LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la société Centre financements et à M. X..., en qualité d'administrateur à la procédure de sauvegarde de ladite société, de leur désistement de pourvoi ;
Sur le troisième moyen, pris en sa deuxième branche, qui est recevable comme étant de pur droit :
Vu les articles 1134 et 1147 du code civil ;
Attendu que la société Sofidia, qui exerce une activité de négoce et de gestion de systèmes informatiques de clients, a conclu, le 7 juillet 2008, un contrat de mission de prestations de services avec la société Groupe CPS ainsi qu'un accord de partenariat commercial avec les sociétés Groupe CPS, JP Services, CEFI et I-Ness, entre-temps placées en redressement judiciaire ;
Attendu que pour condamner les sociétés Groupe CPS, JP Services, CEFI et I-Ness à payer à la société Sofidia une certaine somme au titre du contrat de mission de prestations de services, l'arrêt retient que le montant restant à payer sur ce contrat, soit 2 026 705 euros, est dû puisqu'il aurait été payé par ces sociétés si elles n'avaient pas rompu brutalement et abusivement le contrat ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté, d'une part, que le contrat de mission de prestations de services avait été conclu avec la seule société Groupe CPS et, d'autre part, que ce contrat et l'accord de partenariat commercial auquel étaient parties les sociétés JP Services, CEFI et I-Ness étaient des contrats distincts n'ayant ni le même objet, ni les mêmes parties, et prévoyant des modes de rémunération distincts, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 octobre 2011, rectifié par arrêt du 15 décembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Sofidia aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer aux sociétés Groupe CPS, I-Ness, JP Services et à M. X..., en sa qualité d'administrateur judiciaire de ces trois sociétés, la somme globale de 3 000 euros ; rejette sa demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre septembre deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyens produits par la SCP Vincent et Ohl, avocat aux Conseils, pour les sociétés Groupe CPS, I-Ness, JP Services et M. X..., ès qualités.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
En ce que l'arrêt attaqué rectifié a condamné les sociétés Groupe CPS, JP Services, et I-Ness à payer à la SAS Sofidia les sommes de 2 026 705 ¿ au titre du contrat de prestation de services et de 100 000 ¿ au titre du contrat de partenariat commercial, avec les intérêts au taux légal à compter dudit arrêt et capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil ;
Aux motifs, premièrement, sur la rupture des contrats, que les sociétés intimées ne peuvent raisonnablement soutenir qu'elles n'auraient jamais résilié les contrats litigieux mais qu'elle aurait simplement demandé à la société Sofidia l'exécution de sa mission et suspendu le paiement des prestations de janvier 2009 dans cette attente. En effet, alors qu'en six mois d'activité aucune remarque sur un manquement quelconque n'avait été fait par les sociétés intimées (à l'exception peu caractérisée d'un email de Monsieur Y... de JP Services du 16 octobre 2008, manifestant quelques critiques d'ordre très général auxquelles il avait été répondu point par point par Sofidia), les sociétés du Groupe CPS ont brutalement, par courrier du 8 décembre 2008, contesté le chiffre d'affaires réalisé et bloqué le règlement des factures Sofidia émises en décembre, tant au titre des commissions des ventes qu'au titre des prestations de services et ce malgré l'engagement de les payer par emails des 18, 19 et 20 décembre 2008. Elles ont également coupé brutalement, du jour au lendemain, le système informatique, qui contenait l'ensemble des données qui y avaient été intégrées, pour interdire à la société Sofidia toute réalisation de ses missions et accès aux documents et ont même refusé l'accès au système informatique à l'expert comptable de Sofidia en lui indiquant que " l'informatique et l'internet de Sofidia seraient coupés dans l'après midi ", lui conseillant " d'arrêter de s'occuper de ce client " car " cette société ne pourrait plus payer " ses " honoraires ". Elles ont envoyé le 22 janvier 2009 un huissier pour récupérer les originaux des contrats clients qu'elle avait en réalité déjà repris en décembre 2008 et dénigré la société Sofidia auprès de fournisseurs, de tiers et de clients. En bloquant les commissions dues à la société Sofidia et lui supprimant brutalement l'accès informatique, six mois après le commencement d'exécution du contrat, les sociétés intimées, qui représentaient 100 % de son activité, la mettaient dans l'impossibilité de poursuivre sa mission, l'obligeaient à licencier ses salariés qu'elle ne pouvait pas régler (en janvier 2009). C'est donc à juste titre que les premiers juges ont retenu que les sociétés Groupe CPS, JP Services, CEFI et I-Ness avaient pris l'initiative d'une rupture contractuelle intervenue de fait (arrêt attaqué, p. 6) ;
1°/ Alors qu'en prononçant comme elle a fait et en se bornant, sur la question centrale de l'imputabilité de la rupture des relations contractuelles, à reproduire sans autre motivation les conclusions d'appel de la société Sofidia, la cour d'appel a statué par une apparence de motivation de nature à faire peser un doute sur son impartialité et, partant, a violé l'article 6 § 1 de la convention européenne des droits de l'homme, ensemble les articles 455 et 458 du code de procédure civile ;
2°/ Alors en toute hypothèse qu'en se bornant à reproduire sur ce point les écritures de la société Sofidia, sans procéder à aucune analyse, même sommaire, du rapport de Monsieur Z..., expert en informatique et en comptabilité agréé par la Cour de cassation, produit au débat par les exposantes pour contredire les affirmations de la société Sofidia, ni répondre au moyen de leurs conclusions (p. 23 à 27) par lequel elles faisaient valoir, sur le fondement de ce rapport, non seulement que la coupure momentanée de la ligne ADSL du site de Lognes de la société Sofidia le 26 janvier 2009 était imputable à la société SFR, mais encore que celle-ci, parfaitement informée des difficultés rencontrées avec ce fournisseur d'accès, avait mis en oeuvre les moyens nécessaires pour parer à ces difficultés et n'avait pas cessé d'avoir accès aux éléments lui permettant de poursuivre son activité, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences des articles 455 et 458 du code de procédure civile, qu'elle a violés ;
Aux motifs, deuxièmement, que la rupture du contrat de prestations de service entraîne nécessairement la rupture du partenariat commercial ;
3°/ Alors en toute hypothèse qu'en statuant ainsi après avoir pourtant elle-même constaté l'indépendance des contrats de mission de prestations de services et de partenariat commercial, relevé que ceux-ci n'avaient ni le même objet, ni les mêmes parties et prévoyaient des modes de rémunération bien distincts, et sans préciser l'élément sur lequel elle se fondait pour en déduire, nonobstant, que la rupture du premier aurait entraîné « nécessairement » la rupture du second, la cour d'appel a derechef violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Et aux motifs, troisièmement, que pour justifier une telle rupture unilatérale de ces contrats à durée déterminée, les sociétés Groupe CPS, JP Services, CEFI et I-Ness auraient dû faire la démonstration d'une grave défaillance de la société Sofidia dans l'exécution de ses prestations, une simple insuffisance ou la non-obtention de certains résultats étant insuffisant pour constituer la faute grave justifiant la rupture ; qu'au contraire, la société Sofidia démontre qu'elle a réalisé, en six mois, un important travail, réalisant un chiffre d'affaires performant, aboutissant à la conclusion ou au renouvellement de nombreux contrats. Elle a également procédé à la rédaction de contrats types par métiers, avec des comptes rendus journaliers par courriers électroniques. La rupture ne peut être justifiée, ni par la dénonciation normale, à l'arrivée du terme, des contrats d'info-gérance, ni par le non-renouvellement de certains contrats dû à des événements extérieurs au travail fourni par la société Sofidia. Les sociétés Groupe CPS, JP Services, CEFI et I-ness ne peuvent pas plus se prévaloir d'agissements dolosifs de la société Sofidia qui ne sont pas avérés. S'agissant plus particulièrement du rachat du fonds de commerce de la société DIS, outre le fait que ce fonds a été racheté sur ordonnance du juge commissaire dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société DIS, ce qui exclut l'application des dispositions relatives au dol, il y a lieu d'observer que les sociétés repreneuses ont disposé de l'ensemble des informations nécessaires pour apprécier l'intérêt de l'acquisition, notamment relatives à l'échéance des contrats qu'elles ont repris. Par ailleurs, la preuve du détournement des clients société Sorral, société Club des Créateurs de Beauté, société Knauf, société Afflelou n'est pas rapportée. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que les sociétés intimées sont responsables de la rupture du contrat de mission de prestations de service et de l'accord de partenariat commercial (arrêt attaqué, p. 6 et 7).
4°/ Alors qu'en statuant ainsi, sans indiquer ni analyser, même de façon sommaire, les éléments sur lesquels elle fondait sa décision, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
5°/ Et alors que les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en statuant comme elle a fait, sans procéder à la moindre analyse, même sommaire, des éléments versés aux débats par les sociétés exposantes pour établir le non-respect par la société Sofidia de ses engagements, notamment au travers du non-renouvellement de certains contrats, de l'absence de fourniture des livrables attendus et du détournement ou tentative de détournement de clients, la cour d'appel a encore violé l'article 455 du code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
En ce que l'arrêt attaqué rectifié a débouté les sociétés Groupe CPS, JP Services, et I-Ness de leurs demandes à l'encontre de la société Sofidia ;
Aux motifs que compte tenu des motifs ci-dessus développés, les sociétés Groupe CPS, JP Services, et I-Ness ne peuvent qu'être déboutées de l'intégralité de leurs demandes reconventionnelles (arrêt attaqué, p. 8, al. 6) ;
Alors que la cassation à intervenir sur le fondement du premier moyen du pourvoi, en censurant les motifs par lesquels la cour d'appel a estimé que la rupture des contrats était imputable aux sociétés Groupe CPS, JP Services, et Iness sans pouvoir être justifiée par les manquements reprochés à la société Sofidia, entraînera par voie de conséquence celle du chef de l'arrêt ayant, par voie de référence à ces mêmes motifs, débouté ces mêmes sociétés de leurs demandes à l'encontre de ladite société, et ce en application de l'article 624 du code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)En ce que l'arrêt attaqué rectifié, de ce chef infirmatif, a condamné les sociétés Groupe CPS, JP Services et I-Ness à payer à la société Sofidia la somme de 2 026 705 euros au titre du contrat de mission de prestations de services ;
Aux motifs que la société Sofidia estime son préjudice au montant restant à payer sur le contrat de mission de prestations de services : 2 026 705 euros (¿) ; que le montant restant à payer sur le contrat de mission de prestations de services, soit 2 026 705 euros, est incontestablement dû puisqu'il aurait été payé par les sociétés intimées si elles n'avaient pas rompu brutalement et abusivement le contrat (arrêt attaqué, page 7, al. 9 et 12) ;
1°/ Alors que le prix convenu de prestations n'étant dû qu'en cas d'exécution de la convention, la résiliation fautive de celle-ci par anticipation n'ouvre droit qu'à l'allocation au co-contractant de dommages-intérêts, même si leur montant peut être forfaitairement fixé par une clause pénale à celui de la fraction du prix restant à courir jusqu'au terme du contrat ; qu'en statuant comme elle a fait, cependant que la société Sofidia, qui n'invoquait pas de clause pénale, ne pouvait demander que des dommages et intérêts à fixer par le juge, et non pas le paiement de sa rémunération pour la période postérieure, et en se dispensant d'évaluer le préjudice allégué par cette société et contesté par la société Groupe CPS, la cour d'appel a méconnu son office et a violé les dispositions de l'article 1184 du code civil, ensemble celles de l'article 1147 du même code ;
2°/ Et alors en toute hypothèse qu'après avoir pourtant elle-même rappelé que le contrat de mission de prestation de services avait été conclu avec la seule société Groupe CPS, constaté l'indépendance des contrats de mission de prestations de services et de partenariat commercial, relevé enfin que ceux-ci n'avaient ni le même objet, ni les mêmes parties et prévoyaient des modes de rémunération bien distincts, la cour d'appel en condamnant nonobstant, les sociétés JP Services et I Ness à payer à la société Sofidia une somme de 2 026 705 ¿ au titre d'un contrat auquel elles n'étaient pas parties, n'a pas déduit de ses propres constatations les conséquences légales qui s'en évinçaient nécessairement au regard de l'article 1134 du code civil, ensemble l'article 1147 du même code, qu'elle a violés.