LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 26 mai 2009, pourvoi n° Z 07-21.601), que la société Loire télé (la société) ayant mis fin au contrat d'agent commercial qui la liait à M. X..., ce dernier l'a assignée en paiement de commissions et d'une indemnité compensatrice ;
Sur le premier moyen et sur le second moyen, pris en ses première, deuxième, troisième, sixième, septième et huitième branches :
Attendu que ces griefs ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le second moyen, pris en sa quatrième branche :
Vu les articles L. 134 -12 et L. 134 -13 du code de commerce ;
Attendu que pour rejeter la demande d'indemnité de cessation de contrat de M. X..., l'arrêt retient que l'agent, qui n'a réalisé qu'un chiffre d'affaires annuel de 100 000 euros de nature à mettre en péril la survie de la chaîne exploitée par la société, a commis une faute grave ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans caractériser aucun manquement précis et concret de M. X... à ses obligations qui serait de nature à porter atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun et à rendre impossible le maintien du lien contractuel, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et sur la cinquième branche de ce moyen :
Vu l'article 1315 du code civil ;
Attendu que pour statuer comme il fait, l'arrêt retient encore que M. X... n'indique pas les diligences qu'il aurait accomplies, ni les difficultés auxquelles il aurait été confronté pendant l'exécution du contrat qui pourraient justifier l'écart entre les besoins de sa mandante et ses résultats ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il appartenait à la société d'établir que M. X... avait, par sa faute, manqué à son obligation de réaliser un chiffre d'affaires raisonnable, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnité compensatrice de M. X..., l'arrêt rendu le 9 juin 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;
Condamne la société Loire télé aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros et rejette sa demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juillet deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour M. X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté monsieur X... de sa demande en paiement de rappel de commissions ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « quant au droit de M. X... au paiement de commissions sur les ordres de publicité passés par les sociétés actionnaires de la société LOIRE TELE, chacun d'entre elles s'est, lors de la souscription des actions, « engagée à financer, pendant une durée de trois années minimum à compter de la signature des statuts, un budget publicitaire sous diverses formes pour un montant annuel égal à sa souscription » ; il en résulte que ces achats étaient d'ores et déjà déterminés et décidés dès avant le début du contrat de M. X..., le 1er avril 2004, de sorte que ce dernier ne peut, en application de l'article L. 134-6 du Code de commerce, prétendre à commissions que sur les ordres d'achat portant le montant du budget publicitaire de chacune des sociétés actionnaires audelà du seuil défini par cet engagement antérieur, même si ce dernier s'est concrètement traduit par des commandes passées par son intermédiaire au cours de son mandat ; le fait, à le supposer établi, que certains actionnaires n'auraient souscrit aucun contrat publicitaire avec la société LOIRE TELE par l'intermédiaire de M. X... ne saurait fonder une réclamation portant sur les commandes régulièrement passées par les autres en application des statuts ; il existe, certes, un compte rendu du conseil d'administration du 30 mars 2004 selon lequel, après avoir rappelé les engagements des associés de verser un montant équivalent à leur participation au titre du « budget de fonctionnement », le président indiquait que ce budget de fonctionnement est destiné à couvrir les dépenses inhérentes à « l'information à la chaîne » (la Cour de cassation a lu : « la formation de la chaîne ») et « n'ouvrent (n'ouvre) pas droit à des espaces publicitaires » ; cette interprétation n'a rien d'authentique ; on ignore d'ailleurs si ce compte rendu a été approuvé et, en tout cas, il ne résulte pas du procès verbal qu'un vote soit intervenu à ce propos ; or, elle dénature la teneur des conventions statutaires qui font état non d'un « budget de fonctionnement », mais bien d'un « budget publicitaire » ; dans la mesure où aucun autre élément ne vient suggérer que telle a bien été, en réalité, la pratique des associés, ces propos personnels, rapportés de façon cursive et imprécise, ne peuvent à eux seuls fonder la demande de M. X... » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « l'article 6 al. 1 de la loi du 25 juin 1991 relative aux agents commerciaux dispose que, pour toute opération commerciale conclue pendant la durée du contrat, l'agent a droit à commission lorsque cette opération a été conclue grâce à son intervention ou a été conclue avec un tiers dont il a obtenu antérieurement la clientèle pour des opérations du même genre ; l'article 7 du contrat d'agent commercial régularisé entre la société LOIRE TELE et monsieur X... prévoyait que l'agent devait percevoir sur les ventes de son secteur une commission égale à 23 % du montant hors taxe des encaissements des entreprises mentionnées à l'annexe 1 du présent contrat ; cette annexe I liste l'ensemble des entreprises sur lesquelles monsieur X... pouvait être commissionné et parmi lesquelles figuraient les entreprises actionnaires de LOIRE TELE ; il ressort du tableau établi par la société LOIRE TELE le 7 juillet 2005 que le montant total des publicités perçues par les actionnaires s'élèvent à la somme de 65.723,35 euros ; il résulte, cependant, des bulletins de souscription et lettres d'engagement des actionnaires privés versés aux débats que ces derniers s'engagent pendant une durée de trois années minimum à compter de la signature des statuts définitifs, à financer un budget publicitaire sous diverses formes, dans le cadre et conformément au contrat d'objectifs et de moyens conclu avec l'association AB7 télévision, pour un montant annuel égal à la souscription ; ces actes d'engagement ont été établis par les actionnaires privés de la société LOIRE TELE entre le mois de novembre 2003 et le mois de février 2004 soit avant la signature du contrat d'agent commercial entre la société LOIRE TELE et monsieur X... le 1er avril 2004 ; les actionnaires privés se sont donc engagés et ont payé des sommes sur la base de l'engagement pris lors de la souscription du capital ; ces paiements ne sont, en conséquence, pas consécutifs au travail de monsieur X... ; il y a lieu de dire que monsieur X... ne peut percevoir aucune commission sur les sommes publicitaires correspondant aux engagements initiaux des actionnaires » ;
ALORS QUE, s'il est chargé d'un groupe de personnes déterminé, de surcroît avec exclusivité, l'agent commercial a droit à commission pour toute opération conclue avec une personne appartenant à ce groupe, même s'il n'est pas personnellement intervenu ; qu'en l'espèce, l'article 7 du contrat d'agence commerciale conclu par monsieur X... stipulait que « l'agent perçoit sur les ventes de son secteur une commission égale à 23 % du montant HT des encaissements des entreprises visitées mentionnées à l'annexe 1 du présent contrat » ; que l'article 4 du même contrat attribuait en exclusivité à monsieur X... le secteur de la Loire en publicité locale et de la France en publicité multilocale et précisait que l'agent exercerait son mandat auprès des catégories de clients figurant en annexe 1 et attribuées en exclusivité ; que cette annexe mentionnait « les entreprises actionnaires de LOIRE TELE » ; qu'en déboutant monsieur X... de sa demande en paiement de commissions sur les ordres d'achat publicitaires passés par les actionnaires de la société LOIRE TELE par cela seul que ces achats de publicité étaient d'ores et déjà déterminés et décidés dès avant le début du contrat d'agence commerciale, ces entreprises actionnaires s'étant engagées, lors de la constitution de cette société, à financer, pendant une durée de trois années, un budget publicitaire pour un montant égal à leur souscription, la Cour d'appel a violé les articles 1134 du Code civil, L. 134-6 alinéa 2 du Code de commerce et 7 du contrat d'agence commerciale du 1er avril 2004.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté monsieur X... de sa demande d'indemnité compensatrice ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « la société LOIRE TELE fait valoir à juste raison que les parties avaient convenu d'objectifs, comme il résulte :
- de son propre courrier du 3 janvier 2005 visant « l'objectif fixé d'un commun accord, soit 340.000 euros »,- du courrier de M. X..., du 11 mars 2005, prenant l'engagement de remettre à son successeur tous les documents utiles « dans le but d'atteindre en publicité locale les objectifs annoncés » ;
certes, le premier courrier n'émane pas de la partie à laquelle on l'oppose ; mais, l'absence de protestation de la part de M. X... sur le caractère « irréaliste » de ce montant, constitue un indice de son accord sur cette formalisation de discussions antérieures ; le second établit que des objectifs existaient bien ; or, M. X... n'indique même pas quels ils auraient été en réalité, de sorte qu'on peut retenir qu'il était d'accord sur ceux mentionnés dans le courrier de la société LOIRE TELE ; le seul fait de ne pas les avoir atteints ne constitue pas en soi une faute grave, car, d'une part, ces objectifs étaient extrêmement élevés, au point qu'il n'est pas établi que, malgré des débuts prometteurs, la société ayant pris la suite de M. X... ait jamais réussi à générer des commandes pour une telle valeur ; d'autre part, il faut tenir compte des difficultés du secteur et de l'activité déployée par l'agent ; mais, même en faisant la part de ces réserves, et même à retenir que M. X... n'a pas manifesté son accord exprès sur la définition des objectifs, il reste qu'il devait tout mettre en ..uvre pour apporter au mandant un chiffre d'affaires raisonnable ; or, ce dernier a été très faible, moins de 100.000 euros en un an environ (hors publicités réalisées conformément aux engagements statutaires), comme il ressort du tableau non contesté, dressé par l'expert comptable de la société LOIRE TELE ; au regard de l'importance des recettes publicitaires pour l'équilibre financier d'une chaîne de télévision, une telle faiblesse de résultats caractérise une faute de la part de l'agent ; par ailleurs, le mandant avait, dans son courrier du 3 janvier 2005, particulièrement attiré l'attention de l'agent sur le caractère indispensable de cette source de financement et souligné que la situation « mettait en péril la survie de la chaîne » ; M. X... n'expose pas quelles ont été ses diligences durant l'exécution du contrat ni quelles difficultés peuvent justifier un tel écart entre les besoins de son mandant et des propres résultats ; il ne soutient pas plus avoir amélioré sa pratique après ce courrier ; dans ces conditions, l'exploitation du secteur, exclusif et crucial, qui lui était confié, a été insuffisante et cette circonstance confère à la faiblesse des résultats obtenus au regard des objectifs fixés ou raisonnables, qu'il lui appartenait d'approcher au mieux, le caractère d'une faute grave justifiant le rejet de sa demande » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « dans un courrier en date du 3 janvier 2005, la société LOIRE TELE écrit à monsieur X... : « Lorsque la société LOIRE TELE vous a confié le soin de démarcher les prospects en vue de générer des recettes publicitaires indispensables au fonctionnement de la télévision, elle espérait que, grâce à votre connaissance du milieu TV et de vos anciennes activités, l'objectif fixé d'un commun accord dans le cadre du budget prévisionnel, soit 340.000 euros, serait réalisé ; force est de constater que le secteur exclusif qui vous a été consenti n'a pas été exploité comme nous l'avions souhaité et, pour 2005, nous avons peu d'espoirs d'avoir ces annonceurs sur notre chaîne, nous attirons votre attention sur la gravité de la situation qui met en péril la survie de la chaîne » ; le chiffre d'affaires réalisé par monsieur X... était donc insuffisant par rapport à l'objectif fixé ; l'inobservation de ses obligations par l'agent commercial constitue une faute mettant en échec le droit pour le mandataire d'obtenir une indemnisation en cas de résiliation ; il est constant qu'un chiffre d'affaires insuffisant constitue un manquement aux obligations » ;
1°) ALORS QUE le silence ne vaut pas acceptation ; qu'en déduisant l'accord de l'agent sur les objectifs fixés du seul fait qu'il n'avait pas protesté contre leur caractère irréaliste lorsqu'ils lui avaient été soumis par le mandant, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;
2°) ALORS QUE la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en affirmant que le fait de ne pas avoir atteint les objectifs fixés ne constituaient pas une faute car ils « étaient extrêmement élevés au point que la société ayant pris la suite de monsieur X... n'ait jamais réussi à atteindre une telle valeur », tout en reprochant ensuite à l'agent la faiblesse de ses résultats « au regard des objectifs fixés ou raisonnables qu'il lui appartenaient d'approcher au mieux », la Cour d'appel, qui a considéré que les objectifs étaient bien trop élevés tout en pouvant être approchés, a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE, tenu de respecter lui-même le principe du contradictoire, le juge ne peut soulever d'office un moyen sans inviter les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, la société LOIRE TELE se bornait à faire valoir que monsieur X... n'avait pas atteint les objectifs prétendument convenus, soit 340.000 euros de chiffre d'affaires annuel ; qu'en soulevant d'office, après avoir retenu que ces objectifs étaient trop élevés, que la faiblesse du chiffre d'affaires réalisé (moins de 100.000 euros) caractérisait en tout état de cause la faute grave de l'agent, sans inviter monsieur X... à présenter ses observations, la Cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile ;
4°) ALORS QUE la faute grave de l'agent commercial est celle qui porte atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel ; que la seule faiblesse des résultats obtenus par l'agent commercial ne caractérise pas nécessairement une faute grave, cette situation serait-elle susceptible d'avoir des répercutions importantes sur la situation financière du mandant ; qu'en déduisant la faute grave de la réalisation d'un chiffre d'affaires annuel de moins de 100.000 euros de nature à mettre en péril la survie de la chaîne, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 134-12 et L. 134-13 du Code de commerce ;
5°) ALORS QUE la preuve de la faute grave privative d'indemnité incombe au mandant ; qu'en reprochant à monsieur X... de ne pas exposer ses diligences durant l'exécution du contrat, ni les difficultés pouvant justifier l'écart entre les besoins de son mandant et ses résultats, quand il appartenait à la société LOIRE TELE d'établir que l'agent avait fautivement manqué à son obligation de réaliser un chiffre d'affaires raisonnable, la Cour d'appel a violé l'article 1315 du Code civil ;
6°) ALORS QUE l'indemnité compensatrice n'est due que lorsque la cessation du contrat a été provoquée par la faute grave de l'agent commercial ; que le comportement de l'agent ne peut donc être qualifié de faute grave par le mandant qui en a eu connaissance antérieurement à la rupture du contrat sans pour autant en faire état lors de la rupture, ni fonder celle-ci sur un tel comportement fautif ; qu'en l'espèce, monsieur X... faisait valoir que dans son courrier de rupture du 23 février 2005, la SAEM LOIRE TELE ne lui avait imputé aucune faute, la rupture du contrat étant simplement motivée par le choix économique que « la société a dû se réorienter vers une structure spécialisée garantissant un volume de recettes publicitaires beaucoup plus important et indispensable à la poursuite de notre mission » ; qu'en qualifiant le comportement de l'agent de faute grave pour lui dénier tout droit à indemnité, sans constater que la lettre de rupture se plaçait sur le terrain d'une faute, ni que la fin des relations contractuelles avait été provoquée par la faute grave plutôt que par un choix de gestion du mandant, la Cour d'appel a violé les articles L. 134-12 et L. 134-13 du Code de commerce ;
7°) ALORS QUE nul ne peut se contredire au détriment d'autrui ; qu'en l'espèce, il résultait de la lettre de rupture du 23 février 2005 que le mandant avait mis un terme aux relations contractuelles sur la base d'un choix de gestion économique ; qu'en disant que le mandant pouvait ensuite, devant le juge, invoquer une faute grave de l'agent à l'origine de la rupture, la Cour d'appel a violé le principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui ;
8°) ALORS enfin QUE, tenu de respecter le principe du contradictoire, les juges du fond doivent inviter les parties à s'expliquer sur l'absence au dossier des documents figurant sur le bordereau de communication de pièces et dont la communication n'a pas été contestée ; que pour établir ses diligences, monsieur X... produisait un rapport d'activité 2004-2005 présenté à l'assemblée générale des actionnaires de la société LOIRE TELE du 12 avril 2005 (pièce 16, prod. 14) ; qu'il évoquait l'établissement et la production de ce document (conclusions, p. 12, § 6, 5°); qu'il produisait également des calendriers de ses rendez-vous (pièces 16-1 et 16-2, prod. 19) ; qu'en affirmant que monsieur X... n'exposait pas quelles avaient été ses diligences durant l'exécution du contrat sans inviter les parties à s'expliquer sur l'absence au dossier des pièces figurant au bordereau dont il n'était ni établi ni même allégué qu'elles n'avaient pas été régulièrement communiquées, la Cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile.