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06/11/2013 | FRANCE | N°12-21877

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 06 novembre 2013, 12-21877


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon les arrêts attaqués, que M. X..., engagé le 1er février 1987 en qualité de voyageur représentant placier (VRP) par la société RCK Graphic, aux droits de laquelle vient la société Ingénierie infographique S2I, a saisi la juridiction prud'homale de demandes de rappels de commissions, de sur-commissions, de dommages-intérêts et de remboursement de frais professionnels ; que la société Ingénierie infographique S2I a été placée en redressement judiciaire le 6 juillet 2012, M. Y... étant nom

mé mandataire judiciaire ;
Sur le second moyen :
Attendu qu'il n'y a p...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon les arrêts attaqués, que M. X..., engagé le 1er février 1987 en qualité de voyageur représentant placier (VRP) par la société RCK Graphic, aux droits de laquelle vient la société Ingénierie infographique S2I, a saisi la juridiction prud'homale de demandes de rappels de commissions, de sur-commissions, de dommages-intérêts et de remboursement de frais professionnels ; que la société Ingénierie infographique S2I a été placée en redressement judiciaire le 6 juillet 2012, M. Y... étant nommé mandataire judiciaire ;
Sur le second moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le premier moyen :
Vu le principe selon lequel les frais professionnels engagés par le salarié doivent être supportés par l'employeur ;
Attendu, selon cette règle, que les frais qu'un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur, doivent lui être remboursés sans qu'ils puissent être imputés sur la rémunération qui lui est due, à moins qu'il n'ait été contractuellement prévu qu'il en conserverait la charge moyennant le versement d'une somme fixée à l'avance de manière forfaitaire et à la condition, d'une part, que cette somme forfaitaire ne soit pas manifestement disproportionnée au regard du montant réel des frais engagés, et, d'autre part, que la rémunération proprement dite du travail reste chaque mois au moins égale au SMIC ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande en remboursement de frais professionnels, l'arrêt rectifié retient que les bulletins de paie délivrés au salarié mentionnent chaque trimestre un abattement pour frais professionnels au taux de 30 % d'un montant fixe de 1 900 euros ; que les cotisations sociales ont été calculées uniquement sur 70 % du montant des commissions ; que le salarié ne justifie pas avoir contesté les modalités de remboursement de ses frais professionnels ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors qu'il résultait de ses constatations que le contrat de travail ne prévoyait pas la prise en charge par le salarié des frais professionnels moyennant le versement d'une somme fixée à l'avance de manière forfaitaire, la cour d'appel a violé le principe susvisé ;
Et attendu que la cassation entraîne l'annulation par voie de conséquence des chefs de dispositif de l'arrêt rectificatif du 9 mai 2012 qu'elle atteint ; que le moyen devient sans objet en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 9 mai 2012 ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. X... de sa demande en remboursement des frais professionnels pour la période antérieure au 31 décembre 2010, l'arrêt rendu le 15 février 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Dit n'y avoir lieu à statuer sur le pourvoi en ce qu'il est formé à l'encontre de l'arrêt du 9 mai 2012 ;
Condamne la société Ingénierie infographique S2I aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Ingénierie infographique S2I à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six novembre deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... de sa demande de remboursement de frais professionnels pour la période comprise entre le 26 avril 2004 et le 31 décembre 2010
AUX MOTIFS PROPRES QUE « sur la demande de remboursement de frais professionnels, que Monsieur X..., qui soutient n' avoir, malgré ses réclamations, jamais été remboursé de ses frais professionnels, sollicite à ce titre une somme de 91 837 euros pour la période du 26 avril 2004 au 31 décembre 2010 ; que, pour s'opposer à cette prétention la SARL S2I, soutient que le taux de commission était majoré de façon à couvrir les frais professionnels, forfaitairement arrêtés conformément à l'accord des parties et à une pratique toujours acceptée; Que les frais qu'un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur doivent lui être remboursés, sans qu'ils puissent être imputés sur la rémunération qui lui est due, à moins qu'il n'ait été contractuellement prévu qu'il en conserverait la charge moyennant le versement d'une somme fixée à l'avance de manière forfaitaire, sous réserve que la rémunération proprement dite du travail reste au moins égale au minimum garanti; Que la prise en charge des frais engagés peut s'effectuer sous forme de remboursement de frais sur production de justificatifs ou de versement d'allocation forfaitaire ou de majoration des taux de commissions; Considérant qu'en l'absence de contrat de travail écrit, ses modalités d'exécution et notamment le libellé des bulletins de paie délivrés par l'employeur peuvent constituer un commencement de preuve des obligations des parties au contrat et que, si l'acceptation, sans protestation ni réserve, d'un bulletin de paie par le salarié ne peut valoir renonciation au paiement du salaire dû, elle peut corroborer l'existence d'un accord des parties sur les modalités de prise en charge des frais professionnels par l'employeur conformément aux indications figurant sur le bulletin de paie; Qu'en l'espèce, les bulletins de paie délivrés à monsieur X... par la SA RCK Graphic mentionnent, chaque trimestre, un abattement pour frais professionnels au taux de 30%, pour un montant fixe de 1 900 euros, déduit du montant des commissions pour le calcul des charges sociales, que monsieur X... ne justifie pas avoir jamais contesté de sorte que l'existence d'un accord des parties sur ce mode de remboursement forfaitaire peut être retenu, peu important que la somme fixe ne corresponde pas nécessairement à 30% du montant des commissions mais au montant auquel est limité l'abattement forfaitaire pour le calcul des cotisations sociales; Que monsieur X... ne prétend pas que sa rémunération minimum garantie s'en soit jamais trouvée affectée; Qu'en tout état de cause, monsieur X... ne fournissant aucun justificatif des frais professionnels réellement exposés par lui et dont la preuve ne peut résulter ni de ses propres décomptes manuscrits ni des avis d'imposition établis sur ses seules déclarations, ne pourra qu'être débouté de la demande de remboursement de frais qu'il présente pour la période antérieure au 31 décembre 2010 »
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « le demandeur évoque à l'appui de ses demandes deux argumentations, la première étant que l'employeur a prévu une rémunération exclusive de tout remboursement de frais ce qui est illégal, la deuxième, que dans le cas d'un commissionnement inclus dans le salaire, cette disposition doit faire l'objet d'un accord écrit entre les parties ; Attendu en préalable, que l'employeur a toute liberté pour fixer les modalités de prise en charge des frais professionnels; Attendu, sur ce premier moyen, que le remboursement des frais est inclus dans le montant des commissions, le taux de commissionnement étant majoré de 30% de façon forfaitaire, pour tenir compte des frais professionnels; Attendu que, contrairement aux allégations du demandeur, les commissions n'étaient pas exclusives de tout remboursement de frais, le libellé des bulletins de paie versés au dossier mentionnant bien le principe d'un abattement pour frais professionnels; Attendu, sur le deuxième moyen, que le principe de ce calcul était admis depuis de nombreuses années sans que le demandeur ne rapporte la preuve d'un quelconque désaccord sur les modalités retenues par l'employeur; Attendu que les VRP figurent parmi les professions qui ont droit à un abattement forfaitaire pour frais professionnels en application d'un arrêté du 20 décembre 2002 ; Attendu que le demandeur a été rempli de ses droits »
1/ ALORS QUE les frais qu'un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur doivent lui être remboursés, sans qu'ils puissent être imputés sur la rémunération qui lui est due, à moins qu'il n'ait été contractuellement prévu qu'il en conserverait la charge moyennant le versement d'une somme fixée à l'avance de manière forfaitaire, sous réserve que la rémunération proprement dite du travail reste au moins égale au minimum garanti ; que dès lors, l'inclusion dans la rémunération versée d'une somme forfaitaire destinée à assurer le remboursement des frais exposés ne peut résulter que d'un accord écrit des parties préalable à l'exécution du contrat ; qu'en se fondant sur les mentions portées sur les bulletins de paie du salarié pour déduire l'existence d'un accord des parties sur l'inclusion dans les commissions d'une somme de 1900 euros à titre de remboursement de frais, la Cour d'appel a violé les articles L 1221-1 du Code du travail et 1134 du Code civil ;
2/ ALORS QUE l'acceptation, sans protestation ni réserve, d'un bulletin de paie par le salarié ne peut valoir renonciation au paiement du salaire dû ; qu'en se fondant sur la seule absence de contestation par Monsieur X... de l'abattement pour frais professionnels mentionné sur ses bulletins de paie, pour en déduire qu'il avait ainsi donné son accord à l'imputation sur ses commissions d'une somme de 1900 euros à titre de prise en charge de ses frais professionnels, la Cour d'appel a violé les articles L 3243-3 du Code du travail et 1134 du Code civil ;
3/ ALORS QUE les termes du litige sont fixés par les prétentions respectives des parties ; que la société S2I ne contestait pas la réalité des frais professionnels engagés par Monsieur X... ; qu'en déboutant ce dernier de sa demande de remboursement de frais, après avoir jugé que ce dernier ne rapportait pas la preuve des frais qu'il avait exposés, la Cour d'appel a violé l'article 4 du Code de procédure civile ;
4/ ALORS QUE la preuve est libre en matière prud'homale ; que Monsieur X... justifiait des frais professionnels qu'il avait engagés en versant aux débats les avis d'imposition que lui avait notifiés l'Administration fiscale, faisant apparaître l'admission par cette dernière des frais professionnels qu'il avait déclarés; qu'en jugeant que le salarié ne pouvait justifier des frais professionnels qu'il avait exposés par la production de documents établis sur la base de ses ces propres déclarations, la Cour d'appel a violé l'article 1315 du Code civil.
5/ ALORS QUE lorsque le salarié reçoit une rémunération incluant le remboursement forfaitaire de ses frais professionnels et que ce mode de remboursement n'a pas été contractuellement prévu, il appartient au juge, lorsque l'employeur ne conteste pas le principe que son salarié a effectivement engagé de tels frais, d'en évaluer et d'en fixer le montant, peu important l'absence de justificatifs des frais réellement exposés ; qu'en l'espèce, le salarié soutenait que lorsqu'un employeur, sans avoir contesté le montant des frais professionnels, ne les a jamais remboursés, le VRP est en droit d'en demander le rappel à hauteur des 30 % du montant de ces commissions et qu'en l'espèce, les sommes réclamées, calculées sur la base des frais réels déclarés à l'administration, étaient inférieures à ces 30 % ; que de son côté, l'employeur se bornait à faire valoir qu'accéder à la demande du salarié reviendrait à lui payer deux fois ses frais professionnels compte tenu du remboursement forfaitaire inclus dans sa rémunération ; que dès lors, en relevant qu'« en tout état de cause », le salarié ne fournissait aucun justificatif des frais réellement exposés, mais des décomptes manuscrits et des avis d'imposition, quand cette circonstance ne la dispensait pas d'évaluer et de fixer le montant des frais professionnels dont la réalité était acquise dans son principe, la Cour d'appel a violé les articles L 1221-1 du Code du travail et 1134 du Code civil ;

SECOND MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... de sa demande de dommages et intérêts pour refus de paiement par son employeur de ses commissions
AUX MOTIFS QUE « sur la demande de dommages et intérêts au titre du refus de paiement et du paiement tardif des commissions et sur-commissions, que monsieur X... expose que les commissions et sur-commissions qui restaient dues depuis la fin octobre 2008 lui ont été réglées fin janvier 2010 et réclame une somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du refus et du retard de paiement pendant cette période; Considérant qu'en vertu de l'article 1153 du code civil, dans les obligations qui se bornent au paiement d'une certaine somme, les dommages et intérêts résultant du retard dans l'exécution ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts au taux légal; que monsieur X... ne démontrant pas que l'employeur lui aurait causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, ne saurait prétendre obtenir des dommages et intérêts distincts des intérêts moratoires de sa créance; Que le jugement sera cependant réformé ce chef, les intérêts au taux légal sur la somme de 4897, 95 euros due par la société a monsieur X... au titre des commissions et surcommissions étant dus à compter de la date de réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes jusqu'à la date du paiement »
ALORS QUE le refus de paiement du salaire par l'employeur, sans motif légitime, cause nécessairement un préjudice au salarié, distinct du simple retard réparé par les intérêts moratoires; que le salarié sollicitait des dommages et intérêts non seulement pour le paiement tardif de ses commissions, mais également en réparation du préjudice résultant du refus volontaire de paiement opposé par son employeur pendant 15 mois, le salarié faisant valoir que les difficultés financières invoquées par l'employeur ne constituaient pas un motif légitime justifiant le non-paiement (conclusions d'appel de l'exposant p 5); qu'en déboutant le salarié de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'il avait subi du fait du refus sans motif légitime de son employeur de lui payer les commissions qui lui étaient dues, la Cour d'appel a violé les articles L 1222-1 et L 3241-1 et suivants du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12-21877
Date de la décision : 06/11/2013
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 09 mai 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 06 nov. 2013, pourvoi n°12-21877


Composition du Tribunal
Président : M. Ludet (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.21877
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