG), gestionnaire des retraites, de le mettre en inactivité ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué de le débouter de sa demande alors, selon le moyen :
1°/ qu'une discrimination indirecte en raison du sexe est constituée dans le cas où une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d'entraîner un désavantage particulier pour des personnes d'un sexe donné par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif soient appropriés et nécessaires ; qu'une telle discrimination est caractérisée lorsque la mesure affecte une proportion nettement plus élevée de personnes d'un sexe ; que l'article 12 de l'annexe III au statut national du personnel des industries électriques et gazières, (relatif au régime de retraite et d'invalidité), dans sa rédaction issue du décret n° 2008-627 du 27 juin 2008, dispose que «les agents ont droit pour la liquidation de leur pension à une bonification de services d'un an pour chacun des enfants nés de l'agent ou adoptés pléniers avant le 1er juillet 2008 à condition d'avoir, pour chaque enfant, interrompu totalement leur activité dans les conditions fixées à l'article 13» ; que l'article 13 dispose, d'une part, que «I. L'interruption totale d'activité (...) doit avoir été d'une durée continue au moins égale à deux mois ET doit avoir eu lieu pendant la période comprise entre le premier jour de la quatrième semaine précédant la naissance ou l'adoption et le dernier jour de la seizième semaine suivant la naissance ou l'adoption. (¿)», d'autre part, que «II. Sont prises en compte pour le calcul de la durée d'interruption d'activité les périodes correspondant à une interruption des services effectués dans les industries électriques et gazières, intervenues dans le cadre : a) Du congé de maternité ; b) Du congé d'adoption ; c) Du congé de paternité ; d) Du congé parental d'éducation ; e) Du congé de présence parentale ; f) D'un congé sans solde existant avant le 1er juillet 2008 pour élever de jeunes enfants ou d'un congé sans solde pour élever un enfant de moins de huit ans visé à l'article 20 du statut national ; (...)» ; qu'en l'espèce, M. X... faisait valoir que ces dispositions entraînaient un désavantage particulier pour les agents masculins comme lui dont les enfants étaient nés lorsque les textes légaux ou réglementaires relatifs au congé de paternité ou au congé parental d'éducation n'existaient pas, de sorte que les conditions posées par les articles 12 et 13 de l'annexe III au statut national du personnel des industries électriques et gazières dans sa rédaction issue du décret n° 2008-627 du 27 juin 2008 étaient impossibles à remplir ; que par ailleurs, les congés sans soldes prévus à l'article 20 du statut national du personnel des industries électriques et gazières dans sa rédaction issue du décret n° 46-1541 du 22 juin 1946 n'étaient accordés qu'à titre exceptionnel en cas de nécessité absolue ou de force majeure ou qu'au titre de convenances personnelles et nullement pour élever de jeunes enfants ; que par contre les conditions précitées étaient remplies automatiquement par les agents féminins dans la mesure où il est interdit, et ce depuis 1909, d'employer une salariée pendant une période de 8 semaines au total avant et après son accouchement ; qu'il était ainsi incontestable que les agents hommes étaient majoritairement affectés par cette différence de traitement, d'autant plus que la durée du congé de paternité n'est pas de deux mois ; qu'en écartant la discrimination indirecte résultant des dispositions des articles 12 et 13 précités, sans nullement s'expliquer sur ces différents points pourtant mis en évidence par M. X... dans la note en délibéré autorisée en date du 17 octobre 2011, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble de l'article 1er du Protocole additionnel n° 1 et de l'article 157 du Traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne (ex article 141 du Traité CE).
2°/ qu'en application de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, «nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international» ; que si les stipulations de l'article 1er du premier protocole ne font en principe pas obstacle à ce que le législateur adopte de nouvelles dispositions remettant en cause, fût-ce de manière rétroactive, des droits patrimoniaux découlant de lois en vigueur, ayant le caractère d'un bien au sens de ces stipulations, c'est à la condition de ménager un juste équilibre entre l'atteinte portée à ces droits et les motifs d'intérêt général susceptibles de la justifier ; qu'une personne ne peut prétendre au bénéfice de ces stipulations que si elle peut faire état de la propriété d'un bien qu'elles ont pour objet de protéger et à laquelle il aurait été porté atteinte ; que les pensions de vieillesse constituent des créances et doivent être regardées comme des biens au sens de l'article précité ; qu'à défaut de créance certaine, l'espérance légitime d'obtenir une somme d'argent doit être regardée comme un bien au sens de ces stipulations ; qu'en l'espèce, pour tenir en échec le droit de M. X... au respect de son bien consistant dans l'espérance légitime d'obtenir, à l'âge de 56 ans au plus tard, l'attribution d'une pension d'ancienneté avec bonification d'âge et de services d'au moins quatre ans, (à raison de trois ans pour avoir eu deux enfants et d'une année pour avoir eu trois ans de services actifs), espérance légitime fondée notamment sur la position prise par le Conseil d'Etat dans son arrêt du 18 décembre 2002 (n° 247224) et par la Cour de cassation dans ses arrêts du 16 mai 2007 (n° 05-45054) et 23 octobre 2007 (n° 06-43.329), la cour d'appel a fait application des articles 12, 13 et 16 de l'annexe III au statut national du personnel des industries électriques et gazières dans sa rédaction issue du décret n° 2008-627 du 27 juin 2008 intervenu après que l'exposant eut engagé son action en justice ; qu'en statuant de la sorte alors que, d'une part, le procès était en cours, et que d'autre part, les articles 12 et 13 précités ne répondent pas à des motifs d'intérêt général légitimes dès lors qu'ils sont contraires à l'article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'article 157 du Traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne (ex article 141 du Traité CE), la Cour d'appel a violé les articles précités, ensemble l'article 1er du Protocole additionnel n° 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

3°/ que le principe de la prééminence du droit et la notion de procès équitable consacrés par l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales s'opposent à l'ingérence du pouvoir législatif, mais aussi réglementaire dans l'administration de la justice dans le but d'influer sur le dénouement judiciaire du litige, sauf impérieux motifs d'intérêt général ; que les articles 12 et 13 de l'annexe III au statut national du personnel des industries électriques et gazières dans sa rédaction issue du décret n° 2008-627 du 27 juin 2008, constituent une ingérence du pouvoir réglementaire dans l'administration de la justice, visant à limiter les conséquences de la jurisprudence du Conseil d'Etat du 18 décembre 2002 (n° 247224) et de la Cour de cassation dans ses arrêts du 16 mai 2007 (n° 05-45.054) et 23 octobre 2007 (n° 06-43.329) ; que les articles 12 et 13 précités ne sauraient être regardés comme répondant à d'impérieux motifs d'intérêt général dès lors qu'ils sont eux-mêmes contraires à l'article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble de l'article 1er du Protocole additionnel n° 1 et de l'article 157 du Traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne (ex article 141 du Traité CE) ; qu'en refusant d'écarter l'application des articles 12 et 13 de l'annexe III au statut national du personnel des industries électriques et gazières dans sa rédaction issue du décret n° 2008-627 du 27 juin 2008, la Cour d'appel a violé les articles précités ;
Mais attendu que la cour d'appel a retenu par un motif non critiqué que, pour bénéficier d'une mise en inactivité immédiate avec liquidation consécutive de la pension, M. X..., qui avait formé sa demande le 14 novembre 2007 et saisi la juridiction prud'homale le 7 décembre 2007, devait remplir les conditions de l'article 3 de l'Annexe III du Statut national du Personnel des Industries Electriques et Gazières réglementant les prestations"'invalidité, vieillesse, décès" en sa rédaction antérieure au décret du 27 juin 2008 et qu'à ces dates, il ne remplissait pas la condition d'âge prévue par ce texte ;
Que le moyen, irrecevable comme nouveau et mélangé de fait et de droit dans ses deuxième et troisième branches et inopérant dans sa première branche en ce qu'il critique un motif surabondant, ne peut-être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze novembre deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils pour M. X...

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... de ses demandes tendant notamment à voir la condamnation de son employeur à lui accorder le bénéfice d'une mise en inactivité anticipée avec jouissance immédiate ainsi que la bonification d'âge et de services pour deux enfants sur le fondement des dispositions de l'article 3 de l'annexe III du statut national des industries électriques et gazières et à voir déclarer le jugement à intervenir opposable à la CNIEG ;
AUX MOTIFS QUE Monsieur X... agent statutaire d'EDF-GDF à compter du 18 août 1980, né le 26 août 1955 et père de deux enfants nés en 1975 et 1981, a sollicité par courrier du 14 novembre 2007 « sa mise en inactivité par anticipation à jouissance immédiate » au motif qu'il avait élevé deux enfants et devait bénéficier de l'annexe 3 du Statut national des Industries Electriques et Gazières relative au départ en inactivité anticipé des mères de famille, bénéfice auquel il pouvait prétendre eu égard aux arrêts du Conseil d'Etat en date des 18 décembre 2002 et 7 juillet 2006 (ayant) ces dispositions « discriminatoires » : que par courrier du 21 novembre 2007 EDF lui refusait le bénéfice des dispositions statutaires précitées au motif qu'«en l'état actuel de la réglementation... (les) conditions d'anticipation n'étaient applicables qu'aux mères de famille » ; que ses réclamations ayant été déclarées irrecevables en référé par ordonnance du 19 février 2008 confirmée le 29 janvier 2009 et rejetées par le jugement dont appel, M. X... soutient devant la Cour que compte tenu de son relevé de carrière, de son compte épargne temps et de ses soldes de congés payés, de repos compensateurs et du treizième mois, de ses congés de fin de carrière, son départ pouvait être avancé au 1er septembre 2008 et même début mai 2008, que la CNIEG n'a admis qu'une anticipation à la date du 26 août 2013 et non plus du 26 août 2014 en application des nouvelles dispositions de l'Annexe précitée au titre de son service national au moment de la naissance de sa fille en juillet 1979 ; qu'il prétend, en se prévalant du statut d'EDF-GDF de 1946 et de son manuel pratique, que son droit est né à partir du moment où il a eu deux enfants et qu'il totalisait 15 ans d'ancienneté et fait valoir le principe constitutionnel comme conventionnel européen d'égalité entre hommes et femmes ; qu'or attendu que si la demande de mise en inactivité emporte dans le cas d'espèce demande de liquidation de pension pour avoir aux termes de l'article 3 de l'ancienne Annexe III du Statut national du Personnel des Industries Electriques et Gazières réglementant les prestations « invalidité, vieillesse, décès » en sa rédaction antérieure au décret du 27 juin 2008, droit aux « prestations pension d'ancienneté », d'une part, un agent devait avoir 55 ans d'âge s'il appartenait aux services insalubres ou actifs, 60 ans d'âge s'il appartenait aux services sédentaires et devait totaliser 25 ans de services décomptés conformément au paragraphe 5 de l'article 1 de ladite annexe, étant entendu que les agents mères de famille ayant eu trois enfants bénéficiaient d'une bonification d'âge et de service d'une année par enfant, et avoir droit aux «prestations pension d'ancienneté proportionnelle» ; que d'autre part, l'agent devait totaliser 15 années de service, avec les mêmes bonifications que ci-dessus pour les mères de famille, étant entendu que la jouissance de la pension proportionnelle était différée jusqu'à l'âge requis pour la pension ancienneté, sauf pour l'agent mère de famille répondant aux conditions ci-dessus ; qu'en conséquence une mère de famille ayant eu trois enfants et totalisant 15 ans d'ancienneté pouvait bénéficier d'une pension d'ancienneté proportionnelle à jouissance immédiate sans condition d'âge comme d'une bonification d'âge et de service d'une année par enfant ; qu'en outre aux termes de notes internes des 28 juillet 1955 et 27 octobre 1981 les agents mères d'un ou deux enfants bénéficiaient d'une bonification d'âge et de service d'une année pour un enfant et de trois années pour deux enfants ; que la demande de mise en inactivité immédiate avec liquidation consécutive de la pension de M. X... étant en date du 14 novembre 2007 et sa demande en justice du 7 décembre 2007, ces dispositions non abrogées alors sont applicables à celles-ci ; que si au regard de l'article 141 du traité instituant la Communauté Européenne la disparité ainsi instaurée entre hommes et femmes par ces dispositions est discriminatoire comme ne relevant d'aucune différence de situation entre hommes et femmes relativement à l'octroi des avantages en cause et en conséquence est illicite, pour autant le moyen d'appel à ce titre est sans effet Monsieur X... n'ayant pas rempli à ces dates la condition d'âge requise pour les femmes, à savoir 56 ans qu'il ne devait atteindre que le 26 août 2011 ; qu'en effet Monsieur X... né le 26 août 1955 et employé par EDF depuis le 18 août 1980 n'atteindra l'âge de 60 ans, âge normal de la retraite que le 26 août 2015 ; qu'il devait bénéficier d'une bonification d'âge d'un an pour trois ans de service actif et de trois ans en vertu du principe d'égalité de traitement au regard des droits reconnus aux agents mères de deux enfants ; qu'à la date du jugement M. X... ne disposait donc pas de l'ouverture d'aucun droit de mise en inactivité immédiate et liquidation de pension ; que contrairement à ce qui soutient M. X... ses droits au titre de son compte épargne temps, ses droits à congés, quels qu'ils soient, ou à repos compensateurs ne viennent pas s'ajouter à ses années de bonification puisque n'emportant pas avancement de la date de cessation du contrat de travail mais constituant de simples dispenses de travail avant celle-ci ; que M. X... ne peut non plus bénéficier d'une cessation immédiate d'activité et de droits à pension au titre de l'annexe III précitée en ses dispositions issues du décret du 27 juin 2008 dès lors qu'il ne remplit pas non plus les conditions d'âge (soit 57 ans ayant eu deux enfants) comme la condition d'avoir pour chaque enfant interrompu son activité pendant une durée de deux mois ; que le moyen tiré d'une discrimination de la condition relative au congé de deux mois motivé sur le droit à congé maternité accordé aux femmes n'est pas fondé, les femmes étant alors placées dans une situation au regard de leur santé et de celle de leur enfant différente de celle des hommes ; que de même n'est pas pertinente l'évocation de jurisprudence dont ont bénéficié d'autres agents d'EDF qui eux remplissent les conditions requises pour une mise en inactivité immédiate au regard des dispositions de l'annexe III prises selon le cas en leur rédaction successive ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE M. X... demande au conseil de condamner la SA EDF à prononcer sa mise en inactivité par anticipation de trois ans avec jouissance immédiate de la pension, par application de la bonification d'âge et de service de trois ans dont bénéficient les agents mères de famille de deux enfants en application du paragraphe 1- PRESTATIONS PENSIONS D'ANCIENNETE de l'article 3 de l'annexe 3 du statut national du personnel des industries électriques et gazières en vigueur à la date de la demande ; qu'il est constant que M. X..., né le 26 août 1955 et employé par EDF depuis le 18 août 1980, attendra 60 ans, âge normal de départ en retraite le 26 août 2015 ; qu'il justifie de trois ans de services actifs ouvrant droit à une bonification d'âge d'un an et qu'à prendre en compte la bonification d'âge de trois ans applicable aux mères de deux enfants et revendiquée par lui en sa qualité de père de deux enfants, il aurait droit à partir en retraite avec jouissance immédiate de pension à l'âge de 56 ans (60 ¿ 1- 3 = 60), qu'il atteindra le 26 août 2011 ; qu'il résulte de ces données de fait qu'à la date de la demande à l'employeur (14 novembre 2007) ou de la demande en justice (7 décembre 2007) ou encore jusqu'à l'abrogation par décret du 27 juin 2008 de l'article 3 du statut prévoyant la bonification pour enfants demandée, Monsieur X... ne remplit pas la condition d'âge (56 ans) découlant des dispositions en vigueur à la date de la demande et lui permettant un départ en inactivité par anticipation avec jouissance immédiate de la pension ; que comme le demandeur le soutient lui même avec pertinence, le droit à la mise en inactivité par anticipation est indissociable du droit à entrée en jouissance immédiate de pension ; qu'il est de principe que le droit à pension s'apprécie selon les conditions en vigueur à la date prévue d'entrée en jouissance ; qu'au cas de l'espèce, même à tenir compte de la notification de trois ans litigieuse, Monsieur ne peut pas prétendre entrer en jouissance de sa pension avant le 1er septembre 2011, c'est-à-dire à une date à laquelle il ne pourra pas revendiquer le bénéfice des dispositions de l'article 3 du statut de 1946 abrogées depuis le 1er juillet 2008 ; que pour s'opposer à cette analyse, M. X... soutient que les dispositions issues du décret du 27 décembre 2008 ne sont applicables que pour l'avenir, sans remise en cause des situations constituées sous l'empire des règles anciennes, de sorte que sa situation était définitivement fixée par l'introduction de sa demande avant l'entrée en vigueur de la nouvelle réglementation ; que toutefois, que pour bénéficier des dispositions abrogées par décret du 27 juin 2008, il faut non seulement en avoir fait la demande avant l'abrogation, mais aussi justifier à la date de cette demande de droits actuels effectivement ouverts, c'est-à-dire susceptibles d'être mise en oeuvre immédiatement ; qu'en l'espèce, il ressort de ce qui précède que, vu son âge à la date de la demande, M. X... ne pouvait pas prétendre à la liquidation de sa pension avec jouissance immédiate, dont dépend la mise en inactivité anticipée ; qu'il s'en infère qu'au regard de la règle ancienne, il ne justifie ni d'une situation juridiquement constituée, c'est-à-dire parfaitement fixée, ni d'une situation contractuellement acquise, s'agissant de l'évolution de dispositions statutaires réglementées par décret ; que ces constations suffisent à rejeter la demande de mise en inactivité anticipée avec liquidation et paiement immédiat de la pension d'ancienneté par application de l'article 3 de l'annexe 3 du statut du personnel de 1946, ainsi que de ses demandes et intérêts pour refus de mise en inactivité, sans qu'il y ait lieu de statuer sur le principe de légalité des notes des 28 juillet et 27 7 octobre 1981 ; qu'enfin, il sera rappelé que les droits à congés inscrits dans un compte d'épargne temps doivent être utilisés avant la date de cessation du contrat de travail et que cette utilisation n'a donc pas pour effet d'avancer la date à laquelle la mise en inactivité peut être prononcée, ce qu'au demeurant le demandeur ne conteste pas sérieusement.
ALORS QU'une discrimination indirecte en raison du sexe est constituée dans le cas où une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d'entraîner un désavantage particulier pour des personnes d'un sexe donné par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif soient appropriés et nécessaires ; qu'une telle discrimination est caractérisée lorsque la mesure affecte une proportion nettement plus élevée de personnes d'un sexe ; que l'article 12 de l'annexe III au statut national du personnel des industries électriques et gazières, (relatif au régime de retraite et d'invalidité), dans sa rédaction issue du décret n° 2008-627 du 27 juin 2008, dispose que «les agents ont droit pour la liquidation de leur pension à une bonification de services d'un an pour chacun des enfants nés de l'agent ou adoptés pléniers avant le 1er juillet 2008 à condition d'avoir, pour chaque enfant, interrompu totalement leur activité dans les conditions fixées à l'article 13» ; que l'article 13 dispose, d'une part, que «I. L'interruption totale d'activité (¿) doit avoir été d'une durée continue au moins égale à deux mois ET doit avoir eu lieu pendant la période comprise entre le premier jour de la quatrième semaine précédant la naissance ou l'adoption et le dernier jour de la seizième semaine suivant la naissance ou l'adoption. (¿)», d'autre part, que «II. Sont prises en compte pour le calcul de la durée d'interruption d'activité les périodes correspondant à une interruption des services effectués dans les industries électriques et gazières, intervenues dans le cadre : a) Du congé de maternité ; b) Du congé d'adoption ; c) Du congé de paternité ; d) Du congé parental d'éducation ; e) Du congé de présence parentale ; f) D'un congé sans solde existant avant le 1er juillet 2008 pour élever de jeunes enfants ou d'un congé sans solde pour élever un enfant de moins de huit ans visé à l'article 20 du statut national ; (¿)» ; qu'en l'espèce, M. X... faisait valoir que ces dispositions entraînaient un désavantage particulier pour les agents masculins comme lui dont les enfants étaient nés lorsque les textes légaux ou réglementaires relatifs au congé de paternité ou au congé parental d'éducation n'existaient pas, de sorte que les conditions posées par les articles 12 et 13 de l'annexe III au statut national du personnel des industries électriques et gazières dans sa rédaction issue du décret n° 2008-627 du 27 juin 2008 étaient impossibles à remplir ; que par ailleurs, les congés sans soldes prévus à l'article 20 du statut national du personnel des industries électriques et gazières dans sa rédaction issue du décret n° 46-1541 du 22 juin 1946 n'étaient accordés qu'à titre exceptionnel en cas de nécessité absolue ou de force majeure ou qu'au titre de convenances personnelles et nullement pour élever de jeunes enfants ; que par contre les conditions précitées étaient remplies automatiquement par les agents féminins dans la mesure où il est interdit, et ce depuis 1909, d'employer une salariée pendant une période de 8 semaines au total avant et après son accouchement ; qu'il était ainsi incontestable que les agents hommes étaient majoritairement affectés par cette différence de traitement, d'autant plus que la durée du congé de paternité n'est pas de deux mois ; qu'en écartant la discrimination indirecte résultant des dispositions des articles 12 et 13 précités, sans nullement s'expliquer sur ces différents points pourtant mis en évidence par M. X... dans la note en délibéré autorisée en date du 17 octobre 2011, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble de l'article 1er du Protocole additionnel n° 1 et de l'article 157 du Traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne (ex article 141 du Traité CE).
ALORS AUSSI QU'en application de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, « nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international» ; que si les stipulations de l'article 1er du premier protocole ne font en principe pas obstacle à ce que le législateur adopte de nouvelles dispositions remettant en cause, fût-ce de manière rétroactive, des droits patrimoniaux découlant de lois en vigueur, ayant le caractère d'un bien au sens de ces stipulations, c'est à la condition de ménager un juste équilibre entre l'atteinte portée à ces droits et les motifs d'intérêt général susceptibles de la justifier ; qu'une personne ne peut prétendre au bénéfice de ces stipulations que si elle peut faire état de la propriété d'un bien qu'elles ont pour objet de protéger et à laquelle il aurait été porté atteinte ; que les pensions de vieillesse constituent des créances et doivent être regardées comme des biens au sens de l'article précité ; qu'à défaut de créance certaine, l'espérance légitime d'obtenir une somme d'argent doit être regardée comme un bien au sens de ces stipulations ; qu'en l'espèce, pour tenir en échec le droit de Monsieur X... au respect de son bien consistant dans l'espérance légitime d'obtenir, à l'âge de 56 ans au plus tard, l'attribution d'une pension d'ancienneté avec bonification d'âge et de services d'au moins quatre ans, (à raison de trois ans pour avoir eu deux enfants et d'une année pour avoir eu trois ans de services actifs), espérance légitime fondée notamment sur la position prise par le Conseil d'Etat dans son arrêt du 18 décembre 2002 (n° 247224) et par la Cour de cassation dans ses arrêts du 16 mai 2007 (n° 05-45054) et 23 octobre 2007 (n° 06-43.329), la cour d'appel a fait application des articles 12, 13 et 16 de l'annexe III au statut national du personnel des industries électriques et gazières dans sa rédaction issue du décret n° 2008-627 du 27 juin 2008 intervenu après que l'exposant eut engagé son action en justice ; qu'en statuant de la sorte alors que, d'une part, le procès était en cours, et que d'autre part, les articles 12 et 13 précités ne répondent pas à des motifs d'intérêt général légitimes dès lors qu'ils sont contraires à l'article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'article 157 du Traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne (ex article 141 du Traité CE), la cour d'appel a violé les articles précités, ensemble l'article 1er du Protocole additionnel n° 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
ALORS ENFIN QUE le principe de la prééminence du droit et la notion de procès équitable consacrés par l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales s'opposent à l'ingérence du pouvoir législatif, mais aussi réglementaire dans l'administration de la justice dans le but d'influer sur le dénouement judiciaire du litige, sauf impérieux motifs d'intérêt général ; que les articles 12 et 13 de l'annexe III au statut national du personnel des industries électriques et gazières dans sa rédaction issue du décret n° 2008-627 du 27 juin 2008, constituent une ingérence du pouvoir réglementaire dans l'administration de la justice, visant à limiter les conséquences de la jurisprudence du Conseil d'Etat du 18 décembre 2002 (n° 247224) et de la Cour de cassation dans ses arrêts du 16 mai 2007 (n° 05-45054) et 23 octobre 2007 (n° 06-43.329) ; que les articles 12 et 13 précités ne sauraient être regardés comme répondant à d'impérieux motifs d'intérêt général dès lors qu'ils sont eux-mêmes contraires à l'article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble de l'article 1er du Protocole additionnel n° 1 et de l'article 157 du Traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne (ex article 141 du Traité CE) ; qu'en refusant d'écarter l'application des articles 12 et 13 de l'annexe III au statut national du personnel des industries électriques et gazières dans sa rédaction issue du décret n° 2008-627 du 27 juin 2008, la cour d'appel a violé les articles précités.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12-17479
Date de la décision : 14/11/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 14 février 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 14 nov. 2013, pourvoi n°12-17479


Composition du Tribunal
Président : M. Béraud (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, SCP Roger, Sevaux et Mathonnet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.17479
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