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10/10/2013 | FRANCE | N°12-22049

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 10 octobre 2013, 12-22049


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier et le second moyen réunis, pris en leur première branche :

Attendu, selon les arrêts attaqués (Lyon, 23 août 2010 et 15 mai 2012) que M. X..., ancien salarié de la société Rhodia recherches devenue Rhodia opérations (l'employeur), a souscrit le 5 septembre 2005 une déclaration de maladie professionnelle concernant un carcinome des cordes vocales accompagnée d'un certificat médical initial du 30 mars 2004 datant l'apparition de la maladie de décembre 1993 ; que la caisse primair

e d'assurance maladie du Rhône ayant refusé de prendre cette pathologie en...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier et le second moyen réunis, pris en leur première branche :

Attendu, selon les arrêts attaqués (Lyon, 23 août 2010 et 15 mai 2012) que M. X..., ancien salarié de la société Rhodia recherches devenue Rhodia opérations (l'employeur), a souscrit le 5 septembre 2005 une déclaration de maladie professionnelle concernant un carcinome des cordes vocales accompagnée d'un certificat médical initial du 30 mars 2004 datant l'apparition de la maladie de décembre 1993 ; que la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône ayant refusé de prendre cette pathologie en charge au titre de la législation professionnelle, l'intéressé a saisi une juridiction de sécurité sociale ; que, par un premier arrêt, la cour d'appel a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription invoquée par l'employeur puis, par un second arrêt, a fait droit à la demande du salarié ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt rendu le 23 août 2010 de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription et à l'arrêt rendu le 15 mai 2012 d'accueillir au fond le recours du salarié, alors, selon le moyen :
1°/ que la loi ne dispose que pour l'avenir et n'a point d'effet rétroactif ; que, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale fixait le point de départ de la prescription biennale de l'article L. 431-2 du même code à la date de première constatation médicale de la maladie ; que la modification du point de départ de la prescription fixé par l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, à la suite de l'entrée en vigueur de la loi du 23 décembre 1998, ne saurait, en l'absence de disposition légale spécifique, avoir pour effet de faire renaître un droit d'action antérieurement atteint par la prescription biennale ; qu'au cas présent, il résulte des constatations de l'arrêt que l'affection ayant atteint les cordes vocales de M. X... avait été découverte en 1993 ; qu'il s'évinçait de cette constatation que la prescription biennale avait, en vertu des dispositions de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale dans leur rédaction alors en vigueur, commencé à courir à compter du mois de décembre 1993 et que le droit pour M. X... s'était éteint en décembre 1995, antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 23 décembre 1998 ; qu'en estimant néanmoins que « le fait que la maladie ait été découverte en 1993 soit avant la promulgation de la loi du 23 décembre 1998 est sans incidence sur l'application de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable depuis cette date », la cour d'appel a violé ce texte par fausse application, ensemble l'article 2 du code civil ;
2°/ que la cassation à intervenir de l'arrêt du 23 août 2010 ayant jugé que la demande de reconnaissance de maladie professionnelle était recevable entraînera, en application de l'article 625 du code de procédure civile, la cassation de l'arrêt attaqué en ce qu'il a reconnu le caractère professionnel de cette maladie ;
Mais attendu que l'exception de prescription suppose que la partie à laquelle elle est opposée ne se soit pas trouvée dans l'impossibilité d'agir ;
Et attendu que l'arrêt retient que le salarié a été informé du lien possible entre sa maladie et son activité professionnelle par le certificat médical initial ;
Qu'appréciant souverainement la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel a, par cette constatation dont il résulte que l'intéressé était dans l'impossibilité d'agir avant le 30 mars 2004, légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que, mal fondé en sa première branche, le moyen manque en fait en la seconde ;
Et attendu que les autres griefs du pourvoi ne sont pas de nature à en permettre l'admission ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Rhodia opérations aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Rhodia opérations ; la condamne à payer la somme de 2 500 euros à M. X... et celle de 2 400 euros à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix octobre deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.
Moyens produits par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la société Rhodia opérations.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
(qui concerne l'arrêt du 23 août 2010)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué du 23 août 2010 d'AVOIR confirmé le jugement qui lui était déféré en ce qu'il a déclaré recevable le recours de Monsieur Daniel X... et d'avoir rejeté l'exception de prescription de la société RHODIA RECHERCHES, aujourd'hui dénommée RHODIA OPERATIONS ;
AUX MOTIFS QU' « il résulte des dispositions combinées des articles L. 431-2 et L. 461-1 du code de la sécurité sociale, que les droits de la victime ou de ses ayants droit aux prestations et indemnités se prescrivent par deux ans à dater, en ce qui concerne les maladies professionnelles, de la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle. Le point de départ du délai de prescription, en ce qui concerne les maladies professionnelles, tel que ci-dessus indiqué date de la loi du 23 décembre 1998 ; qu'à la déclaration de maladie professionnelle, était joint un certificat médical établi le 30 mars 2004 par le professeur Bertrand Y... qui mentionne que Daniel X... a présenté un carcimone des cordes vocales en décembre 2003 qui a été traité par chirurgie et ne s'est plus manifesté depuis cette époque, que Daniel X... a été exposé à différents produits chimiques dont le benzène et ses dérivés en tant qu'ingénieur-chimiste et a fait un voyage en UKRAINE en 1991 quelques mois après l'accident nucléaire, qu'il est possible que ces différentes expositions aient joué un rôle déclenchant dans la maladie ; que Daniel X... a été informé du lien possible entre sa maladie et son activité professionnelle par ce certificat médical ; qu'il a présenté sa demande de reconnaissance de la maladie professionnelle, le 5 septembre 2005 soit dans le délai de deux ans ; que le fait que la maladie ait été découverte en 1993 soit avant la promulgation de la loi du 23 décembre 1998 est sans incidence sur l'application de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable depuis cette date ; qu'en application de l'article 700 du code de procédure civile, la société RHODIA RECHERCHES doit verser à Daniel X... une indemnité de 1.000 ¿ pour les frais non répétibles qu'elle l'a contraint à exposer ;
ALORS, D'UNE PART, QUE la Loi ne dispose que pour l'avenir et n'a point d'effet rétroactif ; que, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la Loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, l'article L. 461-1 du Code de la sécurité sociale fixait le point de départ de la prescription biennale de l'article L. 431-2 du même Code à la date de première constatation médicale de la maladie ; que la modification du point de départ de la prescription fixé par l'article L. 461-1 du Code de la sécurité sociale, à la suite de l'entrée en vigueur de la Loi du 23 décembre 1998, ne saurait, en l'absence de disposition légale spécifique, avoir pour effet de faire renaître un droit d'action antérieurement atteint par la prescription biennale ; qu'au cas présent, il résulte des constatations de l'arrêt que l'affection ayant atteint les cordes vocales de Monsieur X... avait été découverte en 1993 (Arrêt p. 3 al. 5) ; qu'il s'évinçait de cette constatation que la prescription biennale avait, en vertu des dispositions de l'article L. 461-1 du Code de la sécurité sociale dans leur rédaction alors en vigueur, commencé à courir à compter du mois de décembre 1993 et que le droit pour Monsieur X... s'était éteint en décembre 1995, antérieurement à l'entrée en vigueur de la Loi du 23 décembre 1998 ; qu'en estimant néanmoins que « le fait que la maladie ait été découverte en 1993 soit avant la promulgation de la loi du 23 décembre 1998 est sans incidence sur l'application de l'article L. 461-1 du Code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable depuis cette date » (Arrêt p. 3 al. 5), la Cour d'appel a violé ce texte par fausse application, ensemble l'article 2 du Code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE le certificat établi par le Professeur Y... le 30 mars 2004 énonçait que Monsieur X... a présenté « en décembre 1993 un carcinome des cordes vocales » et que « ce carcinome a été traité par chirurgie et ne s'est plus manifesté depuis cette époque » ; qu'en énonçant que « le certificat médical établi le 30 mars 2004 par le Professeur Y... ¿ mentionne que Daniel X... a présenté un carcinome des cordes vocales en décembre 2003 », la Cour d'appel qui en déduit que Monsieur X... a été informé du lien possible entre sa maladie et son activité professionnelle par ce certificat médical et que sa demande du 5 septembre 2005 aurait été formée dans le délai de deux ans, a méconnu le principe de l'interdiction faite aux juges de dénaturer les termes clairs et précis des documents produits aux débats.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(Sur l'arrêt du 15 mai 2012)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué du 15 mai 2012 d'avoir infirmé la décision de la Commission de recours amiable refusant la prise en charge de la maladie déclarée par Monsieur X..., d'avoir dit que cette maladie devait être prise en charge avec toutes conséquences de droit, notamment en ce qui concerne l'évaluation du taux d'IPP et de la rente et d'avoir déclaré la société RHODIA OPERATIONS irrecevable à soulever la prescription pour voir rejeter l'action en reconnaissance de maladie professionnelle ;
AUX MOTIFS QUE « les questions de la prescription et de la recevabilité de l'action en reconnaissance de maladie professionnelle exercée par Daniel X... ont été définitivement jugées par l'arrêt rendu le 23 août 2010 par la Cour d'Appel de LYON ; la S.A. RHODIA OPERATIONS est donc irrecevable à soulever de nouveau la prescription pour voir rejeter l'action en reconnaissance de maladie professionnelle ; que le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de la région AUVERGNE a pris connaissance des documents visés par les textes et de l'ensemble des documents médicaux et administratifs, a reconstitué précisément la carrière de Daniel X... et s'est fait transmettre la liste détaillée des produits manipulés par Daniel X... dans l'exercice de sa profession ; il a conclu à l'existence d'un lien direct et essentiel entre la pathologie déclarée et l'activité professionnelle exercée ; que l'employeur ne querelle pas la régularité formelle de l'avis du comité mais sa pertinence ; pour combattre les conclusions du comité, l'employeur produit l'avis d'un expert lequel, après examen des pièces de l'employeur, conclut qu'il n'existe pas de lien entre la profession et la maladie et explique que la maladie est vraisemblablement un cancer secondaire à la chimiothérapie effectuée en 1992 pour le lymphome folliculaire ; que le 22 février 2012, le professeur Gilles Z..., chef du service d'hématologie du centre hospitalier LYON-SUD, a certifié que Daniel X... est suivi dans son service depuis 1992 pour un lymphome folliculaire qui n'a pas nécessité d'intervention thérapeutique jusqu'en avril 2002, époque à laquelle ont été dispensées une immunothérapie puis une immuno-chimiothérapie ; il précise qu'il est impossible que le carcinome des cordes vocales développé avant l'année 2002 soit en rapport avec un quelconque traitement lié au lymphome ; que dans ces conditions, l'employeur n'apporte aucun élément sérieux venant contredire les conclusions du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de la région AUVERGNE aux termes desquelles il existe un lien direct et essentiel entre la pathologie déclarée par Daniel X... et son activité professionnelle ; qu'en conséquence, le carcinome de la corde vocale gauche présenté par Daniel X... doit être pris en charge à titre de maladie professionnelle ; que le jugement entrepris doit être confirmé » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE la cassation à intervenir de l'arrêt de la Cour d'appel de LYON du 23 août 2010 ayant jugé que la demande de reconnaissance de maladie professionnelle était recevable entraînera, en application de l'article 625 du Code de procédure civile, la cassation de l'arrêt attaqué en ce qu'il a reconnu le caractère professionnel de cette maladie ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE par arrêt du 1er décembre 2011, la Cour de Cassation a estimé que l'arrêt de la Cour d'appel de LYON du 23 août 2010, ayant jugé que la demande de reconnaissance de maladie professionnelle était recevable, était insusceptible de pourvoi indépendamment d'un arrêt statuant sur le fond ; que cet arrêt du 23 août 2010 ne pouvait dès lors avoir acquis un caractère définitif ; qu'en jugeant le contraire, pour déclarer la société RHODIA OPERATIONS irrecevable à soulever la prescription pour voir rejeter l'action en reconnaissance de maladie professionnelle, la Cour d'appel a violé les articles 606 et 608 du Code de procédure civile, ensemble l'article 1351 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 12-22049
Date de la décision : 10/10/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 15 mai 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 10 oct. 2013, pourvoi n°12-22049


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : SCP Boutet, SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Didier et Pinet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.22049
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