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02/10/2013 | FRANCE | N°12-25446

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 02 octobre 2013, 12-25446


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses première et deuxième branches :
Vu l'article 1382 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le divorce de Gérard X... et Mme Y... a été prononcé par un jugement du 23 juin 2004, qui a désigné Mme Z... (le notaire), pour procéder à la liquidation de leur communauté ; que l'acte de partage du 3 octobre 2006 prévoit l'attribution de l'immeuble commun à Gérard X... moyennant paiement d'une soulte à laquelle Mme Y... a déclaré renoncer ; que Gérard X..

. est décédé le 30 novembre 2007, laissant pour lui succéder ses deux enfants ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses première et deuxième branches :
Vu l'article 1382 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le divorce de Gérard X... et Mme Y... a été prononcé par un jugement du 23 juin 2004, qui a désigné Mme Z... (le notaire), pour procéder à la liquidation de leur communauté ; que l'acte de partage du 3 octobre 2006 prévoit l'attribution de l'immeuble commun à Gérard X... moyennant paiement d'une soulte à laquelle Mme Y... a déclaré renoncer ; que Gérard X... est décédé le 30 novembre 2007, laissant pour lui succéder ses deux enfants et sa soeur, légataire de la quotité disponible ; que reprochant au notaire un manquement à son obligation de conseil pour avoir omis de l'éclairer sur la portée de l'acte de partage qui n'assurait pas la transmission de sa part à ses enfants en cas de prédécès de leur père, Mme Y... l'a assigné en responsabilité professionnelle ;
Attendu que pour rejeter la demande indemnitaire l'arrêt retient que les lettres échangées par les parties démontrent que Mme Y... avait bien exprimé son accord pour un abandon de ses droits dans la communauté, sans en indiquer les motifs, et que faute d'avoir précisé que son accord était subordonné à la certitude que ses droits seraient transmis à leurs enfants en cas de prédécès de leur père, le notaire n'avait commis aucun manquement susceptible d'engager sa responsabilité ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi sans constater que le notaire, tenu d'éclairer les parties et d'appeler leur attention, de manière complète et circonstanciée, sur la portée et les effets des actes auxquels il est requis de donner la forme authentique, quand bien même leur engagement procéderait d'un accord antérieur, dès lors qu'au moment de cette authentification cet accord n'a pas produit ses effets ou ne revêt pas un caractère immuable, avait attiré l'attention de Mme Y... sur les conséquences de sa renonciation au paiement de la soulte, ce qui la privait définitivement de ses droits dans la communauté et transférait la propriété de l'immeuble à Gérard X..., qui pouvait alors en disposer librement, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 mai 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;
Condamne Mme Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme Z... ; la condamne à payer à Mme Y... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux octobre deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Monod et Colin, avocat aux Conseils, pour Mme Y...

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté madame Y... de sa demande de condamnation de maître Z... à lui verser des dommages et intérêts au titre du manquement de ce notaire à son devoir de conseil ;
AUX MOTIFS QUE le notaire, tenu d'un devoir de diligence et de conseil, doit vérifier les faits et conditions nécessaires à l'utilité et à l'efficacité de l'acte qu'il authentifie ou auquel il participe et qu'il est tenu d'éclairer les parties sur la portée et les conséquences de l'acte qu'il reçoit ; que sa responsabilité s'apprécie au moment de son intervention ; qu'en outre, il appartient au notaire de rapporter la preuve qu'il a satisfait à ses obligations et à son devoir de conseil et d'information ; que madame Y... sollicite la confirmation du jugement déféré aux motifs que maître Z... aurait manqué à son obligation de conseil pour avoir omis de l'éclairer sur la portée de l'acte alors que son accord n'avait pour objet que l'attribution de l'immeuble mais non l'abandon de ses droits dans la communauté, madame Y... affirmant par ailleurs qu'il n'y avait aucune raison pour qu'elle abandonne sa part sur le bien commun, ni en droit ni en fait et sans quelque contrepartie que ce soit ; que maître Z... conclut à la réformation du jugement en admettant le caractère contestable de la motivation juridique figurant dans l'acte de partage mais en affirmant que sa responsabilité ne saurait être recherchée dès lors que le partage correspondait bien aux intentions des époux, madame Y... ayant été parfaitement d'accord pour abandonner sa part dans la communauté puisque son époux n'aurait accepté le divorce qu'à cette condition et que son intention au moment du partage de la maison était que sa part revienne à ses enfants ; qu'il ressort amplement des pièces produites, notamment du courrier adressé par le conseil de monsieur X... à ce dernier le 30 octobre 2004 que les époux étaient parfaitement d'accord pour que madame Y... abandonne ses droits dans l'immeuble sans aucune contrepartie ; que cet accord est confirmé par le fait que dans sa lettre adressée à maître Z... le 1er décembre 2007, en aucune façon madame Y... ne se plaint de s'être méprise sur la portée de ses droits ; que par ailleurs, l'existence de cet accord ressort sans ambiguïté de la lettre du 6 août 2008 adressé par le conseil de madame Y... au notaire libellé en ces termes : « madame Y... m'a indiqué qu'au moment du partage, elle pensait que sa part reviendrait aux enfants » ; que ces propos démontrent que madame Y... avait bien exprimé au notaire son accord pour abandonner ses droits dans la communauté à son mari sans toutefois lui en indiquer les raisons ; qu'à cet égard, il lui appartenait d'indiquer au notaire qu'elle n'acceptait d'abandonner, au profit de son époux, ses droits dans la communauté qu'à la condition d'avoir la certitude qu'ils soient transmis aux enfants dans l'hypothèse où son mari décéderait le premier ; que dans ces conditions, maître Z... n'a commis aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité ;
1°) ALORS QUE le notaire est tenu d'une obligation de conseil pour que les droits et obligations réciproques légalement contractés par les parties répondent aux finalités révélées de leur engagement, soient adaptés à leurs capacités ou facultés respectives et soient assortis des stipulations propres à leur conférer leur efficacité, quand bien même leur engagement procéderait d'un accord antérieur, dès lors qu'au moment de l'authentification cet accord n'a pas produit tous ses effets ou ne revêt pas un caractère immuable ; qu'en déniant toute faute pour inexécution de cette obligation de conseil d'un notaire ayant indiqué dans l'acte de liquidation-partage de la communauté entre les époux après le prononcé de leur divorce pour torts partagés, que madame Y... donnait son accord au non-paiement de la soulte due par son époux, motif pris de l'accord antérieur entre les époux, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;
2°) ALORS QUE le notaire est tenu d'éclairer les parties et d'appeler leur attention, de manière complète et circonstanciée, sur la portée et les effets ainsi que sur les risques des actes auxquels il est requis de donner la forme authentique ; qu'en écartant la responsabilité de maître Z... sans constater que ce notaire avait rempli son obligation de conseil à l'égard de madame Y... lors de la rédaction de l'acte de liquidation ¿ partage de la communauté ayant existé avec son ex-époux X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
3°) ALORS QUE la charge de la preuve de l'exécution de son devoir de mise en garde du client repose sur le notaire ; qu'en retenant que le notaire reconnaissait que les motifs contenus dans l'acte de liquidation-partage quant au renoncement par madame Y... de sa part de communauté n'étaient pas pertinents et en déchargeant le notaire de son obligation de mise en garde quant aux conséquences de cette renonciation sous prétexte de l'accord donné par madame Y... à cette clause et de ce qu'elle n'a pas rapporté la preuve de ce qu'elle aurait indiqué au notaire les raisons de son accord, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a ainsi inversé la charge de la preuve, en violation des articles 1315 et 1382 du code civil ;
4°) ALORS QUE tout jugement doit être motivé ; qu'en se fondant sur le courrier de madame Y... du 1er décembre 2007 demandant à maître Z... de revenir sur le partage de communauté pour préserver l'intérêt de ses enfants, pour en déduire le fait qu'elle ne se serait pas méprise sur la portée de ses droits, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
5°) ALORS QUE l'acte de liquidation ¿ partage du 3 octobre 2006, rédigé par maître Z..., expliquait la renonciation de madame Y... à sa part de communauté au profit de son époux, par le fait que seul monsieur X... avait procédé au remboursement des emprunts pour l'achat de la maison, et pour son entretien ainsi que pour l'éducation des enfants ; que madame Y... avait soutenu sans être démentie dans ses conclusions d'appel (p.5), que ces motifs étaient erronés tant en droit qu'en fait, de sorte que l'acte lui-même démontrait l'inexécution par maître Z... de son obligation de conseil ; qu'en ne répondant pas à ce moyen déterminant, la cour d'appel a privé sa décision de motifs, en violation de l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 12-25446
Date de la décision : 02/10/2013
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 29 mai 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 02 oct. 2013, pourvoi n°12-25446


Composition du Tribunal
Président : M. Charruault (président)
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Monod et Colin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.25446
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