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11/06/2013 | FRANCE | N°13-80159

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 11 juin 2013, 13-80159


Statuant sur le pourvoi formé par :
- La société Otis,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 5e section, en date du 19 novembre 2012, qui, dans l'information suivie contre elle du chef de blessures involontaires, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 14 mai 2013 où étaient présents : M. Louvel président, M. Beauvais conseiller rapporteur, Mme Guirimand, MM. Guérin, Straehli, Finidori, Monfort, Buisson conseillers de la chambre, Mme Divialle, MM. Ba

rbier, Talabardon conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Des...

Statuant sur le pourvoi formé par :
- La société Otis,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 5e section, en date du 19 novembre 2012, qui, dans l'information suivie contre elle du chef de blessures involontaires, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 14 mai 2013 où étaient présents : M. Louvel président, M. Beauvais conseiller rapporteur, Mme Guirimand, MM. Guérin, Straehli, Finidori, Monfort, Buisson conseillers de la chambre, Mme Divialle, MM. Barbier, Talabardon conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Desportes ;
Greffier de chambre : Mme Leprey ;
Sur le rapport de M. le conseiller BEAUVAIS, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DESPORTES ;
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 6 février 2013, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;
Vu le mémoire et les observations complémentaires produits ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, le 10 novembre 2008, les deux occupants d'une cabine d'ascenseur qui s'était bloquée dans sa course ont été gravement blessés lors de l'intervention effectuée sur cette cabine par un technicien de maintenance de la société Koné ; qu'au cours de l'information ouverte contre personne non dénommée du chef de blessures involontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à trois mois, la société Otis, qui avait conçu et livré l'ascenseur, a fait l'objet, le 18 janvier 2012, d'un interrogatoire de première comparution, à l'issue duquel elle a bénéficié du statut de témoin assisté, avant d'être mise en examen du chef susvisé, par courrier recommandé avec avis de réception du 2 mai 2012 ; que, le 8 juin 2012, la société Otis a saisi la chambre de l'instruction d'une requête aux fins d'annulation de cette mise en examen ;
En cet état ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 § 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, 84, 113-8, 591 à 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la requête en annulation de la mise en examen présentée par la société Otis ;
" aux motifs que, le juge d'instruction s'est, par son avis prononcé le 2 mai 2012, conformé aux dispositions de l'article 113-8 du code de procédure pénale pour prononcer la mise en examen de la société Otis, qu'en effet cet avis (D. 481) comporte la qualification pénale des faits reprochés, les date et lieu des faits, Ies noms des victimes, les articles du code pénal réprimant l'infraction, du moins essentiellement l'article 222-9 prévoyant les blessures involontaires ; la référence à l'article 222-4 du même code est certes erronée, sans relation avec les faits, mais relève sans équivoque d'une erreur de plume, alors qu'il fallait lire 222-44 (au lieu de 222-4), texte prévoyant les peines complémentaires ; l'urgence quant à l'envoi de cet avis n'avait pas à être motivée en l'espèce, au vu de la rédaction de l'alinéa 4 de l'article 84 du code de procédure pénale ;
1°) " alors que, l'article 113-8, alinéa 3, du code de procédure pénale prévoit que la lettre recommandée portant avis de mise en examen informe la personne de chacun des faits qui lui sont reprochés, ainsi que leur qualification juridique, et l'informe de son droit de formuler des demandes d'actes ou des requêtes en annulation, ainsi que du délai prévisible d'achèvement de la procédure, conformément aux dispositions des septième et huitième alinéas de l'article 116 ; qu'en l'espèce, la lettre portant mise en examen ne comporte que la qualification pénale des faits reprochés, les date et lieu des faits, Ies noms des victimes et les articles du code pénal réprimant l'infraction ; qu'à défaut de mentionner les faits reprochés, la mise en examen de la société Otis ne répond pas aux conditions posées par les articles 113-8, alinéa 3 du code pénal et 6 § 3 de la Convention européenne des droits de l'homme de telle sorte qu'elle aurait dû être annulée ; qu'en décidant le contraire, la chambre de l'instruction a violé les textes et principes susvisés ;
2°) " alors qu'aux termes de l'article 84, alinéa 4, du code de procédure pénale, lorsque le juge d'instruction saisi se trouve empêché, tout autre magistrat instructeur du même tribunal peut, s'il y a urgence et pour des actes isolés, le suppléer ; que les chambres de l'instruction doivent vérifier l'existence de l'urgence et le caractère " isolé " des actes du magistrat instructeur suppléant ; qu'en l'espèce, la société Otis avait soulevé la nullité de sa mise en examen faute de justification de l'urgence ayant conduit un autre juge d'instruction que celui en charge de l'affaire à lui adresser la lettre comportant sa mise en examen ; qu'en rejetant cette nullité, au seul motif que l'urgence quant à l'envoi de cet avis n'avait pas à être motivée en l'espèce, au vu de la rédaction de l'alinéa 4, de l'article 84, du code de procédure pénale, mais sans caractériser ni justifier l'urgence, la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale au regard des textes et principes susvisés " ;
Attendu que, pour écarter le moyen de nullité pris, d'une part, de l'absence de mention des faits reprochés à la société Otis dans l'avis de mise en examen du 2 mai 2012, ainsi que le prévoit l'article 113-8 du code de procédure pénale, et, d'autre part, de ce que cet avis a été délivré en méconnaissance des conditions prévues par l'article 84, alinéa 4, du même code, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en cet état, la chambre de l'instruction a justifié sa décision au regard des textes susvisés, sans méconnaître les dispositions conventionnelles invoquées, dès lors que, d'une part, le juge d'instruction a, au cours de l'interrogatoire de première comparution du 18 janvier 2012, donné expressément connaissance à la société Otis des faits dont il était saisi et sur lesquels elle s'est complètement expliquée, en présence de son avocat, et que, d'autre part, les juges du second degré ont souverainement apprécié l'urgence à suppléer pour cause d'empêchement, et pour un acte isolé, le magistrat instructeur en charge du dossier d'information ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 80-1, 591 à 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et de réponse à conclusions, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la requête en annulation de la mise en examen présentée par la société Otis ;
" aux motifs que la défense fait valoir l'absence d'éléments nouveaux entre l'audition de la société Otis, le 18 janvier 2012, et sa notification de mise en examen le 2 mai 2012 par voie postale ; que le procès-verbal de première comparution (D. 421) est, en sa première partie, rédigé de sorte que le représentant légal de la société Otis est informé que, c'est en vertu d'un réquisitoire introductif du 18 novembre 2008, que l'information est ouverte, pour des faits de blessures involontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à trois mois au préjudice de MM. X...et Y..., les faits étant survenus à Ivry-sur-Seine le 10 novembre 2008, et étant prévus et réprimés par les articles 222-19, (222-4 visé à tort mais sans équivoque possible, ce texte réprimant des tortures ou des actes de barbarie avec des circonstances aggravantes), alors qu'il fallait lire 222-44 du code pénal, 222-46 du code pénal, deux textes en cohérence puisque prévoyant l'un et l'autre les peines complémentaires ; ce n'est qu'au cours de l'audition ou de l'interrogatoire, que le lien causal entre les faits et le dommage doit être évoqué et développé pour recevoir les explications du témoin assisté ou ultérieurement du mis en examen, lesquelles déclarations feront l'objet de vérifications ultérieures de la part du magistrat, avant qu'il ne décide d'envisager la mise en examen, comme cela résulte des auditions postérieures au 18 janvier 2012, des sociétés Koné, OPHLM notamment ; que les dispositions de l'article 167 du code de procédure pénale ne prévoient pas la notification des expertises au témoin assisté, puisque seules les parties bénéficient de ce droit, mais qu'en application des dispositions combinées des articles 113-3, 114 et 114-1 du code de procédure pénale, le conseil du témoin assisté a eu accès à la procédure et, notamment, au rapport d'expertise Bonnor avant l'audition de son client ; que la notification de la mise en examen en fin de procédure à la société Otis ne porte pas atteinte à ses intérêts, puisque dès lors que les droits du mis en examen lui sont ouverts comme le mentionne l'avis (D. 482), et en particulier des droits nouveaux, en matière d'expertise, toute demande de complément ou de contre-expertise étant alors légalement possible, en application des articles 156 et suivants du code de procédure pénale, ou encore le droit à être interrogé au fond de manière contradictoire, indépendamment de l'ensemble des droits visés aux articles 81 et 82-1 du code de procédure pénale dont l'exercice est désormais possible par le mis en examen ; qu'en conséquence, la société Otis est mal fondée à soutenir que sa mise en examen lui cause grief et ainsi la requête en nullité de sa mise en examen doit être rejetée ;
" alors que le magistrat instructeur procède à la mise en examen du témoin assisté s'il estime qu'au cours de la procédure sont apparus des indices graves ou concordants justifiant cette mise en examen ; qu'en l'espèce, la société Otis faisait valoir à l'appui de sa requête l'absence d'indices graves ou concordants justifiant sa mise en examen au sens de l'article 80-1 du code de procédure pénale, notamment depuis son placement sous le statut du témoin assisté ; que la chambre de l'instruction, dans les motifs susvisés n'a nullement répondu à ce moyen péremptoire, se bornant à relever que la notification de la mise en examen ne porte pas atteinte aux intérêts de la société Otis ; qu'ainsi, elle a privé sa décision de toute base légale au regard des textes et principes susvisés " ;
Attendu que, pour dire n'y avoir lieu à annuler la mise en examen de la société Otis qui invoquait l'absence d'indices graves ou concordants rendant vraisemblable sa participation aux faits reprochés, ainsi que l'absence d'élément nouveau depuis qu'elle avait bénéficié du statut de témoin assisté à l'issue de son interrogatoire de première comparution, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, qui caractérisent la réunion d'indices graves ou concordants rendant vraisemblable la participation de la société Otis, comme auteur ou comme complice, à la commission de l'infraction, et dès lors que la mise en examen d'un témoin assisté peut être décidée à tout moment de la procédure par le juge d'instruction, la loi n'imposant pas d'autre condition que l'existence, à l'encontre de la personne concernée, de tels indices, quel que soit le moment de leur apparition, la chambre de l'instruction a justifié sa décision au regard de l'article 80-1 du code de procédure pénale ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le onze juin deux mille treize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 13-80159
Date de la décision : 11/06/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

INSTRUCTION - Mise en examen - Personne mise en examen - Témoin assisté - Régularité - Conditions - Apparition d'indices nouveaux - Nécessité (non)

Est régulière la mise en examen d'un témoin assisté décidée, à tout moment de la procédure, par le juge d'instruction, dès lors que, pour cette mise en examen, la loi n'impose pas d'autre condition que l'existence, à l'encontre de la personne concernée, d'indices graves ou concordants rendant vraisemblable sa participation, comme auteur ou comme complice, à la commission de l'infraction dont est saisi le magistrat, quelle que soit la date d'apparition de ces indices


Références :

article 80-1 du code de procédure pénale

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 19 novembre 2012

Sur l'absence de nécessité d'apparition d'indices nouveaux pour justifier la mise en examen d'un témoin assisté, à rapprocher :Crim., 13 septembre 2011, pourvoi n° 11-82051, Bull. crim. 2011, n° 176 (rejet)

arrêt cité


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 11 jui. 2013, pourvoi n°13-80159, Bull. crim. criminel 2013, n° 133
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2013, n° 133

Composition du Tribunal
Président : M. Louvel
Avocat général : M. Desportes
Rapporteur ?: M. Beauvais
Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:13.80159
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