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25/09/2013 | FRANCE | N°12-13747

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 25 septembre 2013, 12-13747


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles 956, 1134 et 1183 du code civil ;
Attendu qu'il est loisible aux parties de déroger aux dispositions du premier de ces textes en stipulant, dans l'acte de donation, que la révocation aura lieu de plein droit par le seul fait de l'inexécution des conditions et que, dans ce cas, le principe posé par le dernier est applicable ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par un acte authentique du 20 juin 1975, André X... a donné à Mme Y..., son épouse séparée de bi

ens, la nue-propriété d'une maison d'habitation, à charge pour la donatai...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles 956, 1134 et 1183 du code civil ;
Attendu qu'il est loisible aux parties de déroger aux dispositions du premier de ces textes en stipulant, dans l'acte de donation, que la révocation aura lieu de plein droit par le seul fait de l'inexécution des conditions et que, dans ce cas, le principe posé par le dernier est applicable ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par un acte authentique du 20 juin 1975, André X... a donné à Mme Y..., son épouse séparée de biens, la nue-propriété d'une maison d'habitation, à charge pour la donataire d'en financer les charges courantes, les réparations et les impôts ; que l'acte de donation prévoyait, en cas de prédécès d'André X..., le versement par Mme Y... à Mme X..., fille du donateur, de la moitié de la valeur de l'immeuble au moment du décès, selon l'état descriptif du 9 décembre 1969 ; qu'il était enfin prévu une révocation de plein droit de cette donation en cas d'inexécution des charges, un mois après la délivrance d'un commandement resté sans effet ; qu'André X... est décédé le 23 décembre 2006, laissant pour lui succéder Mme Y... et Mme X... ; que celle-ci a sollicité la révocation de plein droit de la donation ;
Attendu que, pour rejeter cette demande, la cour d'appel énonce que la révocation d'une donation pour inexécution des conditions n'a jamais lieu de plein droit et doit être soumise à l'appréciation du juge, et retient que les époux X... ont, pendant trente années, confondu leurs revenus et leurs dépenses notamment dans le financement des travaux et charges de la maison, que le donateur ne s'est jamais plaint du non-respect des conditions de la donation, qu'il ne résulte pas des éléments du dossier une inexécution grave de ces conditions ;
Qu'en statuant ainsi, après avoir relevé que, selon l'expertise judiciaire et les documents bancaires produits, la donataire n'avait pas financé, dans leur intégralité, les travaux et charges de l'immeuble donné, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande de révocation de la donation du 20 juin 1975, l'arrêt rendu le 24 mai 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme Y... et la condamne à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq septembre deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Copper-Royer, avocat aux Conseils, pour Mme X...

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR refusé de prononcer la révocation de la donation pour inexécution de ses conditions générales ;
AUX MOTIFS ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE « c'est à juste titre que l'expert a rappelé que les consommations d'eau courante, de gaz, d'électricité, et assimilés, concernant le bien donné, sont mises à la charge du donataire par l'acte de donation ;
- que la demanderesse ne rapporte pas la preuve de ce que la récapitulation faite par l'expert des sommes non prises en charge par la donataire malgré cette clause puisse être incomplète ;
- qu'il convient donc de retenir que la donataire doit à ce titre à la succession la somme de 2012, 39 euros ;
- qu'il n'est versé aux débats aucun commandement préalable et qu'en conséquence, la clause de résolution insérée à l'acte de donation ne peut trouver application » (jugement p. 4 alinéas 1 à 4).
ET AUX MOTIFS PROPRES QUE « conformément aux dispositions des articles 953 et suivants du Code civil, la révocation pour inexécution des conditions n'a jamais lieu de plein droit et doit être soumise à l'appréciation du juge.
En l'espèce, Madame X.../ Z..., héritière de son père, estime que depuis la donation en 1975, Mme Françoise X... n'a pas respecté les conditions générales concernant l'entretien de l'immeuble et la prise en charge des frais et travaux.
L'expert, au vu des éléments qui lui ont été transmis dans les délais procéduralement utiles, est parvenu à un décompte établissant que certaines factures, à hauteur de 2012, 33 euros, n'avaient pas été directement réglées par la donataire.
Il est constant que si la Cour a le pouvoir d'apprécier le non respect des conditions de la donation, elle se doit néanmoins de rechercher si l'inexécution des conditions est importante et grave.
En l'espèce, entre l'acte de donation et le décès de Monsieur André X... 31 années se sont passées sans que le donateur ne se soit jamais plaint du non respect des conditions de cette donation.
Madame Catherine X.../ Z..., se prévalant des droits qu'elle tient de sa qualité d'héritière, prétend que ce ne sont pas les fonds de sa belle-mère qui ont financé l'entretien et les dépenses concernant l'immeuble mais ceux de son père.
Le rapport d'expertise et les relevés de comptes bancaires, régulièrement obtenus de la Société Générale, établissent une situation matrimoniale classique avec des époux qui ont des comptes propres et des comptes communs par lesquels ils financent leurs dépenses.
Mariés sous le régime de la séparation des biens, la Cour rappelle que les époux X... avaient la liberté de contribuer aux charges du mariage, dans la proportion qu'ils souhaitaient, et celle de fixer leur train de vie et leurs dépenses.
Les éléments précités établissent que pendant cette période de trente ans, les époux ont confondu leurs revenus et leurs dépenses notamment dans le financement des travaux et dépenses de la maison, piscine, améliorations, entretien, etc.... Si les relevés bancaires révèlent un montant supérieur à celui qui a été retenu par l'expert, pour autant, la Cour, après avoir examiné tous ces éléments, estime qu'il n'en résulte pas une inexécution grave des conditions de la donation. Par ailleurs, cette inexécution ne peut être qualifiée d'importante et grave au regard de la période considérée. Au surplus, le donateur, séparé de biens avec son épouse, a organisé les dépenses du ménage selon sa volonté.
En conséquence, face à cette inexécution relative et partielle des conditions, dans le contexte très spécifique sus-décrit, la Cour décide qu'il n'y a pas matière à la révocation pour inexécution de charge et, après substitution de motifs, confirme la décision du premier juge qui a décidé que la donation n'était pas révocable sur le fondement de l'article 956 du Code civil.
Madame Catherine X.../ Z... n'ayant formulé aucune demande chiffrée sur le montant des travaux à réintégrer dans l'actif successoral, la Cour confirme la décision du premier juge qui a décidé de la réintégration des sommes retenues par l'expert.
Sur la révocation de la donation pour inexécution de la clause spécifique :
Madame X.../ Z... estime que l'évaluation proposée par l'expert n'est pas conforme à la valeur de l'immeuble et rappelle la clause spécifique selon laquelle elle doit recevoir la moitié de la valeur de l'immeuble donné au décès de son père et ce dans un délai d'un an.
La Cour constate que si cette dernière n'a pas reçu cette soulte dans un délai d'un an, ce n'est pas uniquement du fait de Madame veuve X... qui a formulé des propositions, c'est parce que les parties se sont opposées sur la valeur de l'immeuble au décès.
En conséquence la donation ne peut pas être révoquée sur ce moyen il appartient à la Cour de déterminer quelle est la valeur de l'immeuble pour que puisse être déterminée la somme qui revient à Madame X.../ Z..., à savoir la moitié de la valeur de l'immeuble » (arrêt p. 5 alinéas 10 à 12 et p. 6 alinéas 1 à 8).
ALORS QUE l'acte de donation en date du 11 juillet 1975 prévoyait expressément qu'elle était faite à charge pour la donataire de faire à l'immeuble donné toutes réparations grosses et menues et qu'« à défaut pour la donataire d'exécuter les charges de la présente donation ¿ la donation sera révoquée de plein droit » ; que Madame Catherine X... démontrait dans ses conclusions d'appel que ces dépenses avaient été intégralement payées par son père et qu'il en était notamment ainsi de la piscine et de l'entretien du jardin ; qu'il s'en déduisait que la donation devait être révoquée de plein droit ; que pour refuser de faire droit à la demande de révocation de la donation présentée par Madame Catherine X..., la Cour d'appel a énoncé que les époux X... avaient la liberté de contribuer aux charges du mariage dans la proportion qu'ils souhaitaient, qu'ils avaient confondu leurs revenus et dépenses notamment dans le financement des travaux et dépenses de la maison, de la piscine etc ¿ et que si les relevés bancaires révélaient un montant supérieur à celui retenu par l'expert, il n'en résultait pas une inexécution grave des conditions de la donation ; qu'en subordonnant ainsi la révocation de la donation à une inexécution grave de ses conditions, quand la donation stipulait seulement qu'« à défaut par la donataire d'exécuter les charges de la présente donation, la donation sera révoquée de plein droit », inexécution parfaitement démontrée, la Cour d'appel a ajouté au texte de la donation du 11 juillet 1975 une condition qu'il ne comportait pas tirée de la gravité de l'inexécution et a ainsi violé l'article 1134 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 12-13747
Date de la décision : 25/09/2013
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

DONATION - Révocation - Inexécution des charges - Clause de révocation - Portée

Les parties à une donation entre vifs peuvent déroger aux dispositions de l'article 956 du code civil en stipulant une clause de révocation de plein droit de la donation, en cas d'inexécution de ses conditions. La donation est alors révoquée, conformément aux dispositions de l'article 1183 du code civil


Références :

articles 956, 1134 et 1183 du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel de Pau, 24 mai 2011

Sur la portée d'une clause de révocation de plein droit d'une donation, à rapprocher :1re Civ., 20 juin 1960, Bull. 1960, I, n° 335 (cassation)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 25 sep. 2013, pourvoi n°12-13747, Bull. civ. 2013, I, n° 181
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2013, I, n° 181

Composition du Tribunal
Président : M. Charruault
Avocat général : M. Jean
Rapporteur ?: Mme Mouty-Tardieu
Avocat(s) : Me Copper-Royer, SCP Fabiani et Luc-Thaler

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.13747
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