LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 512-2 et D. 512-1 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable en l'espèce ;
Attendu, selon le premier de ces textes que les étrangers non ressortissants d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération helvétique bénéficient des prestations familiales pour les enfants dont ils ont la charge dès lors qu'ils sont titulaires de l'un des titres ou documents dont la liste est fixée par le second ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., ressortissant arménien, père d'une enfant handicapée dont il assume la charge avec son épouse, a obtenu de la caisse d'allocations familiales de la Drôme (la caisse) le versement de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé à compter du 1er juin 2007 ; que la caisse en a cessé le service au 1er mai 2008, l'intéressé ne justifiant plus que d'autorisations provisoires de séjour d'une durée de validité inférieure à trois mois, pour le reprendre au 1er juillet 2009 au vu de la production d'une carte de séjour temporaire valable un an, mais a maintenu le refus du paiement de l'allocation pour la période du 1er mai 2008 au 30 juin 2009 ; que l'intéressé a contesté cette décision devant une juridiction de sécurité sociale ;
Attendu que, pour accueillir ce recours, l'arrêt retient que la Convention internationale relative aux droits de l'enfant doit, en application de l'article 55 de la Constitution, prévaloir sur les dispositions légales qui sont contraires et que l'intérêt supérieur de cette enfant commande qu'elle bénéficie entre le 1er mai 2008 et le 30 juin 2009 de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé, précédemment versée du 1er juin 2007 au 20 mai 2008 et de nouveau versée à compter du 1er juillet 2009 ;
Qu'en statuant ainsi, alors que M. X... était dépourvu, pour la période litigieuse, de l'un des titres ou documents justifiant la régularité de son séjour dont l'exigence par les textes susvisés ne méconnaît pas l'article 3-1 de la Convention précitée, la cour d'appel a violé ces textes ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 mars 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente mai deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour la caisse d'allocations familiales de la Drôme.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la Caisse d'allocations familiales de la Drôme à payer à Monsieur Achot X... la somme de 5 791,20 € outre intérêts au taux légal à compter du 20 janvier 2010, au titre de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH) pour la période du mois de mai 2008 au mois de juin 2009 ;
AUX MOTIFS QU' "après avoir versé l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH) à compter du 1er juin 2007, la caisse d'allocations familiales en a suspendu le paiement du mois de mai 2008 au 30 juin 2009 puis a repris le versement le 1er juillet 2009 après obtention par Achot X... d'une carte de séjour temporaire pour la période du 25 juin 2009 au 24 juin 2010 ; que la seule raison pour laquelle le versement de l'allocation a été suspendu entre le 20 mai 2008 et le 30 juin 2009 réside dans la délivrance par la Préfecture à compter du mois de mai 2008 et de façon ininterrompue d'autorisations provisoires de séjour de trois mois moins un jour et de récépissés de demandes de titre de séjour valant autorisation de séjour de trois mois moins un jour, quand l'article D. 512-1 du Code de la sécurité sociale exige que les titres délivrés aient une validité de trois mois pour les récépissés et une validité supérieure à trois mois pour les autorisations provisoires de séjour ;
QUE l'application littérale de ce texte par la caisse d'allocations familiales n'occulte pas le fait que depuis le 1er juin 2007, Achot X... remplit toutes les conditions de fond pour percevoir l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé, à savoir qu'il a toujours été en situation régulière et que l'attribution de l'allocation a été décidée par la CDAPH de la Drôme au vu de la situation de l'enfant ;
QU'aux termes des articles L. 512-1, L. 512-2, L. 552-1 du Code de la sécurité sociale, les prestations familiales sont dues aux personnes étrangères résidant régulièrement en France ; que selon l'article L. 512-1 du même code, les prestations familiales sont attribuées au profit exclusif des enfants et dans leur seul intérêt ; qu'en vertu de l'article 55 de la Constitution de la République française, sont applicables en droit interne et prévalent sur les lois qui leurs sont contraires les dispositions de l'article 3-1 de la Convention Internationale des Droits de l'Enfant signée le 26 janvier 1990, aux termes desquelles dans toutes les décisions concernant les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, d'institutions administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ;
QU'en l'espèce, l'intérêt supérieur de l'enfant Hériné X... commande qu'elle bénéficie entre le 1er mai 2008 et le 30 juin 2009 de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé précédemment versée du 1er juin 2007 au 20 mai 2008 et de nouveau versée à compter du 1er juillet 2009 ; que le jugement du 2 décembre 2010 sera infirmé en toutes ses dispositions et qu'il sera fait droit à la demande d'Achot X..." ;
1°) ALORS QUE bénéficient de plein droit des prestations familiales les étrangers non ressortissants d'un Etat membre de la Communauté européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, "titulaires d'un titre exigé d'eux en vertu soit de dispositions législatives ou réglementaires, soit de traités ou accords internationaux pour résider régulièrement en France" ; qu'un décret fixe la liste "des titres et justifications attestant de la régularité de l'entrée et du séjour des bénéficiaires étrangers" ; que ne figurent pas parmi ces titres limitativement énumérés par décret les autorisations provisoires de séjour d'une validité inférieure ou égale à trois mois, ni les récépissés de demande de titre de séjour valant autorisation de séjour d'une durée de validité inférieure à trois mois ; qu'en retenant, à l'appui de sa décision, que "depuis le 1er juin 2007, Achot X... remplit toutes les conditions de fond pour percevoir l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé, à savoir qu'il a toujours été en situation régulière et que l'attribution de l'allocation a été décidée par la CDAPH de la Drôme au vu de la situation de l'enfant" quand il ressortait de ses propres constatations qu'il n'avait pu justifier que de "la délivrance par la Préfecture à compter du mois de mai 2008 et de façon ininterrompue d'autorisations provisoires de séjour de trois mois moins un jour et de récépissés de demandes de titre de séjour valant autorisation de séjour de trois mois moins un jour" de sorte qu'il n'était pas titulaire d'un des titres de séjour régulier auxquels la loi applicable subordonne le bénéfice des prestations familiales, la Cour d'appel a violé les articles L. 512-1, L. 512-12 et D. 512-1 du Code de la sécurité sociale ;
2°) ALORS QUE selon les articles L. 512-1 et L. 512-2 du code de la sécurité sociale dans leur rédaction alors applicable, bénéficient de plein droit des prestations familiales pour les enfants à leur charge, résidant en France, les étrangers titulaires de l'un des titres ou documents énumérés à l'article D. 512-1 du même code ; que cette exigence, justifiée par la nécessité dans un État démocratique d'exercer un contrôle des conditions d'accueil des enfants par l'allocataire, est compatible avec les exigences de l'article 3-1 de la Convention internationale des droits de l'enfant ; qu'en statuant comme elle l'a fait bien qu'elle ait constaté que Monsieur Achot n'était pas en mesure de produire un titre de séjour conforme aux exigences légales pour la période située entre le 1er mai 2008 et le 30 juin 2009, la cour d'appel a violé derechef les textes susvisés.