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13/11/2013 | FRANCE | N°12-28289

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 13 novembre 2013, 12-28289


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le quatrième moyen :
Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 31 août 2012), que le juge des libertés et de la détention a autorisé des agents de l'administration fiscale à procéder à des visites et saisies, sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, dans des locaux susceptibles d'être occupés par les sociétés Google France et (ou) Google Ireland Limited, en vue de rechercher la preuve de la fraude de cette der

nière ;
Attendu que les sociétés Google Ireland Limited et Google France...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le quatrième moyen :
Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 31 août 2012), que le juge des libertés et de la détention a autorisé des agents de l'administration fiscale à procéder à des visites et saisies, sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, dans des locaux susceptibles d'être occupés par les sociétés Google France et (ou) Google Ireland Limited, en vue de rechercher la preuve de la fraude de cette dernière ;
Attendu que les sociétés Google Ireland Limited et Google France font grief à l'ordonnance d'avoir rejeté leur recours à l'encontre des opérations de visite, alors, selon le moyen, que l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales impose de permettre à la personne faisant l'objet d'une visite domiciliaire diligentée sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales de pouvoir saisir lui-même, de sa propre initiative et sans avoir au préalable recours à l'officier de police judiciaire présent lors des opérations, le juge des libertés et de la détention d'une demande de suspension ou d'arrêt des opérations autorisées en cas de contestation de leur régularité ; que M. le premier président de la cour d'appel, qui a énoncé que la possibilité dont dispose l'officier de police judiciaire présent au cours des opérations, de saisir le juge des libertés et de la détention suffit à garantir les droits du contribuable, a méconnu les exigences des articles 6 § 1, 8 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu que l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et les libertés fondamentales impose seulement de permettre à la personne concernée par les opérations de visite et saisies de bénéficier d'un contrôle juridictionnel effectif ; qu'en permettant à l'officier de police judiciaire présent au cours des opérations de saisir le juge des libertés et de la détention en cas de difficultés et en ouvrant aux parties concernées la possibilité de contester tant le principe de la visite que le déroulement des opérations devant le premier président, l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales ne contrevient pas aux dispositions conventionnelles précitées ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que les autres griefs ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les sociétés Google Ireland Limited et Google France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer au directeur général des finances publiques la somme de 2 500 euros et rejette leur demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize novembre deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Fabiani et Luc-Thaler, avocat aux Conseils, pour la société Google Ireland Limited et autre
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'AVOIR débouté les sociétés GOOGLE IRELAND LTD et GOOGLE France de leur demande tendant à annuler les opérations de visite domiciliaire autorisées par les ordonnances du juge des libertés et de la détention des 29 et 30 juin 2011 et les procès-verbaux délivrés à l'issue de ces opérations ;
AUX MOTIFS QUE : « les sociétés Google soulèvent en premier lieu la violation par l'administration fiscale de l'article L 16 B du Livre des procédures fiscales et ce aux motifs que des documents saisis ont été prélevés dans des lieux extérieurs aux locaux susvisés, ces pièces ayant été appréhendées uniquement grâce à l'accès au réseau interne de l'entreprise constitué par l'interconnexion entre les machines se trouvant sur place et celles pouvant se trouver à l'étranger, ce qui est le cas en la présente instance ; qu'aux termes de l'article L 16 B du LPF, « l'autorité judiciaire peut (...) autoriser les agents de l'administration des impôts (...) à rechercher la preuve de ces agissements soustraction à l'établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices de la TVA en effectuant des visites en tous lieux même privés, où les pièces et documents s'y rapportant sont susceptibles d'être détenus et procéder à leur saisie, quel qu'en soit le support » ; que force est de constater que les pièces litigieuses ont été saisies à partir d'ordinateurs se trouvant dans les locaux visités ; que le juge des libertés et de la détention, en permettant aux agents de l'administration fiscale de procéder à la saisie des pièces et documents susceptibles d'être détenus dans les lieux visités quel qu'en soit le support, a autorisé par là même la saisie de documents informatiques pouvant être consultés dans les lieux visités, toute donnée située sur un serveur même localisé à l'étranger accessible à partir d'un ordinateur se trouvant sur les lieux visités étant considéré comme étant détenue à l'adresse à laquelle se trouve cet ordinateur ; qu'il importe peu dès lors que des fichiers saisis se trouvaient sur des serveurs étrangers ; qu'il n'y a donc eu aucune violation des dispositions de l'article 16 B du Livre des procédures fiscales ;
ALORS QUE les opérations de contrôle et de saisies effectuées par l'administration fiscale sur le fondement de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales, en ce qu'elles constituent des actes de la puissance publique, ne peuvent intervenir que dans les limites territoriales de l'Etat français et ne peuvent dès lors avoir pour objet que la saisie d'objets matériels ou immatériels situés sur le territoire français ; qu'en l'espèce, il résulte de l'ordonnance attaquée que les opérations litigieuses ont conduit l'administration fiscale à saisir, depuis les postes informatiques installés dans les locaux de la société GOOGLE France, des données informatiques situées en dehors du territoire français puisque localisées sur des serveurs informatiques établis à l'étranger ; qu'en validant une telle saisie pourtant effectuée en méconnaissance des limites territoriales de la loi fiscale française, M. le Premier Président de la cour d'appel de Paris a violé l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales, ensemble les articles 1 et 3 du code civil, 6 § 1 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'AVOIR débouté les sociétés GOOGLE IRELAND LTD et GOOGLE France de leur demande tendant à annuler les opérations de visite domiciliaire autorisées par l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du 29 juin 2011 et le procès-verbal délivré à l'issue de ces opérations ;
AUX MOTIFS QUE : « les sociétés Google soulèvent en deuxième lieu la déloyauté des agents de l'administration fiscale du fait que les fichiers informatiques ont été prélevés en faisant croire aux systèmes informatiques de sociétés tierces qu'une personne de Google France, habilitée à se connecter à leurs machines, effectuait les opérations de consultation et de copie alors qu'il s'agissait en fait de représentants de l'administration ayant ainsi dissimulé leur identité à ces tiers faute de l'avoir déclinée ; qu'il est évident que si les agents de l'administration fiscale ont pu avoir accès au contenu de fichiers informatiques, c'est parce que les salariés des sociétés faisant l'objet des opérations de saisie ont communiqué les mots de passe ou ont ouvert leur ordinateur, comme ils doivent le faire lors d'opérations de visites et de saisies domiciliaires ordonnées, opérations qui permettent de saisir copie des documents qui s'y trouvent quel qu'en soit le support ; que les fonctionnaires de l'administration fiscale n'avaient pas à s'identifier aux entités étrangères du groupe Google dont les ordinateurs étaient connectés à ceux de Google France ; que, par ailleurs, les opérations de visites sont effectuées sous le contrôle d'officiers de police judiciaire qui peuvent être saisis en cas de difficulté lors des opérations elles-mêmes en cas d'anomalies, ce qui n'a pas été le cas de la part des sociétés Google ; qu'aucun manquement au principe de déloyauté ne peut donc être retenu à l'encontre de l'administration fiscale du fait de la saisie de documents consultables depuis les ordinateurs présents sur les lieux visités, les articles L 16 B du Livre des procédures fiscales ainsi que les articles 6 et 8 n'ayant pas été violés » ;

ALORS, D'UNE PART, QUE l'administration fiscale est tenue, dans ses investigations, à un devoir général de loyauté qui lui interdit notamment de récolter des preuves à l'insu de ceux auxquels elles seront ensuite opposées, par stratagème, sournoiserie ou provocation ; que ce devoir de loyauté implique que les agents de l'administration fiscale qui entendent se connecter à un réseau informatique depuis des ordinateurs situés sur le territoire française informent au préalable de leur identité les entreprises tierces connectées au réseau dont ils entendent consulter les systèmes informatiques depuis les ordinateurs qu'ils consultent en France ; qu'en conséquence, le fait que les salariés de la société GOOGLE France aient ouvert leurs ordinateurs et communiqué leurs codes d'accès aux agents de l'administration fiscale n'exonérait pas ces derniers de s'identifier auprès des entités connectées au réseau informatique du groupe dès lors que ces entités, qui ne savaient pas que l'administration fiscale utilisait les codes d'accès des salariés de la société GOOGLE France, demeuraient dans l'ignorance de l'identité réelle des personnes connectées ; qu'en décidant l'inverse, M. le Premier président de la cour d'appel a violé l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales, ensemble le principe de la loyauté dans l'administration de la preuve et l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE manquent à ce même devoir de loyauté, les agents de l'administration fiscale qui pénètrent, grâce au réseau informatique interne d'un groupe d'entreprises, dans les ordinateurs d'entreprises tierces pour y consulter et y copier, à leur insu, des fichiers informatiques, c'est-à-dire sans s'être au préalable identifiés en tant qu'agents de l'administration fiscale et en laissant ainsi croire aux entreprises concernées que les utilisateurs du réseau étaient des salariés du groupe ; que M. le Premier président de la cour d'appel, qui a jugé l'inverse, a violé l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales, ensemble le principe de la loyauté dans l'administration de la preuve et l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QUE mention d'une contestation suivie d'une demande expresse que les données saisies sur les serveurs situés hors de France soient identifiés et écartées de la procédure de visite et de saisie a été explicitement portée sur chaque procès-verbal signé par les officiers de police présents sur les lieux, lesquels se trouvaient ainsi de facto saisis d'une difficulté relevant de leur mission de protection des droits de la défense et d'information du juge des libertés et de la détention ; qu'en affirmant que les sociétés GOOGLE n'avaient pas élevé de contestation auprès de l'officier de police judiciaire durant les opérations de visite et de saisie sans s'intéresser aux mentions des procès-verbaux de saisie, auxquels les sociétés GOOGLE n'avaient fait cessé de faire référence dans leurs écritures, M. le Premier président de la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 16 B du Livre des procédures fiscales et 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que du principe de la loyauté dans l'administration de la preuve ;
ALORS, DE QUATRIEME PART ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE l'absence de contestation portée par le contribuable, durant les opérations de visite et de saisie, devant les officiers de police judiciaire présents au cours de celles-ci ne saurait faire obstacle au recours prévu par l'article L. 16 B § V alinéas 4 et 5 du Livre des procédures fiscales, ni préjuger du bien-fondé de la contestation portée par le contribuable dans le cadre de ce recours ; que M. le Premier président, qui a reproché aux sociétés GOOGLE de ne pas avoir saisi, durant les opérations de visite et de saisie, les officiers de police judiciaire présents de difficultés ou d'anomalies constatées durant les opérations de visite et de saisie, a statué par des motifs inopérants qui privent sa décision de base légale au regard de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales, ensemble le principe de la loyauté dans l'administration de la preuve et l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'AVOIR débouté les sociétés GOOGLE IRELAND LTD et GOOGLE France de leur demande tendant à annuler les opérations de visite domiciliaire autorisées par l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du 29 juin 2011 et le procès-verbal délivré à l'issue de ces opérations ;
AUX MOTIFS QUE : « les sociétés Google soulèvent en troisième lieu l'incapacité de l'administration fiscale à mettre en oeuvre un protocole opératoire précis protégeant les droits de la défense ; qu'il convient d'observer toutefois que cinq CDRom ont été remis aux sociétés Google contenant trois fichiers informatiques saisis ; que les sociétés Google connaissent donc parfaitement le contenu des répertoires et fichiers informatiques saisis et leur adéquation ou non aux pièces originales ; que les sociétés Google peuvent donc vérifier la fidélité ou non du contenu des pièces saisies par rapport aux pièces originales et ce contrairement à un procès-verbal établi par un huissier de justice en matière informatique ; que les droits de la défense des sociétés Google n'ont donc pas été violés et que le respect d'un procès équitable a bien été sauvegardé, une erreur de date étant sans conséquence sur la régularité de la procédure suivie ; qu'il n'y a donc pas lieu à annulation des opérations de visite et de saisie de ces chefs, aucune violation des articles L 16 B du Livre des procédures fiscales, 6 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne pouvant être retenue ; que les sociétés Google reprochent en quatrième lieu à l'administration fiscale de leur avoir communiqué un disque dur non utilisable ; que toutefois, comme le reconnaissent les sociétés Google elles-mêmes, il ne s'agit pas du disque utilisé dans le cadre des opérations ; que dès lors les preuves en possession de l'administration fiscale ne peuvent être écartées de ce chef ; que les sociétés Google font valoir en cinquième lieu que la procédure mise en oeuvre rue de Londres et au 2éme étage de l'Avenue de l'Opéra n'apporte aucune garantie en ce qui concerne la véracité des fichiers saisis, le calcul des empreintes numériques ayant eu lieu après la copie ; qu'elles se fondent sur les conclusions de leur expert amiable dont le rapport a été produit contradictoirement aux débats et selon lequel : « ( ) Le calcul d'empreintes numériques MD5 aurait pu pallier cette insuffisance de description s'il avait été appliqué aux fichiers source de chaque poste. Or, il n'a été appliqué qu'en aval des opérations, sur les 3 disques durs des fichiers copiés. De surcroît, les fichiers copiés n'ont même pas été identifiés. Or il s'agit là d'une pratique considérée (notamment dans les opérations de constats et de saisies réalisées par des huissiers) comme indispensable tant à la transparence qu'au respect des droits de la partie requise. Il en résulte que la chaîne d'intégrité de la preuve n'a pas été respectée par les agents de l'administration (¿). Les 3 PV de visite et de saisie établis par l'Administration sont très imprécis et ne permettent pas de tracer les opérations réalisées par ses agents. En l'état, une saisie réalisée dans des conditions identiques à celles de l'Administration par un huissier de justice serait sanctionnée de nullité par les Tribunaux » ; que force est de rappeler toutefois que, à la différence d'un procès-verbal établi par un huissier, copie des pièces saisies a été donnée aux sociétés Google, lesquelles ont conservé également les dites pièces en original ; que les sociétés Google n'alléguant aucunement d'altérations qui auraient été commises, elles ne justifient d'aucun comportement déloyal de ce chef de la part de l'administration fiscale et partant d'une violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que les sociétés Google soulignent en sixième lieu qu'il y a eu présentation faussée des faits de l'espèce au détriment de Google France conduisant à un procès inéquitable, l'administration fiscale n'ayant pas pris soin de distinguer les documents dont la société Google était l'auteur des documents qu'elle pouvait seulement consulter ; qu'il convient de noter toutefois que l'ordonnance autorisant les opérations de visite et de saisie a été confirmée par arrêt du juge délégué du Premier président de la cour d'appel de Paris et ce, aux motifs notamment que la société Google France ne semble pas exercer un seul rôle d'assistance mais est présumée assurer sous la direction de la société de droit irlandais la gestion commerciale des clients de la société de droit irlandais ; que dès lors les deux sociétés Google sont présumées disposer d'un droit de modification desdits fichiers et la société Google France ne dispose pas d'un simple droit de consultation des fichiers saisis comme le soutiennent à tort les sociétés Google ; qu'il n'y a donc pas là inégalité des armes pouvant conduire à un procès non équitable comme voudraient le faire croire les sociétés Google ;considérant que les sociétés Google soutiennent en septième lieu que l'administration fiscale a émis des déclarations partielles et volontairement tronquées dans le procès-verbal de saisie ; qu'il a été jugé plus haut que l'administration fiscale était en droit de saisir, suite aux ordonnances rendues par le juge des libertés et de la détention de Paris, copie des fichiers consultables depuis les ordinateurs présents sur les lieux visités et ce même si ces fichiers étaient sur des serveurs situés hors de France ; que l'administration fiscale n'avait pas lieu de préciser sur les procès-verbaux de visite et de saisie que des serveurs de Google situés en dehors de France ont été consultés » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'Homme et des libertés fondamentales impose que le contribuable ayant fait l'objet d'une mesure de visite et de saisie diligentée sur le fondement de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales, puisse obtenir un contrôle effectif, en fait et en droit, de la régularité de la décision prescrivant la visite, ainsi que, le cas échéant, des mesures prises sur son fondement ; qu'il en résulte l'obligation, pour l'administration fiscale qui entend procéder à la saisie de données informatiques, de mettre en oeuvre un mode opératoire propre à garantir l'intégrité des fichiers saisis, afin de permettre ensuite au contribuable de contester utilement le résultat de la saisie ; que les sociétés GOOGLE France et GOOGLE IRELAND LTD soutenaient qu'en raison du mode opératoire choisi par l'administration fiscale, lequel était inadéquat, elles étaient dans la totale incapacité, au même titre d'ailleurs que l'administration fiscale, d'établir que les fichiers saisis, dont la copie leur avait été ensuite remise, étaient ou non conformes aux originaux ; qu'en décidant que dans la mesure où les sociétés GOOGLE avaient disposé d'une copie des fichiers saisis et qu'elles n'alléguaient pas que ceux-ci avaient été altérés, elles ne pouvaient se plaindre du mode opératoire mis en place, quand il lui appartenait de vérifier si le mode opératoire choisi par l'administration fiscale assurait l'intégrité de la preuve dans des conditions permettant aux sociétés GOOGLE de procéder aux vérifications du contenu de la saisie et, éventuellement, d'établir ensuite des altérations, M. le Premier président de la cour d'appel de Paris, qui a statué par des motifs inopérants, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 16 B du Livre des procédures fiscales et 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'en affirmant qu'il importait peu que le disque dur externe remis aux sociétés GOOGLE par l'administration fiscale ait été inutilisable dès lors qu'il ne s'agissait pas de celui utilisé lors de la saisie quand c'est la pratique même consistant à utiliser de tels disques durs externes qui était contestée par les sociétés GOOGLE, qui contestait, de manière générale, la fiabilité de ce type de support, M. le Premier président de la cour d'appel de Paris a statué par des motifs inopérants qui privent sa décision de base légale au regard des articles L. 16 B du Livre des procédures fiscales et 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QUE les exigences résultant du droit à un procès équitable imposent que le juge, saisi, après les opérations de visite et de saisie, d'une contestation sur le déroulement celles-ci, ne statue qu'au regard des conditions dans lesquelles elles se sont déroulées ; que l'ordonnance attaquée, en statuant non exclusivement par référence aux conditions dans lesquelles se sont déroulées les opérations de visite et de saisie, mais également par référence aux motifs de l'arrêt, devenu définitif, ayant autorisé ces opérations de visite et de saisie, a méconnu les exigences résultant de l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
ALORS, DE QUATRIEME PART ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, QU'en déduisant de l'arrêt, devenu définitif, du juge délégué du Premier président de la cour d'appel de Paris ayant autorisé les opérations de visite et de saisie, que la société GOOGLE France avait un droit de modification des fichiers saisis par l'administration fiscale et pouvait donc être présumée en être l'auteur quand cet arrêt, qui ne dit mot du droit dont disposerait la société GOOGLE France de modifier les fichiers accessibles sur le réseau informatique du groupe GOOGLE, mentionne uniquement que la société GOOGLE France est présumée assurer sous la direction de la société GOOGLE IRELAND LTD, la gestion commerciale de ses clients, M. le Premier président de la cour d'appel de Paris, qui a fait dire à cet arrêt ce qu'il n'a jamais dit, en a dénaturé les termes clairs et précis et a ainsi violé l'article 1134 du code civil, ensemble le principe suivant lequel le juge ne peut dénaturer les écrits qui lui sont soumis ;
ALORS, DE CINQUIEME PART ET ENFIN, QUE sauf à manquer à son obligation de loyauté, il incombe à l'administration fiscale de décrire avec précision, dans le procès-verbal de saisie, le protocole qu'elle a mis en oeuvre pour procéder à la saisie de données informatiques, de sorte à permettre ensuite au contribuable de pouvoir le contester utilement devant le juge des libertés et de la détention ; qu'en affirmant que l'administration était délivrée de cette obligation et n'avait notamment pas à préciser qu'elle avait consulté, enregistré puis copié des données informatiques localisées sur des serveurs informatiques situés à l'étranger, l'ordonnance attaquée a violé l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales, ensemble le principe de la loyauté dans l'administration de la preuve et l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'AVOIR débouté les sociétés GOOGLE IRELAND LTD et GOOGLE France de leur demande tendant à annuler les opérations de visite domiciliaire autorisées par l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du 29 juin 2011 et le procès-verbal délivré à l'issue de ces opérations ;

AUX MOTIFS QUE : « les sociétés Google soulèvent enfin la contrariété de la procédure de visite et de saisie de l'article L 16 B du Livre des procédures fiscales à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que force est de rappeler que la Cour européenne a jugé que les garanties énoncées à l'article L 16 B du Livre des procédures fiscales étaient conformes aux articles 6 § 1 (droit à un procès équitable), 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) et 13 (droit à un recours effectif) de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la procédure étant placée sous l'autorité et le contrôle d'un juge des libertés et de la détention, qui désigne un officier de police judiciaire pour y assister et lui rendre compte ; que, par ailleurs, par l'intermédiaire des officiers de police judiciaire, dont le rôle est de s'assurer, durant les opérations de visite et de saisie, de la légalité de ces opérations, le juge des libertés et de la détention peut être saisi à tout moment et immédiatement à la demande des parties saisies ce qui protège le droit à un procès équitable ; qu'en la présente instance, les sociétés Google ont été parfaitement informées de leurs droits, copie des ordonnances rendues ainsi que le texte de l'article L 16 B du Livre des procédures fiscales leur ayant été remis ; qu'elles ne justifient pas, par une quelconque mention sur les procès-verbaux de saisie, s'être opposées à un refus des officiers de police judiciaire de contacter le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Paris ; qu'il ne peut donc y avoir aucune annulation de ce chef » ;

ALORS QUE l'articles 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales impose de permettre à la personne faisant l'objet d'une visite domiciliaire diligentée sur le fondement de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales de pouvoir saisir lui-même, de sa propre initiative et sans avoir au préalable recours à l'officier de police judiciaire présent lors des opérations, le juge des libertés et de la détention d'une demande de suspension ou d'arrêt des opérations autorisées en cas de contestation de leur régularité ; que M. le Premier président de la cour d'appel, qui a énoncé que la possibilité dont dispose l'officier de police judiciaire présent au cours des opérations, de saisir le juge des libertés et de la détention suffit à garantir les droits du contribuable, a méconnu les exigences des articles 6 § 1, 8 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 12-28289
Date de la décision : 13/11/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 31 août 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 13 nov. 2013, pourvoi n°12-28289


Composition du Tribunal
Président : M. Espel (président)
Avocat(s) : Me Foussard, SCP Fabiani et Luc-Thaler

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.28289
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