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02/10/2013 | FRANCE | N°12-85036

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 02 octobre 2013, 12-85036


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- Mme Joëlle X..., épouse Y...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 2-9, en date du 29 juin 2012, qui, pour abus de faiblesse, l'a condamnée à deux ans d'emprisonnement avec sursis, cinq ans d'interdiction professionnelle, a ordonné une mesure de confiscation, et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 4 septembre 2013 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code

de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Nocquet conseiller rapporteur...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- Mme Joëlle X..., épouse Y...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 2-9, en date du 29 juin 2012, qui, pour abus de faiblesse, l'a condamnée à deux ans d'emprisonnement avec sursis, cinq ans d'interdiction professionnelle, a ordonné une mesure de confiscation, et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 4 septembre 2013 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Nocquet conseiller rapporteur, Mme Ract-Madoux, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
Sur le rapport de Mme le conseiller NOCQUET, les observations de la société civile professionnelle BARTHÉLEMY, MATUCHANSKY ET VEXLIARD, de la société civile professionnelle THOUIN-PALAT ET BOUCARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général GAUTHIER ;
Vu les mémoires produits en demande, en défense et en réplique ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 313-4 ancien, 112-1, 223-15-2 nouveau du code pénal, 8, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré Mme Y...coupable du chef d'abus frauduleux de l'ignorance ou de la faiblesse d'une personne vulnérable pour l'obliger à un acte ou à une abstention préjudiciable et l'a condamnée à une peine de deux ans d'emprisonnement avec sursis, lui a interdit pour une durée de cinq ans d'exercer l'activité professionnelle de docteur en médecine et, sur l'action civile, l'a condamnée à payer à la direction nationale des interventions domaniales la somme de 156 412, 53 euros ;
" aux motifs propres que la cour examinerait si les conditions prévues par les dispositions de l'article 223-15-2 du code pénal qui définit le délit visé dans la prévention, étaient réunies ; que cet article précisait que : « est puni de trois ans d'emprisonnement et de 375 000 euros d'amende l'abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de la situation de faiblesse soit d'un mineur, soit d'une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur, soit d'une personne en état de sujétion psychologique ou physique résultant de l'exercice de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer son jugement, pour conduire ce mineur ou cette personne à un acte ou à une abstention qui lui sont gravement préjudiciables » ; qu'il convenait donc de vérifier si, cumulativement, la vulnérabilité de la victime était apparente ou connue de la prévenue et les faits constituaient un « acte ou une abstention qui avaient été gravement préjudiciables » à Mme Z... ; que, sur l'état de vulnérabilité de Mme Z..., lors de son admission au mois de mars 1997 au sein de la clinique Villa Montsouris, alors qu'elle était âgée de 92 ans, Mme Z... était alitée de façon permanente et présentait une cécité, une surdité importante, outre des troubles psychiatriques comme un délire de persécution ayant justifié son admission en milieu spécialisé ; qu'aux termes de leur rapport daté du 1er février 2006, les docteurs V...et W..., spécialistes en neuropsychiatrie, ayant travaillé à partir du dossier médical conservé à la clinique Montsouris puis saisi, avaient conclu que Mme Z... ne disposait plus de 1997 jusqu'à son décès de l'intégrité de ses capacités cognitives, lesquelles étaient largement altérées et ne lui permettaient plus la conscience de ses besoins, de ses intérêts financiers et de la gestion de son patrimoine ; qu'ils avaient souligné que dès son admission était noté un état de démence c'est-à-dire « un syndrome confuso-déficitaire de la sénilité avec atteinte des grandes fonctions cognitives, attention, orientation, mémoire, jugement, raisonnement, calcul comportant un délire de persécution » ; que le professeur A..., dans son rapport d'expertise daté du 27 juillet 2006, réalisé à partir du dossier médical de la patiente conservé par la clinique Villa Montsouris et saisi le 27 mai 2005, avait conclu que l'hospitalisation de Mme Z... avait été continue à partir du 27 mars 1997 en raison d'un état de démence avec perte d'autonomie, un état neurologique et général et la présence d'escarres et que son état somatique et mental était resté irréversible à partir de la date d'entrée durant tout son séjour à la clinique Villa Montsouris ; que l'intéressée avait perdu ses facultés cognitives dès son admission et que ce degré d'altération avait rendu nécessaire une aide dans les actes de la vie civile ; que le docteur B...dans son expertise en vue d'une mesure de protection, le 16 mars 2002, n'avait pas conclu en retrait comme le soutenait la défense : qu'il avait ainsi écrit que « les troubles protéiformes de ses capacités intellectuelles faisaient évoquer une symptomatologie démentielle avec altération de son jugement et de son raisonnement ; que dans ces conditions, il nous semblerait souhaitable de proposer la tutelle » ; que le docteur C...interrogé sur la solution adoptée d'une hospitalisation longue, sans lever le secret médical, avait indiqué aux enquêteurs que celle-ci était justifiée, d'une part, par l'absence de famille de la patiente, d'autre part, par le fait qu'« une structure en gériatrie classique pouvait gérer des problèmes psychiatriques légers dus à l'âge (démence, Alzheimer) mais pas des pathologies dont elle souffrait » (D 173/ 2) ; qu'il avait également indiqué, s'agissant d'une mesure de protection de la patiente, ne rien pouvoir faire sans l'intervention du médecin généraliste avec qui il avait évoqué la question ; que Mme D..., aide soignante, si elle avait déclaré que Mme Z... pouvait avoir toute sa tête et être très autoritaire avait également dit que « Mme Z... était très handicapée, très forte et très mal en point ¿ c'était un cas lourd ¿ ; qu'elle demandait beaucoup d'attention, elle avait besoin d'une présence constante auprès d'elle, elle demandait tout le temps quelque chose ¿ elle avait des crises d'hallucination comme par exemple de croire que des gens venaient la nuit voler son argent » (D 59/ 2) ; que Mme E...qui avait exercé les fonctions de directrice administrative et d'exploitation de la clinique Villa Montsouris, avait certes déclaré que Mme Z... avait une claire conscience de qui elle était et des soins et de l'attention qui devaient lui être prodigués mais avait également précisé (D 177/ 2) que cette personne, « très centrée sur elle-même, compte tenu de sa pathologie, ne pouvait être laissée seule, ou du moins entourée sans se sentir persécutée » et que du fait de cette pathologie lourde, elle n'aurait pas été acceptée en gérontologie ; que Mme F..., infirmière à la clinique Villa Montsouris, avait déclaré que Mme Z... était en permanence alitée et plus en état de se laver ou de s'alimenter elle-même ; que la prévenue elle-même, dans son audition par les enquêteurs (D 130/ 2), avait déclaré que, peu après avoir connu Mme Z..., « la situation a (vait) empiré ; que Mme Z... a (vait) commencé à entrer dans un délire de persécution ¿ elle ne semblait pas souffrir de perte de repères. Elle racontait en revanche toute sa vie et tenait des propos extravagants sans plus. Par la suite son état a vait empiré, je me suis rendu compte qu'elle souffrait de crises d'anxiété terribles ¿ elle avait une obsession du vol et soupçonnait tout le monde, vu son état, j'ai pris sur moi de la faire envoyer à la clinique Montsouris ¿ j'ajoute qu'elle criait et gênait énormément ses voisins ¿ j'ai craint qu'elle ne soit internée de force à Sainte-Anne » ; qu'il apparaissait donc que Mme Z... présentait un état de vulnérabilité apparent et manifestement connu de la prévenue, de surcroît médecin de profession, qui ne pouvait dès lors ignorer ou se méprendre sur les symptômes présentés par la description de l'état de sa patiente quand elle l'avait connue puis par ses visites fréquentes à la clinique où elle l'avait fait admettre pour la protéger ; que, sur les actes gravement préjudiciables, trente-sept chèques suspects pour un montant à l'époque de 474 000 francs, soit 72 260, 83 euros, avaient bénéficié directement à la prévenue qui avait, en outre, directement bénéficié d'une partie des espèces retirées du compte de Mme Z... soit 45 734, 71 euros ; qu'en outre, elle avait bénéficié indirectement de chèques faits à des proches pour 167 000 francs, soit 25 458, 99 euros, et acquis du matériel médical pour 85 000 francs, soit 12 958, 17 euros, avec des chèques tirés à partir du compte de Mme Z... ; qu'ainsi, l'enquête avait permis d'établir qu'entre le 30 juin 1997 et le 4 janvier 1998, Mme Y...avait bénéficié de quatre chèques libellés pour un montant total de 155 000 francs tirés sur le compte de Mme Z... ; que, par ailleurs, entre le 22 avril et le 15 octobre 1999, des chèques libellés pour un montant total de 90 000 francs avaient été adressés à Mme G..., Mme Y...souhaitant ainsi dédommager Mme G...à hauteur de 20 000 francs pour l'aide que celle-ci avait apportée à son fils lors du passage du baccalauréat, les 70 000 francs restant ayant été remboursés par Mme G...par deux chèques émis les 30 novembre et 31 décembre 1999 ; que les explications fournies par la prévenue avaient été, à ce propos, contradictoires, ayant déclaré qu'il s'agissait pour le solde de 70 000 francs d'une forme d'épargne pour payer des droits de succession et à un autre moment d'une cassette personnelle alors qu'elle connaissait des difficultés conjugales ; que divers chèques avaient également été émis au profit de membres de la famille de Mme Y...; qu'ainsi, le 30 mai 1998, un chèque libellé pour un montant de 40 000 francs avait été établi à l'ordre de Mme X..., épouse I..., soeur de Mme Y...; que le 23 décembre 1998, le père de Mme Y...avait reçu un chèque libellé pour un montant de 16 000 francs ; que l'ensemble de ces chèques aux destinataires divers, inconnus de Mme Z..., et pour des besoins variés démontraient, s'il en était besoin, que la prévenue était parfaitement au fait des choses d'argent, de ses intérêts et de ceux de ses proches ; que trois chèques établis par Mme Y...et signés par Mme J...avaient également servi à des achats de matériel médical par la prévenue ; qu'un chèque libellé pour un montant de 35 000 francs avait été remis au docteur K...; qu'un autre chèque avait également été émis en faveur de la société Sélectif SA pour l'achat de matériel médical ; qu'en septembre 1998, un chèque d'un montant de 15 000 francs avait été établi au bénéfice de Mme L..., compagne de M. M...pour l'achat de matériel médical ; qu'un mois plus tard, un chèque d'un montant de 21 000 francs avait été tiré sur le compte de Mme Z... avec pour bénéficiaire Mme N...pour l'achat d'un véhicule de marque BMW par Mme Y...; qu'en septembre 1998, était intervenue la vente du studio de Mme Z..., situé à Quiberon, effectuée par Mme Y...comme il avait été établi par le supplément d'information, sur procuration établie par Mme Z... le 6 février 1997 ; que, face à la réalité de cet événement, la prévenue n'avait opposé jusque là qu'un trou de mémoire ; qu'entre le 27 février 1998 et le 27 juillet 2000, quatre chèques avaient été émis avec comme bénéficiaire « Anne-Marie Z... » ou « moi-même » ; qu'au total, entre le 1er janvier 1997 et le 21 décembre 2001, l'association Espace tutelles estimait que la diminution des avoirs bancaires avait atteint une valeur de 304 898 euros établissant ainsi le caractère gravement préjudiciable de la gestion de fait par la prévenue des biens de Mme Z... ; qu'enfin, un certain nombre de meubles ayant appartenu à Mme Z... avaient été retrouvés aux domiciles de Mme J...et de Mme Monredon lors des perquisitions ; que Mme J...avait également reconnu que certains meubles avaient été placés par Mme Y...au garde-meubles ; qu'entendue par les enquêteurs, Mme Z..., en dépit de ses troubles, se souvenait parfaitement de ses meubles et de ses bijoux qu'elle disait de valeur et n'avait pas déclaré en avoir fait don à Mme Y...alors que les bijoux vendus par l'association Espace tutelles avaient été retrouvés pour la plupart dessertis de leurs pierres ; que si le dévouement de Mme Y...avait été souligné par plusieurs membres de la clinique et avait été jugé soit admirable soit abusif, ce qui était en cause ici, c'étaient les contreparties coûteuses de ce dévouement que s'était consenties la prévenue et qui avaient été gravement préjudiciables à Mme Z..., au final dépouillée de ses biens de son vivant, et qui étaient incompatibles avec les devoirs de la charge d'un médecin et interrogeaient en outre sur la réalité du lien filial allégué ; que, sur ce point, la prévenue ne pouvait, sans se contredire, soutenir n'avoir aucun problème d'argent et reconnaître avoir parlé à l'occasion à sa patiente de quelques difficultés financières qui avaient été résolues par des chèques établis sur son ordre par Mme J...et encaissés par la prévenue ou dont avaient bénéficié des proches ou relations ; qu'elle ne pouvait pas davantage invoquer, sans se contredire, l'argument de n'être pas au fait des règles de déontologie de sa profession, ce qui en soi était déjà surprenant, et finir par reconnaître, pour expliquer la dissipation des avoirs de sa protégée, avoir encaissé sur ses comptes personnels, ce qui caractérisait la mauvaise foi, des chèques qu'elle avait pris soin de faire signer par Mme J..., après les avoir libellés, et qui auraient été représentatifs pour partie d'honoraires qu'elle pouvait difficilement chiffrer et dont le solde aurait été constitué de libéralités ; qu'enfin, elle ne pouvait prétendre avoir gardé une commode et un tableau de faible valeur par souvenir quasi filial de la défunte et avoir affirmé un temps qu'il s'agissait de tout ce qu'elle avait reçu, tout en finissant par reconnaître s'être défaite d'un meuble précieux, un bureau Empire à cylindre contre une somme de 5 000 euros, qui avait été estimé sommairement par un expert mais hors expertise comme valant de 15 000 à 30 000 euros ; que, face aux accusations dont elle était l'objet, la prévenue était restée évasive et imprécise ; qu'elle avait avancé que de nombreuses dépenses auraient correspondu à des produits de beauté coûteux exigés par sa patiente, restée très coquette, mais n'avait jamais apporté la moindre justification ou précision sur ces dépenses dont de nombreuses pièces du dossier établissaient à l'inverse qu'elles avaient été réglées en espèces par Mme J..., chargée par Mme Z... d'y procéder ; qu'en définitive, en établissant ainsi des chèques à partir du compte de Mme Z... au profit de tiers ou à elle-même, médecin traitant d'une très vieille dame qu'elle savait vulnérable pour l'avoir fait hospitaliser en secteur psychiatrique, en procédant à la vente de son appartement, le produit de cette vente ayant ensuite été dissipé en honoraires occultes, en détournant ou dissipant ses meubles, le tout sans recourir à une mesure de protection de l'intéressée, le signalement fait au juge alors que les comptes de Mme Z... étaient vidés ne pouvant faire illusion, Mme Y...avait commis des actes gravement préjudiciables à cette dernière et abusé de la faiblesse de Mme Z... ; que l'infraction étant établie en tous ses éléments, le jugement serait confirmé sur la déclaration de culpabilité ;
" et aux motifs adoptés qu'il résultait de la procédure et des débats les éléments d'appréciation suivants ; que l'origine de cette procédure pénale se trouvait dans un signalement, adressé au procureur de la République de Paris, le janvier 2003, par le juge des tutelles en charge du treizième arrondissement, et relatif à la situation de Mme XX..., veuve Z..., née le 3 février 1905, sans enfant, pour laquelle une procédure de tutelle avait été ouverte le 28 février 2002 ; que le juge des tutelles avait soupçonné la commission de faits d'abus de faiblesse par Mme Y..., née X..., et Mme J..., née O..., respectivement médecin traitant et employée de maison de cette personne âgée, hospitalisée depuis le 27 mars 1997 à la clinique Villa Montsouris, établissement psychiatrique ; que l'examen des pièces transmises par ce magistrat révélait que Mme Y...se trouvait à l'origine du signalement de la situation de Mme Z... au juge des tutelles ; que, par un courrier daté du 15 décembre 2001, elle avait communiqué, d'une part, une attestation rédigée le 27 septembre 2001 par le docteur C..., médecin à la clinique Villa Montsouris, selon laquelle l'état de santé de Mme Z... nécessitait une mesure de protection des biens sous forme de curatelle ; que, d'autre part, elle avait indiqué qu'elle-même et Mme J...s'occupaient de Mme Z... depuis 1997, année de son hospitalisation, et que les retards de paiement de la caisse primaire d'assurance maladie de plus de sept mois les contraignaient « à abandonner cette responsabilité pour la mettre sous la protection de l'Etat » ; que le docteur B..., psychiatre désigné par le juge des tutelles, avait examiné Mme Z... le 12 mars 2002 ; que dans son rapport, daté du 16 mars 2002, il avait relevé l'existence d'un alitement permanent, d'une cécité, d'une hypoacousie et de troubles protéiformes des capacités intellectuelles évocateurs d'une symptomatologie démentielle accompagnée d'une altération du jugement et du raisonnement, état nécessitant la mise en place d'une mesure de tutelle ; qu'après audition de Mme Z... à la clinique, la mesure de protection avait été instituée par ordonnance du 13 juin 2002 et confiée à l'association Espace tutelles ; que le magistrat avait expressément prévu dans sa décision que les rapports entre la protégée et Mme Y...devraient être clarifiés en raison de la gestion de fait que cette dernière semblait avoir exercée depuis plusieurs années ; que deux rapports de l'association Espace tutelles, datés du 25 octobre 2002 et du 6 janvier 2003, avaient fourni au juge des tutelles les renseignements suivants, lesquels avaient justifié la saisine du parquet de Paris ; que Mme Z... avait été hospitalisée pour une cassure du col du fémur le 27 mars 1997 dans cette clinique du treizième arrondissement à la demande de Mme Y..., son médecin traitant depuis 1996 ; qu'estimant par la suite que la vieille dame n'était pas en état de reprendre une vie indépendante chez elle, la clinique l'avait gardée ; que, lors de plusieurs visites en 2002, la directrice de l'association tutélaire avait pu constater que le comportement intellectuel et la mémoire de Mme Z... étaient plutôt bons pour une personne de son âge et qu'elle présentait une personnalité assez forte et autoritaire ; que depuis 1996, ne pouvant plus gérer ses affaires elle-même en raison de sa cécité, son amie et médecin Mme Y...lui avait proposé de l'aider ; que, néanmoins, ne pouvant en tant que médecin traitant avoir procuration sur ses comptes, c'était Mme J..., l'employée de maison de Mme Z..., qui s'était vu confier la procuration et qui signait les chèques ; qu'avant son admission en clinique en mars 1997, Mme Z... disposait de confortables moyens d'existence (portefeuille de valeurs mobilières, biens immobiliers, retraites importantes, meubles et bijoux de valeur) ; que tout avait quasiment disparu entre mars 1997 et décembre 2001 ; que les dépenses s'étaient élevées à 60 000 francs par mois alors que ses revenus étaient de 30 000 francs par mois ; qu'il avait été relevé que la mutuelle de Mme Z... avait remboursé la plupart des frais de clinique ; qu'à la fin du mois de juin 2002, les dettes de Mme Z... atteignaient la somme de 47 000 euros ; que le bail de l'appartement occupé par Mme Z... et situé ...avait été résilié par Mme Y..., laquelle avait prétendu que les quelques meubles et objets sans valeur s'y trouvant avaient été donnés par ses soins à l'association Emmaüs, à l'exception de deux meubles, cadeaux que lui aurait faits Mme Z... et qu'elle se disait prête à restituer ; que pourtant Mme Z... avait été en mesure en 2002 de décrire avec précision les meubles, bronzes, pièces d'argenterie de grande valeur qu'elle avait possédés et auxquels elle était très attachée ; que sur ces questions, Mme Y...était restée très évasive ; qu'un inventaire des deux coffres loués en banque, dressé par un commissaire priseur n'avait permis d'y découvrir que quelques couverts en argent, des objets sans valeur et des bijoux dont la quasi-totalité des pierres avaient été desserties et avaient disparu ; qu'un premier examen des comptes bancaires de Mme Z... tenus par la banque Crédit suisse Hottinguer avait mis en évidence des retraits d'espèces importants opérés par Mme J...au moyen de la procuration bancaire, après l'hospitalisation de Mme Z... : 50 000 francs le 5 mai 1997, 15 000 le 27 octobre 1997, 40 000 le 28 janvier 1999 et 35 000 le 9 décembre 1999 ; qu'à compter de l'hospitalisation de Mme Z..., Mme J...avait perçu des salaires réguliers allant de 5 000 à 7 000 francs par mois selon les bulletins de paie remis par Mme Y...à l'association tutélaire ; qu'une somme totale de 382 840 francs avait été ainsi versée à Mme J..., alors même que Mme Z... employait à ses frais trois membres du personnel de la clinique pour s'occuper d'elle ; que Mme J...était restée également très évasive dans ses explications sur son rôle, notamment à propos de la libération de l'appartement de Mme Z..., et de ses relations avec Mme Y...; que des recherches étaient en cours sur les bénéficiaires de certains chèques émis sur le compte de Mme Z... et signés par Mme J...; que l'association avait déjà pu établir que quatre chèques avaient été émis en faveur de Mme Y...pour un montant total de 155 000 francs entre le 30 juin 1997 et le 4 janvier 1998 ; que quatre autres avaient été libellés à l'ordre de « moi-même » ou de Mme Anne-Marie Z... pour une somme totale de 210 000 francs entre février 1998 et juillet 2000 ; qu'au vu de l'ensemble de ces éléments d'information, la brigade de répression de la délinquance astucieuse avait été saisie en enquête préliminaire le 2 juin 2003 ; que, dès le 23 juin 2003, le docteur C...de la clinique Villa Montsouris avait certifié que l'état de santé de Mme Z... s'étant amélioré, il ne nécessitait plus de prise en charge en unité de soins intensifs en psychiatrie et que l'intéressée pouvait intégrer une maison de retraite médicalisée ; que les enquêteurs avaient pu entendre Mme Z... le 25 juin 2003 ; que bien que très affaiblie, alitée, non voyante et ayant de grandes difficultés à entendre, la vieille dame avait pu décliner son identité, expliquer que Mme J...lui avait été présentée par son banquier nommé P...ou Q..., de même que Mme Y...; qu'elle avait relaté que cette dernière lui avait un jour demandé cinq millions de francs pour payer « un passeur de médicaments prohibés » et qu'elle avait falsifié le chèque ; que Mme Z... avait surtout été en mesure de décrire avec précision plusieurs meubles qu'elle possédait, meubles de grande valeur selon elle, et des objets qui se trouvaient dans son coffre en banque ; qu'elle avait déclaré qu'elle avait confié ses bijoux à Mme Y...en présence de Mme J...car il y avait trop de personnes, infirmières et autres, qui venaient chez elle avant son hospitalisation ; qu'elle avait enfin précisé que Mme J...ne lui demandait pas d'argent, en dehors des salaires qu'elle lui versait ; qu'elle avait prétendu n'avoir donné aucune procuration à l'intéressée ; que, transférée dans une maison de retraite le 15 septembre 2003, Mme Z... y était décédée le 13 novembre 2003 ; que l'audition de la responsable de la clinique Villa Montsouris, Mme YY..., avait permis aux enquêteurs d'apprendre que cet établissement avait pour vocation d'accueillir des patients pour des pathologies psychiatriques légères et pour des courts séjours ; que cette dernière n'avait pas été en mesure d'expliquer le très long séjour de Mme Z..., se retranchant derrière le secret médical ; qu'elle avait toutefois confirmé que Mme Z... avait recours aux services supplémentaires d'une infirmière et de deux aides-soignantes, rémunérées par ses soins ; que l'une d'entre elles, Mme D..., avait été entendue ; qu'aide-soignante, elle avait expliqué que l'état de santé de Mme Z... avait décliné dès son arrivée à la clinique ; qu'elle avait parlé notamment de troubles sous forme d'hallucinations ; qu'elle avait évoqué « ZZ...», dame de compagnie qui venait une heure par jour, sauf le mercredi et les fins de semaine, et s'occupait du linge et des courses de Mme Z... ; qu'elle avait précisé que Mme Y...venait une heure chaque jour, que c'était cette dernière qui remplissait les chèques que signait ZZ...; qu'elle avait enfin décrit Mme Z... comme une personne âgée autoritaire et exigeante, qui parlait de ses bijoux, de ses meubles et tableaux, de son appartement à Quiberon ; que l'analyse des comptes bancaires de Mme Z... avait permis de révéler l'existence de trente-sept chèques suspects, émis entre mai 1997 et octobre 2000 pour un montant total de 970 000 francs ; que sur cette somme, les enquêteurs avaient pu établir que Mme Y...ou des membres de son entourage avaient bénéficié au total de 480 000 francs ; que Mme Y...avait fait l'acquisition de matériel médical pour 50 000 francs auprès d'une société Sélectif SA ; que Mme J...avait perçu 20 000 francs et procédé au retrait en espèces de 210 000 francs en deux ans ; que six personnes tierces dont les liens avec les deux intéressées restaient à déterminer avaient perçu au total 210 000 francs ; que, parmi les documents remis sur réquisitions par la banque Crédit suisse Hottinguer, les policiers avaient relevé l'existence d'une procuration, datée du 5 mai 1997, donnée à Mme J...par Mme Z... ; que M. P..., ancien directeur de cette banque avait été entendu ; que s'étant rendu à plusieurs reprises au domicile de Mme Z..., qu'il connaissait depuis 1980, il avait pu confirmer la présence en ces lieux de meubles de valeur, notamment une commode XVIIIème et un beau bureau cylindre époque Empire en acajou avec bronzes, de belles tapisseries ; qu'il avait également évoqué les belles bagues que possédait et portait Mme Z... toujours très coquette malgré son âge ; qu'au vu de la description faite de ce bureau, les policiers avaient tenté d'en déterminer la valeur ; qu'ils avaient retrouvé dans la gazette Drouot la mention d'un bureau similaire mais d'époque fin Louis XVI, estimé ou vendu 111 450 euros ; qu'au vu de ces premiers éléments d'enquête, une information avait été ouverte le 23 décembre 2003 ; que, sur commission rogatoire, les policiers de la BRDA avaient poursuivi leurs investigations et, sur indication de l'association Espace tutelles, découvert l'existence de quatre autres retraits d'espèces importants : 50 000 le 5 mai 1997, 15 000 francs le 27 octobre 1997, 40 000 francs le 28 janvier 1999, 35 000 francs le 9 décembre 1999 ; qu'ils avaient identifié et entendu les bénéficiaires de certains chèques émis sur le compte de Mme Z... ; que Mme N..., bénéficiaire d'un chèque de 21 000 francs, avait indiqué l'avoir reçu en paiement d'un véhicule BMW qu'elle avait vendu en octobre 1998 à Mme Y..., médecin traitant de son mari ; que M. M..., réel bénéficiaire d'un chèque de 15 000 francs déposé sur le compte de sa compagne nommée L...en septembre 1998, avait expliqué que ce chèque correspondait à la vente de matériel de mésothérapie de marque Medicare à Mme Y...qui avait répondu à son annonce parue dans un journal ; que Mme G..., bénéficiaire de quatre chèques d'un montant total de 90 000 francs entre le 22 avril et le 15 octobre 1999, avait indiqué que ces chèques lui avaient été remis par Mme Y..., son médecin traitant qui l'avait beaucoup aidée à des périodes difficiles de sa vie et qui avait été témoin à son mariage ; que Mme Y...lui avait demandé de lui garder cet argent car elle souhaitait se constituer une épargne à l'insu de son mari, une " poire pour la soif ", afin notamment de pouvoir régler les frais de succession au décès de ses parents ; que Mme Y...lui avait offert de conserver 20 000 francs en remerciement de l'aide scolaire apportée à son fils lors du passage du baccalauréat ; qu'elle avait remboursé les 70 000 francs restants à la demande de Mme Y...par deux chèques émis les 30 novembre et 31 décembre 1999 ; que ce témoin avait ajouté que Mme Y...lui avait recommandé de ne rien dire à la police au sujet de la nature réelle de ces dépôts de chèques ; qu'en outre, ils avaient déterminé que la soeur et le père de Mme Y...avaient également bénéficié de deux chèques de 40 000 francs le 30 mai 1998 et de 16 000 francs le 23 décembre 1998 ; que les enquêteurs avaient également entendu comme témoin Mme R..., infirmière prodiguant des soins supplémentaires à Mme Z... à la clinique Villa Montsouris, bénéficiaire de chèques, correspondant à sa rémunération ; que ce témoin avait confirmé la présence régulière de Mme Y...et Mme J...aux côtés de Mme Z..., la seconde s'occupant du linge et des courses de la vieille dame ; que ce témoin avait ajouté que Mme Z... avait fait de « ZZ...» son héritière au même titre que ses neveux ; que le docteur C...avait quant à lui été entendu comme témoin le 14 juin 2005 et avait expliqué que l'hospitalisation de Mme Z... au sein de sa clinique avait été proposée par Mme Y..., lui-même ayant effectué la visite d'entrée ; que, se retranchant derrière le secret médical, il avait toutefois indiqué que l'état de santé de Mme Z... justifiait une prise en charge psychiatrique ; que, selon lui, c'était l'absence d'entourage familial qui avait empêché d'organiser un transfert dans une structure spécialisée, ceci expliquant un si long séjour dans sa clinique ; que le docteur C...avait ajouté que le fait que Mme Z... n'avait pas bénéficié avant juin 2002 d'une mise sous protection judiciaire n'avait pas été cohérent et qu'il avait abordé ce sujet à plusieurs reprises avec Mme Y...qui seule, selon lui, en qualité de médecin traitant, était habilitée à en faire la demande ; qu'enfin, les comptes bancaires de Mme Y...et Mme J...avaient été analysés, confirmant la perception de certaines sommes d'argent, notamment par chèques ; que Mme J...avait été interpellée à son domicile et placée en garde à vue le 22 mars 2005 ; que la perquisition opérée à son domicile avait permis d'y découvrir des meubles et des bijoux ayant appartenu à Mme Z... ; que, ayant fini par admettre sur les questions des enquêteurs, qu'elle détenait également d'autres meubles, une seconde perquisition avait été effectuée dans un réduit situé dans la cour de son immeuble, ce qui avait permis de découvrir du mobilier emballé et empilé, provenant selon elle de l'appartement de Mme Z..., via un garde-meubles qui avait été loué par Mme Y..., laquelle s'était chargée du déménagement pendant qu'elle-même était en vacances ; que l'inventaire en avait été dressé par les policiers, trente-deux scellés avaient été confectionnés et des prises de photographie avaient été effectuées ; que Mme J..., imprécise dans ses déclarations, avait expliqué qu'elle avait été engagée comme femme de ménage par Mme Z..., puis était devenue sa dame de compagnie lorsqu'elle était entrée à la clinique ; qu'elle avait accepté une procuration sur les comptes de Mme Z... à la demande de cette dernière qui ne pouvait plus écrire ; qu'elle avait ajouté que Mme Z..., personne seule, voulait faire d'elle son héritière ; que sur les fonds perçus, Mme J...avait expliqué qu'ils correspondaient à sa rémunération comme femme de ménage puis comme dame de compagnie ; que, s'agissant des fonds retirés du compte de Mme Z..., elle avait admis avoir perçu 25 000 francs en espèces, des dons selon elle ; que, de même, elle avait expliqué ses augmentations de salaire par la seule volonté de la vieille dame ; qu'enfin, elle avait été dans l'incapacité d'expliquer l'importance des sommes perçues par Mme Y..., notamment par chèques que pourtant elle signait ; qu'elle avait uniquement indiqué que c'était habituellement Mme Y...qui remplissait les chèques et qu'elle se contentait de les signer ; que ses explications devant le magistrat instructeur et au cours des débats n'avaient pas été plus explicites ; que Mme Y...avait été interpellée et placée en garde à vue le 23 mars 2005 ; que la perquisition à son domicile avait permis d'y retrouver une commode et une estampe ayant appartenu à Mme Z... ; qu'elles avaient été saisies et placées sous scellés ; que Mme Y...avait expliqué qu'elle avait connu Mme Z... en qualité de médecin traitant et que l'évolution de son état psychologique l'avait conduite à faire admettre sa patiente à la clinique Villa Montsouris ; que sur les chèques dont elle avait directement bénéficié, elle avait déclaré qu'ils correspondaient à la rétribution de ses visites et qu'elle pratiquait des honoraires libres réglés au mois et dont les montants étaient arrondis par Mme Z... ; que, sur ceux encaissés par des proches parents ou par des tiers, elle avait soutenu soit qu'il s'agissait également du règlement de ses visites, soit qu'ils avaient servi à l'achat de matériel médical offert par Mme Z..., ou encore que cette dernière avait accepté d'aider une de ses amies nécessiteuse, la nommée G...; que, quant aux retraits d'espèces, elle avait soutenu qu'ils avaient servi aux dépenses quotidiennes de Mme Z..., admettant toutefois avoir pu bénéficier de petites sommes ; qu'enfin, s'agissant des meubles retrouvés chez elle, Mme Y...avait déclaré qu'il s'agissait de biens donnés verbalement par Mme Z... et qu'elle avait récupérés lors du déménagement dont elle avait fini par se souvenir qu'elle s'en était occupée ; qu'il avait d'ailleurs fallu qu'elle soit confrontée à Mme J...pour qu'elle accepte de reconnaître qu'elle s'était chargée de cela en l'absence de sa coprévenue et avait loué un garde-meubles, ajoutant « je n'y pensais plus » ; que l'une comme l'autre avaient soutenu que Mme Z... disposait de toutes ses facultés mentales et Mme Y...avait particulièrement insisté sur le dévouement dont elle avait fait preuve pendant cinq ans, jour et nuit, envers Mme Z... à laquelle elle était attachée affectivement ; qu'elle avait maintenu cette version des faits tant devant le magistrat instructeur que lors des débat, indiquant que c'était lors de l'intervention de l'association de tutelle qu'elle avait réalisé qu'elle avait sans doute accepté trop de libéralités de la part de Mme Z... ; qu'au cours de l'information, il avait été révélé l'existence de deux testaments rédigés par Mme Z... ; qu'un premier testament authentique avait été dicté le 10 décembre 1993 par Mme Z... et déposé entre les mains de Me S...; qu'un second testament, rédigé le 23 octobre 1996 au domicile de Mme Z..., avait été dicté par cette dernière à deux notaires, maîtres Lahaussois et Antomarchi, annulant le précédent testament, léguant la moitié de ses biens à ses cinq neveux et nièces, l'autre à Mme J..., désignant comme exécuteur testamentaire M. P...auquel il était légué à titre de remerciement, deux tableaux ; que la direction nationale des services fiscaux, devenue le Domaine, avait été désignée administratrice provisoire de la succession de Mme Z... par ordonnance du président du tribunal de grande instance de Paris, en date du 14 mai 2004, en raison de l'absence de diligences des héritiers ou ayant-droits ; que le Domaine s'était constitué partie civile le 27 avril 2007 ; qu'au cours de l'information également, après saisie du dossier médical de Mme Z... au sein de la clinique Villa Montsouris, une première expertise avait été confiée aux docteurs V...et W...; que leurs conclusions avaient été les suivantes ; que Mme Z... ne disposait plus, de 1997 jusqu'à son décès, de l'intégrité de ses capacités cognitives, lesquelles étaient largement altérées et ne lui permettaient plus la conscience de ses besoins, de ses intérêts financiers, ni la gestion de son patrimoine ; que Mme Y...avait contesté ces conclusions et, à sa demande, une contre-expertise avait été confiée au docteur A...lequel, outre l'examen du dossier médical, avait entendu le docteur C...; qu'il résultait de ces conclusions que l'hospitalisation de manière continue de Mme Z... à compter de mars « 2007 » sic avait été rendue nécessaire par un état de démence avec perte d'autonomie et par son état neurologique ; que les affections diagnostiquées étaient celles de troubles psychocomportementaux dans le cadre d'une évolution démentielle ; que cet état somatique et mental était resté irréversible durant tout son séjour à la Villa Montsouris et, selon le dossier médical et le docteur C..., Mme Z... avait perdu ses capacités cognitives dès son admission ; que, selon l'expert, il était patent que ce degré d'altération rendait nécessaire une aide continue pour les actes de la vie civile ; que Mme Y..., contestant toujours ces conclusions, avait transmis au magistrat instructeur un bilan psychologique d'elle-même qu'elle avait fait effectuer en septembre 2008 par Mme Laurent T...; que ce bilan faisait état d'une personnalité fragilisée par un parcours familial et affectif difficile, pouvant expliquer cette situation particulière d'attachement et de relation affective, quasi-filiale entre elle même et sa patiente décédée ; qu'enfin, au cours des débats qui s'étaient tenus le 22 septembre 2010, le conseil du Domaine avait fait état lors de sa plaidoirie de ce que Mme Y...serait intervenue directement dans la vente de l'appartement de Quiberon, ce que cette dernière avait formellement contesté ; qu'un supplément d'information avait été ordonné afin de vérifier ce point ; qu'y avait été jointe, à la demande de son conseil, une mission de vérification concernant les diligences accomplies par le Domaine dans le règlement de la succession de Mme Z... et relative à une vente de bijoux réalisée en 2003 par l'association Tutelle espaces ; qu'il résultait de ce supplément d'information réalisé sur commission rogatoire par la brigade de répression de la délinquance astucieuse qu'une procuration avait été délivrée devant notaire par Mme Z... à Mme Y..., le 6 juin 1997, en vue de la vente de l'appartement, Mme Y...avait elle-même donné procuration à Mme U..., employée de l'étude notariale chargée de la vente pour la représenter lors de la signature de l'acte authentique le 30 novembre 1998 ; qu'une procuration datée du 6 février 1997 avait également été donnée à Mme Y...par Mme Z... pour la représenter auprès de l'agence immobilière à laquelle Mme Y...avait donné mandat de vente le 5 juin 1998 ; qu'aucun lien n'avait pu être établi entre les acquéreurs et Mme Y..., le prix de vente semblant conforme au marché de l'époque ; qu'il n'y avait pas eu d'autre vente de bijoux que celle réalisée en 2003 par l'association de tutelle ; que les diligences de l'administrateur de la succession avaient abouti à la rédaction d'un rapport dès le 27 mai 2004 ; que la succession ne comptait pas d'héritiers réservataires, personne ne s'était manifesté et les recherches pour retrouver d'éventuels bénéficiaires étaient restées en l'état, la succession étant déficitaire ; qu'interrogée à nouveau à propos de la vente de l'appartement de Quiberon lors des débats du 18 mai 2011, Mme Y...avait indiqué qu'elle n'avait pas gardé souvenir de son intervention ; qu'il résultait de tous ces éléments d'appréciation que le délit d'abus de faiblesse reproché aux deux prévenues dans les termes de la prévention était pleinement caractérisé ; qu'en effet, d'une part, une chronologie des faits devait être rappelée ; que, par testament authentique du 10 décembre 1993, Mme Z... avait institué comme légataire universel les oeuvres hospitalières de I'ordre de Malte, à charge de délivrer des legs particuliers ; que la lecture de ce testament montrait qu'à cette époque, Mme Z... était encore en possession de bijoux de grande valeur, ainsi que de tableaux et meubles anciens, notamment dans son appartement de Quiberon ; qu'à une date non connue, Mme J...était devenue la femme de ménage de Mme Z... et, en 1996, Mme Y...était devenue son médecin traitant ; que le 23 octobre 1996, Mme Z..., encore à son domicile, avait fait rédiger par notaire un testament désignant notamment comme légataire Mme J...; qu'elle était à ce moment là, à en croire les deux notaires intervenus, en pleine possession de ses moyens intellectuels ; que le 6 février 1997, Mme Z... avait établi une procuration en faveur de Mme Y...à l'intention d'une agence immobilière en vue de la vente de son appartement de Quiberon ; que le 27 mars 1997, après une fracture du col du fémur, Mme Y...avait fait hospitaliser Mme Z... en clinique psychiatrique dont elle n'était sortie qu'en septembre 2003 ; que, selon le docteur C..., son état justifiait certes la prise en charge psychiatrique, mais également une mise sous protection judiciaire, ce qu'ont confirmé les deux expertises ordonnées par le magistrat instructeur ; que rien n'avait alors été fait par personne et notamment pas par Mme Y..., médecin traitant et amie de la vieille dame ; que le 5 mai 1997, Mme Z... avait établi une procuration bancaire en faveur de Mme J...; qu'à compter de cette date, les chèques émis sur son compte avaient été libellés par Mme Y...et signés par Mme J...; que le 6 juin 2007, Mme Z... avait établi devant notaire une procuration en faveur de Mme Y...pour la charger de la vente de l'appartement de Quiberon ; que le 30 novembre 1998, cette vente avait été réalisée pour un prix de près de 350 000 francs versé sur le compte de Mme Z... ; qu'entre mars 1997 et décembre 2001, date de la saisine du juge des tutelles, les comptes de Mme Z... avaient entièrement été vidés, son appartement rendu à son propriétaire, ses meubles et biens précieux (bijoux, tableaux, bronzes) disparus ; qu'en décembre 2001, Mme Z... avait saisi le juge des tutelles, imputant aux lenteurs de la sécurité sociale la situation d'infortune de Mme Z... et prétendant que le peu de mobilier misérable dont elle disposait avait été gracieusement remis par ses soins à l'association Emmaüs ; qu'en mars 2005, lors des perquisitions opérées par les enquêteurs, une grande partie du mobilier de prix de Mme Z... avait été retrouvée en la possession de Mme J...et de Mme Y..., laquelle avait organisé le déménagement de l'appartement de Mme Z..., la conservation de ses biens en garde-meubles puis par Mme J..., sans jamais en faire état auprès du juge des tutelles ; qu'entre mars 1997 et décembre 2001, c'étaient près de deux millions de francs qui avaient été prélevés sur les comptes de Mme Z..., la laissant lors de la saisine du juge des tutelles avec des dettes et, à son décès, avec une succession déficitaire alors que cette femme disposait avant son hospitalisation en mars 1997 de revenus et d'un patrimoine plus que confortables ; qu'ainsi, il ne pouvait qu'être constaté qu'entre mars 1997 et la saisine du juge des tutelles en décembre 2001, Mme Z... avait été entièrement spoliée de son patrimoine, immobilier comme mobilier ; qu'attendu en outre que l'état de particulière vulnérabilité de Mme Z... résultait, dès mars 1997, tant des déclarations du docteur C..., que de l'expertise du docteur B..., de celles des docteurs V... et W...et du docteur A..., ainsi que des témoignages de Mme D..., aide-soignante, et de Mme F..., infirmière ; qu'à en croire Mme Y...et Mme J..., seules elles deux, qui se disaient pourtant si proches de Mme Z... et présentes quasi quotidiennement, n'auraient pas réalisé l'état de vulnérabilité de cette vieille personne et l'altération grave de ses facultés mentales ; que ces assertions sont totalement dépourvues de crédibilité au regard, d'une part, des éléments de preuve recueillis concernant l'état de santé de Mme Z..., d'autre part, du statut de Mme Y..., médecin traitant de cette personne âgée infirme et dont les capacités intellectuelles étaient altérées, qui avait pris la décision de son hospitalisation en milieu psychiatrique et qui avait tout fait pour l'y maintenir sans protection judiciaire ; qu'en outre, la procédure avait établi que si Mme J...avait profité des largesses de Mme Z..., cette dernière avait souhaité en faire une de ses légataires, ce qui avait pu laisser croire à cette femme qu'elle était autorisée à " se servir " ; qu'il était surtout apparu que Mme J...avait été instrumentalisée par Mme Y..., laquelle avait reconnu qu'en tant que médecin traitant, elle ne pouvait disposer d'une procuration sur les comptes bancaires ; qu'il était beaucoup plus simple de faire en sorte que ladite procuration soit donnée à Mme J..., " simple " femme de ménage puis dame de compagnie, et que cette dernière se contentait de signer les chèques préalablement libellés par Mme Y..., principalement à son profit direct ou indirect ; que le lien affectif existant entre Mme J...et Mme Z... apparaissait établi par le testament de 1996 et pouvait expliquer pourquoi cette femme âgée, seule et infirme avait cherché à conserver ce lien lorsqu'elle avait été " mise en clinique psychiatrique " ; qu'à l'inverse, l'évocation de ce lien affectif de la part de Mme Y..., médecin traitant de cette vieille dame, qui avait attendu que ses comptes soient vidés par ses soins pour signaler sa situation à l'autorité judiciaire, ne manquait pas d'un certain cynisme ; que les opportuns trous de mémoire de Mme Y..., relatifs à des événements aussi importants que la vente d'un appartement ou le déménagement complet d'un autre avec dissimulation du mobilier de valeur pendant plusieurs années en dépit de l'intervention du juge des tutelles, ne pouvaient que conforter cette analyse ; qu'enfin, Mme Y...avait convenu qu'elle était en réalité rémunérée par Mme Z... pour lui rendre visite, sur la base d'honoraires libres, ce qui aurait expliqué les nombreux et importants chèques dont elle avait bénéficié ; qu'ainsi la dimension affective de sa présence auprès de cette patiente âgée, malade et isolée se trouvait largement remise en question par l'aspect lucratif de leurs relations ; qu'en conséquence, il convenait d'entrer en voie de condamnation à l'encontre de Mmes Y...et J..., en tenant compte de l'implication et de la responsabilité de chacune ; que ces faits étaient d'une extrême gravité s'agissant de l'abus manifeste et orchestré par un médecin traitant pendant plusieurs années de la faiblesse d'une personne âgée et vulnérable qui avait conduit à la dépouiller de tous ses biens ; que ces faits n'avaient pu être commis que grâce à la complaisance et à la participation active de Mme J..., employée de maison qui en avait retiré un bénéfice non négligeable et s'était bien gardée, en raison de son implication personnelle, de révéler les faits à l'association chargée de la tutelle ; que tous ces éléments d'appréciation avaient conduit le tribunal à prononcer à l'encontre de Mme J..., une peine de six mois d'emprisonnement avec sursis simple et de Mme Y..., une peine de deux ans d'emprisonnement avec sursis simple et une peine complémentaire d'interdiction pour une durée de cinq ans de la profession de docteur en médecine, les faits ayant été commis alors que Mme Y...était le médecin traitant de la victime ;
" 1) alors qu'en se bornant, pour retenir que les faits imputés à Mme Y...avaient été commis depuis temps non prescrit lors du premier acte de poursuite ¿ savoir la saisine, le 2 juin 2003, de la brigade de répression de la délinquance astucieuse en enquête préliminaire ¿, à relever que trente-sept chèques suspects avaient été émis entre mai 1997 et octobre 2000, sans préciser à quelle date aurait été émis le dernier des chèques ayant prétendument profité à Mme Y..., cependant qu'il était par ailleurs constaté que tous les chèques n'avaient pas profité à celle-ci et que certains d'entre eux avaient bénéficié à Mme J..., également prévenue, ou à des tierces personnes, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
" 2) alors qu'en affirmant, par motifs propres, que les trente-sept chèques suspects avaient bénéficié directement à Mme Y...pour un montant de 474 000 francs, cependant qu'il était par ailleurs expressément constaté, par motifs adoptés, que ces trente-sept chèques avaient porté sur un montant total de 970 000 francs et avaient, pour certains d'entre eux, bénéficié à d'autres personnes que Mme Y..., la cour d'appel a statué par des motifs contradictoires ;
" 3) alors qu'en se bornant, pour retenir que les faits imputés à Mme Y...avaient été commis depuis temps non prescrit, à relever qu'entre le 27 février 1998 et le 27 juillet 2000, quatre chèques avaient été émis avec comme bénéficiaire « Anne-Marie Z... » ou « moi-même », sans préciser lesquels de ces chèques auraient prétendument bénéficié à Mme Y..., la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
" 4) alors qu'en se bornant, pour retenir que les faits imputés à Mme Y...avaient été commis depuis temps non prescrit, à relever que Mme Y...aurait détourné ou dissipé des objets mobiliers de Mme Z..., sans préciser la date de ces prétendus détournements, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
" 5) alors que la cour d'appel ne pouvait valablement appliquer les dispositions de l'article 223-15-2 du code pénal, issues de la loi n° 2001-504 du 12 juin 2001, à des faits dont aucun n'était concomitant ou postérieur au 13 juin 2001, date d'entrée en vigueur de ladite loi, et faire ainsi rétroagir un texte qui, en modifiant les éléments constitutifs de l'infraction par suppression de la condition de contrainte, étendait le champ d'application de l'incrimination et constituait une disposition plus sévère pour les prévenus ;
" 6) alors que l'article 313-4 du code pénal, dans sa rédaction en vigueur au moment des faits, suppose un élément de contrainte émanant du prévenu et obligeant la victime à un acte contraire à ses intérêts ; qu'en ne caractérisant par aucun élément en quoi Mme Z... aurait été obligée par la prévenue d'agir comme elle l'avait fait, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
" 7) alors que s'abstenant de répondre à l'articulation opérante des conclusions de Mme Y..., selon laquelle était inexacte et n'était corroborée par aucun élément du dossier l'affirmation péremptoire, par l'ordonnance de renvoi, de ce que cette prévenue aurait bénéficié d'espèces provenant du compte de Mme Z... pour un montant total évalué à 45 734, 71 euros, la cour d'appel a privé sa décision de motifs " ;
Attendu que, pour déclarer la prévenue coupable d'abus de faiblesse, l'arrêt attaqué prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en statuant ainsi, et dès lors que les faits, procédant d'un mode opératoire unique, se sont poursuivis jusqu'en juin 2002 et caractérisent le délit au regard, tant de l'article 223-15-2 du code pénal, résultant de la loi du 12 juin 2001, pour ceux commis après cette date, que de l'article 313-4 du même code, précédemment en vigueur, pour les autres, la cour d'appel, qui a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a justifié sa décision sans méconnaître les dispositions conventionnelles invoquées ;
D'où il suit que le moyen, qui revient, pour le surplus, à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 3 000 euros la somme que Mme X..., épouse Y..., devra payer au Domaine, au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le deux octobre deux mille treize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 12-85036
Date de la décision : 02/10/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 29 juin 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 02 oct. 2013, pourvoi n°12-85036


Composition du Tribunal
Président : M. Louvel (président)
Avocat(s) : SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.85036
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