La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/10/2013 | FRANCE | N°12-21224

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 09 octobre 2013, 12-21224


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1232-6 et L. 1132-1 du code du travail ;
Attendu qu'en vertu du premier de ces textes, l'employeur est tenu d'énoncer le ou les motifs du licenciement dans la lettre de licenciement ; que le second, faisant interdiction de licencier un salarié notamment en raison de son état de santé ou de son handicap ne s'oppose pas au licenciement motivé, non par l'état de santé du salarié, mais par la situation objective de l'entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l'ab

sence prolongée ou les absences répétées du salarié ; qu'il en rés...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1232-6 et L. 1132-1 du code du travail ;
Attendu qu'en vertu du premier de ces textes, l'employeur est tenu d'énoncer le ou les motifs du licenciement dans la lettre de licenciement ; que le second, faisant interdiction de licencier un salarié notamment en raison de son état de santé ou de son handicap ne s'oppose pas au licenciement motivé, non par l'état de santé du salarié, mais par la situation objective de l'entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l'absence prolongée ou les absences répétées du salarié ; qu'il en résulte que la lettre de licenciement doit énoncer expressément la perturbation dans le fonctionnement de l'entreprise et la nécessité de pourvoir au remplacement du salarié absent, dont le caractère définitif doit être vérifié par les juges du fond ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été employé par la société Les Jardins méditerranéens en qualité de jardinier qualifié, à compter du 1er janvier 2004 ; que son licenciement lui a été notifié le 9 mars 2009 au motif que ses absences répétées perturbaient le fonctionnement de l'entreprise ; que M. X... a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu qu'après avoir relevé que les motifs mentionnés dans la lettre de licenciement sont les absences à répétition du salarié qui perturbent le bon fonctionnement de l'entreprise, l'arrêt retient que cette lettre est précise et ne peut être critiquée au regard de l'article L. 1232-6 du code du travail ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit fondé sur une cause réelle et sérieuse le licenciement de M. X... et le déboute de ses demandes au titre de la rupture abusive, l'arrêt rendu le 14 février 2012, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi du chef de l'arrêt ayant statué sur le bien-fondé du licenciement ;
Déclare le licenciement de M. X... dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée, pour qu'il soit statué sur la demande de dommages-intérêts relative à ce licenciement ;
Condamne la société Les Jardins méditerranéens aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf octobre deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour M. X...

Le moyen de cassation fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir jugé que le licenciement de M. X... était justifié par une cause réelle et sérieuse et d'avoir débouté M. X... de ses demandes de dommages et intérêts de ce chef ;
AUX MOTIFS QUE " aux termes de l'article L. 1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. Le contenu de la lettre de licenciement en date du 30 janvier 2008 qui fixe les limites du litige précise que les absences à répétition qui perturbent le bon fonctionnement de l'entreprise sont le motif de la rupture du contrat de travail. La lettre de licenciement est précise et ne peut être critiquée au regard de l'article L. 1232-6 du Code du Travail. Il résulte de l'article L. 1132-1 du Code du Travail qu'un salarié ne peut être licencié en raison de son état de santé sauf si le licenciement est motivé non par l'état de santé de l'intéressé mais par la situation objective de l'entreprise dont le fonctionnement a été perturbé par l'absence prolongée ou les absences répétées de l'intéressé et si ces perturbations entraînent la nécessité pour l'employeur de procéder à son remplacement définitif. En ce qui concerne la réalité des faits invoqués, la société LES JARDINS MEDITERRANEENS démontre par la production de l'historique complet des absences du salarié que ce dernier a été victime depuis le 30 novembre 2004, de 4 arrêts au titre d'accidents du travail, dont deux pour une période de plus de quatre mois et de deux arrêts au titre de la maladie, soit un total de 315 jours d'arrêt de travail depuis juillet 2004, dont 168 jours d'arrêt de travail pour la seule année 2008, sans compter les congés légitimement pris cette année-là. Le dernier arrêt de travail avait duré 4 mois et 9 jours soit du 23 septembre 2008 au 2 février 2009. Ainsi, la répétition des absences du salarié est-elle bien avérée. Une entreprise qui n'a que quatre salariés, dans un domaine aussi spécifique que celui du jardinage est nécessairement perturbée par l'absence d'un salarié qui représente le quart de son personnel et ce d'autant plus que cette personne était jusqu'en 2008 le seul jardinier qualifié de la société et que le planning très chargé de l'année 2008, produit par la société, témoigne de ses contraintes organisationnelles. La situation de l'entreprise au plan des embauches durant cette période atteste de la perturbation de son fonctionnement. Ainsi, il résulte du registre du personnel que la société a été contrainte de procéder à l'embauche de Monsieur Y..., aide jardinier, en contrat de travail à durée déterminée le 13 mai 2008, alors que Monsieur X... était en arrêt de travail depuis le 9 mai 2008, puis de Monsieur Z..., jardinier, en contrat à durée indéterminée le 1er mai 2009.

Le salarié critique l'absence de coïncidence exacte entre les dates d'embauche et les dates d'arrêts de travail. Cependant, à la différence d'une absence prolongée qui permet à l'employeur de se projeter dans l'avenir, les absences répétées empêchent l'employeur d'une petite entreprise comme celle des JARDINS MEDITERRANEENS de réorganiser son entreprise aussi vite que nécessaire, puisqu'il ne dispose pas au sein de la société, des ressources humaines suffisantes, qu'il ne peut anticiper les dates de reprise de son salarié et qu'il peut s'écouler un certain temps entre la décision d'embauche et le moment où elle est suivie d'effet, l'employeur n'ayant pas à sa disposition un volant de jardiniers qualifiés, disponible à l'emploi à tout instant. Ainsi, le licenciement de Monsieur X... au motif de ses absences répétées, alors même qu'il était présent dans l'entrepris au jour de son licenciement, est-il intervenu pour un motif réel et sérieux, en raison des perturbations causées par la récurrence de ses absences sur le fonctionnement de l'entreprise et de la nécessité de procéder à une embauche définitive pour pallier à celles-ci " (arrêt p. 4 et 5) ;

ALORS, D'UNE PART, QU'un licenciement peut être motivé par la situation objective de l'entreprise qui se trouve dans la nécessité de pourvoir au remplacement définitif d'un salarié dont l'absence prolongée ou les absences répétées, fussent-elles dues à son état de santé, perturbent son fonctionnement ; que dans ce cas, la lettre de licenciement doit mentionner expressément la perturbation que les absences causent au fonctionnement de l'entreprise et la nécessité du remplacement définitif du salarié absent ; qu'à défaut, elle n'est pas suffisamment motivée et le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement visait " les absences à répétition qui perturbent le bon fonctionnement de l'entreprise sont le motif de la rupture du contrat de travail " ; qu'en jugeant que cette lettre était suffisamment précise bien qu'elle n'ait pas mentionné la nécessité du remplacement définitif de M. X..., la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1 et L. 1232-6 du code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement s'apprécie au jour de la rupture ; que le licenciement du salarié motivé par la perturbation causée au fonctionnement de l'entreprise par ses absences répétées ou prolongées et la nécessité de procéder à son remplacement définitif est donc dépourvu de cause réelle et sérieuse si ce salarié est présent dans l'entreprise depuis plusieurs semaines au moment où l'employeur lui notifie son licenciement ; qu'en considérant qu'était justifié le licenciement de M. X..., motivé par la perturbation causée à l'entreprise par ses absences répétées et prolongées et la nécessité de procéder à son remplacement définitif, tout en constatant qu'il était présent dans l'entreprise au jour du licenciement, d'où il suivait que l'entreprise ne subissait aucune perturbation liée à son absence et n'était pas dans la nécessité de le remplacer définitivement au jour de la rupture, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations en violation des articles L. 1132-1 et L. 1232-1 du code du travail ;
ALORS, DE PLUS, QU'un licenciement peut être motivé par la situation objective de l'entreprise qui se trouve dans la nécessité de pourvoir au remplacement définitif d'un salarié dont l'absence prolongée ou les absences répétées, fussent-elles dues à son état de santé, perturbent son fonctionnement ; que le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement, et notamment l'existence de la perturbation invoquée, s'apprécie au jour de la rupture ; qu'en se fondant, pour dire que le licenciement notifié le 9 mars 2009 à M. X..., était justifié par la perturbation que ses absences avaient occasionnée à la société LES JARDINS MEDITERRANEENS au cours de l'année 2008, sur le fait que son planning chargé à cette époque l'avait contrainte d'embaucher un aide-jardinier en contrat de travail à durée déterminée le 13 mai 2008, puis un jardinier le 1er mai 2009, alors que ces circonstances étaient soit antérieures, soit postérieures à la date de la rupture, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles L. 1132-1 et L. 1232-1 du code du travail ;
ALORS, ENFIN, QUE si un licenciement peut être motivé par la situation objective de l'entreprise qui se trouve dans la nécessité de pourvoir au remplacement définitif d'un salarié dont l'absence prolongée ou les absences répétées perturbent son fonctionnement, les juges doivent caractériser cette perturbation et la nécessité de pourvoir au remplacement définitif du salarié ; qu'en se bornant à retenir que l'entreprise, qui comptait 4 salariés et exerçait dans un domaine aussi spécifique que celui du jardinage, avait été nécessairement perturbée par l'absence d'un salarié qui était le seul jardinier qualifié, qu'elle avait été contrainte de le remplacer temporairement pendant son absence en 2008 compte-tenu de son planning chargé, la cour d'appel, qui n'a caractérisé ni la perturbation causée par les absences de M. X..., ni la nécessité de pourvoir à son remplacement définitif, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1 et L. 1232-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12-21224
Date de la décision : 09/10/2013
Sens de l'arrêt : Cassation partielle partiellement sans renvoi
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 14 février 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 09 oct. 2013, pourvoi n°12-21224


Composition du Tribunal
Président : M. Chollet (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Boulloche

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.21224
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award