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29/05/2013 | FRANCE | N°12-19101

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 29 mai 2013, 12-19101


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 février 2012), que, faisant valoir que deux articles publiés dans les éditions des 10 décembre 2009 et 4 février 2010 de l'hebdomadaire Le Point reproduisaient des extraits d'actes d'une procédure pénale en violation des dispositions de l'article 38 de la loi du 29 juillet 1881, M. X... a assigné M. Y..., rédacteur de ces articles, la société d'exploitation de l'hebdomadaire Le Point (Sebdo) et M. Z..., directeur de la publication de celui-ci, en réparation du

dommage qu'il prétendait avoir subi du fait de la publication desd...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 février 2012), que, faisant valoir que deux articles publiés dans les éditions des 10 décembre 2009 et 4 février 2010 de l'hebdomadaire Le Point reproduisaient des extraits d'actes d'une procédure pénale en violation des dispositions de l'article 38 de la loi du 29 juillet 1881, M. X... a assigné M. Y..., rédacteur de ces articles, la société d'exploitation de l'hebdomadaire Le Point (Sebdo) et M. Z..., directeur de la publication de celui-ci, en réparation du dommage qu'il prétendait avoir subi du fait de la publication desdits actes ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action de M. X... engagée sur le seul fondement de l'article 38 de la loi du 29 juillet 1881, alors, selon le moyen :
1°/ que l'action civile devant les tribunaux non répressifs n'est ouverte, en matière de délit de presse, qu'à la partie susceptible de déclencher seule l'action publique ; que l'article 38 de la loi du 29 juillet 1881 prohibe la publication des actes d'accusation et tous autres actes de procédure criminelle ou correctionnelle avant qu'ils aient été lus en audience publique, et ce sous peine d'une amende de 3 750 euros ; que ce texte ne compte pas au nombre des délits commis par voie de presse pour lesquels l'action publique peut être exercée à la requête de la partie lésée ; que celle-ci, insusceptible de déclencher l'action publique, est dès lors irrecevable à exercer seule l'action civile devant les juridictions non répressives ; qu'en décidant le contraire la cour d'appel a violé les articles 1er et 2 du code de procédure pénale, 38, 47 et 48 de la loi du 29 juillet 1881 ;
2°/ que l'action en justice pour la défense d'un intérêt général relève de la seule compétence du ministère public ; que la prohibition de la publication des actes d'accusation et de tous autres actes de procédure criminelle ou correctionnelle avant qu'ils aient été lus en audience publique, sous peine d'une amende de 3 750 euros, qui tend à préserver l'indépendance et la sérénité de la justice, vise à la seule protection de l'intérêt général ; qu'un particulier ne peut donc demander la réparation d'aucun préjudice direct sur le fondement de la violation de cette prohibition ; qu'en rejetant cependant la fin de non-recevoir soulevée par les demandeurs au pourvoi et tirée de l'absence d'intérêt de M. X... à agir sur le fondement de l'article 38 de la loi du 29 juillet 1881, la cour d'appel a violé les articles 1er et 2 du code de procédure pénale, 38, 47 et 48 de la loi du 29 juillet 1881 ;
Mais attendu qu'ayant constaté que M. X... demandait réparation du préjudice qu'il prétendait avoir subi du fait de la publication, en violation de l'article 38 de la loi du 29 juillet 1881, d'extraits de procès-verbaux d'audition dressés par la police judiciaire à l'occasion d'une enquête préliminaire, la cour d'appel en a déduit par une exacte application de l'article 4 du code de procédure pénale qu'il était recevable à saisir le juge civil d'une telle demande ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt de juger que la reproduction par l'hebdomadaire Le Point dans ses numéros des 10 décembre 2009 et 4 février 2010, d'actes de procédure constitue une violation de l'article 38 de la loi du 29 juillet 1881 portant une atteinte grave aux droits de la défense de M. X... et au droit de bénéficier d'un procès équitable tel que garanti par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, de dire que MM. Z... et Y... et la Sebdo ont commis une faute, de les condamner in solidum à réparer le préjudice moral subi par M. X... et d'ordonner la publication d'un communiqué dans l'hebdomadaire Le Point et sur le site internet www. lepoint. fr, alors, selon le moyen :
1°/ que constitue une ingérence des autorités publiques l'interdiction, générale et absolue, de publier, avant qu'ils aient été lus en audience publique, les actes d'accusation et tous autres actes de procédure criminelle ou correctionnelle, sous peine d'une amende de 3 750 euros ; que sa mise en oeuvre doit donc être à la fois nécessaire et proportionnée ; que tel n'est pas le cas lorsqu'existe, à la disposition de la partie qui s'en prévaut, une autre voie de droit de nature à permettre la préservation de ses intérêts ; qu'en décidant pourtant que la responsabilité des demandeurs au pourvoi en raison de la publication d'extraits de procès-verbaux de l'enquête classée sans suite pouvait être recherchée sur le fondement de l'article 38 de la loi du 29 juillet 1881 cependant que la partie civile aurait pu mettre en oeuvre les dispositions de l'article 9-1 du code civil, lesquelles auraient permis l'instauration d'un débat sur la portée des actes publiés, la cour d'appel a violé les articles 38 de la loi du 29 juillet 1881, 9-1 du code civil et 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2°/ que les atteintes à la présomption d'innocence commises par voie de presse relèvent exclusivement de l'application de l'article 9-1 du code civil ; que la cour d'appel, se référant aux commentaires accompagnant la publication des extraits de procès-verbaux litigieux, a affirmé que celle-ci portait atteinte à la présomption d'innocence de M. X... ; qu'en en déduisant cependant qu'elle constituait une violation de l'article 38 de la loi du 29 juillet 1881 portant atteinte aux droits de la défense de M. X... et au droit de bénéficier d'un procès équitable tel que garanti par l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et que, fautive, elle engageait la responsabilité civile des demandeurs au pourvoi, la cour d'appel a violé les articles 38 de la loi du 29 juillet 1881 par fausse application et 9-1 du code civil par refus d'application ;
3°/ que tout jugement doit être motivé ; que le défaut de réponse à conclusions équivaut au défaut de motifs ; que les demandeurs au pourvoi avaient fait valoir que la publication des extraits de procès-verbaux avaient été publiés après le début de la procédure correctionnelle initiée par la citation directe délivrée par Mme B...-A...à l'encontre de M. X..., deux audiences de renvoi ayant déjà eu lieu, si bien qu'il ne pouvait être fait application de l'article 38 de la loi du 29 juillet 1881 ; qu'en ne répondant pas à ce moyen, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant constaté, d'une part, que l'article du 10 décembre 2009 s'appuyait sur une analyse des extraits de divers procès-verbaux de police judiciaire pour présenter M. X... comme ayant abusé de la faiblesse de Mme B..., à la veille de sa comparution devant le tribunal correctionnel appelé à se prononcer sur la pertinence et le bien-fondé des accusations portées contre lui par la fille de celle-ci, d'autre part, que l'article du 4 février 2010, fondé sur la reproduction partielle de dépositions recueillies par la police judiciaire, tendait à présenter M. X... comme accusé par des tiers en des termes probants à l'effet d'amener le lecteur à estimer avérés les faits reprochés à celui-ci, deux mois avant une audience constituant, selon l'article, « l'épilogue de l'affaire », la cour d'appel, qui n'avait pas à répondre aux conclusions invoquées par le troisième grief, lesquelles étaient inopérantes, faute de lecture des actes de procédure litigieux en audience publique avant leur publication, en a déduit que celle-ci portait atteinte au droit de M. X... à un procès équitable dans le respect de son droit à la présomption d'innocence et des droits de sa défense ; qu'ayant ainsi justifié au regard de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, l'ingérence, dans la liberté d'expression, prévue par l'article 38 de la loi du 29 juillet 1881, elle a sans encourir les autres griefs du moyen, légalement justifié sa décision de condamner les auteurs de cette atteinte à en réparer les conséquences dommageables ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société d'exploitation de l'hebdomadaire Le Point, MM. Z... et Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société d'exploitation de l'hebdomadaire Le Point, de MM. Z... et Y... ; les condamne in solidum à payer la somme de 2 000 euros à M. X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf mai deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

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Moyens produits par la SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat aux Conseils, pour la société d'Exploitation de l'hebdomadaire Le Point Sebdo, MM. Z... et Y....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement ayant déclaré recevable l'action de M. François-Marie X... engagée sur le seul fondement de l'article 38 de la loi du 29 juillet 1881 ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE selon une jurisprudence constante, si l'action publique est l'exclusive du ministère public, une personne privée, s'estimant lésée, dispose de la faculté légale de s'adresser au juge civil pour obtenir réparation suite à l'inobservation de ce texte de la loi sur la presse ; qu'il n'y a pas lieu de déroger à ces pratiques jurisprudentielles pérennes qui garantissent le droit conventionnel de l'accès au juge (article 6 de la Convention Européenne dite CEDH) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE l'article 47 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse réserve de façon générale au ministère public « la poursuite des délits et contraventions de simple police commises par voie de presse », « sous les modifications ci-après », à savoir celles résultant des articles 48 à 48-6 qui suivent ; que l'article 48 subordonne pour certaines infractions qu'il énumère l'action du parquet au dépôt d'une plainte préalable du corps ou de la personne visée ; que son dernier alinéa autorise, pour certaines de ses infractions, que la poursuite puisse également « être exercée à la poursuite de la partie lésée » ; que les articles 48-1 à 48-6 habilitent certaines associations à « exercer les droits reconnus à la partie civile », à des conditions qu'ils déterminent et pour des infractions qu'ils énumèrent ; qu'aucun de ces textes autorisant des dérogations au monopole de poursuite du parquet ne mentionne l'article 38 de la loi, dont il convient de rappeler immédiatement qu'il interdit « de publier les actes d'accusation et tous autres actes de procédure criminelle ou correctionnelle avant qu'ils aient été lus en audience publique » ; qu'il en résulte, ainsi que le font observer à juste titre les défendeurs, qu'une personne qui s'estime victime de cette infraction n'est pas autorisée à mettre en mouvement elle-même l'action publique de ce chef ; que pour autant, ces textes ne font pas obstacle à l'exercice par la partie lésée d'une action devant le juge civil, y compris sur la base des infractions de presse dont le ministère public a le monopole, et ce sous la seule exception prévue par l'article 46 de la loi, qui prohibe l'exercice de l'action civile séparément de l'action publique du chef de deux infractions seulement, les diffamations prévues et punies par les article 30 (envers les administrations et corps constitués) et 31 (envers les fonctionnaires publics) ; que si, en effet, ce texte spécial a spécifiquement interdit aux administrations et corps constitués, qui ne sont pas autorisés par le dernier alinéa de l'article 48 susvisé à mettre eux-mêmes en mouvement l'action publique, d'engager une action devant le juge civil, il en résulte, a contrario, que les personnes qui s'estiment lésées par le délit de l'article 38, qui pas davantage que ces administrations ou corps constitués ne sont autorisées à saisir le juge pénal, peuvent, faute que cela leur soit interdit, saisir le juge civil ; que la première fin de non-recevoir soulevée en défense, pour défaut de droit d'agir, sera donc rejetée ;
1) ALORS QUE l'action civile devant les tribunaux non répressifs n'est ouverte, en matière de délit de presse, qu'à la partie susceptible de déclencher seule l'action publique ; que l'article 38 de la loi du 29 juillet 1881 prohibe la publication des actes d'accusation et tous autres actes de procédure criminelle ou correctionnelle avant qu'ils aient été lus en audience publique, et ce sous peine d'une amende de 3. 750 € ; que ce texte ne compte pas au nombre des délits commis par voie de presse pour lesquels l'action publique peut être exercée à la requête de la partie lésée ; que celle-ci, insusceptible de déclencher l'action publique, est dès lors irrecevable à exercer seule l'action civile devant les juridictions non répressives ; qu'en décidant le contraire la Cour d'appel a violé les articles 1 et 2 du Code de procédure pénale, 38, 47 et 48 de la loi du 29 juillet 1881 ;
ET AUX MOTIFS QUE que sur l'irrecevabilité de l'action pour défaut de préjudice, la Cour adoptera expressément la motivation des premiers juges (cf. jugement, page 7) ; qu'à bon droit, ils ont jugé que figurent dans l'assignation de M. X..., les précisions et indications démontrant qu'il poursuit devant le juge civil la publication d'extraits de procès-verbaux, en violation de l'article 38 de la loi sur la presse, qui porteraient atteinte à ses droits de la défense et à son droit à un procès équitable dans le respect de la présomption d'innocence, le privant des garanties du débat judiciaire ; qu'en conséquence, selon les premiers juges, sous couvert d'une fin de non recevoir, les défendeurs contesteraient en réalité la pertinence de cette argumentation ; que cette contestation ne peut être tranchée qu'au terme d'un examen au fond ; que la Cour, après avoir relevé qu'en cause d'appel, les intimés appelants incidents, ont réitéré l'argumentation, à bon droit rejetée, confirmera le jugement en ce qu'il a jugé recevable l'action de M. X... ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE les défendeurs opposent encore à François-Marie X... une fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir, au motif qu'il ne justifie d'aucun préjudice, sur aucun des fondements qui justifieraient selon eux le texte qu'il invoque, à savoir la protection de la présomption d'innocence, la défense de l'autorité et du crédit de la justice, l'indépendance du jury criminel et l'équité du procès ; qu'il suffira, à ce stade, d'observer que François-Marie X... fait observer, dans son assignation, que les actes de procédure litigieux sont des dépositions présentées comme accablantes et accusatrices, et qu'il a été opéré parmi les actes de la procédure correctionnelle en cours une sélection qui lui est préjudiciable, en ce qu'ont été laissés de côté les témoignages antinomiques et en ce que les extraits publiés ont été « choisis avec partialité » ; qu'il en déduit que leur publication en violation des dispositions de l'article 38 porte atteinte à ses droits de la défense et à son droit « à un procès équitable dans le respect de la présomption d'innocence », le privant de garanties du débat judiciaire, et spécialement du respect du principe du contradictoire ; que sous couvert d'une fin de non-recevoir, les défendeurs contestent en réalité la pertinence de cette argumentation, contestation qui ne peut être tranchée qu'au terme d'un examen au fond ; que cette seconde fin de non-recevoir sera également rejetée ;
2) ALORS QUE l'action en justice pour la défense d'un intérêt général relève de la seule compétence du ministère public ; que la prohibition de la publication des actes d'accusation et de tous autres actes de procédure criminelle ou correctionnelle avant qu'ils aient été lus en audience publique, sous peine d'une amende de 3. 750 €, qui tend à préserver l'indépendance et la sérénité de la justice, vise à la seule protection de l'intérêt général ; qu'un particulier ne peut donc demander la réparation d'aucun préjudice direct sur le fondement de la violation de cette prohibition ; qu'en rejetant cependant la fin de non-recevoir soulevée par les exposants et tirée de l'absence d'intérêt de François-Marie X... à agir sur le fondement de l'article 38 de la loi du 29 juillet 1881, la Cour d'appel a violé les articles 1er et 2 du Code de procédure pénale, 38, 47 et 48 de la loi du 29 juillet 1881.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir jugé que la reproduction par l'hebdomadaire LE POINT dans ses numéros 1943 du 10 décembre 2009 et 1951 du 4 février 2010 d'actes de procédure constitue une violation de l'article 38 de la loi du 29 juillet 1881 portant une atteinte grave aux droits de la défense de Monsieur François-Marie X... et au droit de bénéficier d'un procès équitable tel que garanti par l'article 6 de la Convention, dit que Franz-Olivier Z..., Hervé Y... et la société Edition du Point ont commis une faute, de les avoir, en conséquence, condamnés in solidum à verser à François-Marie X... la somme de 1 euro à titre de réparation du préjudice moral résultant de la publication illicite d'actes de procédure correctionnelle au sens de l'article 38 de la loi du 29 juillet 1881 dans le numéro 1943 de l'hebdomadaire LE POINT du 10 décembre 2009 et une somme identique au titre de la réparation du préjudice moral résultant de la publication illicite d'actes de procédure correctionnelle au sens de l'article 38 de la loi du 29 juillet 1881 dans le numéro 1951 de l'hebdomadaire LE POINT du 4 février 2010, d'avoir, en outre, ordonné la publication aux frais des exposants d'un communiqué dans l'hebdomadaire LE POINT et sur le site internet www. lepoint. fr ;
AUX MOTIFS QU'il est certain qu'ont été publiés dans les deux articles poursuivis des extraits d'auditions de personnes entendues dans le cadre de l'enquête préliminaire décidée par le Procureur de la République du Tribunal de grande instance de Nanterre et clôturée au mois de septembre 2009 par une décision de classement sans suite ; que le 11 décembre 2009, ces procès-verbaux sont mentionnés par le tribunal correctionnel de Nanterre comme devant être mis à la disposition des experts commis pour examiner Mme B...; que (cela) signifie que le tribunal exerçait son droit d'accès à ces pièces de procédure qu'il estimait nécessaire à la résolution du litige opposant Mme A...-B...à M. X... ; qu'il s'impose qu'à la date de parution du premier article, seul le procureur de la République du tribunal de Nanterre était le destinataire légal de cette procédure ; qu'il est ensuite constant que les actes de cette enquête n'avaient pas été lus publiquement à l'audience correctionnelle au temps de la parution du second article alors qu'ils faisaient corps avec la procédure ; (…) ; que la Cour rappelle que l'article 38 de la loi du 29 juillet 1881 modifiée s'apprécie selon l'article 10 de la Convention Européenne car est incriminé le fait de publication ; qu'en l'état du droit positif, l'ingérence, que constituerait une condamnation civile des intimés doit, selon le paragraphe 2 dudit article de la Convention : 1) être prévue par la loi, 2) être inspirée par un ou des buts légitimes, 3) être nécessaire dans une société démocratique pour atteindre ce ou ces buts ; qu'il est constant que la nécessaire articulation de l'article 10 de la Convention avec l'article 38 de la loi sur la presse fait ressortir la prohibition, temporaire, édictée par ce texte, non au plan des infractions formelles, comme le tribunal l'a énoncé, mais à celui des infractions supposant un examen concret des trois critères conventionnels susvisés ; que la vérification que l'ingérence était nécessaire pour protéger la réputation et les droits d'autrui et garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire doit être effectuée par le juge judiciaire ; que cet examen dépasse d'évidence le cadre de celui réservé aux infractions dites « formelles » ; qu'au cas d'espèce :- l'article du 10 décembre 2009 est publié la veille de l'audience du tribunal correctionnel de Nanterre devant se prononcer sur la recevabilité de l'action engagée par la fille de Mme B...contre M. X... du chef d'abus de faiblesse envers sa mère,- cet article a pour support factuel essentiel des extraits de procès-verbaux auxquels une force probante est toujours reconnue dans l'esprit du public car ils émanent de l'autorité publique et non de simples particuliers ; que dans ces extraits, M. X... est présenté comme une personne à l'égard de laquelle « existe un faisceau de présomptions quant à la réalité d'un abus de faiblesse » ; que cette citation, extraite d'un rapport de la Brigade Financière qui date du 1er décembre 2008 sert de conclusion à l'article ; que de plus, cet article est centré-sur la réfutation de ce que M. X... a dit lors de sa garde à vue des 24 et 25 septembre 2008,- sur l'évocation des témoignages de Mme D...et C... dont des extraits sont qualifiés d'« accablants » pour M. X...,- sur l'appréciation de la défense de M. X... qu'elle est « plus osée encore » ou qu'il a concédé un « demi aveu » (3ème colonne page 62),- sur l'appréciation de l'audition de Mme B...du 13 mai 2008 décrite comme « ignorante du montant des dons consentis à M. X... », ne se rappelant plus de l'avoir désigné comme le bénéficiaire d'assurance vie pour un montant de 515 millions d'euros, et ayant des « trous de mémoires qui tranchent sur le portrait que M. X... brossera d'elle devant les enquêteurs » ; qu'il est alors compris par le lecteur que M. X... ne dit pas la vérité à propos de l'état de santé mentale de Mme B...; qu'il sera rappelé par la cour qu'au mois de septembre 2009, le procureur de la République de Nanterre a décidé de classer la procédure de l'enquête dont des extraits sont cependant publiés ; qu'en introduction, le journaliste citant l'acte de poursuite, publie « qu'usant de son influence ainsi que de la situation de faiblesse de Liliane E..., M. X... a obtenu de celle-ci, alors, que son état de santé se dégradait, qu'elle dispose à son profit de sommes et valeurs qui dépassent l'entendement » ; qu'il doit être constaté que, tant dans l'introduction que la conclusion de l'article, la culpabilité de M. X... est doublement suggérée ; qu'il s'impose que ces choix de citation et de présentation du directeur de publication et ceux du joumaliste ont consisté à présenter M. X... auprès du lectorat de la publication comme ayant abusé de la faiblesse de Mme B..., la veille de la comparution de M. X... devant le tribunal correctionnel de Nanterre chargé de se prononcer sur la pertinence et le bien fondé des accusations formulées contre lui par la fille de Mme B...; que cette nécessaire prise en compte de ces éléments et événements n'a pas été effectuée par le tribunal qui a fait prévaloir le but informatif poursuivi sur les moyens employés ; que pour la cour, il a, à tort, apprécié qu'« une enquête journalistique consacrée à une affaire pénale mettant enjeu des intérêts financiers considérables » justifiait les procédés illégaux ayant consisté à choisir au sein de procès-verbaux d'une enquête des extraits présentant comme auteur d'abus de faiblesse M. X... alors qu'aucune décision de justice n'étant en ce sens intervenue ; que la motivation du tribunal équivaut à légitimer la pratique, légalement prohibée de publication d'extraits d'une procédure avant leur lecture publique à l'audience d'une part, en fonction de l'intérêt du sujet traité et d'autre part, en retenant que M. X... invoque une atteinte à sa présomption d'innocence ; que ce raisonnement est à l'inverse de ce que la Cour de Strasbourg apprécie en validant l'ingérence si elle est nécessaire pour protéger la réputation et les droits d'autrui d'une part, et garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire d'autre part ; que la cour ne souscrit pas à la motivation du tribunal pour ce motif qu'elle n'est pas conforme à la jurisprudence européenne issue de l'arrêt prononcé le 12 avril 2006 ; que l'article du 10 décembre 2009 en ce qu'il présente M. X... comme auteur d'abus de faiblesse envers Mme B...dans le contexte précité attente à l'évidence à son droit à un procès équitable dans le respect de sa présomption d'innocence ; que cette atteinte selon l'article est exclusivement fondée sur la publication d'extraits de procès-verbaux qui légalement ne comptent pas les journalistes comme leur destinataires obligés quand ils ne sont pas partie à la procédure ; que la Cour rappelle qu'est attaché, pour le lecteur moyennement informé du fonctionnement judiciaire, aux actes d'enquête judiciaires, un crédit renforcé et un effet probatoire certain ; que pour la Cour, en définitive, la date de parution, les choix de citation et la présentation de M. X... comme coupable selon les pièces d'une enquête judiciaire, toutefois classée sans suite, a eu la conséquence d'influencer l'exercice, légalement et conventionnellement garanti, de ses droits de la défense, qui suppose qu'avant d'être entendu par un juge, il ne soit pas présenté comme coupable d'abus de faiblesse envers Mme B...; que M. X... est placé dans la nécessité de s'expliquer sur des éléments à charge non encore publiquement débattus dans une enceinte de justice et contenus dans une enquête, alors secrète, accomplie sous la direction d'un magistrat qui, selon le droit européen ne remplit pas l'exigence d'indépendance à l'égard de l'exécutif ; qu'il n'y a lieu de considérer, comme le tribunal, que M. X... déposait d'autres possibilités pour agir ; qu'ayant le droit de saisir le juge civil sur le fondement de l'article 38, le demandeur ne peut se voir suggérer d'agir par d'autres voies de procédure au motif erroné que son action contreviendrait à l'article 10 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales ; que pour ces motifs, l'action de M. X... est jugé fondée concernant le premier article ; (…) que le second article, paru le 4 février 2010, a été apprécié au niveau de la motivation par les premiers juges comme le premier alors que des différences de contenu, de présentation et de contexte les distinguaient ; (…) que la Cour observe 1) que si la date de publication n'est pas contemporaine comme le premier article d'une des échéances judiciaires de la procédure pendante devant le tribunal de grande instance de Nanterre, le directeur de publication a fait le choix de consacrer la une du Point à l'article de M. Y... ; que la première page de couverture annonce la publication des « accusations du personnel de Madame » ; que ceci signifie la volonté éditoriale de communiquer cette information à tous ceux qui apercevront la publication sans nécessairement la lire ; qu'il s'impose que le choix du directeur de publication fut de communiquer au delà du lectorat de la publication, 2) qu'antérieur de deux mois par rapport à la tenue de l'audience du 15 avril, cet article rappelle (en pages 50 et 51) cette date d'audience comme « l'épilogue de l'affaire » ; que ceci établit la volonté des intimés de situer cet article comme la diffusion d'éléments à charge avant l'audience publique du 15 avril 2010 ; qu'est proclamée la nécessité éditoriale de publier non plus de courts extraits mais des accusations détaillées aux procès-verbaux d'enquête, 3) qu'annoncé comme une exclusivité les dépositions des témoins, reçues par la police judiciaire, les 24 janvier, 7 février, 30 janvier 2008, sont publiées par de larges extraits dans la totalité des pages 53 à 55 et annoncées comme les « femmes qui accusent » ; qu'il s'ensuit que cet article au niveau du procédé d'annonce en une, des choix de présentation et de publication, non de courtes citations mais de pans entiers de déclarations, est une communication d'importance directement dirigée contre M. X... qui n'avait pu s'expliquer « sur les accusations du personnel » devant un juge ; que ces quatre dépositions, partiellement reproduites, ont une optique unique : l'accusation ; que l'article qui les accompagne souligne à plusieurs reprises le poids particulier qui s'y attache (« Plusieurs de ses anciens employés l'ont affirmé à la police. « Le Point » révèle leur témoignages » ; « De multiples témoignages ont surgi depuis lors-Le Point en publie en exclusivité plusieurs extraits (voir pages suivantes). Femmes de chambre, infirmière, secrétaires, chauffeur, comptable, tous décrivent l'« emprise » exercée par X... ; « sous serment, employés et domestiques ont évoqué des demandes d'argent insistantes ») ; que cette publication correspond à l'exclusive préoccupation de présenter M. X... comme accusé en des termes probants par des tiers, le personnel de Mme B..., en fait non concerné par l'affaire opposant la fille de Mme B...à M. X... ; que le lecteur est ainsi amené à considérer ces faits comme avérés ; qu'il s'impose que ce second article est une charge accusatrice réitérée envers M. X... deux mois avant une audience au cours de laquelle « l'épilogue » de l'affaire devait avoir lieu ; que cette publication était en conséquence susceptible de porter atteinte au droit de François-Marie X... à un procès équitable dans le respect des droits de sa défense et de la présomption d'innocence ; qu'une condamnation au visa de l'article 38 de la · loi sur la presse n'est pas contraire à l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales au cas présent pour ces motifs ; (…) qu'ayant subi un préjudice moral, sa réparation sera pleine et entière par la condamnation des intimés au paiement solidaire d'un euro pour chacune des publications ; que la Cour ordonnera la publication, sous astreinte, d'un communiqué dont les termes sont détaillés au dispositif de l'arrêt ;
1) ALORS QUE constitue une ingérence des autorités publiques l'interdiction, générale et absolue, de publier, avant qu'ils aient été lus en audience publique, les actes d'accusation et tous autres actes de procédure criminelle ou correctionnelle, sous peine d'une amende de 3. 750 € ; que sa mise en oeuvre doit donc être à la fois nécessaire et proportionnée ; que tel n'est pas le cas lorsqu'existe, à la disposition de la partie qui s'en prévaut, une autre voie de droit de nature à permettre la préservation de ses intérêts ; qu'en décidant pourtant que la responsabilité des exposants en raison de la publication d'extraits de procès-verbaux de l'enquête classée sans suite pouvait être recherchée sur le fondement de l'article 38 de la loi du 29 juillet 1881 cependant que la partie civile aurait pu mettre en oeuvre les dispositions de l'article 9-1 du Code civil, lesquelles auraient permis l'instauration d'un débat sur la portée des actes publiés, la Cour d'appel a violé les articles 38 de la loi du 29 juillet 1881, 9-1 du Code civil et 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2) ALORS QUE les atteintes à la présomption d'innocence commises par voie de presse relèvent exclusivement de l'application de l'article 9-1 du Code civil ; que la Cour d'appel, se référant aux commentaires accompagnant la publication des extraits de procès-verbaux litigieux, a affirmé que celle-ci portait atteinte à la présomption d'innocence de M. X... ; qu'en en déduisant cependant qu'elle constituait une violation de l'article 38 de la loi du 29 juillet 1881 portant atteinte aux droits de la défense de M. X... et au droit de bénéficier d'un procès équitable tel que garanti par l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et que, fautive, elle engageait la responsabilité civile des exposants, la Cour d'appel a violé les articles 38 de la loi du 29 juillet 1881 par fausse application et 9-1 du Code civil par refus d'application ;
3) ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE tout jugement doit être motivé ; que le défaut de réponse à conclusions équivaut au défaut de motifs ; que les exposants avaient fait valoir que la publication des extraits de procès-verbaux avaient été publiés après le début de la procédure correctionnelle initiée par la citation directe délivrée par Mme B...-A...à l'encontre de M. X..., deux audiences de renvoi ayant déjà eu lieu, si bien qu'il ne pouvait être fait application de l'article 38 de la loi du 29 juillet 1881 ; qu'en ne répondant pas à ce moyen, la Cour d'appel a privé sa décision de motifs et violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 12-19101
Date de la décision : 29/05/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 10 - Liberté d'expression - Restriction - Cause - Protection de la réputation ou des droits d'autrui - Applications diverses - Publications interdites portant atteinte au droit à un procès équitable

PRESSE - Abus de la liberté d'expression - Publications interdites - Publication d'actes de procédure criminelle ou correctionnelle avant lecture en audience publique - Préjudice - Atteinte au droit à un procès équitable - Portée

Une cour d'appel, qui a constaté que des articles publiés dans un hebdomadaire, pour l'un, la veille et, pour l'autre, deux mois avant la comparution du demandeur à une audience, s'appuyaient sur une analyse des extraits de divers procès-verbaux ou la reproduction partielle de dépositions recueillies par la police judiciaire pour présenter celui-ci de telle manière que le lecteur soit amené à estimer avérés les faits qui lui étaient reprochés et qui en a déduit que cette publication portait atteinte au droit du demandeur à un procès équitable dans le respect de son droit à la présomption d'innocence et des droits de sa défense, justifie ainsi, au regard de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, l'ingérence, dans la liberté d'expression, prévue par l'article 38 de la loi du 29 juillet 1881


Références :

Sur le numéro 1 : article 38 de la loi du 29 juillet 1881
Sur le numéro 1 : article 4 du code de procédure pénale
Sur le numéro 2 : article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 22 février 2012

Sur le n° 1 : Sur la recevabilité de l'action exercée devant le juge civil par la victime d'une publication effectuée en violation de l'article 38 de la loi du 29 juillet 1881, à rapprocher :1re Civ., 28 avril 2011, pourvoi n° 10-17909, Bull. 2011, I, n° 76 (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 29 mai. 2013, pourvoi n°12-19101, Bull. civ. 2013, I, n° 111
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2013, I, n° 111

Composition du Tribunal
Président : M. Charruault
Avocat général : M. Legoux
Rapporteur ?: Mme Crédeville
Avocat(s) : SCP Hémery et Thomas-Raquin, SCP de Chaisemartin et Courjon

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.19101
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