LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III, ensemble les articles L. 421-5 et L. 421-8 du code de l'environnement ;
Attendu que si les décisions prises par les fédérations départementales de chasseurs à l'occasion de leur mission de service public et qui manifestent l'exercice d'une prérogative de puissance publique, telles que celles fixant le montant des cotisations dues par leurs adhérents, constituent des actes administratifs dont l'appréciation de la légalité relève, à titre principal ou préjudiciel, de la compétence des juridictions administratives, l'action en recouvrement de ces cotisations, qui concerne le fonctionnement interne et la gestion patrimoniale de ces organismes de droit privé, ressortit à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire ;
Attendu que pour déclarer les juridictions de l'ordre judiciaire incompétentes pour connaître de l'action en paiement de cotisations engagée par la fédération départementale des chasseurs du Jura (la fédération) à l'encontre de l'Office national des forêts, l'arrêt attaqué, rendu en référé, retient que la demande en paiement repose sur un acte administratif, dès lors que la décision prise par la fédération consiste à modifier la nature de la cotisation réclamée, à écarter son caractère facultatif dépendant d'une souscription individuelle et à affirmer son caractère obligatoire et, en conséquence, son rôle de financement des missions de service public ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 mai 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ;
Condamne l'Office national des forêts aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix juillet deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat aux Conseils, pour la fédération départementale des chasseurs du Jura
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir reçu l'exception d'incompétence soulevée par l'ONF, dit que le juge des référés administratif a compétence pour connaître de l'action dont s'agit et de s'être déclaré incompétent au profit de cette juridiction ;
AUX MOTIFS QU'il ressort de l'article L 421-8 du Code de l'environnement et de l'article 3 des statuts de la Fédération Départementale des Chasseurs du Jura que celle-ci regroupe obligatoirement les titulaires du permis de chasser l'ayant validé dans le département et les personnes physiques ou morales titulaires du droit de chasse sur des terrains situés dans le département et bénéficiaires d'un plan de chasse ; que l'ONF admet qu'il doit adhérer à la Fédération Départementale des Chasseurs du Jura ; que ces textes prévoient le paiement de cotisations annuelles fixées par l'Assemblée Générale outre de cotisations éventuelles pour l'indemnisation des dégâts de grand gibier ; qu'il y a lieu de procéder à la comparaison d'une facture 2009-2010 et d'une facture 2010-2011, versées aux débats ; que la facture de l'année 2009-2010 comprenait des cotisations « plan de chasse petit et grand gibier », « dégâts de grands gibiers » qui apparaissent aussi sur la facture 2010-2011 ; qu'en revanche sur cette dernière apparaît la rubrique « cotisation affiliation des territoires » à la place de « adhésion et contrat de service » avec dans les 2 cas une distinction entre une somme de 76 ¿ et une sous-rubrique intitulée : « contrat de service » mentionnant le nombre d'hectare et le prix à l'hectare sans calcul d'un montant dû en 2009-2010, « part proportionnelle » reportant les mêmes éléments de calcul mais fixant un montant dû en 2010-2011 ; que cette substitution fait suite à une Assemblée Générale du 17 avril 2010 qui a voté la résolution : « Etes-vous d'accord pour que la cotisation d'affiliation des territoires ¿ part fixe + part proportionnelle à l'hectare ¿ appelée aujourd'hui contrat de service, remplace ce dernier et soit étendue à tous les détenteurs du département » ; que l'ordre du jour faisait référence à une taxe ancienne baptisée « d'affiliation », rebaptisée « contrat de service » qu'il fallait à nouveau appeler « taxe d'affiliation » tout en soulignant qu'il s'agissait de l'étendre « réglementairement » à tous les détenteurs de droit de chasse avec les « mêmes services que dans le contrat » ; qu'il y a donc eu une décision de la Fédération Départementale des Chasseurs du Jura, organisme chargé d'une mission de service public, de modifier la nature de cette cotisation, d'écarter son caractère facultatif dépendant d'une souscription individuelle, d'affirmer son caractère obligatoire et en conséquence son rôle de financement des missions de service public ; que la demande en paiement repose donc sur un acte administratif ; que seul le juge administratif est donc compétent ;
ET AUX MOTIFS SUPPOSES ADOPTES que l'article 810 du Code de procédure civile stipule que les pouvoirs du président du Tribunal de grande instance prévue aux articles 808 et 809 précédents, s'étendent à toutes les matières où il n'existe pas de procédures particulières de référé ; qu'en l'espèce il convient d'observer que le fond du litige, s'agissant des cotisations facturées à l'Office Nationale des Forêts par la Fédération Départementale des Chasseurs du Jura relève de la compétence de la juridiction administrative ; que le juge des référés administratif a donc compétence pour connaître de l'action dont s'agit ;
ALORS QUE, si la décision par laquelle la fédération départementale de chasseurs, exerçant en cela une prérogative de puissance publique, fixe le montant de la cotisation devant être obligatoirement versée par chaque titulaire de droit de chasse, est un acte administratif dont l'appréciation de la validité relève, à titre principal ou préjudiciel, de la compétence des juridictions administratives, en revanche, l'action en recouvrement de la cotisation due par les titulaires du droit de chasse, dont le produit est destiné à couvrir les dépenses de toute nature auxquelles la fédération départementale des chasseurs est amenée à faire face, concerne le fonctionnement interne et la gestion patrimoniale de celle-ci, et non l'exercice même des missions de service public que cette fédération a vocation à assumer ; qu'il s'ensuit donc que les tribunaux judiciaires sont compétents pour statuer sur l'action en recouvrement de cotisation engagée par une fédération départementale de chasseurs, le caractère légal du pouvoir dont dispose la fédération pour fixer le montant de ces cotisations ne faisant pas obstacle à la compétence judiciaire ; qu'en déduisant de la nature administrative de la décision de la fédération départementale des chasseurs fixant le montant de la cotisation, l'incompétence des juridictions judiciaires pour statuer sur les difficultés soulevées par son recouvrement, la cour d'appel a violé l'article 13 de la loi des 16 et 24 août 1790, le décret du 16 fructidor An III, et les articles L 421-5, L 421-8 et R 421-38 du code de l'environnement.