LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu leur connexité, joint les pourvois n° J11-26. 088 et E 11-26. 153 ;
Sur le moyen unique, de chacun des pourvois réunis :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Agen, 7 septembre 2011), que la vente aux enchères publiques de plusieurs biens immobiliers dépendant de la communauté ayant existé entre M. X...et Mme Y...ainsi que de leurs successions a été ordonnée et que par jugement du 10 décembre 2008 le lot n° 3 a été adjugé à M. Z...; que les époux A... ont formé une surenchère le 22 décembre 2008 annulée par jugement du 25 mars 2009 ; que le 24 avril 2009, la société d'aménagement foncier et d'établissement rural du Haut Languedoc (la SAFER) a déclaré exercer son droit de préemption sur la vente par adjudication des biens acquis par M. Z...; que soutenant que ce droit avait été exercé hors délai, M. Z...a assigné la SAFER et l'ensemble des coïndivisaires du bien, dont Mme C..., en annulation de la décision de préemption ;
Attendu que la SAFER et Mme C...font grief à l'arrêt d'accueillir cette demande, alors, selon le moyen :
1°/ que le délai d'un mois imparti aux SAFER pour exercer leur droit de préemption dans le cadre d'une vente sur adjudication ne court qu'à compter du jour où la contestation sur la surenchère a été définitivement tranchée ; qu'en fixant le point de départ du délai accordé à la SAFER Gascogne Haut-Languedoc pour préempter au jour du jugement d'adjudication, soit le 10 décembre 2008, tout en constatant qu'une surenchère avait été déposée le 22 décembre 2008 et que la contestation élevée à cette occasion n'avait été tranchée que le 25 mars 2009, la cour d'appel a violé les articles L. 143-8 et L. 143-11 du code rural, ensemble les articles 708 et suivants de l'ancien code de procédure civile ;
2°/ que l'exercice par une SAFER de son droit de préemption sur adjudication emportant substitution pure et simple dans les droits et obligations de l'adjudicataire évincé, la SAFER ne peut pas exercer valablement son droit de préemption tant qu'elle ne connaît ni l'identité de l'adjudicataire final, ni le prix auquel le bien sera définitivement adjugé ; qu'en reprochant à la SAFER Gascogne Haut-Languedoc de ne pas avoir exercé son droit de préemption dans le délai d'un mois à compter du jugement d'adjudication du 10 décembre 2008 qui avait retenu l'offre M. Z...au prix de 150 000 euros, tout en constatant que le 22 décembre 2008, les époux A... avaient déclaré surenchérir aux prix de 165 000 euros et que le 17 février 2009, M. D...avait saisi le tribunal de grande instance d'une contestation de cette déclaration de surenchère de sorte qu'à cette date les conditions de l'adjudication n'étaient pas définitivement fixées, la cour d'appel a violé les articles L. 143-8 et L. 143-11 du code rural, ensemble les articles 708 et suivants de l'ancien code de procédure civile ;
3°/ que la déclaration de surenchère anéantit rétroactivement l'adjudication initiale privant ainsi l'exercice immédiat de la préemption de la SAFER de tout effet ; qu'en décidant que la prudence imposait à la SAFER de notifier l'exercice de son droit de préemption dans le mois suivant la première adjudication pour ne pas prendre le risque de voir la surenchère déclarée de nul effet, la cour d'appel a violé de plus fort les articles L. 143-8, L. 143-11 du code rural, 708 et suivants de l'ancien code de procédure civile ;
4°/ que les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural disposent, en vue de se substituer à l'adjudication, d'un délai d'un mois à compter de l'adjudication ; que la déclaration de surenchère entraîne la résolution rétroactive des droits de l'adjudicataire initial sur l'immeuble, de sorte que, l'adjudication n'acquière un caractère définitif à son égard qu'à la date à laquelle la contestation sur la surenchère a été définitivement rejetée ; qu'en estimant, en l'espèce, que le jugement du 25 mars 2009- ayant annulé la déclaration de surenchère déposée le 22 décembre 2008 et dit que M. Z...est définitivement adjudicataire dans les termes du jugement prononcé le 10 décembre 2008 du lot n° 3- avait un effet déclaratif aux termes duquel l'adjudication définitive rétroagit au 10 décembre 2008, de sorte les formalités de préemption accomplies plus d'un mois après le 10 décembre 2008 sont tardives, quand le délai de un mois dont bénéficie la SAFER pour préempter ne peut cependant courir qu'à compter du jugement annulant la surenchère, et non à compter de l'adjudication initiale, la cour d'appel a violé l'article L. 143-11 du code rural ;
Mais attendu qu'en application des dispositions de l'article L. 143-11 du code rural et de la pêche maritime, la SAFER dispose, même en cas de surenchère, d'un délai d'un mois à compter de l'adjudication pour notifier l'exercice de la préemption au greffe du tribunal ; qu'ayant relevé que le bien avait été adjugé au profit de M. Z...par jugement du 10 décembre 2008 et que la notification de la préemption avait été faite au greffe le 24 avril 2009, la cour d'appel en a exactement déduit que l'exercice du droit de préemption était intervenu hors délai ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne la SAFER Gascogne Haut-Languedoc aux dépens des pourvois ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la SAFER Gascogne Haut-Languedoc à payer à M. Z...la somme de 2 500 euros ; rejette les autres demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juin deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit au pourvoi n° J 11-26. 088 par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la SAFER Gascogne Haut-Languedoc.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la Safer Gascogne Haut-Languedoc a exercé son droit de préemption hors délai et d'AVOIR, en conséquence, jugé que la déclaration de préemption signifiée le 24 avril 2008 et notifiée à M. Z...est de nul effet ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE l'article L 143-11 du code rural édicte que les Safer disposent en vue de se substituer à l'adjudicataire d'un délai d'un mois à compter de l'adjudication ; qu'en l'espèce, le lot n° 3 a été adjugé au prix principal de 150. 000 € au profit de M. Z...par le jugement rendu le 10 décembre 2008 par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance d'Auch ; qu'en application des dispositions de l'article L 143-11 du code rural la Safer Gascogne Haut-Languedoc disposait d'un délai d'un mois expirant le 10 janvier 2009 pour notifier l'exercice de la préemption au greffe du tribunal ; que force est de constater que la notification de la préemption effectuée au greffe du tribunal à la date du 24 avril 2009 est intervenue hors délai et que c'est à bon droit que le premier juge a jugé cette déclaration de la préemption de nul effet ; que M. Z...fait observer avec justesse que ses adversaires ne peuvent valablement soutenir que le délai de préemption n'a été ouvert que le 25 mars 2009 date à laquelle la surenchère a été annulée et l'adjudication a acquis un caractère définitif, dans la mesure où l'article L 143-11 du code rural ne prévoit pas que le délai d'un mois court à compter de la date à laquelle l'adjudication devient définitive ; qu'il faut souligner que la Safer Gascogne ajoute aux dispositions de l'article L 143-11 du code rural une mention qui n'y figure pas lorsqu'elle prétend que le délai de préemption d'un mois ne commence à courir qu'à compter d'une adjudication devenue définitive ; que force est de constater qu'en s'abstenant de notifier la déclaration de préemption dans le délai d'un mois à compter de l'adjudication en date du 10 décembre 2008, la Safer Gascogne Haut-Languedoc a pris le risque de voir la surenchère déclarée de nul effet ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'il convient liminairement de relever que le droit de préemption que la loi a reconnu à divers bénéficiaires de droit public ou de droit privé est constitutif d'une règle d'exception dont l'interprétation doit être stricte ; que les dispositions de l'article L. 143-11 du code rural déterminent les conditions d'exercice par les Safer de leur droit de préemption en cas d'adjudication à savoir par principe un délai d'un mois à compter de l'adjudication, par exception en cas d'adjudication volontaire, un délai supplémentaire de cinq jours à compter de la date d'expiration des délais de surenchère fixés par le cahier des charges ; qu'il est constant qu'en l'espèce, la vente n'a pas été réalisée dans le cadre d'une adjudication volontaire mais d'une adjudication forcée ordonnée par l'autorité judiciaire ; qu'il est de principes tant doctrinaux que jurisprudentiels qu'en matière de saisie immobilière et de vente soumise aux formes de cette procédure, la surenchère anéantit l'adjudication primitive ; que le principe ne s'applique qu'au cas où la surenchère n'a pas été contestée ou a été validée ; qu'en l'espèce, le précédent jugement du 25 mars 2009 a déclaré de nul effet la déclaration de surenchère déposée le 22 décembre 2008 et dit que M. Z...est définitivement adjudicataire dans les termes d'un jugement prononcé le 10 décembre 2008 du lot n° 3 ; que ce jugement a un effet déclaratif aux termes duquel l'adjudication définitive rétroagit au 10 décembre 2008 ; qu'il y a lieu de constater que les formalités de préemption ont été accomplies plus d'un mois après la date précitée ; qu'il n'apparaît pas totalement inutile d'ajouter que pour archaïque qu'il puisse paraître, le cahier des charges que chaque intéressé peut venir consulter au greffe constitue un efficace mode de publicité donnant en temps réel connaissance des conditions de la vente et de l'état d'avancement de la procédure ; que si l'immeuble considéré excitait sa convoitise, il appartenait à la Safer suite à la première adjudication de suivre le déroulement de la vente et prudentiellement de notifier l'exercice de son droit de préemption dans le mois suivant la première adjudication ; qu'il y a lieu, dans ces conditions, de déclarer la Safer Gascogne Haut-Languedoc irrecevable en l'exercice de son droit de préemption ;
1) ALORS QUE le délai d'un mois imparti aux Safer pour exercer leur droit de préemption dans le cadre d'une vente sur adjudication ne court qu'à compter du jour où la contestation sur la surenchère a été définitivement tranchée ; qu'en fixant le point de départ du délai accordé à la Safer Gascogne Haut-Languedoc pour préempter au jour du jugement d'adjudication, soit le 10 décembre 2008, tout en constatant qu'une surenchère avait été déposée le 22 décembre 2008 et que la contestation élevée à cette occasion n'avait été tranchée que le 25 mars 2009, la cour d'appel a violé les articles L 143-8 et L 143-11 du code rural, ensemble les articles 708 et suivants de l'ancien code de procédure civile ;
2) ALORS QUE l'exercice par une Safer de son droit de préemption sur adjudication emportant substitution pure et simple dans les droits et obligations de l'adjudicataire évincé, la Safer ne peut pas exercer valablement son droit de préemption tant qu'elle ne connaît ni l'identité de l'adjudicataire final, ni le prix auquel le bien sera définitivement adjugé ; qu'en reprochant à la Safer Gascogne Haut-Languedoc de ne pas avoir exercé son droit de préemption dans le délai d'un mois à compter du jugement d'adjudication du 10 décembre 2008 qui avait retenu l'offre M. Z...au prix de 150. 000 euros, tout en constatant que le 22 décembre 2008, les époux A... avaient déclaré surenchérir aux prix de 165. 000 euros et que le 17 février 2009, M. D...avait saisi le tribunal de grande instance d'une contestation de cette déclaration de surenchère de sorte qu'à cette date les conditions de l'adjudication n'étaient pas définitivement fixées, la cour d'appel a violé les articles L 143-8 et L 143-11 du code rural, ensemble les articles 708 et suivants de l'ancien code de procédure civile ;
3) ALORS QUE la déclaration de surenchère anéantit rétroactivement l'adjudication initiale privant ainsi l'exercice immédiat de la préemption de la Safer de tout effet ; qu'en décidant que la prudence imposait à la Safer de notifier l'exercice de son droit de préemption dans le mois suivant la première adjudication pour ne pas prendre le risque de voir la surenchère déclarée de nul effet, la cour d'appel a violé de plus fort les articles L 143-8, L 143-11 du code rural, 708 et suivants de l'ancien code de procédure civile. Moyen produit au pourvoi n° E 11-26. 153 par Me Spinosi, avocat aux Conseils, pour Mme C....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la SAFER a exercé son droit de préemption hors délai et d'avoir jugé en conséquence que la déclaration de préemption signifiée le 24 avril 2008 était nulle ;
Aux motifs que « l'article L 143-11 du Code Rural édicte que les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural disposent, en vue de se substituer à l'adjudicataire, d'un délai d'un mois à compter de l'adjudication. En l'espèce, le lot n° 3 a été adjugé au prix principal de 150. 000 au profit de Monsieur Z...par jugement rendu le 10 décembre 2008 par le Juge de l'Exécution du Tribunal de Grande Instance d'AUCH. En application des dispositions de l'article L 143-11 du Code Rural, la SAFER GASCOGNE HAUT LANGUEDOC disposait d'un délai d'un mois expirant le 10 janvier 2009 pour notifier l'exercice de la préemption au greffe du tribunal. Force est de constater que la notification de la préemption effectuée au greffe du tribunal à la date du 24 avril 2009 est intervenue hors délai et que c'est à bon droit que le premier juge a jugé cette déclaration de préemption de nul effet. Monsieur Z...fait observer avec justesse que ses adversaires ne peuvent valablement soutenir que le délai de préemption n'a été ouvert que le 25 mars 2009, date à laquelle la surenchère a été annulée et l'adjudication a acquis un caractère définitif, dans la mesure où l'article L 143-11 du Code Rural ne prévoit pas que le délai d'un mois court à compter de la date à laquelle l'adjudication devient définitive. Il faut souligner que la SAFER GASCOGNE ajoute aux dispositions de l'article L 143-11 du Code Rural une mention qui n'y figure point lorsqu'elle prétend que le délai de préemption d'un mois ne commence à courir qu'à compter d'une adjudication devenue définitive. Force est de constater qu'en s'abstenant de notifier la déclaration de préemption dans le délai d'un mois à compter de l'adjudication en date du 10 décembre 2008, la SAFER GASCOGNE HAUT LANGUEDOC a pris le risque de voir la surenchère déclarée de nul effet. Il y a lieu de confirmer en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de Grande Instance d'AUCH en date du 4 août 2010. L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile au profit de Monsieur Z...et de condamner de ce cher la SAPER GASCOGNE HAUT LANGUEDOC à lui verser la somme de 2. 000 euros » ;
Et aux motifs éventuellement adoptés que « les dispositions de l'article L143-11 du code rural détermine les conditions d'exercice par les SAFER de leur droit de préemption en cas d'adjudication, à savoir :- par principe, un délai d'un mois à compter de l'adjudication-par exception, en cas d'adjudication volontaire, un délai supplémentaire de 5 jours à compter de la date d'expiration des délais de surenchère fixé par le cahier des charges ; Attendu qu'il est constant, en l'espèce, que la vente n'a pas été réalisée dans le cadre d'une adjudication volontaire mais d'une adjudication forcée ordonnée par l'autorité judiciaire ; Attendu qu'il est de principes tant doctrinaux que jurisprudentiels qu'en matière de saisie immobilière et de ventes soumises aux formes de cette procédure, la surenchère anéantit l'adjudication primitive ; Attendu que ce principe ne s'applique qu'aux cas où la surenchère n'a pas été contestée ou a été validée Attendu qu'en l'espèce, le précédent jugement du 25 mars 2009 a-déclaré de nul effet la déclaration de surenchère déposée le 22 décembre-dit que Monsieur Z...est définitivement adjudicataire, dans les termes du jugement prononcé le 10 décembre 2008 du lot n° 3 ; Attendu que ce jugement a un effet déclaratif aux termes duquel l'adjudication définitive rétroagit au 10 décembre 2008 ; Attendu qu'il y a lieu de constater que les formalités de préemption ont été accomplies plus d'un mois après la date précitée ; Attendu qu'il n'apparaît pas totalement inutile d'ajouter que-pour archaïque qu'il puisse paraître, le cahier des charges, que chaque intéressé peut venir consulter au greffe, constitue un efficace mode de publicité donnant en temps réel connaissance des conditions de la vente et de l'état d'avancement de la procédure ;- si l'immeuble considéré excitait sa convoitise, il appartenait à la SAFER, suite à la première adjudication, de suivre le déroulement de la vente et, prudentiellement de notifier l'exercice de son droit de préemption dans le mois suivant la première adjudication ; qu'il y a lieu en conséquence de déclarer la SAFER Gascogne-Haut-Languedoc irrecevable en l'exercice de son droit de préemption » (jugement p. 4) ;
Alors que les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural disposent, en vue de se substituer à l'adjudication, d'un délai d'un mois à compter de l'adjudication ; que la déclaration de surenchère entraîne la résolution rétroactive des droits de l'adjudicataire initial sur l'immeuble, de sorte que, l'adjudication n'acquière un caractère définitif à son égard qu'à la date à laquelle la contestation sur la surenchère a été définitivement rejetée ; qu'en estimant, en l'espèce, que le jugement du 25 mars 2009- ayant annulé la déclaration de surenchère déposée le 22 décembre 2008 et dit que Monsieur Z...est définitivement adjudicataire dans les termes du jugement prononcé le 10 décembre 2008 du lot n° 3- avait un effet déclaratif aux termes duquel l'adjudication définitive rétroagit au 10 décembre 2008, de sorte les formalités de préemption accomplies plus d'un mois après le 10 décembre 2008 sont tardives, quand le délai de un mois dont bénéficie la SAFER pour préempter ne peut cependant courir qu'à compter du jugement annulant la surenchère, et non à compter de l'adjudication initiale, la cour d'appel a violé l'article L. 143-11 du Code rural.