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22/10/2013 | FRANCE | N°12-27044

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 22 octobre 2013, 12-27044


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 juillet 2012), que la société ITS Fabry (la société ITS), qui avait conclu avec la société Carrefour hypermarchés (la société Carrefour), le 20 janvier 2009, une convention dite de partenariat, a revendu à cette dernière, après avoir réalisé certaines prestations, des marchandises acquises auprès de la société Carrefour import ; que la société ITS, qui avait été mise en redressement judiciaire par jugement du 13 décembre 2010, a

fait assigner la société Carrefour en paiement du montant de certaines factures ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 juillet 2012), que la société ITS Fabry (la société ITS), qui avait conclu avec la société Carrefour hypermarchés (la société Carrefour), le 20 janvier 2009, une convention dite de partenariat, a revendu à cette dernière, après avoir réalisé certaines prestations, des marchandises acquises auprès de la société Carrefour import ; que la société ITS, qui avait été mise en redressement judiciaire par jugement du 13 décembre 2010, a fait assigner la société Carrefour en paiement du montant de certaines factures ; que la société Carrefour, cessionnaire, en vertu d'un acte du 31 mai 2011, d'une partie de la créance déclarée par la société Carrefour import au passif du redressement judiciaire de la société ITS au titre de ses ventes à cette dernière, lui a opposé la compensation entre cette créance et celle de la société ITS ;
Attendu que la société Carrefour fait grief à l'arrêt de la condamner à payer la somme de 1 910 632,59 euros à la société ITS, alors, selon le moyen :
1°/ qu'à défaut de tirer les conséquences légales de ses propres constatations sur l'existence d'une clause de compensation conventionnelle dans la convention de partenariat du 20 janvier 2009, d'où il résultait que la compensation par la société Carrefour était valablement opérée sur la base de cette convention, la cour d'appel a violé les articles 1134, 1289, 1290 et 1291 du code civil ;
2°/ que l'existence de deux conventions distinctes entre trois parties différentes n'exclut pas qu'elles s'inscrivent dans un ensemble contractuel unique ; qu'en écartant l'existence d'une « opération globale unique », au motif inopérant que des « relations triangulaires » mais « parallèles » auraient existé entre les parties et qu'une clause de compensation conventionnelle n'aurait été stipulée qu'en faveur de Carrefour, cependant que l'existence de deux conventions distinctes entre trois parties différentes n'excluait pas un ensemble contractuel unique, dès lors que la société ITS revendait exclusivement à la société Carrefour des marchandises acquises exclusivement auprès de la société Carrefour import et ayant effectué des prestations logistiques et de conditionnement dans l'intérêt des deux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134, 2189, 1290 et 1291 du code civil ;
3°/ qu'en s'étant fondée sur la circonstance inopérante que la société Carrefour aurait elle-même demandé le rejet de factures de la société ITS émises à l'ordre d'autres entités du groupe Carrefour, quand ces autres entités n'étaient principalement pas la société Carrefour import mais d'autres personnes morales du groupe (Carrefour France, Carrefour Magencel et Logidis) et que l'intimée n'avait présenté cette demande que subsidiairement, sur le quantum de la créance dont l'appelante se prévalait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134, 1289, 1290 et 1291 du code civil ;
4°/ qu'à défaut de répondre aux conclusions de la société Carrefour faisant valoir que la société ITS lui avait elle-même réclamé le paiement de factures libellées à l'ordre de la société Carrefour import, ce dont il résultait qu'elle considérait elle-même qu'un ensemble contractuel unique les avait liées, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
5°/ qu'en ayant reproché à la cour d'avoir considéré que la compensation opérée par la société Carrefour ne l'avait été que dans le but avoué de faire échec à la règle de l'égalité des créanciers, quand elle avait expliqué qu'elle n'y avait eu recours que pour éviter de régler des marchandises que la société ITS avait revendues, sans les avoir jamais payées, la cour d'appel a violé ensemble les articles 1134, 1289, 1290 et 1291 du code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, que la société Carrefour ayant fait valoir non que la compensation s'était opérée en exécution de la convention du 20 janvier 2009 mais qu'il y avait lieu de constater que les créances réciproques existant entre elle et la société ITS à la suite de la cession de créance du 31 mai 2011 procédaient d'un ensemble économique global, invoquant ainsi le bénéfice de la compensation judiciaire des créances connexes, c'est sans méconnaître les conséquences légales de ses constatations que la cour d'appel s'est prononcée comme elle a fait ;
Et attendu, en second lieu, qu'ayant relevé, sans encourir le grief de la cinquième branche, que la reconnaissance d'une « opération économique globale » permettrait à la société Carrefour, par le jeu d'une cession de créance, de créer la connexité nécessaire à la compensation sollicitée dans le seul but avoué de faire échec au principe de l'égalité entre les créanciers d'une société en procédure collective, faisant ainsi ressortir que la cession à la société Carrefour d'une partie de la créance de la société Carrefour import avait été accomplie à seule fin de satisfaire à l'exigence de réciprocité requise pour la mise en oeuvre de la compensation, la cour d'appel, qui n'avait pas à répondre aux conclusions inopérantes visées par la quatrième branche, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen, pour partie inopérant, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Carrefour hypermarchés aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme de 3 000 euros à la société ITS Fabry ; rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux octobre deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Odent et Poulet, avocat aux Conseils, pour la société Carrefour hypermarchés.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR décidé qu'il n'y avait pas d'opération économique globale entre les parties et qu'il n'y avait pas de connexité entre les dettes et les créances des unes et des autres et d'AVOIR, en conséquence, condamné la société CARREFOUR HYPERMARCHES à payer 1.910.632,59 ¿ à la société ITS FABRY avec intérêts de retard et capitalisation des intérêts ;
AUX MOTIFS QUE, le 20 janvier 2009, une convention de partenariat avait été signée entre, d'une part, la société CARREFOUR HYPERMARCHES ou toute société du groupe Carrefour détenue à 100 % qu'elle substituerait ci-après dénommée CARREFOUR et la société ITS FABRY, ci-après dénommée le fournisseur ; que cette convention stipulait notamment : « le fournisseur autorise CARREFOUR à opérer une compensation entre les sommes dues par le fournisseur à l'ensemble des entités juridiques exploitant des magasins ou entrepôts aux enseignes du groupe et les sommes dont les entités juridiques du groupe sont redevables envers le fournisseur ou tout cessionnaire de factures, et ceux à quelque titre que ce soit » ; qu'en exécution de cette convention, des relations commerciales s'établissaient entre la société ITS FABRY et la société CARREFOUR IMPORT, d'une part, et les sociétés ITS FABRY et CARREFOUR HYPERMARCHES, d'autre part, de sorte que, dans leurs rapports entre elles, chaque société se trouvait en permanence créancière et/ou débitrice réciproquement l'une de l'autre ; que lorsque la société ITS FABRY, placée le 13 décembre 2010 en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Valenciennes, a poursuivi le 11 juillet 2011 devant ce tribunal la condamnation de la société CARREFOUR HYPERMARCHES à lui payer la somme de 2.272.869,80 ¿ (subsidiairement 2.026.432,41 ¿ et encore plus subsidiairement 1.745.285,30 ¿) en règlement de factures, la SAS CARREFOUR HYPERMARCHES excipait d'une cession de créance qu'elle tenait de la société CARREFOUR IMPORT à l'encontre de la société ITS FABRY et demandait ¿ avec succès ¿ au tribunal de constater que les dettes réciproques entre elle-même et la société anonyme procédaient d'un ensemble économique global et qu'elles s'étaient trouvées éteintes par le jeu de la compensation ; qu'il n'était nullement démontré qu'entre les trois parties la convention elle-même ou son application avait établi des relations triangulaires entre elles sur le plan économique ou juridique, puisqu'au contraire la stipulation de compensation précitée ne jouait qu'en faveur de CARREFOUR et que d'ailleurs la société CARREFOUR HYPERMARCHES avait elle-même indiqué dans ses conclusions devant la cour (p. 17), subsidiairement, sur le quantum des demandes de la société ITS FABRY, « il est demandé à la cour de rejeter la demande de condamnation formée par ITS FABRY, CARREFOUR HYPERMARCHES ne pouvant être condamné à payer des factures émises à l'ordre d'autres personnes morales du groupe CARREFOUR » ; qu'il doit être au contraire considéré que les relations des parties étaient restées parallèles les unes par rapport aux autres, même si deux d'entre elles appartiennent au même groupe ; que, dans ces conditions, la cour ne peut reconnaître l'existence en l'espèce d'une « opération économique globale » qui permettrait, par le jeu d'une cession de créance, de créer la connexité nécessaire à compensation sollicitée par la société CARREFOUR HYPERMARCHES dans le but avoué de mettre en échec la règle d'égalité des créanciers d'une société entre procédure collective ; qu'en devenant cessionnaire de la créance de la société CARREFOUR IMPORT pour un montant de 1.910.632,59 ¿ TTC sur la société ITS FABRY, soit exactement la somme réclamée par cette société dans son action en paiement contre elle, la société CARREFOUR HYPERMARCHES s'est de ce fait reconnue débitrice de cette somme envers la société ITS FABRY dont la demande sera donc acceptée à concurrence de ce montant ;
1°/ ALORS QUE, à défaut de tirer les conséquences légales de ses propres constatations sur l'existence d'une clause de compensation conventionnelle dans la convention de partenariat du 20 janvier 2009, d'où il résultait que la compensation par la société CARREFOUR HYPERMARCHES était valablement opérée sur la base de cette convention, la cour d'appel a violé les articles 1134, 1289, 1290 et 1291 du code civil ;
2°/ ALORS QUE l'existence de deux conventions distinctes entre trois parties différentes n'exclut pas qu'elles s'inscrivent dans un ensemble contractuel unique ; qu'en écartant l'existence d'une « opération globale unique », au motif inopérant que des « relations triangulaires » mais « parallèles » auraient existé entre les parties et qu'une clause de compensation conventionnelle n'aurait été stipulée qu'en faveur de CARREFOUR, cependant que l'existence de deux conventions distinctes entre trois parties différentes n'excluait pas un ensemble contractuel unique, dès lors que la société ITS FABRY revendait exclusivement à la société CARREFOUR HYPERMARCHES des marchandises acquises exclusivement auprès de la société CARREFOUR IMPORT et ayant effectué des prestations logistiques et de conditionnement dans l'intérêt des deux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134, 2189, 1290 et 1291 du code civil ;
3°/ ALORS QUE, en s'étant fondée sur la circonstance inopérante que la société CARREFOUR HYPERMARCHES aurait elle-même demandé le rejet de factures de la société ITS FABRY émises à l'ordre d'autres entités du groupe CARREFOUR, quand ces autres entités n'étaient principalement pas la société CARREFOUR IMPORT mais d'autres personnes morales du groupe (CARREFOUR FRANCE, CARREFOUR MAGENCEL et LOGIDIS) et que l'intimée n'avait présenté cette demande que subsidiairement, sur le quantum de la créance dont l'appelante se prévalait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134, 1289, 1290 et 1291 du code civil ;
4°/ ALORS QU'à défaut de répondre aux conclusions de la société CARREFOUR HYPERMARCHES faisant valoir que la société ITS FABRY lui avait elle-même réclamé le paiement de facture libellées à l'ordre de la société CARREFOUR IMPORT, ce dont il résultait qu'elle considérait elle-même qu'un ensemble contractuel unique les avaient liées, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
5°/ ALORS QUE, en ayant reproché à la cour d'avoir considéré que la compensation opérée par la société CARREFOUR HYPERMARCHES ne l'avait été que dans le but avoué de faire échec à la règle de l'égalité des créanciers, quand elle avait expliqué qu'elle n'y avait eu recours que pour éviter de régler des marchandises que la société ITS FABRY avaient revendues, sans les avoir jamais payées, la cour d'appel a violé ensemble les articles 1134, 1289, 1290 et 1291 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 12-27044
Date de la décision : 22/10/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 06 juillet 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 22 oct. 2013, pourvoi n°12-27044


Composition du Tribunal
Président : M. Espel (président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Odent et Poulet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.27044
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