LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon le jugement attaqué, rendu en dernier ressort, que M. X... a saisi un tribunal pour solliciter la radiation de plusieurs électeurs des listes électorales de diverses communes en vue des élections à la Chambre d'agriculture de la Guyane ;
Attendu que les premier et deuxième moyens et la première branche du troisième moyen du pourvoi ne sont pas de nature à permettre son admission ;
Mais, sur le moyen relevé d'office, après avis adressé aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :
Vu l'article 62-5 du code de procédure civile, ensemble l'article 16 du même code ;
Attendu, selon le premier de ces textes, que l'irrecevabilité de la demande initiale pour absence de paiement de la contribution pour l'aide juridique, prévue par l'article 62 du même code, est constatée d'office par le juge ; que les parties sont avisées de la décision par le greffe ; qu'à moins que les parties aient été convoquées ou citées à comparaître à une audience, le juge peut statuer sans débat, après avoir sollicité les observations écrites du demandeur ; que, toutefois, le juge n'est pas tenu de recueillir ces observations lorsque le demandeur est représenté par un avocat ou qu'il a été informé de l'irrecevabilité encourue dans un acte antérieurement notifié ; que, selon le second de ces textes, le juge doit en toute circonstance faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ;
Attendu que, pour constater l'irrecevabilité des demandes, le jugement retient que M. X..., demandeur à l'instance, était représenté à l'audience de renvoi par un avocat et qu'il n'a pas acquitté la contribution pour l'aide juridique ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les parties avaient été convoquées à une audience et que la circonstance que le demandeur soit représenté par un avocat ne dispensait pas le juge de recueillir les observations du demandeur sur la fin de non-recevoir qu'il relevait d'office, le tribunal a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 27 décembre 2012, entre les parties, par le tribunal d'instance de Cayenne ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance de Cayenne, autrement composé ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze juillet deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Foussard, avocat aux Conseils, pour M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le jugement attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a déclaré irrecevables les demandes de Monsieur Pierre X... ;
AUX MOTIFS QUE « le décret n° 2011-1202 du 28 septembre 2011 dispose en son article 2 qu'à peine d'irrecevabilité les demandes initiales sont assujetties au paiement de la contribution pour l'aide juridique prévue par l'article 1635 bis Q du code général des impôts ; que l'irrecevabilité est constatée d'office par le juge ; que les parties n'ont pas qualité pour soulever cette irrecevabilité ; qu'elles sont avisées de la décision par le greffe ; qu'à moins que les parties aient été convoquées ou citées à comparaître à une audience, le juge peut statuer sans débat après avoir sollicité les observations écrites du demandeur ; que toutefois, le juge n'est pas tenu de recueillir ces observations lorsque le demandeur est représenté par un avocat ; qu'en l'espèce, M. Pierre X..., demandeur à l'instance est représenté-à l'audience de renvoi du 14 décembre 2012 par un avocat ; que la contribution pour l'aide juridique n'a pas été acquittée par M, Pierre X... ; que ses demandes sont irrecevables » ;
ALORS QUE la somme de 35 euros afférente à la contribution pour l'aide juridique n'est pas due lorsque la demande est formée, instruite ou jugée sans frais ; que la raison d'être de cette règle, en même temps que le principe d'égalité, commandent que la contribution soit écartée, non seulement lorsqu'un texte énonce littéralement qu'il est statué sans frais, mais également lorsque les dispositions régissant l'instance révèlent qu'elle est organisée de manière à être sans frais ; que tel est le cas en l'espèce ; qu'en effet, selon l'article R.511-23 du code rural et de la pêche maritime, la saisine se fait « sans forme de procédure » ; que les parties sont convoquées par lettre simple du greffier ; que la procédure, orale, n'est assujettie à aucune forme et que le jugement est adressé ou notifié par les soins du greffe, sachant qu'aucune condamnation aux dépens n'est prévue ; qu'en exigeant le paiement de la contribution, quand il était en présence d'une procédure qui devait être regardée comme étant sans frais, le tribunal d'instance a violé l'article 62 du code de procédure civile, ensemble l'article R 500-23 du code rural et de la pêche.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Le jugement attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a déclaré irrecevables les demandes de Monsieur Pierre X... ;
AUX MOTIFS QUE « le décret n° 2011-1202 du 28 septembre 2011 dispose en son article 2 qu'à peine d'irrecevabilité les demandes initiales sont assujetties au paiement de la contribution pour l'aide juridique prévue par l'article 1635 bis Q du code général des impôts ; que l'irrecevabilité est constatée d'office par le juge ; que les parties n'ont pas qualité pour soulever cette irrecevabilité ; qu'elles sont avisées de la décision par le greffe ; qu'à moins que les parties aient été convoquées ou citées à comparaître à une audience, le juge peut statuer sans débat après avoir sollicité les observations écrites du demandeur ; que toutefois, le juge n'est pas tenu de recueillir ces observations lorsque le demandeur est représenté par un avocat ; qu'en l'espèce, M. Pierre X..., demandeur à l'instance est représenté-à l'audience de renvoi du 14 décembre 2012 par un avocat ; que la contribution pour l'aide juridique n'a pas été acquittée par M, Pierre X... ; que ses demandes sont irrecevables » ;
ALORS QUE, à supposer que l'exemption de la contribution pour l'aide juridique, telle que prévue pour un certain nombre de procédures relatives au contentieux électoral, ne puisse être étendue, par voie d'interprétation, au contentieux électoral, en tout état de cause, le principe d'égalité, que tout texte réglementaire doit respecte, veut que les plaideurs placés dans la même situation soient traités de la même manière ; qu'en décidant que le contentieux des élections aux chambres d'agriculture était assujetti, par l'effet de la combinaison de l'article 62 du code de procédure civile et de l'article R 500-23 du code rural et de la pêche maritime, à la contribution pour l'aide juridique contrairement aux contentieux électoraux réglementés par d'autres textes relatifs au contentieux électoral (D. 231-10 du code de la sécurité sociale, R. 2314-29 du code du travail, R. 2324-25 du code du travail, R. 1441-54 du code du travail, etc.), le pouvoir réglementaire a entaché sa décision d'illégalité pour contrariété au principe d'égalité ; que fondée sur un texte illégal, la décision attaquée doit être en tout état de cause annulée pour perte de fondement juridique.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Le jugement attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a déclaré irrecevables les demandes de Monsieur Pierre X... ;
AUX MOTIFS QUE « le décret n° 2011-1202 du 28 septembre 2011 dispose en son article 2 qu'à peine d'irrecevabilité les demandes initiales sont assujetties au paiement de la contribution pour l'aide juridique prévue par l'article 1635 bis Q du code général des impôts ; que l'irrecevabilité est constatée d'office par le juge ; que les parties n'ont pas qualité pour soulever cette irrecevabilité ; qu'elles sont avisées de la décision par le greffe ; qu'à moins que les parties aient été convoquées ou citées à comparaître à une audience, le juge peut statuer sans débat après avoir sollicité les observations écrites du demandeur ; que toutefois, le juge n'est pas tenu de recueillir ces observations lorsque le demandeur est représenté par un avocat ; qu'en l'espèce, M. Pierre X..., demandeur à l'instance est représenté-à l'audience de renvoi du 14 décembre 2012 par un avocat ; que la contribution pour l'aide juridique n'a pas été acquittée par M, Pierre X... ; que ses demandes sont irrecevables » ;
ALORS QUE, premièrement, le principe d'égalité, auquel tout texte réglementaire est assujetti, veut que deux plaideurs placés dans la même situation soient traités de la même manière ; que dans le cadre de l'article 62-5 du code de procédure civile pris en son alinéa 2, le juge, lorsque le demandeur est représenté par un avocat, n'a que la faculté de solliciter ses observations ; qu'ainsi, l'article 62-5 alinéa 2 place les parties dans une situation contraire au principe d'égalité puisque les uns sont susceptibles de bénéficier de la faculté de présenter leurs observations, tandis que les autres en sont privés ; qu'à raison de l'illégalité dont le texte est affecté et qui est affecté dans le cadre d'une exception, le jugement attaqué devra être censuré pour perte de fondement juridique ;
ALORS QUE, deuxièmement, en soulevant d'office l'irrecevabilité édictée aux articles 62 et 62-5 du code de procédure civile sans avoir sollicité les explications du demandeur, le tribunal d'instance a violé l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne des droits de l'homme.