LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 11 juillet 2012), qu'à la suite d'une vérification de l'assiette de la contribution sociale de solidarité des sociétés et de la contribution additionnelle à ladite contribution dues par la société Soitec (la société) au titre de l'année 2007, la Caisse nationale du régime social des indépendants (la caisse) a réintégré dans le chiffre d'affaires de la société le montant des transferts de stocks effectués par celle-ci en République fédérale d'Allemagne, et lui a notifié le 6 août 2009 une mise en demeure ; que la société a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande, alors, selon le moyen, que les sociétés et entreprises assujetties à la contribution sociale de solidarité et à la contribution additionnelle sont tenues d'indiquer annuellement à l'organisme chargé du recouvrement le montant de leur chiffre d'affaires global déclaré à l'administration fiscale, calculé hors taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées; que ce chiffre d'affaires n'est autre que celui entrant dans le champ d'application des taxes sur le chiffre d'affaires françaises, c'est-à -dire sur le produit des ventes de marchandises et de la production vendue de biens et de services ; que tel ne saurait être le cas du montant des « transferts de stocks intracommunautaires », dont la vente et le transfert de propriété sont réalisés au fur et à mesure de leur enlèvement, par les clients, dans l'Etat membre d'arrivée, ces transferts, qui ne constituent pas du chiffre d'affaires et qui, partant, sont hors champ d'application de la TVA française, n'entrant pas dans le champ d'application des taxes sur le chiffre d'affaires, nonobstant leur assimilation à des « livraisons intracommunautaires » et leur déclaration, pour des raisons statistiques, à l'administration fiscale française ; qu'en l'espèce, la société avait procédé à des transferts de stocks de la France vers l'Allemagne ne donnant lieu à la conclusion de la vente et au transfert de propriété qu'au fur et à mesure que les marchandises étaient enlevées, par ses clients, sur le sol allemand ; que, si ces transferts étaient, pour des besoins statistiques, déclarés à l'administration fiscale française dans le cadre de la déclaration de TVA, ils ne l'étaient pas, cependant en tant que chiffre d'affaires tandis que les ventes réalisées en Allemagne étaient, pour leur part, soumises par la société à la TVA allemande ; que, dès lors, en ayant déduit de leur seule assimilation à des livraisons intracommunautaires qu'il y a avait lieu d'en inclure le produit dans l'assiette de la contribution sociale de solidarité et de la contribution additionnelle au titre de l'année 2007 quand il résultait, pourtant, de l'ensemble de ces circonstances que ces transferts de stocks n'entraient pas dans le champ d'application des taxes sur le chiffre d'affaires et, partant, devaient être exclus de l'assiette de ces contributions, la cour d'appel a violé, par fausse interprétation, l'article L. 651-5 du code de la sécurité sociale ;
Mais attendu que l'arrêt énonce que l'assiette de la contribution sociale de solidarité est, selon l'article L. 651-5 du code de la sécurité sociale, celle du chiffre d'affaires global déclaré à l'administration fiscale, lequel n'est autre que celui entrant, selon les termes du même texte, dans le champ d'application des taxes sur le chiffre d'affaires ; que, selon l'article 256 du code général des impôts, sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) les livraisons de biens effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel, qu'est assimilé à une livraison de biens le transfert par un assujetti d'un bien de son entreprise à destination d'un autre Etat membre de la Communauté européenne, et qu'est considéré comme un transfert l'expédition ou le transport, par un assujetti ou pour son compte, d'un bien meuble corporel pour le besoin de son entreprise sauf quatre exceptions énumérées par le même article ; que le transfert par la société de stocks de produits finis destinés à la vente ne relève pas des quatre exceptions prévues par l'article 256 du code général des impôts et qu'il est donc assimilé à des livraisons intracommunautaires, et que les livraisons intracommunautaires et les transferts qui lui est assimilé, dès lors qu'ils sont opérés en vue de la vente, entrent dans le champ d'application territoriale de la TVA tout en bénéficiant d'une exonération en France ; que le régime fiscal des sociétés au regard de l'impôt sur les bénéfices est sans incidence sur leur obligation au versement de la contribution sociale de solidarité, laquelle est assise sur le chiffre d'affaires déclaré, peu important que celui-ci ait donné lieu ou non au recouvrement de la TVA, et que seule une éventuelle modification du chiffre déclaré serait de nature à permettre de modifier l'assiette de la contribution sociale de solidarité, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, aucune contestation n'existant sur le chiffre d'affaires déclaré au titre de la TVA ;
Que de ces énonciations, la cour d'appel a exactement déduit que le montant des transferts de stocks en République fédérale d'Allemagne effectués par la société en 2007 devait être inclus dans l'assiette des contributions dues par celle-ci ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Soitec aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Soitec ; la condamne à payer à la Caisse nationale du régime social des indépendants la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept novembre deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Spinosi, avocat aux Conseils, pour la société Soitec
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé que les opérations que la société SOITEC avait exclues de l'assiette de la contribution sociale de solidarité et de la contribution additionnelle au titre de l'année 2007 étaient bien des « livraisons intracommunautaires » et que le chiffre d'affaires afférent devait entrer dans l'assiette de ces contributions, d'avoir dit et jugé que la mise en demeure avait été décernée par la Caisse Nationale du RSI le 8 août 2009 à bon droit pour la somme globale de 315.780,00 €, d'avoir rejeté, en conséquence, la demande d'annulation de cette décision de redressement et d'avoir condamné la société SOITEC au paiement de 2.000,00 € au titre des frais irrépétibles ;
Aux motifs propres que « l'assiette de la contribution sociale de solidarité est selon l'article L 651-5 du code de la sécurité sociale celle du chiffre d'affaires global déclaré à l'administration fiscale ; que ce chiffre d'affaires n'est autre que celui entrant, selon les termes de l'article L 651-5 du code de la sécurité sociale, dans le champ d'application des taxes sur le chiffre d'affaires ;
- que l'article 256 du code général des impôts dispose que sont soumises à la TVA les livraisons de biens effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ; qu'est assimilé à une livraison de biens le transfert par un assujetti d'un bien de son entreprise à destination d'un autre Etat membre de la Communauté européenne ; qu'est considéré comme un transfert l'expédition ou le transport, par un assujetti ou pour son compte, d'un bien meuble corporel pour les besoins de son entreprise, sauf quatre exceptions listées par le même article ;
- que le transfert par la société SOITEC de stocks de produits finis destinés à la vente ne relève pas des quatre exceptions prévues par l'article 256 du code général des impôts et qu'ils sont donc assimilés à des livraisons intercommunautaires ; que les livraisons intercommunautaires, et les transferts qui leur sont assimilés, dès lors qu'ils sont opérés en vue de la vente, entrent dans le champ d'application de la TVA française tout en bénéficiant d'une exonération en France (article 362 ter § 1 du code général des impôts) ;
- que le régime fiscal des sociétés au regard de l'impôt sur les bénéfices est sans incidence sur leur obligation au versement de la contribution sociale de solidarité, laquelle est assise sur le chiffre d'affaires déclaré, peu important que celui-ci ait donné lieu ou non au recouvrement de la taxe sur la valeur ajoutée ; que seule une éventuelle modification du chiffre déclaré serait de nature à permettre de modifier l'assiette de la contribution sociale de solidarité, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, aucune contestation n'existant sur le chiffre d'affaires déclaré au titre de la TVA ;
- qu'il y a en conséquence lieu de confirmer le jugement » ;
Et aux motifs éventuellement adoptés que « selon l'article L 651-5 du Code de la Sécurité Sociale, l'assiette de la Contribution Sociale de Solidarité est constituée par le chiffre d'affaires global hors taxes, réalisé l'année précédente par les sociétés et entreprises assujetties et déclarées à l'Administration Fiscale ;
Le chiffre d'affaires est formé par l'addition des chiffres d'affaires imposables ou non à la TVA déclarée au cours de l'année civile précédente à partir des sommes qui figurent sur les déclarations de TVA ;
Ainsi, le chiffre d'affaires à prendre en compte est constitué par la somme des lignes 01, 04, 05, 06 et 6A de la déclaration CA3 ;
Du montant ainsi obtenu doivent être déduites les opérations effectuées d'un pays étranger à l'autre dites « étranger sur étranger », c'est-à -dire en pratique les ventes à l'étranger de marchandises achetées ou produites à l'étranger ;
Peuvent être également déduits de l'assiette de cotisations les transferts intracommunautaires non constitutifs de chiffres d'affaires, c'est-à -dire les déplacements de biens d'un pays de la communauté vers un autre Etat membre, sans transfert de propriété ;
En revanche les livraisons intracommunautaires effectuées à partir de la FRANCE entrent dans le champ d'application de la TVA, même si elles font l'objet d'une exonération par une disposition spéciale. Elles doivent être déclarées à l'Administration Fiscale et sont comprises dans le montant du chiffre d'affaires global servant à déterminer le seuil d'assujettissement et l'assiette de la Contribution Sociale de Solidarité (Feuillet rapide 16/09 du 29 mars 2009 - éditions F. Lefèvre (sic)) ;
Enfin, l'article 256 III du Code Général des Impôts assimile les transferts à des livraisons intracommunautaires sauf lorsque les biens sont destinés dans l'Etat membre d'arrivée à être utilisés temporairement ou à faire l'objet de travaux à condition qu'ils soient retournés en France à destination de l'assujetti ;
En l'espèce, la Société SOITEC effectue des transferts de biens de son stock en FRANCE vers le stock de ses clients en Allemagne, lesquels en font l'acquisition au fur et à mesure de leurs besoins ;
Les biens transférés sont destinés à la vente et le transfert de propriété s'opère lorsque le bien est prélevé du stock par le client ;
Dès lors, la vente dans le pays de destination, malgré une période de stockage intermédiaire, a pour effet de requalifier le transfert intracommunautaire non constitutif de chiffre d'affaires en livraison communautaire entrant dans le champ d'application de la TVA, même si elles sont imposées à ce titre, dans le pays de consommation, en vertu de dispositions fiscales spécifiques ;
Dans ces conditions, la Société SOITEC qui ne justifie pas d'invendus dans le pays de destination ne peut déduire les opérations litigieuses de l'assiette de cotisations au titre de transfert non constitutif de chiffre d'affaires ;
Elle ne saurait davantage se prévaloir de la déduction au titre des opérations dites « étranger sur étranger », les marchandises n'ayant pas été achetées à l'étranger mais émanant du stock détenu en FRANCE ;
En conséquence, il convient de faire droit à la demande de la Caisse du RSI et de dire n'y avoir lieu à procéder à l'annulation de la décision de redressement opérée à l'encontre de la Société SOITEC au titre de la Contribution Sociale de Solidarité » ;
Alors que les sociétés et entreprises assujetties à la contribution sociale de solidarité et à la contribution additionnelle sont tenues d'indiquer annuellement à l'organisme chargé du recouvrement le montant de leur chiffre d'affaires global déclaré à l'Administration fiscale, calculé hors taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées ; que ce chiffre d'affaires n'est autre que celui entrant dans le champ d'application des taxes sur le chiffre d'affaires françaises, c'est-à -dire sur le produit des ventes de marchandises et de la production vendue de biens et de services ; que tel ne saurait être le cas du montant des « transferts de stocks intracommunautaires », dont la vente et le transfert de propriété sont réalisés au fur et à mesure de leur enlèvement, par les clients, dans l'Etat membre d'arrivée, ces transferts, qui ne constituent pas du chiffre d'affaires et qui, partant, sont hors champ d'application de la TVA française, n'entrant pas dans le champ d'application des taxes sur le chiffre d'affaires, nonobstant leur assimilation à des « livraisons intracommunautaires » et leur déclaration, pour des raisons statistiques, à l'Administration fiscale française ; qu'en l'espèce, la société SOITEC avait procédé à des transferts de stocks de la France vers l'Allemagne ne donnant lieu à la conclusion de la vente et au transfert de propriété qu'au fur et à mesure que les marchandises étaient enlevées, par ses clients, sur le sol allemand ; que, si ces transferts étaient, pour des besoins statistiques, déclarés à l'Administration fiscale française dans le cadre de la déclaration de TVA, ils ne l'étaient pas, cependant en tant que chiffre d'affaires tandis que les ventes, réalisées en Allemagne, étaient, pour leur part, soumises par la société SOITEC à la TVA allemande ; que, dès lors, en ayant déduit de leur seule assimilation à des livraisons intracommunautaires qu'il y avait lieu d'en inclure le produit dans l'assiette de la contribution sociale de solidarité et de la contribution additionnelle au titre de l'année 2007 quand il résultait, pourtant, de l'ensemble de ces circonstances que ces transferts de stocks n'entraient pas dans le champ d'application des taxes sur le chiffre d'affaires et, partant, devaient être exclus de l'assiette de ces contributions, la Cour d'appel a violé, par fausse interprétation, l'article L. 651-5 du Code de la Sécurité sociale.