LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles L. 421-5 et L. 421-6 du code de l'environnement, ensemble l'article 1382 du code civil ;
Attendu qu'aux termes du premier de ces textes, les associations dénommées fédérations départementales des chasseurs participent à la mise en valeur du patrimoine cynégétique départemental, à la protection et à la gestion de la faune sauvage ainsi que de ses habitats ; elles assurent la promotion et la défense de la chasse ainsi que des intérêts de leurs adhérents ; qu'aux termes du deuxième, les fédérations départementales des chasseurs peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les faits constituant une infraction aux dispositions du présent titre et des textes pris pour son application et portant un préjudice direct ou indirect aux intérêts collectifs, matériels et moraux qu'elles ont pour objet de défendre ;
Attendu, selon le jugement attaqué, que M. X..., propriétaire d'une chasse privée, a bénéficié d'un plan de chasse mis en place par la fédération des chasseurs de la Vienne (la fédération), limitant à deux le nombre de bracelets correspondant aux prélèvements de cervidés autorisés ; que ce nombre ayant été dépassé lors d'une battue à laquelle ont pris part, le 28 février 2010, M. X... et ses deux invités, MM. Y... et Z..., la fédération les a assignés en indemnisation de son préjudice ;
Attendu que pour débouter la fédération de sa demande, le jugement énonce que la fédération ne prouve pas le caractère certain de son préjudice ;
Qu'en statuant ainsi, alors que du seul fait du dépassement des prélèvements de gibier autorisés par le plan de chasse, le préjudice subi par la fédération se trouvait établi, la juridiction de proximité a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 7 septembre 2011, entre les parties, par la juridiction de proximité de Poitiers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant la juridiction de proximité de Chatellerault ;
Condamne MM. X..., Y... et Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Z..., condamne MM. X..., Y... et Z... à payer à la fédération départementale des chasseurs de la Vienne la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre octobre deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Delvolvé, avocat aux Conseils, pour la Fédération départementale des chasseurs de la Vienne
IL EST FAIT GRIEF AU JUGEMENT ATTAQUE D'AVOIR débouté la fédération départementale des chasseurs de la VIENNE de sa demande d'indemnisation du préjudice engendré par le dépassement, par MM. X..., Y... et Z... du plan de chasse auquel ils étaient soumis,
AUX MOTIFS QUE le plan de chasse avait été dépassé, même si ce dépassement n'était pas volontaire; qu'il convenait donc de rechercher si ce fait avait causé un dommage à la fédération de chasse; que la fédération disait qu'elle devait repeupler la population de chevreuils quand le plan de chasse était dépassé; qu'or elle ne produisait aucun élément à cet égard ; que bien plus, à une demande de battue administrative faite par M. X... et concernant des chevreuils et des sangliers, il était donné avis favorable en juillet 2010 par le maire de la commune et par le lieutenant de la Louveterie ; qu'ainsi, plutôt que repeupler, on autorisait à dépeupler ; que la fédération ne prouvait donc pas le caractère certain du préjudice,
ALORS, D'UNE PART, QUE l'inobservation d'un plan de chasse cause par elle-même à la fédération des chasseurs chargée de sa mise en oeuvre un préjudice direct, constitué par l'atteinte aux objectifs de protection et de reproduction du gibier lui incombant qui lui ouvre droit à réparation ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations du jugement attaqué que MM. X..., Y... et Z... ont dépassé le plan de chasse dont ils bénéficiaient en abattant trois chevreuils au-delà du nombre maximum autorisé; que ce dépassement du plan de chasse causait par lui-même un préjudice à la fédération des chasseurs de la Vienne chargée de sa mise en oeuvre ; qu'en déniant l'existence d'un préjudice direct résultant de ce dépassement, la juridiction de proximité a violé les articles L.421-5 et L.421-6 du code de l'environnement,
ALORS, D'AUTRE PART, QUE les juges du fond ne peuvent modifier les termes du litige dont ils sont saisis, tels que définis par les conclusions respectives des parties; qu'en l'espèce, ainsi que cela ressort de ses conclusions du 23 mai 2011 (p.8 et 9), la fédération départementale des chasseurs de la VIENNE avait saisi la juridiction de proximité d'une demande tendant à la réparation du préjudice constitué par l'atteinte portée par le dépassement d'un plan de chasse aux objectifs de protection et de régulation du gibier qui relèvent de sa mission; qu'en relevant néanmoins que le préjudice dont il était demandé réparation par la fédération des chasseurs résidait exclusivement dans son obligation de repeupler la population de chevreuils du territoire considéré, la juridiction de proximité a dénaturé lesdites conclusions et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile.