LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 avril 2012), que par une décision définitive de la juridiction répressive, M. X..., avocat, a été jugé coupable d'un trafic d'influence commis dans l'exercice de sa profession et condamné, notamment, à une peine de cinq années d'interdiction d'exercer dont il a ensuite été partiellement relevé ; qu'ayant démissionné du barreau de Papeete, il a présenté une demande d'inscription au barreau de Paris que le conseil de l'ordre a rejetée ;
Attendu que M. X... reproche à l'arrêt de rejeter son recours formé contre cette décision, alors, selon le moyen :
1°/ qu'il résulte de l'article 17 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 que les conseils de l'ordre ont pour attribution de traiter toutes questions intéressant l'exercice de la profession d'avocat et de veiller à l'observation des devoirs des avocats ainsi qu'à la protection de leurs droits ; que les ordres ne peuvent ajouter des restrictions à l'exercice de la profession qui seraient contraires à la loi ou aux libertés fondamentales reconnues aux citoyens ; qu'en l'espèce, il est constant que M. X... était régulièrement inscrit au barreau de Papeete ; qu'après avoir fait l'objet d'une interdiction temporaire d'exercice de la profession, il a été relevé de son interdiction et a recouvré son droit d'exercer la profession d'avocat au barreau de Papeete sans que ce dernier s'y oppose ou n'engage de poursuites disciplinaires ; que pour transférer son activité à Paris, M. X... a dû démissionner du barreau de Papeete et demander son inscription au barreau de Paris ; qu'en approuvant le rejet de cette demande motivé par une appréciation différente de celle de la cour d'appel et du barreau de Papeete sur la compatibilité de la condamnation pénale de M. X... avec les principes d'honneur et de probité, la cour d'appel a porté atteinte au principe de libre exercice d'un activité professionnelle et de liberté d'établissement et ainsi méconnu le texte susvisé ;
2°/ que la reprise de l'exercice de la profession d'avocat après une condamnation pénale assortie d'une interdiction temporaire qui a fait l'objet d'un relèvement est justifiée lorsque l'avocat établit qu'il a réussi sa réinsertion sociale et qu'il donne des gages sérieux et suffisants de son aptitude à respecter les principes essentiels de la profession ; qu'en l'espèce, il est constant que M. X... demandait non pas l'accès à la profession mais la poursuite, au barreau de Paris, de son activité exercée au barreau de Papeete, interrompue pendant la durée de l'interdiction d'exercer la profession dont il avait été relevé ; que la cour d'appel a expressément constaté les efforts que M. X... a fournis pour réorienter son activité étaient incontestables et qu'ils confirmaient sa réadaptation sociale certaine ; qu'en entérinant néanmoins l'arrêté rejetant sa demande d'inscription au barreau de Paris, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et ainsi méconnu l'article 17-3° de la loi du 31 décembre 1971 ;
3°/ qu'en se bornant à se référer à la gravité et à la qualification pénale des faits ayant justifié la condamnation pénale du requérant, sans jamais caractériser un seul élément concret de nature à laisser craindre la réitération des faits de la nature de ceux qui avaient conduit à la condamnation pénale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 17-3° de la loi du 31 décembre 1971 ;
Mais attendu qu'ayant énoncé à bon droit que le délit de trafic d'influence dont M. X... avait été reconnu coupable constituait un manquement à l'honneur et à la probité et constaté que ces faits, d'une particulière gravité, avaient jeté le discrédit sur l'ensemble des professionnels de justice, la cour d'appel a pu en déduire que, malgré les efforts certains qu'il avait fournis pour sa réadaptation, l'intéressé ne remplissait pas les conditions de moralité requises pour reprendre la profession d'avocat dont il avait démissionné, jugeant ainsi implicitement, mais nécessairement qu'il n'offrait pas des gages suffisants de son amendement ; que par ces seuls motifs, l'arrêt est légalement justifié ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente mai deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Monod et Colin, avocat aux Conseils, pour M. X...
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté le recours formé par M. X... contre l'arrêté du conseil de l'ordre des avocats au barreau de Paris refusant son inscription au tableau de l'ordre ;
AUX MOTIFS QUE M. X... a exercé la profession d'avocat au barreau de Bordeaux entre 1981 et 1991, puis au barreau de Papeete de 1991 à juillet 1999 ; que le 14 juillet 1999, il a été mis en examen dans le cadre d'une information judiciaire ouverte du chef d'escroquerie et d'extorsion de fonds ; qu'en raison de cette procédure pénale, il a fait l'objet d'une suspension provisoire d'exercer par décision prise par le conseil de l'ordre des avocats du barreau de Papeete en date du 10 septembre 1999, qu'il a été condamné le 26 octobre 2004 par le tribunal correctionnel de Papeete pour trafic d'influence à une peine de dix-huit mois d'emprisonnement dont quinze avec sursis et mise à l'épreuve pendant trois ans, une amende de 3.000.000 FCFP soit 25.140 € et une interdiction de cinq ans d'exercice de la profession d'avocat, et sur l'appel interjeté par M. X... soutenant qu'il n'était pas l'auteur des faits, la cour d'appel de Papeete, par un arrêt du 22 décembre 2005, devenu définitif après rejet du pourvoi de M. X..., a confirmé la culpabilité de ce dernier ainsi que l'interdiction d'exercer prononcée, infirmant partiellement sur la peine d'emprisonnement prononcée en l'assortissant du sursis simple et en ne prononçant pas de peine d'amende ; que M. X..., après écoulement d'une période correspondant aux 4/5èmes de la durée de l'interdiction, a introduit le 21 septembre 2009 une requête en relèvement partiel d'interdiction d'exercice de la profession d'avocat et par arrêt du 11 février 2010, devenu définitif en l'absence de pourvoi, la cour d'appel de Papeete a relevé M. X... de son interdiction, ce à compter du jour du prononcé de l'arrêt ; que le 5 avril 2010, M. X... a donné sa démission du barreau de Papeete puis a présenté le 28 octobre 2010 une demande d'inscription au barreau de Paris, lequel, dans l'arrêté entrepris, n'a pas fait droit à sa requête ; que l'arrêté entrepris, ayant rappelé les textes applicables, soit les dispositions de l'article 11-4° de la loi du 31 décembre 1971, aux termes desquelles nul ne peut accéder à la profession d'avocat s'il a été « l'auteur de faits ayant donné lieu à une condamnation pénale pour agissements contraires à l'honneur, à la probité ou aux bonnes moeurs » et celles de l'article 17-3° de la même loi qui donne mission au conseil de l'ordre de « maintenir les principes de probité, de désintéressement, de modération et de confraternité sur lesquels repose la profession et d'exercer la surveillance que l'honneur et l'intérêt de ses membres rendent nécessaire », a considéré qu'en l'espèce, M. X... a fait l'objet d'une condamnation pénale en 2005 pour des faits de trafic d'influence après avoir été mis en cause par l'un de ses clients, auquel il avait laissé entendre que le versement régulier de sommes importantes par son intermédiaire lui permettrait d'obtenir les faveurs du tribunal de commerce dans le cadre de procédures collectives, qu'un tel comportement a porté atteinte à l'honneur et à l'intérêt de la profession d'avocat toute entière et plus largement de l'ensemble des professionnels de la justice, que ces faits constituent des manquements d'autant plus graves aux principes de probité et de désintéressement qu'ils ont été commis par M. X... à l'occasion et dans le cadre de l'exercice de sa profession d'avocat ; que leur particulière gravité ne saurait être effacée ni par le relèvement de l'interdiction temporaire d'exercer accordé par la cour d'appel de Papeete le 11 février 2010, décision ne liant pas le conseil de l'ordre, ni par les efforts de M. X... pour tenter de réorienter son activité ; que M. X... soutient que l'arrêté a fait une inexacte application des textes susvisés et susrappelés, en ce qu'ils sont certes relatifs aux conditions d'accès à la profession mais ne l'interdisent pas en présence d'un candidat qui prouve avoir obtenu sa réhabilitation de plein droit à la suite d'une condamnation pénale ou démontre son amendement ; qu'il considère que la décision entreprise s'est affranchie de son obligation, figurant notamment à l'article 17-3° de la loi du 31 décembre 1971, de procéder, in concreto, à un examen approfondi des circonstances de la cause et de rechercher quels gages sérieux d'amendement lui étaient fournis ; qu'il soutient encore que certes l'autorité de la chose jugée s'attache à la décision pénale, mais que dans son cas, après avoir fait l'objet d'une interdiction temporaire d'exercice de la profession, il y a eu la constatation judiciaire et définitive que M. X... pouvait être relevé de cette interdiction, décision également revêtue de l'autorité de la chose jugée, à tout le moins devant être prise en compte ; qu'il fait enfin valoir sa rédemption sociale, se traduisant par des études de sciences sociales avec obtention de diplômes de 3ème cycle, de thèse et doctorat, ayant été chargé d'enseignement aux Antilles et en Guyane, souligne la cohérence de sa demande, dès lors qu'actuellement juriste interne au cabinet de son épouse, également avocat, à Fort-de-France, il envisage, pour les besoins de la communauté antillaise à Paris, d'y ouvrir un cabinet principal, avec un cabinet secondaire à Fort-de-France, dans le domaine du droit commercial et fiscal, organisation satisfaisante au plan familial pour sa fille lycéenne à Paris et pour son épouse pouvant y travailler également ; que les arguments avancés par M. X... sont essentiellement relatifs à l'organisation qu'il a mise en place pour la poursuite de sa vie professionnelle et aux projets professionnels et familiaux qu'il forme pour l'avenir ; qu'il n'y a pas lieu de contester les efforts qu'il a fournis pour réorienter son activité et qui confirment une réadaptation sociale certaine ; que, certes, M. X... a obtenu d'être relevé de l'interdiction temporaire d'exercice de sa profession, la juridiction lui ayant accordé le relèvement en prenant notamment en compte le fait que la sanction initialement prononcée n'était pas une interdiction définitive ; que toutefois, par des motifs pertinents que la cour approuve, l'arrêté entrepris a rappelé qu'il ne saurait être lié par les décisions judiciaires ayant par ailleurs l'autorité de la chose jugée et que le conseil de l'ordre conserve une liberté d'appréciation dans le cadre de la surveillance de l'honneur et de l'intérêt de ses membres et de la profession toute entière, dont il a précisément usé, contrairement à l'opinion de l'appelant, dans un examen opéré en l'espèce in concreto ; qu'il a fait clairement référence non seulement à la particulière gravité des manquements de M. X... aux principes de probité et de désintéressement, mais à la circonstance qu'ils ont été commis dans le cadre de l'exercice de la profession d'avocat, en jetant en outre le discrédit sur l'ensemble des professionnels de la justice ;
ALORS, de première part, QU'il résulte de l'article 17 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 que les conseils de l'ordre ont pour attribution de traiter toutes questions intéressant l'exercice de la profession d'avocat et de veiller à l'observation des devoirs des avocats ainsi qu'à la protection de leurs droits ; que les ordres ne peuvent ajouter des restrictions à l'exercice de la profession qui seraient contraires à la loi ou aux libertés fondamentales reconnues aux citoyens ; qu'en l'espèce, il est constant que M. X... était régulièrement inscrit au barreau de Papeete ; qu'après avoir fait l'objet d'une interdiction temporaire d'exercice de la profession, il a été relevé de son interdiction et a recouvré son droit d'exercer la profession d'avocat au barreau de Papeete sans que ce dernier s'y oppose ou n'engage de poursuites disciplinaires ; que pour transférer son activité à Paris, M. X... a dû démissionner du barreau de Papeete et demander son inscription au barreau de Paris ; qu'en approuvant le rejet de cette demande motivé par une appréciation différente de celle de la cour d'appel et du barreau de Papeete sur la compatibilité de la condamnation pénale de M. X... avec les principes d'honneur et de probité, la cour d'appel a porté atteinte au principe de libre exercice d'un activité professionnelle et de liberté d'établissement et ainsi méconnu le texte susvisé ;
ALORS, de deuxième part et en tout état de cause, QUE la reprise de l'exercice de la profession d'avocat après une condamnation pénale assortie d'une interdiction temporaire qui a fait l'objet d'un relèvement est justifiée lorsque l'avocat établit qu'il a réussi sa réinsertion sociale et qu'il donne des gages sérieux et suffisants de son aptitude à respecter les principes essentiels de la profession ; qu'en l'espèce, il est constant que M. X... demandait non pas l'accès à la profession mais la poursuite, au barreau de Paris, de son activité exercée au barreau de Papeete, interrompue pendant la durée de l'interdiction d'exercer la profession dont il avait été relevé ; que la cour d'appel a expressément constaté les efforts que M. X... a fournis pour réorienter son activité étaient incontestables et qu'ils confirmaient sa réadaptation sociale certaine ; qu'en entérinant néanmoins l'arrêté rejetant sa demande d'inscription au barreau de Paris, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et ainsi méconnu l'article 17-3° de la loi du 31 décembre 1971 ;
ALORS, de troisième part et en toute hypothèse, QU'en se bornant à se référer à la gravité et à la qualification pénale des faits ayant justifié la condamnation pénale du requérant, sans jamais caractériser un seul élément concret de nature à laisser craindre la réitération des faits de la nature de ceux qui avaient conduit à la condamnation pénale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 17-3° de la loi du 31 décembre 1971.