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11/06/2013 | FRANCE | N°12-18181

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 11 juin 2013, 12-18181


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article L. 134-13 du code de commerce ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'après avoir mis fin au contrat d'agent commercial qui la liait à la société Cétrim, Mme X... a fait assigner celle-ci aux fins de lui voir imputer la rupture et d'obtenir une indemnité de cessation de contrat ;

Attendu que pour accueillir cette demande, l'arrêt, après avoir constaté qu'il existait un conflit entre une salariée de la mandante et Mme X.

.. à l'occasion duquel l'agent avait commis des fautes, que la solution trouvée par l...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article L. 134-13 du code de commerce ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'après avoir mis fin au contrat d'agent commercial qui la liait à la société Cétrim, Mme X... a fait assigner celle-ci aux fins de lui voir imputer la rupture et d'obtenir une indemnité de cessation de contrat ;

Attendu que pour accueillir cette demande, l'arrêt, après avoir constaté qu'il existait un conflit entre une salariée de la mandante et Mme X... à l'occasion duquel l'agent avait commis des fautes, que la solution trouvée par la société Cétrim pour y mettre fin, qui a consisté à installer Mme X... dans des locaux différents, n'était pas contraire aux conventions écrites des parties et que Mme X... n'établissait pas que l'installation dans son nouveau bureau était de nature à rendre plus difficiles les contacts avec les clients, retient que la cessation du contrat est exclusivement imputable la société Cétrim qui, ne justifiant pas avoir pris les mesures équilibrées et adéquates de nature à permettre aux deux antagonistes de se fréquenter le moins possible, a mis l'agent dans l'impossibilité d'exécuter son mandat en modifiant profondément ses conditions d'activité ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir que la cessation du contrat, à l'initiative de Mme X..., aurait été justifiée par des circonstances exclusivement imputables à la société Cétrim, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Cétrim à payer à Mme X... la somme de 76 173,86 euros à titre d'indemnité compensatrice, l'arrêt rendu le 8 mars 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Cetrim la somme de 2 500 euros et rejette sa demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du onze juin deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Cétrim

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société Cétrim à verser à Madame X... la somme de 76.173,86 euros à titre d'indemnité compensatrice;

AUX MOTIFS QU'il est constant que le contrat a été formellement dénoncé par Madame X..., qui soutient cependant que c'est la société Cétrim qui, en modifiant les conditions de son activité et en bouleversant l'équilibre contractuel, l'a mise dans l'impossibilité d'exécuter son mandat ; … les premières difficultés se font jour au début de l'année 2007, Mme Y... se proposant d'acheter un bien sans verser les honoraires normalement dus à la société Cétrim et, partant sans que la commission revenant à Mme X... au titre de l'apport d'affaires lui soit reversée ; en soi le refus opposé par cette dernière ne peut lui être imputé à faute ; … ; en revanche les termes de son refus sont inadéquats, lors même qu'ils faisaient suite à de graves injures de la part de Mme Y... (courrier du 23 janvier 2007 : « à l'avenir il sera hors de question qu'elle visite un bien que je rentre au risque de me faire arnaquer par cette personne ») ; … ; pour remédier à ces difficultés, le directeur d'agence de la société Cétrim a d'abord demandé à Mme X..., par le courrier précité du 17 décembre 2007 « de bien vouloir l'informer au préalable de son passage à l'agence, afin d'être présent et ainsi éviter toutes difficultés avec ses collaborateurs » ; réplique du 17 janvier 2008 : « je suis très surprise de constater que vos réponses écrites diffèrent de vos réponses orales ; à vous lire, on dirait que les problèmes viennent de ma part ; quel degré de pression Mme Y..., votre secrétaire, peut-elle avoir sur vous pour lire un tel revirement ? (…) il m'est impossible d'avoir des relations avec cette dernière, du fait de mon éducation ; elle se permet toujours de faire des réflexions à mon encontre (…) ; quant à vos difficultés avec vos collaborateurs, il est encore surprenant de constater que c ‘est en faveur de votre neveu, dont vous me permettrez de douter de son honnêteté (vente Gust-Raynaud ) » ; même en faisant la part des choses dans la mesure où Mme X... a été mise en arrêt de travail peu de temps après, pour stress lié au travail, puis pour dépression, ces imputations sont fautives, d'autant que d'autres griefs (mandat, paiement), contenus dans ce courrier ont donné lieu à une réponse rapide et précise démontrant leur inanité et que ceux concernant le barrage mis en place par Madame Y... ne sont pas établis ; pour autant la société Cétrim n'en a pas conclu qu'elles rendaient impossible le maintien du mandat d'intérêt commun ; sa décision de limiter l'accès était par ailleurs inadéquate, car elle impliquait que l'agent commercial ne pouvait accéder à son bureau que si le directeur était dans les locaux, situation incompatible avec le minimum d'indépendance dont il doit disposer dans l'exercice de sa profession ; par la suite, la société Cétrim a décidé de « séparer physiquement Mme X... – qui n'était pas salariée- en l'installant dans des locaux différents de ceux du reste de l'agence » ; cette solution n' était pas formellement contraire aux conventions écrites des parties qui stipulent seulement « la mise à disposition d'un bureau » ; il n'est nullement justifié qu'elle impliquait pour Mme X... toutes les conséquences professionnelles qu'elle cite ; l'absence de téléphone filaire, à la supposée prouvée par la seule production de la photographie des lieux, n'était pas de nature à rendre les contacts réellement plus difficiles, eu égard au large usage des téléphones et des connections internet et, en toute hypothèse, il aurait été loisible à Mme X... de réclamer à la société Cétrim d'y mettre bon ordre, ce qu'elle n'a pas fait ; il n'est pas établi, par ailleurs, que l'accès au logiciel Odissey a été rendu impossible, comme Mme X... le faisait déjà inexactement valoir que mois de décembre 2007, sans en justifier davantage à cette époque ; enfin, la décision du mandant de signer désormais les actes de vente est, quel qu'en soit le motif, dépourvue de toute portée au regard de l'activité et du commissionnement du mandataire et n'est pas susceptible d'opérer un bouleversement du contrat ; mais la société Cétrim a choisi de prendre deux décisions qui ne s'imposaient nullement, que dès lors elle ne justifie pas avoir mis en oeuvre les procédures équilibrées et adéquates permettant aux deux personnes considérées de se fréquenter le moins possible ; de ces deux choix, il est résulté : - que Mme X... n'a plus pu accéder à son bureau en l'absence du directeur d'agence et notamment lorsqu'il était en vacances, - qu'elle a ensuite été éloignée, perdant la possibilité de consulter le registre des appels sur les résultats de la « pige », qui revêtaient une grande importance dans la prise de contact et le suivi de la clientèle, - qu'elle ne se trouvait plus intégrée dans les locaux où les clients attirés par la renommée du réseau ORPI pouvaient s'attendre à la trouver ; Mme X... est fondée à en conclure que la société Cétrim a profondément modifié les conditions effectives de son activité, telles qu'elles existaient à la satisfaction des deux parties depuis des années et telles qu'elles résultaient des principes d'organisation mis en place par ses propres soins et qu'en les bouleversant ainsi, elle l'a concrètement mise dans l'impossibilité d'exécuter son mandat ; si elle a commis des fautes, notamment dans l'expression de ses arguments, celles-ci ne justifiaient aucunement son confinement dans de telles conditions, d'autant qu'elles faisaient suite à une agression verbale de la part d'une salariée de la société et à une tentative injuste de la priver du bénéfice de son travail ; Mme X... a pris l'initiative de mettre fin au contrat d'agence commerciale, mais elle démontre que cette cessation était exclusivement justifiée par des circonstances imputables à la société Cétrim ; elle a droit à une indemnité compensatrice ;

1°) ALORS QUE l'agent, qui a pris l'initiative de la rupture, ne peut prétendre à une indemnité compensatrice que si la cessation du contrat est justifiée exclusivement par des circonstances imputables au mandant ; qu'en l'espèce la Cour d'appel a relevé qu'il existait un conflit entre Madame X... et Madame Y... à l'occasion duquel Madame X... a commis des fautes, que les solutions trouvées par la société Cétrim pour mettre fin au conflit les opposant n'étaient pas contraires aux conventions écrites des parties et que Madame X... n'établissait pas que l'installation dans son nouveau bureau était de nature à rendre les contacts avec les clients plus difficiles, ce dont il résultait que les circonstances ayant conduit Madame X... à mettre fin au contrat n'étaient pas exclusivement imputables à la société Cétrim, mais l'était à l'attitude de Madame X... dans son conflit avec Madame Y..., face à laquelle la société Cétrim a proposé une solution dans le respect des termes du contrat d'agent ; qu'en affirmant néanmoins que la cessation du contrat, à l'initiative de Madame X..., était justifiée exclusivement par des circonstances imputables à la société Cétrim, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article L.134-13 du Code de commerce ;

2°) ALORS QUE la circonstance que l'agent commercial indépendant, qui dispose, conformément à son contrat, d'un bureau équipé de connexions internet et d'un accès au logiciel de l'agence, ainsi que d'un boîte vocale et d'un mail, ne puisse accéder à l'agence immobilière de son mandant qu'en présence du directeur, qu'il ne puisse plus consulter le registre des appels sur les résultats de la pige et ne puisse plus être trouvé dans les locaux de l'agence ne le met pas dans l'impossibilité d'exercer son mandat qui consiste à rechercher de façon indépendante et par ses propres moyens des clients ; qu'en décidant le contraire, quand elle relevait pourtant que Madame X... s'est vu mettre à disposition un bureau, que l'absence de téléphone filaire dans ce bureau n'était pas de nature à rendre les contacts réellement plus difficiles eu égard à l'usage des téléphones cellulaires et des connections internet, qu'il n'était pas établi qu'elle n'avait pas accès au logiciel de l'agence, la Cour d'appel, qui n'a pas relevé de circonstances propres à justifier de l'impossibilité pour l'agent d'exécuter son mandat, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.134-4 du Code de commerce, ensemble les articles 1134 et 1147 du Code civil ;

3°) ALORS QUE la modification des « conditions de travail » de l'agent, résultant du conflit existant entre celui-ci et un salarié du mandant, agence immobilière, ne met pas l'agent commercial indépendant chargé de trouver des clients par ses propres moyens dans l'impossibilité d'exécuter son mandat, dès lors que le mandant continue, dans le respect des termes du contrat, à mettre à sa disposition un bureau, équipé de connexions à internet avec accès au logiciel de l'agence et à lui assurer l'accès à l'agence, peu important que ce bureau soit à proximité de l'agence, conduisant à ce que les clients ne trouvent plus l'agent dans le local principal de l'agence et que ce dernier ne puisse plus y consulter le registre des piges, ni qu'il lui soit demandé de prévenir le directeur avant de venir à l'agence ; qu'en décidant que le mandant a mis son agent dans l'impossibilité d'exécuter son mandat sans relever de circonstances propres à justifier de cette impossibilité, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1147 du Code civil, et de l'article L.134-4 du Code de commerce ;

4°) ALORS QUE le contrat fait la loi des parties ; que le contrat d'agent commercial indépendant liant la société Cétrim à Madame X... prévoyait que la société Cétrim prenait en charge les frais de publicité, frais de téléphone et la mise à disposition d'un bureau et que celle-ci était un agent commercial indépendant ; qu'en retenant que la société Cétrim avait profondément modifié les conditions de travail de Madame X... en lui demandant de venir à l'agence en présence du directeur, en lui faisant perdre la possibilité de consulter le registre des appels, et en ne la localisant plus dans les locaux où les clients attirés par la renommée du réseau Orpi pouvaient s'attendre à la trouver, ce dont il résultait que les circonstances de la rupture étaient exclusivement imputables au mandant, la Cour d'appel a ajouté au contrat d'agent des clauses qu'il ne contient pas et l'a violé, ensemble l'article 1134 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 12-18181
Date de la décision : 11/06/2013
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 08 mars 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 11 jui. 2013, pourvoi n°12-18181


Composition du Tribunal
Président : M. Espel (président)
Avocat(s) : SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.18181
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