LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 29 mars 2012) et les productions, que par contrat du 27 février 2009, la société Eiffage construction, chargée de la construction d'un centre commercial, a sous-traité à la Société dauphinoise charpente et couverture (la société SDCC) des travaux de réalisation et de pose de structures en bois, laquelle a elle-même, sous-traité à la société Abaque bâtiment services (la société ABS) la pose de divers éléments ; qu'à la suite des contrôles effectués par la société Socotec relatifs à des manquements aux règles de sécurité, la société ABS a été exclue du chantier et son contrat résilié le 1er septembre 2009 ; que la société ABS a demandé à la société SDCC le paiement de la totalité du marché puis, devant son refus, l'a assignée à cette fin ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société ABS fait grief à l'arrêt d'avoir, condamné la société SDCC à lui payer seulement la somme de 4 547,86 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 2 octobre 2009, après résiliation du contrat, alors, selon le moyen, que le contrat doit être exécuté de bonne foi ; qu'en l'espèce la cour d'appel ne pouvait juger régulière la résiliation du contrat de sous-traitance conclu entre les sociétés ABS et SDCC à l'initiative de cette dernière par lettre recommandée du 1er septembre 2009 après une mise en demeure du 26 août 2009 pour manquement grave de la société ABS aux règles de sécurité, sans rechercher si cette résiliation immédiate ne violait pas l'article 13-2 du contrat qui prévoyait que la résiliation ne pouvait intervenir qu'après un délai de huit jours suivant la notification d'une mise en demeure par lettre recommandée ; qu'en statuant comme elle l'a fait la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu que la gravité du comportement d'une partie à un contrat peut justifier que l'autre partie y mette fin de façon unilatérale à ses risques et périls, peu important les modalités formelles de résiliation contractuelle ; qu'ayant relevé qu'en août 2009, la société Socotec, chargée de coordonner la sécurité du chantier a constaté à plusieurs reprises que l'un des salariés de la société ABS, pourtant averti, ne respectait pas les règles de sécurité ce qui a entraîné l'exclusion du chantier de cette société, la cour d'appel, qui en a souverainement déduit que ces manquements imputables à la société ABS justifiaient la rupture unilatérale du contrat de sous-traitance conclu entre elle et la société SDCC et qui n'était pas tenue de procéder à des recherches que ses constatations rendaient inopérantes, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que la société ABS fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :
1°/ que le juge est tenu de respecter les termes du litige ; qu'en l'espèce la cour d'appel ne pouvait se borner à énoncer « qu'il est constant et justifié par le procès-verbal de constat d'huissier en date du 17 septembre 2009 que le coût des travaux réalisés par la société ABS s'élève à hauteur de la somme de 9 016,11 euros TTC » quand, précisément, la société ABS contestait ce montant et sollicitait le paiement intégral du marché en faisant valoir que la société SDCC n'avait pas respecté la procédure contractuelle imposant de notifier au sous-traitant par lettre recommandée la date à laquelle il sera procédé à un constat contradictoire d'état des lieux et d'avancement des travaux ; qu'en cet état, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
2°/ que le contrat doit être exécuté de bonne foi ; qu'en l'espèce la cour d'appel ne pouvait se borner à énoncer « qu'il est constant et justifié par le procès-verbal de constat d'huissier en date du 17 septembre 2009 que le coût des travaux réalisés par la société ABS s'élève à hauteur de la somme de 9 016,11 euros TTC » quand, précisément, la société ABS contestait ce montant et sollicitait le paiement intégral du marché en faisant valoir que la société SDCC n'avait pas respecté la procédure contractuelle imposant de notifier au sous-traitant par lettre recommandée la décision de résiliation et « la date à laquelle il sera procédé à un constat contradictoire d'état des lieux et d'avancement des travaux », ce qui excluait que celui-ci précède celle-là ; qu'en ne vérifiant pas si la société SDCC avait respecté la procédure contractuelle prévue à l'article 13-2 pour dresser le constat d'avancement des travaux et le rendre contradictoire, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard de l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant constaté que la résiliation du contrat était imputable aux manquements de la société ABS, l'arrêt retient d'abord que, celle-ci ne peut prétendre au paiement de la totalité du coût du marché, dès lors que les travaux prévus n'ont pas été réalisés de son fait ; qu'appréciant souverainement la valeur et la portée des éléments du débat, l'arrêt retient ensuite que le coût des travaux réalisés par la société ABS s'élève à la somme de 9 016,11 euros TTC, dont il convient de déduire le surcoût supporté par la société SDCC, à concurrence de 4 468,25 euros, devant être compensé ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, faisant ressortir l'impossibilité, en raison de la gravité des manquements commis par la société ABS et de l'urgence d'y mettre fin, de poursuivre le contrat de sous-traitance entre les sociétés SDCC et ABS, exclusive d'un manquement à la bonne foi, la cour d'appel, qui n'a pas méconnu les termes du litige, a, légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société ABS aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme de 3 000 euros à la société SDCC et rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du premier octobre deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour la société Abaque bâtiment services
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, infirmant le jugement, condamné la société Dauphinoise Charpente et Couverture à payer à la société Abaque Bâtiment Services seulement la somme de 4.547,86 ¿, outre intérêts au taux légal à compter du 2 octobre 2009, après résiliation du contrat;
AUX MOTIFS QU' au cours de la résiliation des travaux confiés à la société Abaque Bâtiment Services en exécution du contrat de sous traitance conclu avec la société Dauphinoise Charpente et Couverture, le responsable sécurité sur le chantier SOCOTEC constate le 13 août puis le 16 août 2009, la présence d'un salarié de la société Abaque Bâtiments Services exposé à un risque grave et imminent de chute de grande hauteur. La société ABC fait l'objet le 1er septembre 2009 d'une exclusion immédiate du chantier par le coordinateur sécurité de la SOCOTEC compte tenu de la réitération de son manquement aux règles de sécurité constatées ; La résiliation consécutive du contrat de sous-traitance conclu entre les sociétés ABS et SDCC à l'initiative de cette dernière par lettre recommandée en date du 1er septembre 2009 et après une mise en demeure en date du 26 août 2009 alors qu'il est établi un comportement grave imputable à la société ABS car ayant pour objet le manquement à des règles de sécurité, comportement réitéré malgré mises en demeure et alors que la société ABS s'est engagée au vu de l'annexe 1 du contrat de sous-traitance du 24 juin 2009 au « respect des règles de sécurité de travail en toiture ainsi que celles décrites dans le PPSPS » ainsi qu'à la réalisation de « l'ensemble de ces travaux conformément aux règles de l'art et en respectant scrupuleusement les règles de sécurité », cette résiliation est justifiée par ces manquements contractuels suffisamment graves même en l'absence de la survenance d'un quelconque accident et ce, malgré l'absence d'une clause de résiliation pour sécurité mentionnée dans le contrat de sous-traitance ; Compte tenu de la résiliation du contrat imputable aux manquements de la société ABS, cette dernière ne peut prétendre au paiement des travaux prévus mais non réalisés de son fait, sa demande en paiement de la totalité du coût du marché y compris les travaux non réalisés sera rejetée ; il est constant et justifié par le procès-verbal de constat d'huissier en date du 17 septembre 2009 que le coût des travaux réalisés par la société ABS s'élève à hauteur de la somme de 9016,11 ¿ TTC, la SDCC sera condamnée à lui payer cette somme ;
ALORS QUE le contrat doit être exécuté de bonne foi ; qu'en l'espèce la cour d'appel ne pouvait juger régulière la résiliation du contrat de sous-traitance conclu entre les sociétés ABS et SDCC à l'initiative de cette dernière par lettre recommandée du 1er septembre 2009 après une mise en demeure du 26 août 2009 pour manquement grave de la société ABS aux règles de sécurité, sans rechercher si cette résiliation immédiate ne violait pas l'article 13-2 du contrat qui prévoyait que la résiliation ne pouvait intervenir qu'après un délai de 8 jours suivant la notification d'une mise en demeure par lettre recommandée ; qu'en statuant comme elle l'a fait la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 1134 du code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR, infirmant le jugement, condamné la société Dauphinoise Charpente et Couverture à payer à la société Abaque Bâtiment Services seulement la somme de 4.547,86 ¿, outre intérêts au taux légal à compter du 2 octobre 2009, après résiliation du contrat;
AUX MOTIFS QUE compte tenu de la résiliation du contrat imputable aux manquements de la société ABS, cette dernière ne peut prétendre au paiement des travaux prévus mais non réalisés de son fait, sa demande en paiement de la totalité du coût du marché y compris les travaux non réalisés sera rejetée ; il est constant et justifié par le procès-verbal de constat d'huissier en date du 17 septembre 2009 que le coût des travaux réalisés par la société ABS s'élève à hauteur de la somme de 9016,11 ¿ TTC, la SDCC sera condamnée à lui payer cette somme ;
1° ALORS QUE le juge est tenu de respecter les termes du litige ; qu'en l'espèce la cour d'appel ne pouvait se borner à énoncer « qu'il est constant et justifié par le procès verbal de constat d'huissier en date du 17 septembre 2009 que le coût des travaux réalisés par la société ABS s'élève à hauteur de la somme de 9016,11 ¿ TTC » quand, précisément, la société ABS contestait ce montant et sollicitait le paiement intégral du marché en faisant valoir que la société SDCC n'avait pas respecté la procédure contractuelle imposant de notifier au sous-traitant par lettre recommandée la date à laquelle il sera procédé à un constat contradictoire d'état des lieux et d'avancement des travaux ; qu'en cet état, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
2° ALORS QUE le contrat doit être exécuté de bonne foi ; qu'en l'espèce la cour d'appel ne pouvait se borner à énoncer « qu'il est constant et justifié par le procès verbal de constat d'huissier en date du 17 septembre 2009 que le coût des travaux réalisés par la société ABS s'élève à hauteur de la somme de 9016,11 ¿ TTC » quand, précisément, la société ABS contestait ce montant et sollicitait le paiement intégral du marché en faisant valoir que la société SDCC n'avait pas respecté la procédure contractuelle imposant de notifier au sous-traitant par lettre recommandée la décision de résiliation et « la date à laquelle il sera procédé à un constat contradictoire d'état des lieux et d'avancement des travaux », ce qui excluait que celui-ci précède celle-là ; qu'en ne vérifiant pas si la société SDCC avait respecté la procédure contractuelle prévue à l'article 13-2 pour dresser le constat d'avancement des travaux et le rendre contradictoire, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard de l'article 1134 du code civil.