LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur les deux moyens, réunis :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 juin 2012), que Mme X... a sollicité son admission au barreau de Paris sous le bénéfice de la dispense des conditions de diplôme, formation théorique et pratique et du certificat d'aptitude à la profession d'avocat prévue à l'article 97, 3e du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 modifié, pour les magistrats et anciens magistrats de l'ordre judiciaire régis par l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ; que le conseil de l'ordre ayant autorisé son inscription au tableau par décision du 27 septembre 2011, le parquet général a formé un recours ;
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt d'annuler la décision déférée et de rejeter sa demande d'inscription au tableau, alors, selon le moyen :
1°/ que le juge de proximité, soumis au statut de la magistrature, qui prête serment, bénéficie de l'inamovibilité et juge en droit au nom du peuple français des litiges en matière pénale comme en matière civile, est un magistrat de l'ordre judiciaire régi par le chapitre V quinquies de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature ; qu'il en résulte qu'en sa qualité de juge de proximité, Mme X... pouvait bénéficier de la dispense pour l'entrée à la profession d'avocat prévue à l'article 97 du décret du 27 novembre 1991 pour tous les magistrats et anciens magistrats de l'ordre judiciaire régis par l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ; qu'en exigeant que les fonctions de magistrats visées par ce texte aient été accomplies par un magistrat de carrière, la cour d'appel a ajouté une condition à l'article 97 du décret du 27 novembre 1991, qu'elle a violé ;
2°/ que la décision du conseil de l'ordre portant inscription au tableau qui est notifiée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception au procureur général n'a pas à contenir d'autres informations que celles de nature à le mettre en mesure de la contester devant la cour d'appel ; qu'il ne saurait donc être exigé davantage que les nom, date de naissance et nationalité de l'intéressée, la dispense accordée avec la citation du texte correspondant et la qualité en vertu de laquelle l'intéressée peut y prétendre, outre le nom du rapporteur ; qu'en exigeant un formalisme et une motivation non prévus par les textes, quand le procureur général disposait de toutes les informations nécessaires pour effectuer son recours, la cour d'appel a ajouté une condition de forme à l'article 102 du décret du 27 novembre 1991, qu'elle a ainsi violé ;
Mais attendu qu'ayant énoncé que les magistrats et anciens magistrats de l'ordre judiciaire régis par l'ordonnance du 22 décembre 1958, s'ils demandent leur inscription au tableau de l'ordre, sont dispensés des conditions de formation et du certificat d'aptitude à la profession d'avocat, la cour d'appel a retenu à bon droit que cette dérogation ne concernait que les magistrats de l'ordre judiciaire visés par l'article 1er de ladite ordonnance, qui définit le corps judiciaire, auquel les juges de proximité n'appartiennent pas ;
Et attendu que Mme X... est sans intérêt à critiquer l'annulation de la décision, dès lors que la cour d'appel se trouvait, en application de l'article 562, alinéa 2, du code de procédure civile, par l'effet dévolutif de l'appel, saisie du litige en son entier et qu'elle était donc tenue de statuer sur le fond, ce qu'elle a fait ;
D'où il suit que le moyen, inopérant en sa seconde branche, ne peut être accueilli pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix juillet deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mme X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir fait droit au recours du procureur général, annulé la décision rendue par le conseil de l'ordre des avocats au barreau de Paris le 27 septembre 2011 et rejeté la demande d'inscription de Mme X... ;
AUX MOTIFS QUE l'article 1er de la loi organique n°2003-153 du 26 février 2003 a introduit un chapitre V quinquies dans l'ordonnance du 22 décembre 1958 précitée, intitulé "Des juges de proximité" comprenant les articles 41-17 à 41-24 ; que si l'article 41-20 pose dans son premier alinéa le principe suivant lequel "Les juges de proximité sont soumis au présent statut", il ne ressort pas moins de la lecture du chapitre V que les juges de proximité sont nommés "pour exercer une part limitée des fonctions des magistrats des juridictions judiciaires" (article 41-17), "pour une durée de sept ans non renouvelable" (article 41-19), qu'ils "ne peuvent recevoir aucun avancement de grade" (article 41-20), qu'ils "exercent leurs fonctions à temps partiel" (article (41-21), qu'ils "perçoivent une indemnité de vacation" (même article), qu'ils peuvent "exercer une activité professionnelle concomitamment à leurs fonctions judiciaires" (article 41-22) et que les sanctions disciplinaires les concernant sont limitées à celles de l'article 44 et du 1er alinéa de l'article 45 auxquelles s'ajoute "la fin des fonctions" (article 41-23), toutes dispositions qui les placent dans une position spécifique et leur donne des modes d'exercice différents de ceux des magistrats de l'ordre judiciaire ; que le décret n°2003-438 du 15 mai 2003, qui a modifié le décret n°93-21 du 7 janvier 1993 pris pour l'application de la même ordonnance, a créé un chapitre VI bis intitulé "Des juges de proximité" comprenant les articles 35-7 à 35-15, qui instituent un mode de recrutement, de formation et de rémunération desdits juges distincts de ceux prévus pour les magistrats de l'ordre judiciaire ; Que le Code de l'organisation judiciaire qui consacre un titre troisième à "La juridiction de proximité" comprenant les articles L.231-1 à L.231-3, institue pour elle des règles de compétence d'organisation et de fonctionnement qui lui sont propres ; qu'il ressort de l'ensemble de ces textes que, loin d'assimiler les juges de proximité aux magistrats de l'ordre judiciaire, il leur est au contraire réservé une place spécifique et un statut séparé de ces derniers, ce que traduisent d'ailleurs l'existence de chapitres distincts au sein des textes régissant la magistrature ou le fonctionnement des juridictions ; qu'il ne peut qu'être constaté que le 3° de l'article 97 du décret du 27 novembre 1991 précité ne vise pas cette catégorie mais "les magistrats et anciens magistrats de l'ordre judiciaire régis par l'ordonnance n°58-1270 du 22 décembre 1958" auxquels les textes n'assimilent pas les juges de proximité; que cet article étant d'interprétation stricte en tant qu'il prévoit des modes d'accès dérogatoires du droit commun à la profession d'avocat, il ne peut être compris comme permettant cet accès aux juges de proximité ; qu'au surplus, le conseil constitutionnel, saisi de la conformité à la constitution de la loi organique du 26 février 2003 relative aux juges de proximité, a dit, d'une part, que "l'insertion des conditions de désignation et des règles statutaires régissant les juges de proximité dans l'ordonnance du 22 décembre 1958 ... n'a ni pour objet ni pour effet d'intégrer les juges de proximité dans le corps judiciaire régi par le statut des magistrats... " et, d'autre part, que "les dérogations apportées au statut de la magistrature par ces dispositions trouvent leur justification dans la spécificité des conditions dans lesquelles les juges de proximité sont recrutés et exercent leurs fonctions" ; qu'il a, ainsi, énoncé, sans la moindre ambiguïté, que, nonobstant l'insertion des textes intéressant les juges de proximité dans ceux relatifs au statut des magistrats de l'ordre judiciaire, ils n'appartenaient pas, du fait de leur spécificité, à ce corps ; que si la Cour européenne des droits de l'homme a, dans un arrêt Georgette Kotoujansky du 25 septembre 2008, dit, pour écarter son argument selon lequel elle n'avait pas été condamnée par un juge professionnel, que la juridiction de proximité est un "tribunal" au sens de l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il convient de relever qu'elle a, pour ce faire, rappelé "qu'est tribunal au sens de l'article 6 ... tout organe dont la fonction juridictionnelle consiste à trancher ... toute question relevant de sa compétence" et que ce tribunal "doit notamment être établi par la loi, être indépendant et impartial", pour en conclure que la compétence des juridictions de proximité pour juger de ce type d'infractions "ressort clairement de la loi" qui a déterminé les conditions de nomination et de formation des juges qui en font partie, que le conseil constitutionnel les a précisées en ce qui concerne "leur indépendance" et "leur impartialité", et qui "sont soumis au statut de la magistrature", et en déduire que "de telles juridictions remplissent en principe les conditions pour pouvoir être qualifiées de tribunal au sens de l'article 6§1 de la convention" ; que ce faisant, loin d'affirmer que les juges de proximité sont des magistrats à part entière, la cour s'est limitée à rechercher s'ils présentaient des garanties suffisantes, identiques à celles des magistrats de l'ordre judiciaire, pour pouvoir assimiler la juridiction de proximité, et elle seule, à un "tribunal" au sens de l'article 6§1 sus cité ; qu'en outre, n'est pas un argument probant la présentation faite des juges de proximité sur le site du ministère de la Justice, dont la portée se limite à une information de vulgarisation des fonctions, sans valeur juridique, ou de ceux tirés d'un ouvrage de procédure civile dont il est à noter que l'auteur prend soin, après avoir rappelé la décision du conseil constitutionnel déjà évoquée, de préciser que "les juges de proximité... ne font pas partie du corps judiciaire proprement dit" (2ème § du n°114 bis) ; que dans ces conditions, Mme X... n'étant pas un "magistrat" ou "ancien magistrat de l'ordre judiciaire régi par l'ordonnance n°58-1270 du 22 décembre 1958" au sens qu'en donne le 3° de l'article 97 du décret du 27 novembre 1991, elle ne peut prétendre à son inscription au barreau sur le fondement de ce texte ;
ALORS QUE le juge de proximité, soumis au statut de la magistrature, qui prête serment, bénéficie de l'inamovibilité et juge en droit au nom du peuple français des litiges en matière pénale comme en matière civile, est un magistrat de l'ordre judiciaire régi par le chapitre V Quinquies de l'ordonnance n°58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature ; qu'il en résulte qu'en sa qualité de juge de proximité, Mme X... pouvait bénéficier de la dispense pour l'entrée à la profession d'avocat prévue à l'article 97 du décret 27 novembre 1991 pour tous les magistrats et anciens magistrats de l'ordre judiciaire régis par l'ordonnance n°58-1270 du 22 décembre 1958 ; qu'en exigeant que les fonctions de magistrats visées par ce texte aient été accomplies par un magistrat de carrière, la Cour d'appel a ajouté une condition à l'article 97 du Décret du 27 novembre 1991 qu'elle a violé.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir annulé la décision du Conseil de l'ordre du 27 septembre 2011 ;
AUX MOTIFS QUE l'article 102 dispose que "Le conseil de l'ordre statue sur la demande d'inscription dans les deux mois de la réception de la demande. La décision du conseil de l'ordre portant inscription au tableau est notifiée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception dans les quinze jours de sa date au procureur général qui peut la déférer à la cour d'appel" ; qu'il s'ensuit que le conseil devant "statuer", il doit impérativement à tout le moins délibérer sur chaque demande, son délibéré se traduisant par une décision formelle, sauf à priver de tout intérêt la notification au procureur général et de tout sens la possibilité de son recours devant la cour d'appel ; que faute d'avoir ainsi procédé, le conseil a privé ce qu'il présente comme étant sa décision, de toute régularité, la transmission d'une liste de noms de "personnes admises à la prestation de serment lors de la séance du conseil" ne pouvant en tenir lieu ; que la "décision" prise le 27 septembre 2011 ne peut donc qu'être annulée ;
ALORS QUE la décision du conseil de l'ordre portant inscription au tableau qui est notifiée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception au procureur général n'a pas à contenir d'autres informations que celles de nature à le mettre en mesure de la contester devant la Cour d'appel ; qu'il ne saurait donc être exigé davantage que les nom, date de naissance et nationalité de l'intéressée, la dispense accordée avec la citation du texte correspondant et la qualité en vertu de laquelle l'intéressée peut y prétendre, outre le nom du rapporteur ; qu'en exigeant un formalisme et une motivation non prévus par les textes, quand le procureur général disposait de toutes les informations nécessaires pour effectuer son recours, la Cour d'appel a ajouté une condition de forme à l'article 102 du Décret du 27 novembre 1991, qu'elle a ainsi violé.