LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique pris en ses première, deuxième, troisième, quatrième et cinquième branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 octobre 2011), que le 23 mai 2005, la société BICS-banque populaire devenue Banque populaire Rives de Paris (la banque) a consenti à M. X..., titulaire de deux comptes courants dans ses livres et exerçant une activité de photographe, un crédit de restructuration d'une durée de cinq ans ; que, les échéances de ce prêt étant restées impayées à compter du19 février 2006, la banque a dénoncé ses concours le 24 août suivant avec préavis de 60 jours, puis assigné en paiement M. X... qui a recherché sa responsabilité ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de ses demandes tendant à voir déclarer la banque responsable pour soutien abusif d'une activité déficitaire, manquement à son obligation de mise en garde et rupture abusive de concours et de l'avoir condamné à payer à la banque une somme de 51 058,95 euros outre intérêts, alors, selon le moyen :
1°/ qu'il ressort du bordereau de communication de pièces annexé aux dernières conclusions d'appel de M. X... du 3 mai 2011 que celui-ci a versé aux débats le tableau d'amortissement du prêt de décembre 2003, le contrat de crédit-bail automobile du 10 décembre 2003 et son tableau d'amortissement, le tableau d'amortissement du prêt de 5 500 euros de juin 2003, le tableau d'amortissement du prêt de 8 000 euros de novembre 2005 et un tableau récapitulatif des agios et relevés bancaires des deux comptes professionnels pour 2003 ; qu'en affirmant, pour considérer que M. X... ne rapportait pas la preuve d'un endettement excessif, ni d'un soutien abusif de la banque, " qu'il ne produi sai t pas aux débats les actes de prêt concernés, ni aucun document sur sa situation personnelle, patrimoniale et professionnelle antérieure à 2004", la cour d'appel a dénaturé les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
2°/ qu'en se fondant, pour estimer que M. X... était en mesure de faire face à ses dettes, sur le versement à la banque d'une somme de 162 690,85 euros ayant apuré sa dette au titre du prêt immobilier afférent au bien de Honfleur qui faisait l'objet d'une saisie immobilière sans répondre aux conclusions faisant valoir que ce versement n'avait été rendu possible que grâce à l'avance d'une somme de 155 530,23 euros que des amis lui avaient consentie, la cour d'appel a privé sa décision de motifs en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ qu'en retenant que l'activité professionnelle de M. X... était viable et qu'il n'était pas établi qu'il ait été dans une situation irrémédiablement compromise, sans répondre aux conclusions par lesquelles M. X... se prévalait de ce qu'il avait dû, fin 2005, procéder au licenciement économique de son unique employée, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ que la situation irrémédiablement compromise et les capacités financières d'une entreprise s'apprécient in concreto ; que, pour considérer que M. X... ne pouvait reprocher à la banque de ne pas avoir anticipé une déconfiture de son entreprise due au passage de l'argentique au numérique dans le domaine de la photographie, la cour d'appel s'est bornée à retenir que son activité, telle que déclarée au registre du commerce, n'était pas limitée à l'argentique sans constater que l'activité effective de M. X... concernait non seulement la photographie argentique mais aussi la photographie numérique, ce que celui-ci contestait fermement
en produisant l'ensemble des factures de ses fournisseurs de janvier 2005 à septembre 2006, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 et 1382 du code civil ;
5°/ que pour écarter les moyens tirés du soutien abusif de la banque et du manquement à son devoir de mise en garde, la cour d'appel a retenu que le crédit de restructuration du 23 mai 2005 avait permis à M. X..., sans nouvel endettement, la reprise des dettes antérieures à des conditions moins onéreuses tout en constatant qu'il avait pris l'engagement de ne plus faire fonctionner ses comptes en position débitrice ; que, cependant, en ne recherchant pas si, précisément privé de facilités de caisse et voyant son chiffre d'affaires diminuer, M. X... n'était pas condamné à échouer et si, comme il le soutenait, la mise en place de ce crédit n'était pas surtout destinée à servir les intérêts de la banque, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 et 1382 du code civil ;
Mais attendu que l'arrêt, après avoir relevé que le prêt de restructuration octroyé ne constituait pas un nouvel endettement mais la reprise, à des conditions moins onéreuses, des crédits revolving et facilités de caisse antérieurement consentis, retient que les pièces produites par M. X..., principalement des factures d'achat de matériel photographique en 2005, ne démontrent pas que son activité professionnelle était dans une situation irrémédiablement compromise au moment de la souscription de ce prêt, et que les documents comptables des exercices 2004 et 2005 prouvent que cette activité était viable, ayant d'ailleurs été poursuivie jusqu'au 1er janvier 2007 ; qu'il relève encore que M. X..., qui argue de multiples crédits accordés par la banque tant à titre personnel que professionnel depuis 2003, ne produit pas les actes de prêt concernés ni aucun document sur sa situation personnelle, patrimoniale ou professionnelle antérieure à 2004, et qu'il a intégralement remboursé, à la suite d'une procédure de saisie-immobilière diligentée en 2010-2011, le crédit consenti en 2003 pour l'acquisition de deux appartements, démontrant ainsi qu'il était en mesure de faire face à ses dettes ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, dont il résultait que, le prêt de restructuration ne comportant pas un risque d'endettement pour l'emprunteur ni ne constituant un soutien abusif, la banque n'avait pas commis de faute, la cour d'appel qui, sans dénaturation et abstraction faite des motifs surabondants visés à la quatrième branche, et qui n'était pas tenue de répondre à des allégations dépourvues d'offre de preuve ni de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a légalement justifié sa décision ; que le moyen, inopérant en sa quatrième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Et attendu que le dernier grief ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991 modifiée, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit juin deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Monod et Colin, avocat aux Conseils, pour M. X...
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. X... de ses demandes tendant à voir déclarer la société Banque Populaire Rives de Paris (BPRP) responsable pour soutien abusif d'une activité déficitaire, manquement à son obligation de mise en garde et rupture abusive de concours et de l'avoir condamné à payer à la banque une somme de 51 058,95 € outre intérêts au titre du solde débiteur de deux comptes professionnels et du solde d'un crédit de restructuration ;
AUX MOTIFS QU'il n'est ni contesté, ni contestable que le prêt en cause est un prêt de restructuration qui a repris les crédits revolving et les facilités de caisse antérieurement consentis à M. X... dans le cadre de son activité professionnelle ; qu'il n'y a ainsi pas de nouvel endettement mais la reprise d'une dette antérieure à des conditions moins onéreuses pour le débiteur qui supporte des intérêts au taux contractuel de 5,1 % au lieu de 11,5 % ; qu'il est établi que c'est M. X... lui-même qui a sollicité ce prêt pour résorber sa dette totale envers la banque, qui avait dénoncé tous ses concours le 17 février 2005 avec un préavis de 60 jours conformément à la loi, ce qui avait rendu exigibles les deux crédits revolving et les soldes débiteurs des deux comptes professionnels de ce dernier ; que la banque a consenti à cet apurement de la dette au vu du bilan de l'année 2004 et de l'engagement de M. X... de faire fonctionner ses comptes de manière créditrice, ce qui est repris dans l'acte de prêt ; qu'il n'est démontré aucune dépendance économique ou violence morale ayant contraint M. X... à demander ou à accepter un prêt de restructuration lui permettant de régler l'intégralité de sa dette professionnelle à l'égard de la banque, en cinq ans, à des conditions moins onéreuses que celles qui lui avaient été précédemment consenties dans le cadre de chacun des crédits repris par ce prêt ; que les pièces produites par M. X..., principalement constituées de ses factures d'achat de matériels photographiques en 2005, ne démontrent pas que son activité professionnelle était dans une situation irrémédiablement compromise au moment où il a souscrit le prêt de restructuration du 23 mai 2005 ; que les documents comptables produits sur l'exercice 2004 et 2005 démontrent que l'activité était viable ; que M. X... a, d'ailleurs, poursuivi son activité jusqu'au 1er janvier 2007 selon les extraits Kbis versés aux débats, lesquels indiquent une cessation totale d'activité avec maintien provisoire de l'immatriculation en application de l'article R. 123-46, 5° du code de commerce et une radiation d'office du registre du commerce et des sociétés en application de l'article R. 123-136 du même code le 3 mai 2010 ;
que M. X..., qui est seul professionnel dans son domaine d'activité, ne peut reprocher à la banque, qui n'est qu'un professionnel de la finance et n'a pas de compétence dans le domaine professionnel de chacun de ses clients, de ne pas avoir anticipé une déconfiture de son entreprise, au demeurant non établie, par le passage de l'argentique au numérique dans le domaine de la photographie, alors que l'objet de son activité déclarée est à l'origine l'import-export et le négoce de matériels photographiques argentiques et numériques, téléphones bureautiques, ordinateurs, fournitures de matériels d'arts, papeterie sans détention ni stockage de marchandises, à laquelle il a ajouté l'achat-vente, la restauration de meubles et de luminaires anciens, tapisserie, la réfection de sièges, coutures, l'achat-vente de tableaux, l'architecture d'intérieur, la décoration de lieux privés et professionnels, bureaux, cafés, restaurants, hôtels, les arts de la table, les rééditions ; que même s'il n'a pas exercé la seconde activité jusqu'à ce qu'il arrête, par choix personnel, d'exploiter son fonds de commerce, la première n'était pas limitée à l'argentique ;
ET QUE M. X..., qui argue de multiples crédits qui lui ont été accordés par la banque, tant à titre personnel que professionnel, depuis 2003, ne démontre pas un endettement excessif, ni un soutien abusif dès lors qu'il ne produit pas aux débats les actes de prêts concernés, ni aucun document sur sa situation personnelle, patrimoniale et professionnelle antérieure à 2004 ; qu'il est par ailleurs établi qu'il a fait l'acquisition d'un immeuble comprenant deux appartements situés à Honfleur en 2003 et qu'il a réglé l'intégralité de sa dette envers la BPRP au titre du prêt immobilier afférent à cet immeuble à la suite d'une procédure de saisie immobilière diligentée par la banque en payant la somme de 162 690,85 € en 2010-2011, démontrant qu'il était en mesure de faire face à ses dettes ; que M. X... est ainsi mal fondé à soutenir que l'octroi du prêt souscrit le 23 mai 2005 est un crédit excessif et constitue un soutien abusif de la banque, ni qu'il était dans une situation irrémédiablement compromise laquelle suppose que l'activité soit non seulement déficitaire mais qu'il soit impossible de la poursuivre de manière irréversible ; qu'en l'absence de crédit excessif, M. X..., même s'il est un emprunteur profane, ne peut exciper d'un manquement de la banque à son devoir de mise en garde ; qu'il ne démontre aucune faute de la BPRP lors de l'octroi du crédit en cause ;
ET QU'il ne peut davantage reprocher à la banque une rupture abusive de crédit le 24 août 2006, dès lors que la banque a respecté le délai de préavis légal de 60 jours, et que M. X... avait cessé d'honorer les échéances de remboursement de son prêt professionnel depuis le 19 février 2006, qu'il ne faisait pas fonctionner ses comptes professionnels de manière créditrice conformément à la convention des parties et à l'engagement pris dans son courrier du 22 avril 2005 ; qu'à l'issue du préavis, il a été légitimement mis en demeure par la BPRP de payer les sommes dues par lettre recommandée avec accusé de réception du 25 octobre 2006 ; que M. X... est mal fondé à reprocher à la banque d'avoir laissé le compte fonctionner à découvert en lui facturant des agios, des commissions et des frais de clôture des comptes alors que ces sommes sont la conséquence du fonctionnement débiteur de ses comptes au mépris de la convention et de son engagement de les faire fonctionner de manière strictement créditrice lors de l'octroi du prêt du 23 mai 2005 ; qu'il est le seul auteur des chèques émis sans provision ; que la banque n'a fait qu'appliquer les conventions bancaires avec la tarification applicable, dont elle justifie ; que c'est elle qui a mis fin au fonctionnement anormal des comptes en clôturant les comptes et en dénonçant ses concours malgré l'opposition de M. X... qui lui a, à plusieurs reprises en 2006, demandé plus de souplesse dans le fonctionnement de ses comptes qu'il savait être à découvert sans autorisation ;
1/ ALORS QU'il ressort du bordereau de communication de pièces annexé aux dernières conclusions d'appel de M. X... du 3 mai 2011 que celui-ci a versé aux débats le tableau d'amortissement du prêt de décembre 2003 (pièce 31), le contrat de crédit-bail automobile du 10 décembre 2003 et son tableau d'amortissement (pièce 32), le tableau d'amortissement du prêt de 5 500 € de juin 2003 (pièce 33), le tableau d'amortissement du prêt de 8 000 € de novembre 2005 (pièce 34) et un tableau récapitulatif des agios et relevés bancaires des deux comptes professionnels pour 2003 (pièce 38) ; qu'en affirmant, pour considérer que M. X... ne rapportait pas la preuve d'un endettement excessif, ni d'un soutien abusif de la banque, « qu'il ne produi sai t pas aux débats les actes de prêt concernés, ni aucun document sur sa situation personnelle, patrimoniale et professionnelle antérieure à 2004 » (arrêt, p. 4 § 4), la cour d'appel a dénaturé les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
2/ ALORS QU'en se fondant, pour estimer que M. X... était en mesure de faire face à ses dettes, sur le versement à la banque d'une somme de 162 690,85 € ayant apuré sa dette au titre du prêt immobilier afférent au bien de Honfleur qui faisait l'objet d'une saisie immobilière sans répondre aux conclusions de M. X... (p. 25) faisant valoir que ce versement n'avait été rendu possible que grâce à l'avance d'une somme de 155 530,23 € que des amis lui avaient consentie, la cour d'appel a privé sa décision de motifs en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
3/ ALORS QU'en retenant que l'activité professionnelle de M. X... était viable et qu'il n'était pas établi qu'il ait été dans une situation irrémédiablement compromise, sans répondre aux conclusions (p. 8) par lesquelles M. X... se prévalait de ce qu'il avait dû, fin 2005, procéder au licenciement économique de son unique employée, la cour d'appel a de nouveau violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4/ ALORS QUE l'existence d'une situation irrémédiablement compromise et les capacités financières d'une entreprise s'apprécient in concreto ; que, pour considérer que M. X... ne pouvait reprocher à la banque de ne pas avoir anticipé une déconfiture de son entreprise due au passage de l'argentique au numérique dans le domaine de la photographie, la cour d'appel s'est bornée à retenir que son activité, telle que déclarée au registre du commerce, n'était pas limitée à l'argentique sans constater que l'activité effective de M. X... concernait non seulement la photographie argentique mais aussi la photographie numérique, ce que celui-ci contestait fermement (concl. p. 7 et 8) en produisant l'ensemble des factures de ses fournisseurs de janvier 2005 à septembre 2006 (pièce 22), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 et 1382 du code civil ;
5/ ALORS QUE, pour écarter les moyens tirés du soutien abusif de la banque et du manquement à son devoir de mise en garde, la cour d'appel a retenu que le crédit de restructuration du 23 mai 2005 avait permis à M. X..., sans nouvel endettement, la reprise des dettes antérieures à des conditions moins onéreuses tout en constatant que M. X... avait pris l'engagement de ne plus faire fonctionner ses comptes en position débitrice ; que, cependant, en ne recherchant pas si, précisément privé de facilités de caisse et voyant son chiffre d'affaires diminuer, M. X... n'était pas condamné à échouer et si, comme il le soutenait (concl. p. 8, 11, 14, 16 et 21), la mise en place de ce crédit n'était pas surtout destinée à servir les intérêts de la banque, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 et 1382 du code civil ;
6/ ALORS QUE la cour d'appel a constaté que la décision du 24 août 2006 de la banque de rompre ses concours n'était pas abusive dès lors qu'elle était justifiée par le non-respect des échéances du prêt de restructuration depuis février 2006 et de l'engagement de faire fonctionner les comptes en position créditrice, et que la banque avait observé le délai légal de préavis ; que, néanmoins, en ne recherchant pas, ainsi qu'elle y était invitée (concl. p. 20 et 21), si, bien que M. X... ait lui-même demandé plus de souplesse dans le fonctionnement des comptes en 2006, la banque n'avait pas commis une faute en acceptant pendant une durée excessive le fonctionnement anormal des comptes, ce qui avait entraîné la survie artificielle de l'exploitation, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 et 1382 du code civil.