LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 7 mai 2012, RG n° 11/02652), que la Société nationale de revalorisation (SNR) a obtenu le 22 septembre 2004, un prêt, garanti par un privilège de nantissement, pour le financement d'outillage et de matériel d'équipement, consenti par un pool bancaire constitué par le Crédit industriel et commercial, le Crédit du Nord, la Caisse d'épargne Bourgogne-Franche-Comté ( la Caisse d'épargne) et la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre Loire ; que la SNR ayant été mise en redressement judiciaire le 26 juin 2008, un plan de cession de ses actifs a été adopté le 9 octobre 2008 au profit de la société Sobral ; que cette dernière a été mise en redressement judiciaire le 6 avril 2009 ; que les déclarations de créances effectuées par les quatre banques au titre de ce prêt ont été contestées, puis rejetées par ordonnances du 24 octobre 2010 ;
Attendu que la Caisse d'épargne fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa créance déclarée au passif de la société Sobral, alors, selon le moyen :
1°/ qu'est valable le nantissement d'outillage et de matériel d'équipement inscrit au greffe du tribunal de commerce dans le ressort duquel se trouve le siège social de la débitrice, peu important que l'exploitation du matériel nanti se trouve dans un lieu relevant d'un autre ressort ; qu'en énonçant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 525-3 et L. 142-3 du code de commerce ;
2°/ que la nullité d'un nantissement sur matériel et outillage inscrit par erreur au greffe du tribunal de commerce dans le ressort duquel se trouve le siège social de la débitrice est subordonné à la preuve par le demandeur d'un grief lié à cette irrégularité ; qu'en énonçant le contraire motif pris que cette nullité est prévue par « un texte d'ordre public », la cour d'appel a, de nouveau, violé les articles L. 525-3 et L. 142-3 du code de commerce ;
3°/ que l'insuffisance de description du matériel nanti au profit du créancier, à la supposer établie, ne peut impliquer l'inefficacité du privilège que s'il est établi que cette insuffisance a causé un préjudice au demandeur ; qu'en retenant l'inefficacité du nantissement sur outillage consenti le 22 octobre 2004 par la société SNR au profit de la Caisse d'épargne, sans constater que la société cessionnaire, son administrateur et son mandataire judiciaire justifiaient d'un préjudice du fait du manque de description suffisante du matériel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 525-2 du code de commerce ;
4°/ que les prescriptions de l'article R. 525-3-4° du code de commerce relatives à la mention dans le bordereau d'inscription du nantissement de l'outillage et du matériel du lieu où le matériel est placé et éventuellement la mention que ledit matériel est susceptible d'être déplacé ne s'appliquent qu'à l'hypothèse où l'acquéreur n'a pas la qualité de commerçant ; qu'en relevant que le bordereau d'inscription du 8 juillet 2005 ne mentionnait pas ces indications pour nier toute efficacité à ce privilège et rejeter la créance de la banque nantie, déclarée au passif de la cessionnaire, quand la société SNR, acquéreur du matériel avait la qualité de commerçante, la cour d'appel a violé les articles R. 525-1 et R. 525-3 du code de commerce ;
5°/ que l'autorité de la chose jugée attachée à la décision d'admission d'une créance privilégiée au passif de la procédure collective ouverte contre une société dont le tribunal a arrêté postérieurement le plan de cession interdit au cessionnaire, « tiers intéressé », qui n'a pas formé de réclamation contre l'état des créances, de remettre en cause l'existence, le montant et la nature de la créance admise ; qu'en retenant que l'admission de la créance de la Caisse d'épargne au passif privilégié de la société SNR n'était pas opposable au cessionnaire, « tiers à cette procédure », la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil ;
6°/ que l'autorité de la chose jugée s'attache aux jugements qui n'ont fait l'objet d'aucun recours, quels que soient les vices dont ils sont affectés ; que le jugement irrévocable du 9 octobre 2008, arrêtant le plan de cession de la société SNR au profit de la société Sobral et dont les dispositions s'imposent erga omnes, ordonne expressément dans son dispositif « l'application des dispositions de l'alinéa 4 de l'article L. 642-12 du code de commerce pour les créances nanties » ; que pour rejeter la fin de non-recevoir invoquée par la banque nantie, tirée de la force de chose jugée du jugement du 9 octobre 2008 et partant, de l'irrecevabilité de la contestation émise par la cessionnaire et son mandataire, quant à l'existence et à la nature privilégiée de la créance transmise, l'arrêt retient que ce jugement n'a pu avoir pour effet que de transférer des sûretés valablement inscrites ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a violé les articles 480 du code de procédure civile et 1351 du code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir rappelé qu'il résulte des dispositions des articles L. 525-3 et L. 142-3 du code de commerce que le nantissement de l'outillage et du matériel d'équipement doit, à peine de nullité, être inscrit sur un registre tenu au greffe du tribunal de commerce dans le ressort duquel le fonds auquel il est affecté est exploité, l'arrêt constate que l'inscription du nantissement a été prise au greffe du tribunal de commerce de Paris, lieu du siège social de la société SNR, et non de l'exploitation du fonds auquel le matériel était affecté; que de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a exactement déduit que cette inscription était dépourvue de validité, la nullité expressément prévue par un texte d'ordre public étant encourue sans que la démonstration d'un grief soit requise ;
Attendu, en deuxième lieu, qu'après avoir rappelé les dispositions de l'article L. 525-2 du code de commerce qui édicte que les biens acquis doivent être énumérés dans le corps de l'acte de prêt contenant le nantissement et que chacun d'eux doit être décrit d'une façon précise, afin de l'individualiser par rapport aux autres biens de même nature appartenant à l'entreprise, l'arrêt relève que l'acte de prêt du 22 septembre 2004 ne mentionne ni la marque des matériels (à l'exception des deux fours rotatifs), ni les numéros de série, ni les types de modèle, ni les dimensions des matériels concernés ; qu'ainsi la cour d'appel, qui a considéré dans l'exercice de son pouvoir souverain que cette description était insuffisante pour permettre l'individualisation desdits biens, et qui n'avait pas à procéder à la recherche inopérante évoquée à la troisième branche, a légalement justifié sa décision ;
Attendu, en troisième lieu, qu'il ne résulte ni de l'arrêt, ni des productions que la Caisse d'épargne a soutenu devant la cour d'appel que la société cessionnaire n'a pas formé de réclamation contre l'état des créances ; que le grief de la cinquième branche est nouveau et mélangé de fait et de droit ;
Attendu, en quatrième lieu, qu'ayant retenu que les dispositions du jugement du 9 octobre 2008 n'impliquaient qu'un transfert des sûretés valablement inscrites, la cour d'appel n'a pas méconnu l'autorité de la chose jugée attachée à cette décision ;
D'où il suit que le moyen, inopérant en sa quatrième branche qui critique un motif surabondant de l'arrêt, est irrecevable en sa cinquième branche et n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la Caisse d'épargne Bourgogne-Franche-Comté aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer la somme globale de 3 000 euros à M. X... pris en qualité d'administrateur judiciaire au redressement judiciaire de la SARL Sobral, et à la SELARL Etude Bouvet et Guyonnet, prise en qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la SARL Sobral ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du premier octobre deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la société Caisse d'épargne Bourgogne-Franche-Comté
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué :
D'AVOIR rejeté la créance déclarée au passif de la société SOBRAL par la CAISSE d'EPARGNE DE BOURGOGNE FRANCHE COMTE ;
AUX MOTIFS QUE « l'appelante n'est pas fondée, pour conclure à l'irrecevabilité de la contestation de sa créance, à se prévaloir de l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du 9 octobre 2008 qui a arrêté le plan et ordonné l'application des dispositions de l'alinéa 4 de l'article L.642-12 du code de commerce, dont les dispositions sont certes opposables à tous, mais qui n'a pu avoir pour effet que de transférer des sûretés valablement inscrites, ni du protocole d'accord conclu par les banques et la société SOBRAL, devenu caduc faute de paiement par cette dernière de la somme convenue dans le délai fixé et qui ne peut donc valoir reconnaissance de la validité du nantissement pour ce motif et aussi en raison de ce que lorsqu'il a été signé la société SOBRAL ignorait les conditions de son inscription dont les règles procèdent au demeurant de textes d'ordre public ; qu'il ressort des dispositions des articles L.525-3 et L.142-3 du Code de commerce que le nantissement de l'outillage et du matériel d'équipement doit, à peine de nullité, être inscrit sur un registre tenu au greffe du tribunal de commerce dans le ressort duquel le fonds auquel il est affecté est exploité; qu'en l'espèce le matériel lourd dont s'agit a été livré dans les locaux de l'établissement secondaire de la société SNR, situé à PREMERY, dans le ressort du Tribunal de commerce de NEVERS où il était immatriculé, pour y être exploité dans le cadre de l'activité de fonderie d'aluminium qui y était exercée ; que le nantissement devait donc être inscrit au greffe du Tribunal de commerce de NEVERS, dans le ressort duquel était exploité le fonds auquel était affecté le matériel; que l'inscription prise au greffe du Tribunal de commerce de PARIS, lieu du siège social de la société SNR mais pas de l'exploitation du fonds auquel le matériel était affecté, est dépourvue de validité, cette nullité expressément prévue par un texte d'ordre public étant encourue sans que la démonstration d'un grief soit requise, étant en tout état rappelé que l'inscription ayant été prise antérieurement à l'ordonnance du 23 mars 2006 à la suite duquel le fichier national des gages a été créé, la banque appelante ne peut se prévaloir de l'existence de ce dernier ; qu'en outre, qu'il ressort des dispositions de l'article L.525-2 du Code de commerce que les biens acquis doivent être énumérés dans le corps de l'acte de prêt contenant le nantissement et que chacun d'eux doit être décrit d'une façon précise, afin de l'individualiser par rapport aux autres biens de même nature appartenant à l'entreprise ; qu'en l'espèce l'acte de prêt du 22 septembre 2004 qui se contente de lister 2 fours rotatifs DROSS 500, 2 chargeuses de four, 1 four à bassin de 25 tonnes, 1 four convertisseur de 25 tonnes, 1 chaîne de lingotage et 1 machine pour palettisation, 1 séchoir pour tournure, ne mentionne ni la marque des matériels (à l'exception des 2 fours rotatifs), ni les numéros de série, ni les types des modèles, ni les dimensions des matériels concernés ; qu'il ne procède donc pas à une individualisation précise, la chaîne de lingotage, la machine pour palettisation et le séchoir pour tournure étant, quant à eux, au delà de ces appellations génériques, totalement dépourvus d'éléments d'identification ; que l'article R.525-3 du Code de commerce précise que les bordereaux d'inscription du nantissement doivent contenir le lieu où le matériel est placé et éventuellement la mention que ledit matériel est susceptible d'être déplacé ; que le bordereau d'inscription du nantissement litigieux, en date du 8 juillet 2005, ne mentionne aucune de ces indications et reprend purement et simplement la liste figurant sur l'acte de prêt contenant le nantissement ; que le nantissement est ainsi dépourvu de toute efficacité; qu'en raison de l'absence de validité de son inscription initiale le nantissement n'a pu être valablement renouvelé par les inscriptions dont il a fait l'objet les 21 et 28 juin 2010 ; que l'admission de la créance des banques au passif privilégié de la société SNR n'est pas opposable à la société SOBRAL, tiers à cette procédure ; qu'il sera encore rappelé que le jugement d'arrêté du plan du 9 octobre 2008 n'a pu avoir pour effet de transférer un nantissement nul, la circonstance que le protocole d'accord souscrit pour déroger au transfert soit devenu caduc faute de paiement par le cessionnaire de la somme convenue dans le délai fixé étant indifférente ; que s'il résulte des dispositions du quatrième alinéa de l'article L.642-12 du Code de commerce que la charge des sûretés garantissant le remboursement d'un crédit consenti à l'entreprise pour lui permettre le financement d'un bien sur lequel porte ces sûretés est transmise au cessionnaire qui est alors tenu d'acquitter entre les mains du créancier les échéances du prêt restant dues, cette dette n'est pas transmise lorsque, comme en l'espèce, la nullité frappant le nantissement n'a pas permis son transfert ; que, par conséquent, il y a lieu de rejeter la créance déclarée par la banque » ;
ALORS D'UNE PART QU'est valable le nantissement d'outillage et de matériel d'équipement inscrit au greffe du Tribunal de commerce dans le ressort duquel se trouve le siège social de la débitrice, peu important que l'exploitation du matériel nanti se trouve dans un lieu relevant d'un autre ressort ; qu'en énonçant le contraire, la Cour d'appel a violé les articles L.525-3 et L.142-3 du Code de commerce ;
ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE la nullité d'un nantissement sur matériel et outillage inscrit par erreur au greffe du tribunal de commerce dans le ressort duquel se trouve le siège social de la débitrice est subordonné à la preuve par le demandeur d'un grief lié à cette irrégularité ; qu'en énonçant le contraire motif pris que cette nullité est prévue par « un texte d'ordre public », la Cour d'appel a, de nouveau, violé les articles L.525-3 et L.142-3 du Code de commerce ;
ALORS EN OUTRE QUE l'insuffisance de description du matériel nanti au profit du créancier, à la supposer établie, ne peut impliquer l'inefficacité du privilège que s'il est établi que cette insuffisance a causé un préjudice au demandeur ; qu'en retenant l'inefficacité du nantissement sur outillage consenti le 22 octobre 2004 par la société SNR au profit de la CAISSE d'EPARGNE, sans constater que la société cessionnaire, son administrateur et son mandataire judiciaire justifiaient d'un préjudice du fait du manque de description suffisante du matériel, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.525-2 du Code de commerce ;
ALORS PAR AILLEURS QUE les prescriptions de l'article R.525-3-4° du Code de commerce relatives à la mention dans le bordereau d'inscription du nantissement de l'outillage et du matériel du lieu où le matériel est placé et éventuellement la mention que ledit matériel est susceptible d'être déplacé ne s'appliquent qu'à l'hypothèse où l'acquéreur n'a pas la qualité de commerçant ; qu'en relevant que le bordereau d'inscription du 8 juillet 2005 ne mentionnait pas ces indications pour nier toute efficacité à ce privilège et rejeter la créance de la banque nantie, déclarée au passif de la cessionnaire, quand la société SNR, acquéreur du matériel avait la qualité de commerçante, la Cour d'appel a violé les articles R.525-1 et R.525-3 du Code de commerce ;
ET ALORS QUE l'autorité de la chose jugée attachée à la décision d'admission d'une créance privilégiée au passif de la procédure collective ouverte contre une société dont le Tribunal a arrêté postérieurement le plan de cession interdit au cessionnaire, « tiers intéressé », qui n'a pas formé de réclamation contre l'état des créances, de remettre en cause l'existence, le montant et la nature de la créance admise ; qu'en retenant que l'admission de la créance de la CAISSE d'EPARGNE au passif privilégié de la société SNR n'était pas opposable au cessionnaire, « tiers à cette procédure », la Cour d'appel a violé l'article 1351 du Code civil ;
ALORS ENFIN QUE l'autorité de la chose jugée s'attache aux jugements qui n'ont fait l'objet d'aucun recours, quels que soient les vices dont ils sont affectés ; que le jugement irrévocable du 9 octobre 2008, arrêtant le plan de cession de la société SNR au profit de la société SOBRAL et dont les dispositions s'imposent erga omnes, ordonne expressément dans son dispositif « l'application des dispositions de l'alinéa 4 de l'article L.642-12 du Code de commerce pour les créances nanties » ; que pour rejeter la fin de non-recevoir invoquée par la banque nantie, tirée de la force de chose jugée du jugement du 9 octobre 2008 et partant, de l'irrecevabilité de la contestation émise par la cessionnaire et son mandataire, quant à l'existence et à la nature privilégiée de la créance transmise, l'arrêt retient que ce jugement n'a pu avoir pour effet que de transférer des sûretés valablement inscrites ; qu'en statuant de la sorte, la Cour d'appel a violé les articles 480 du Code de procédure civile et 1351 du Code civil.