RG N° 11/00176
N° Minute :
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE SOCIALE
ARRET DU MARDI 06 MARS 2012
Appel d'une décision (N° RG 20100043)
rendue par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de VALENCE
en date du 02 décembre 2010
suivant déclaration d'appel du 14 Janvier 2011
APPELANT :
Monsieur [B] [X]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représenté par Me José BORGES DE DEUS CORREIA (avocat au barreau de GRENOBLE)
INTIMEE :
LA CAF DE LA DROME prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par M. [F], muni d'un pouvoir spécial
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DELIBERE :
Monsieur Daniel DELPEUCH, Président de Chambre,
Madame Hélène COMBES, Conseiller,
Madame Astrid RAULY, Conseiller,
DEBATS :
A l'audience publique du 07 Février 2012, Mme COMBES, chargé(e) du rapport, et Mme RAULY, assisté(e)s de Mme Corinne FANTIN, Adjoint faisant fonction de Greffier, ont entendu les parties en leurs conclusions et plaidoirie(s), conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;
Notifié le :
Grosse délivrée le :
Puis l'affaire a été mise en délibéré au 06 Mars 2012, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.
L'arrêt a été rendu le 06 Mars 2012.
EXPOSE DU LITIGE
[B] [X], de nationalité arménienne, vit en France depuis 2004 en situation régulière.
Il est le père d'une enfant handicapée, [E] [X], née le [Date naissance 2] 2005, pour laquelle il a obtenu le bénéfice de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (Aeeh) à compter du 1er juin 2007.
La caisse d'allocations familiales de la Drôme a suspendu le versement de l'allocation à compter du mois de mai 2008 au motif qu'il ne justifiait pas d'un titre de séjour conforme à la législation en vigueur.
Après rejet de son recours par la commission de recours amiable, [B] [X] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Valence, qui par jugement du 2 décembre 2010 l'a débouté de sa demande.
[B] [X] qui a relevé appel le 14 janvier 2011, demande à la cour d'infirmer le jugement, de condamner la caisse d'allocations familiales de la Drôme à lui payer la somme de 5.791,20 euros au titre de l'allocation d'éducation d'enfant handicapé et son complément pour la période du 1er mai 2008 au 30 juin 2009.
Il demande également qu'elle soit condamnée à payer à son conseil la somme de 1.500 euros sur le fondement des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.
Il rappelle que sa fille est née en France et y réside depuis sa naissance.
Il invoque une violation des articles 8 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme, de l'article 3-1 de la Convention Internationale des Droits de l'Enfant et de la loi du 11 février 2005 sur l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.
Il soutient que le refus de la caisse d'allocations familiales est contraire à l'ensemble de ces dispositions puisqu'il constitue une discrimination fondée sur le handicap et la nationalité.
Il fait valoir que tout étranger résidant régulièrement sur le territoire national, bénéficie de la protection des articles 8 et 14 de la CEDH.
Il ajoute que le tribunal a commis une erreur de droit puisque les récépissés qui lui ont été délivrés ont été suivis de la délivrance effective d'une carte de séjour le 25 juin 2009.
La caisse d'allocations familiales de Valence conclut à la confirmation du jugement.
Elle fait valoir que du mois de mai 2008 au mois de juin 2009, [B] [X] n'était pas en séjour régulier et ne pouvait donc être considéré comme un allocataire pouvant bénéficier des prestations familiales.
Elle observe sur ce point qu'au mois de mai 2008, [B] [X] a produit une autorisation provisoire de séjour d'une validité de trois mois, au mois d'août 2008 un récépissé de première demande de titre de séjour d'une durée de trois mois et au mois d'avril 2009 un nouveau récépissé de première demande de titre de séjour d'une durée de trois mois.
Elle fait valoir que ces différents titres ne sont pas énumérés par les textes comme permettant l'ouverture du droit aux prestations.
Elle invoque le caractère limitatif de l'article D 512-1 du code de la sécurité sociale et soutient qu'elle a fait une juste application des textes en vigueur en refusant à [B] [X] le bénéfice de l'Aeeh pour la période du mois de mai 2008 au mois de juin 2009..
Elle soutient qu'en tant qu'organisme payeur des prestations familiales, elle ne fait qu'appliquer la législation en vigueur et ne peut répondre des éventuelles carences administratives de la préfecture.
DISCUSSION
Attendu que pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la Cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées et soutenues à l'audience ;
Attendu qu'après avoir versé l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (Aeeh) à compter du 1er juin 2007, la caisse d'allocations familiales en a suspendu le paiement du mois de mai 2008 au 30 juin 2009 puis a repris le versement le 1er juillet 2009 après obtention par [B] [X] d'une carte de séjour temporaire pour la période du 25 juin 2009 au 24 juin 2010 ;
Attendu que la seule raison pour laquelle le versement de l'allocation a été suspendu entre le 20 mai 2008 et le 30 juin 2009, réside dans la délivrance par la préfecture à compter du mois de mai 2008 et de façon ininterrompue, d'autorisations provisoires de séjour de trois mois moins un jour et de récépissés de demande de titre de séjour valant autorisation de séjour de trois mois moins un jour, quand l'article D 512-1 du code de la sécurité sociale exige que les titres délivrés aient une validité de trois mois pour les récépissés et une validité supérieure à trois mois pour les autorisations provisoire de séjour ;
Attendu que l'application littérale de ce texte par la caisse d'allocations familiales n'occulte pas le fait que depuis le 1er juin 2007, [B] [X] remplit toutes les conditions de fond pour percevoir l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (Aeeh), à savoir qu'il a toujours été en situation régulière et que l'attribution de l'allocation a été décidée par la Cdaph de la Drôme au vu de la situation de l'enfant ;
Attendu qu'aux termes des articles L 512-1, L. 512-2, L. 552-1 du code de la sécurité sociale, les prestations familiales sont dues aux personnes étrangères résidant régulièrement en France ;
que selon l'article . 512-1 du même code les prestations familiales sont attribuées au profit exclusif des enfants et dans leur seul intérêt ;
Attendu qu'en vertu de l'article 55 de la constitution de la République française, sont applicables en droit interne et prévalent sur les lois qui leur sont contraires, les dispositions de l'article 3-1 de la Convention Internationale des Droits de l'Enfant signée le 26 janvier 1990, aux termes desquelles dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ;
Attendu qu'en l'espèce l'intérêt supérieur de l'enfant [E] [X] commande qu'elle bénéficie entre le 1er mai 2008 et le 30 juin 2009 de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (Aeeh), précédemment versée du 1er juin 2007 au 20 mai 2008 et de nouveau versée à compter du 1er juillet 2009 ;
que le jugement du 2 décembre 2010 sera infirmé en toutes ses dispositions et qu'il sera fait droit à la demande d'[B] [X] ;
Attendu qu'il n'y a pas lieu de faire application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
- Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 2 décembre 2010 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Valence.
- Statuant à nouveau, condamne la caisse d'allocations familiales de la Drôme à payer à [B] [X] la somme de 5.791,20 euros outre intérêts au taux légal à compter du 20 janvier 2010, au titre de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (Aeeh) pour la période du mois de mai 2008 au mois de juin 2009.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.
Signé par Monsieur DELPEUCH, président, et par Madame FANTIN, faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIERLE PRESIDENT