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28/05/2013 | FRANCE | N°12-14049

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 28 mai 2013, 12-14049


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant tant sur le pourvoi principal formé par les sociétés Raphaël et Queeky que sur le pourvoi incident relevé par la société La Romana et Mme X... ;
Donne acte à la société La Romana et à Mme X... de leur désistement partiel de pourvoi incident à l'égard de la société C...-D... en qualité d'administrateur du redressement judiciaire de la société La Romana ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société La Romana, dont la gérante est Mme X..., a donné en location-gérance à la sociÃ

©té Queeky une pizzeria exploitée dans des locaux dépendant d'un port de plaisance do...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant tant sur le pourvoi principal formé par les sociétés Raphaël et Queeky que sur le pourvoi incident relevé par la société La Romana et Mme X... ;
Donne acte à la société La Romana et à Mme X... de leur désistement partiel de pourvoi incident à l'égard de la société C...-D... en qualité d'administrateur du redressement judiciaire de la société La Romana ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société La Romana, dont la gérante est Mme X..., a donné en location-gérance à la société Queeky une pizzeria exploitée dans des locaux dépendant d'un port de plaisance dont la société Yacht club a obtenu la concession de la commune de Saint-Laurent-du-Var ; qu'au terme du contrat, la société Queeky s'étant maintenue dans les lieux, la société La Romana l'a fait assigner en restitution du fonds et en réparation de son préjudice ; que Mme X... est intervenue volontairement à l'instance ; que la société Raphaël ayant acquis de la société Queeky les actifs matériels du fonds, la société La Romana et Mme X...l'ont assignée en intervention forcée devant la cour d'appel ; que la société Queeky a été mise en liquidation judiciaire, M. Z...étant nommé liquidateur ; que la société La Romana, qui avait été mise en redressement judiciaire, la société C...-D... étant nommée administrateur judiciaire, est redevenue in bonis ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal :
Attendu que la société Raphaël fait grief à l'arrêt de déclarer recevable son intervention forcée, alors, selon le moyen, que l'évolution du litige impliquant la mise en cause d'un tiers devant la cour d'appel n'est caractérisée que par la révélation d'une circonstance de fait ou de droit, née du jugement ou postérieure à celui-ci, modifiant les données juridiques du litige ; qu'en l'espèce, le jugement entrepris énonce que la société Queeky a cessé son activité depuis le 31 janvier 2009 pour être mise en sommeil à compter de cette date et que « c'est la société Raphaël qui exploite depuis le 2 février 2009 le restaurant La Romana » ; qu'il en résulte nécessairement que dès avant la clôture des débats devant les premiers juges, le transfert intervenu au profit de la société Raphaël était entré dans le périmètre du litige et était connu de l'ensemble des parties, de sorte que la société La Romana et Mme X... étaient à même d'apprécier dès cet instant l'opportunité d'appeler en la cause la société Raphaël ; qu'en considérant néanmoins que la cession intervenue à la date du 1er février 2009 entre les sociétés Queeky et Raphaël était constitutive d'une évolution du litige de nature à justifier l'intervention forcée en cause d'appel, la cour d'appel viole l'article 555 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant constaté que la société La Romana et Mme X... n'avaient pu avoir connaissance des accords intervenus entre la société Queeky et la société Raphaël à laquelle elles reprochaient d'avoir acquis le fonds de commerce, compte tenu de la proximité des dates entre leur conclusion et la clôture des débats devant le tribunal, une dizaine de jours plus tard, la cour d'appel a retenu, à bon droit, qu'eu égard à l'évolution du litige, l'intervention forcée de la société Raphaël en cause d'appel était recevable ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le deuxième moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 141-5 du code de commerce, ensemble les articles L. 2122-1, L. 2122-2 et L. 2122-3 du code général de la propriété des personnes publiques ;
Attendu que pour condamner la société Raphaël à payer à la société La Romana la somme de 85 000 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt retient que si le commerce litigieux, qui est exploité sur le domaine public, ne peut bénéficier du statut des baux commerciaux, sa situation dans la galerie marchande du port de Saint-Laurent-du-Var permet le ralliement de la clientèle puisqu'elle attire les personnes attachées à l'environnement maritime des lieux ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si la société La Romana exploitait une clientèle attachée à l'activité de la pizzeria qui soit distincte de celle du port de plaisance où elle était exercée, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Sur le troisième moyen de ce pourvoi, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 141-5 du code de commerce, ensemble les articles L. 2122-1, L. 2122-2 et L. 2122-3 du code général de la propriété des personnes publiques ;
Attendu que pour fixer à la somme de 125 119 euros la créance de la société La Romana au passif de la société Queeky, l'arrêt retient que si le commerce litigieux, qui est exploité sur le domaine public, ne peut bénéficier du statut des baux commerciaux, sa situation dans la galerie marchande du port de Saint-Laurent-du-Var permet le ralliement de la clientèle puisqu'elle attire les personnes attachées à l'environnement maritime des lieux ;
Attendu, qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si la société La Romana exploitait une clientèle attachée à l'activité de la pizzeria qui soit distincte de celle du port de plaisance où elle était exercée, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Sur le premier moyen du pourvoi incident, pris en sa première branche :
Vu l'article 16 du code de procédure civile ;
Attendu que pour rejeter la demande en restitution de matériel de la société La Romana envers la société Queeky, l'arrêt retient qu'elle aurait dû le revendiquer dans les trois mois de la liquidation judiciaire de celle-ci par application de l'article L. 624-9 du code de commerce ;
Attendu qu'en relevant d'office ce moyen qui n'était pas dans le débat, sans inviter les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Sur le deuxième moyen de ce pourvoi :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que pour rejeter la demande de la société La Romana en restitution de la licence IV, l'arrêt retient que les documents produits ne permettent pas de connaître le propriétaire de cette licence ;
Attendu qu'en statuant ainsi, sans se livrer à une analyse, même sommaire, de l'avis d'imposition de la société La Romana faisant mention de la licence IV, d'une déclaration de mutation de cette licence au profit de cette société et d'une déclaration aux douanes de transfert de son exploitation lors de la conclusion du contrat de location-gérance, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
Sur le troisième moyen de ce pourvoi :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que pour rejeter la demande de la société La Romana en restitution du numéro de téléphone 04 93 07 33 36, l'arrêt retient que ce numéro ayant été attribué à la société Raphaël, il importe seulement de lui interdire d'utiliser ce numéro sous l'enseigne La Romana ;
Attendu qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société La Romana qui soutenait que la clientèle, qui connaissait déjà le numéro de téléphone litigieux comme étant le sien, risquait d'être détournée par la société Raphaël si celle-ci était autorisée à continuer de l'utiliser, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
Et sur le quatrième moyen du même pourvoi :
Vu l'article L. 622-28 du code de commerce ;
Attendu que pour rejeter la demande de la société La Romana tendant à assortir d'intérêts au taux légal les dommages-intérêts devant être fixés au passif de la société Queeky à compter de la saisine du tribunal, le 28 novembre 2008, avec capitalisation jusqu'à la mise en liquidation judiciaire de la société Queeky, le 18 février 2011, l'arrêt retient que la créance de la société La Romana devant être fixée au passif de la société Queeky ne peut porter intérêts par application de l'article L. 622-28 du code de commerce qui suspend leur cours dès le jugement d'ouverture ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la société Queeky avait été mise en liquidation judiciaire le 18 février 2011, de sorte que les intérêts échus antérieurement à cette date n'étaient pas soumis à l'arrêt du cours des intérêts, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Raphaël à payer à la société La Romana la somme de 85 000 euros à titre de dommages-intérêts, fixé à la somme de 125 119 euros la créance de la société La Romana au passif de la société Queeky et rejeté les demandes de la société La Romana en restitution de matériel, de la licence IV et du numéro de téléphone 04 93 07 33 36 ainsi que d'intérêts au taux légal sur les dommages-intérêts devant être fixés au passif de la société Queeky à compter du 28 novembre 2008 avec capitalisation jusqu'à la mise en liquidation judiciaire de celle-ci, l'arrêt rendu le 18 novembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Laisse à chaque partie la charge des dépens par elle exposés ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mai deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par Me Blondel, avocat aux Conseils, pour les sociétés Raphaël et Queeky, demanderesses au pourvoi principal.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :
:

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré recevable l'intervention forcée de la société Raphael ;
AUX MOTIFS QUE selon l'article 555 du Code de procédure civile les personnes qui n'étaient ni parties ni représentées en première instance, peuvent être appelées devant la Cour, même aux fins de condamnation, quand l'évolution du litige implique leur mise en cause ; que la société La Romana et Madame X... reprochent à la société Raphael d'avoir acquis le 1er février 2009 de la société Queeky le fonds de commerce donné en location-gérance dont elles réclamaient la restitution ; qu'or le jugement attaqué établit que les débats ayant donné lieu à son prononcé se sont déroulés le 13 février 2009 ; que compte tenu de cette proximité de date, elles n'ont pu avoir connaissance des accords conclus entre la société Queeky et la société Raphael ; que dès lors existe bien une évolution du litige ;
ALORS QUE l'évolution du litige impliquant la mise en cause d'un tiers devant la Cour d'appel n'est caractérisée que par la révélation d'une circonstance de fait ou de droit, née du jugement ou postérieure à celui-ci, modifiant les données juridiques du litige ; qu'en l'espèce, le jugement entrepris énonce (cf. ses motifs, p. 6 in fine) que la société Queeky a cessé son activité depuis le 31 janvier 2009 pour être mise en sommeil à compter de cette date et que « c'est la société Raphael qui exploite depuis le 2 février 2009 le restaurant La Romana » ; qu'il en résulte nécessairement que dès avant la clôture des débats devant les premiers juges, le transfert intervenu au profit de la société Raphael était entré dans le périmètre du litige et était connu de l'ensemble des parties, de sorte que la société La Romana et Madame X... étaient à même d'apprécier dès cet instant l'opportunité d'appeler en la cause la société Raphael ; qu'en considérant néanmoins que la cession intervenue à la date du 1er février 2009 entre les sociétés Queeky et Raphael était constitutive d'une évolution du litige de nature à justifier l'intervention forcée en cause d'appel, la Cour viole l'article 555 du Code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire par rapport au premier) :

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société Raphael à payer à la société La Romana la somme principale de 85. 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS, D'ABORD, QUE pour s'opposer aux demandes de ses adversaires, tant la société Queeky que la société Raphael prétendent à l'impossibilité d'exploiter un fonds de commerce sur le domaine public et dès lors à la nullité du contrat de location-gérance conclu à l'origine ; que cependant si l'exploitation d'un commerce sur le domaine public présente toujours une précarité interdisant l'application du statut des baux commerciaux, cette circonstance n'interdit pas que l'activité exercée puisse constituer un fonds de commerce, le droit au bail n'étant que l'un des éléments dont l'absence ne suffit pas à écarter l'existence d'un tel fonds ; que la société Queeky et la société Raphael prétendent aussi que la société La Romana n'avait pas de clientèle et que celle-ci appartenait au locataire-gérant ; que cependant aucun élément n'établit que les différents locataires-gérants aient développé une clientèle propre, celle existant n'ayant été que renouvelée ;
AUX MOTIFS, ENSUITE, QUE si la preuve d'identité entre la vente du 31 janvier 2009 par la société Queeky à la société Raphael du matériel n'est pas rapportée, il n'en reste pas moins que cette opération cache une transmission du fonds de commerce ; qu'en effet après cette cession, la société Raphael a occupé les cellules objet de la location-gérance et a utilisé l'enseigne de la société La Romana ; qu'or, ces deux éléments suffisent à établir cette transmission de fonds de commerce, car notamment le lieu où s'exploite le commerce permet en l'espèce le ralliement de la clientèle, s'agissant de la galerie marchande du port de Saint-Laurent-du-Var, attirant les personnes attachées à l'environnement maritime des lieux ;
ET AUX MOTIFS, ENFIN, QUE la société Raphael a occupé le fonds de commerce de la société La Romana du 1er février 2009 jusqu'au 10 janvier 2011 ; que les données chiffrées ci-dessus permettent d'évaluer le préjudice de la société La Romana résultant de cette occupation à la somme de 85. 000 euros ; qu'elle doit être condamnée à payer à la société La Romana cette somme de 85. 000 euros avec intérêts à compter de ce jour, date de son évaluation ;
ALORS QUE, D'UNE PART, il ne peut y avoir de fonds de commerce en l'absence de toute clientèle propre qui lui soit attachée ; qu'il s'ensuit que dans l'hypothèse où, comme en l'espèce, le commerçant ne peut revendiquer, en raison de son appartenance au domaine public maritime, aucun droit exclusif autre que précaire et essentiellement révocable sur l'immeuble qui abrite l'activité commerciale, l'existence d'une clientèle propre suppose que l'attractivité du commerce ne dépende pas exclusivement de l'attractivité du domaine public sur lequel il est exploité, mais de l'activité personnellement déployée par le commerçant ; qu'en estimant que la société La Romana pouvait se prétendre propriétaire d'un véritable fonds de commerce, nonobstant la domanialité publique des lieux dans lesquels la pizzeria était exploitée, sans justifier de l'existence de ce fonds autrement que par l'attrait que représentait pour les chalands l'environnement maritime des lieux, la Cour prive sa décision de base légale au regard de l'article L. 141-5 du Code de commerce, issu de l'article 1er de la loi du 17 mars 1909, ensemble au regard des articles L. 2122-1 à L. 2122-3 du Code général de la propriété des personnes publiques ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public ; que dès lors, en retenant, pour entrer en voie de condamnation à l'encontre de la société Raphael, que la cession de matériel intervenue entre la société Queeky et elle-même à la date du 31 janvier 2009 dissimulait une transmission de fonds de commerce, attestée essentiellement par le fait que la société Raphael avait postérieurement à cette cession occupé « les cellules » abritant la pizzeria La Romana, sans rechercher si la société La Romana avait acquis et conservé ses droits à l'occupation desdites « cellules », situées sur le domaine public maritime, droits qui lui étaient formellement contestés par la société Raphael dans ses conclusions d'appel (cf. notamment ses dernières écritures, p. 22 et suivantes), la société La Romana ne pouvant elle-même se prétendre actionnaire de la société Yacht Club International, concessionnaire du port, tandis que sa gérante, Madame X..., s'était vu refuser par ce même concessionnaire le bénéfice d'une amodiation, la Cour ne justifie pas légalement sa décision au regard de l'article L. 141-5 du Code de commerce, issu de l'article 1er de la loi du 17 mars 1909, ensemble au regard des articles L. 2122-1 à L. 2122-3 du Code général de la propriété des personnes publiques.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
:

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir fixé à la somme de 125. 119 euros la créance de la société La Romana sur la liquidation judiciaire de la société Queeky ;
AUX MOTIFS, D'ABORD, QUE pour s'opposer aux demandes de ses adversaires, tant la société Queeky que la société Raphael prétendent à l'impossibilité d'exploiter un fonds de commerce sur le domaine public et dès lors à la nullité du contrat de location-gérance conclu à l'origine ; que cependant, si l'exploitation d'un commerce sur le domaine public présente toujours une précarité interdisant l'application du statut des baux commerciaux, cette circonstance n'interdit pas que l'activité exercée puisse constituer un fonds de commerce, le droit au bail n'étant que l'un des éléments dont l'absence ne suffit pas à écarter l'existence d'un tel fonds ; que la société Queeky et la société Raphael prétendent aussi que la société La Romana n'avait pas de clientèle et que celle-ci appartenait au locataire-gérant ; que cependant aucun élément n'établit que les différents locataires-gérants aient développé une clientèle propre, celle existant n'ayant été que renouvelée ;
AUX MOTIFS, ENSUITE, QUE si la preuve d'identité entre la vente du 31 janvier 2009 par la société Queeky à la société Raphael du matériel n'est pas rapportée, il n'en reste pas moins que cette opération cache une transmission du fonds de commerce ; qu'en effet après cette cession, la société Raphael a occupé les cellules objet de la location-gérance et a utilisé l'enseigne de la société La Romana ; qu'or, ces deux éléments suffisent établir cette transmission de fonds de commerce, car notamment le lieu où s'exploite le commerce permet en l'espèce le ralliement de la clientèle, s'agissant de la galerie marchande du port de Saint-Laurent-du-Var, attirant les personnes attachées à l'environnement maritime des lieux ; que contrairement à ce que font la société La Romana et Madame X..., il convient de distinguer, pour établir les conséquences de la poursuite de la location-gérance, les deux périodes d'exploitation par la société Queeky et la société Raphael, ces deux sociétés n'ayant pas exploité le fonds de commerce durant les mêmes époques ;
ET AUX MOTIFS, ENFIN, QUE la société QUEEKY s'est maintenue dans les lieux du 1er décembre 2006 au 31 janvier 2009 ; que jusqu'à la lettre du conseil de la société La Romana du 7 juillet 2008, cette occupation n'a pas rencontré d'opposition de la part de cette société ; qu'elle doit être qualifiée de tacite reconduction de la location-gérance jusqu'au 31 juillet 2008, terme qui doit être donné au locataire-gérant pour quitter les lieux ; que le préjudice de la société La Romana est la perte de la redevance de 3. 500 euros par mois soit pour la période de 31 mois la somme de 108. 500 euros ; que doit se déduire de cette somme la redevance directement payée par la société Queeky à la société Yachting Club soit les années 2006 et 2007 (aucune justification n'étant produite pour 2008) la somme de 8. 381 euros ; que pour la période du 1er janvier 2006 au 31 juillet 2008, le préjudice de la société La Romana est de 100. 119 euros ; que les résultats de la société Queeky pour les années 2006, 2007 et 2008 établissent un chiffre d'affaires de 608. 534 euros, 815. 196 euros et 682. 725 euros et un bénéfice ou une perte de 8. 307 euros, 20. 996 euros et 11. 416 euros (perte) ; que le préjudice subi durant la période du 1er août 2008 au 31 janvier 2009 par la société La Romana par le fait qu'elle n'a pas retrouvé son exploitation doit être chiffrée à la somme de 25. 000 euros ; qu'ainsi, la créance de la société La Romana au passif de la société Queeky doit être fixée à la somme de 125. 119 euros, cette somme couvrant l'entier préjudice et ne pouvant porter intérêts par application de l'article L. 622-28 qui suspend leur cours dès le jugement d'ouverture ;
ALORS QUE, D'UNE PART, il ne peut y avoir de fonds de commerce en l'absence de toute clientèle propre qui lui soit attachée ; qu'il s'ensuit que dans l'hypothèse où, comme en l'espèce, le commerçant ne peut revendiquer, en raison de son appartenance au domaine public maritime, aucun droit exclusif autre que précaire et essentiellement révocable sur l'immeuble qui abrite l'activité commerciale, l'existence d'une clientèle propre suppose que l'attractivité du commerce ne dépende pas exclusivement de l'attractivité du domaine public sur lequel il est exploité, mais de l'activité personnellement déployée par le commerçant ; qu'en estimant que la société La Romana pouvait se prétendre propriétaire d'un véritable fonds de commerce, nonobstant la domanialité publique des lieux dans lesquels la pizzeria était exploitée, sans justifier de l'existence de ce fonds autrement que par l'attrait que représentait pour les chalands l'environnement maritime des lieux, la Cour prive sa décision de base légale au regard de l'article L. 141-5 du Code de commerce, issu de l'article 1er de la loi du 17 mars 1909, ensemble au regard des articles L. 2122-1 à L. 2122-3 du Code général de la propriété des personnes publiques ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART ET SUBSIDIAIREMENT, la Cour ne pouvait, après avoir retenu que le contrat de location-gérance conclu entre les sociétés La Romana et Queeky avait été tacitement reconduit pour ne prendre fin que le 31 juillet 2008, ce dont il résultait que jusqu'à cette dernière date, la société Queeky avait un titre à exploiter le fonds supposé appartenir à la société La Romana, prétendre néanmoins indemniser cette même période en allouant sous la forme de dommages et intérêts une somme équivalente aux redevances qui auraient dû être versées, déduction faite de l'indemnité d'occupation payée à la société Yachting Club ; qu'en refusant ainsi de tirer les conséquences de ses propres constatations, la Cour viole les articles 1134 et 1382 du Code civil, ensemble l'article 12 du Code de procédure civile ;
ALORS QUE, EN OUTRE, en raison de la terminologie employée (« s'est maintenue dans les lieux » ; « quitter les lieux »), les motifs de l'arrêt ne permettent pas de s'assurer si la Cour a entendu réparer le préjudice résultant de l'exploitation du prétendu fonds de commerce de la société La Romana, ou le préjudice résultant d'une exploitation sans titre des lieux dans lesquels était exploité ce fonds, étant observé que cette distinction était ici capitale, seule la société concessionnaire du domaine public maritime, et non la société La Romana, étant habile à se plaindre d'une occupation sans autorisation et partant illicite des « cellules » comprises dans le périmètre du domaine public ; que sous cet angle également, la Cour ne justifie pas légalement sa décision au regard de l'article 1382 du Code civil ;
ET ALORS QUE, ENFIN, la société Queeky avait fait observer (cf. notamment ses dernières écritures, p. 26 § 6 et dispositif p. 44 et 45), que dans l'hypothèse où il serait jugé que la société Queeky ne rapportait pas suffisamment la preuve de la cession intervenue à la date du 31 décembre 2005, les sommes qu'elle avait payées à la société La Romana entre 2005 et 2008, qui devraient être alors regardées comme dépourvues de contrepartie, devrait se compenser avec l'indemnité qu'elle était susceptible de lui devoir ; qu'en ne s'expliquant pas quant à ce, la Cour méconnaît ce que postule l'article 455 du Code de procédure civile, violé.
Moyens produits par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils, pour la société La Romana et Mme X..., demanderesses au pourvoi incident.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société La Romana de sa demande en restitution du matériel envers la société Queeky ;
Aux motifs que, « il convient de noter que cette demande de restitution ne concerne plus le local où était exploité le fonds, la société QUEEKY ayant cessé toute exploitation et Madame X... et la société QUEEKY ayant conclu un accord concernant les différentes cellules exploitées ; que pour le matériel, il appartenait à la société LA ROMANA de le revendiquer dans les trois mois de l'ouverture de la liquidation judiciaire de la société QUEEKY par application de l'article L. 624-9 du Code de commerce ; que n'ayant pas effectué cette démarche, elle se trouve irrecevable en sa demande contre la liquidation de la société QUEEKY » (arrêt, p. 9, § 2) ;
Alors, d'une part, que le juge ne peut se prononcer sur un moyen qu'il a relevé d'office sans, au préalable, avoir invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en relevant d'office le moyen tiré de l'obligation pour la société La Romana de revendiquer le matériel dans les trois mois de l'ouverture de la liquidation judiciaire de la société Queeky, par application de l'article L. 624-9 du code de commerce, sans inviter préalablement les parties à présenter leurs observations sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
Alors, d'autre part, que l'action en restitution qui a été engagée avant l'ouverture de la procédure collective du débiteur n'est pas soumise aux dispositions de l'article L. 624-9 du code de commerce et doit être seulement poursuivie contre le liquidateur sans que la mise en cause de celui-ci soit enfermé dans le délai de trois mois ; que la cour d'appel a constaté que la société Queeky a été mise en liquidation judiciaire le 18 juillet 2011 lorsque la demande en restitution des éléments du fonds de commerce était antérieure puisque le tribunal s'était prononcé sur cette demande le 24 avril 2009 ; qu'en décidant néanmoins qu'il appartenait à la société La Romana de revendiquer dans les trois mois de l'ouverture de la liquidation judiciaire de la société Queeky, la cour d'appel a violé l'article 624-9 du code de commerce.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt d'avoir débouté la société La Romana de sa demande en restitution de la licence IV ;
Aux motifs que « les documents produits ne permettent pas de connaître avec exactitude le propriétaire de la licence IV, la société LA ROMANA ne versant aucun document montrant qu'elle aurait eu la propriété de cette licence » (arrêt, p. 6) ;
Alors que la société La Romana se prévalait, dans ses conclusions, de l'avis d'imposition annuel de 1999 au titre de la licence établi au nom de « La Romana » émis par la Direction générale des douanes et des droits indirects, de la déclaration de mutation du 29 septembre 1997 portant le même numéro de redevable et la mention de l'établissement au sein duquel cette licence était exploitée, à savoir, La Romana, ainsi qu'une déclaration aux douanes de 2001 remplie par le fils de M. B...et Mme X... portant transfert d'exploitant de cette licence IV lors de la délivrance du contrat de location-gérance avec la société Queeky qui précisait que la licence était exploitée dans l'établissement portant l'enseigne La Romana et indiquait un numéro de débit identique aux autres documents produits ; qu'en jugeant que les documents produits ne permettaient pas de connaître le propriétaire de la licence IV, sans se livrer à aucune analyse, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société La Romana de sa demande en restitution du numéro de téléphone 04 93 07 33 36 ;
Aux motifs que « si la demande de restitution du numéro de téléphone est recevable en appel car elle n'est que le complément de celle en restitution du fonds, par contre, ce numéro a été attribué à la société RAPHAEL par les services téléphoniques et ne peut être restitué à la société La Romana ; qu'il convient d'interdire à la société RAPHAEL d'utiliser ce numéro sous l'enseigne « La Romana », disposition qui se confond avec celle d'utiliser l'enseigne » (arrêt, p. 7) ;
Alors que dans ses conclusions d'appel, la société La Romana faisait expressément valoir que la clientèle qui connaissait déjà le numéro de téléphone litigieux comme étant celui de La Romana pouvait ainsi être détournée par la société Raphaël si cette dernière était autorisée à continuer à utiliser ce numéro de téléphone (concl. sign. le 20 septembre 2011, p. 31 et 32) ; qu'en permettant néanmoins à la société Raphaël a utiliser ce numéro pourvu qu'elle ne le présente pas comme étant celui de La Romana, sans répondre aux conclusions faisant valoir que la conservation de ce numéro de téléphone par la société Raphaël risquait de détourner de la société La Romana la clientèle déjà en possession de ce numéro associé à ce fonds pour la diriger vers la société Raphaël, indépendamment de la restitution, par cette dernière, de l'enseigne La Romana ; qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société La Romana de sa demande tendant à voir assortir d'intérêts au taux légal les dommages et intérêts devant être fixés au passif de la société Queeky, à compter de la saisine du premier juge, soit le 28 novembre 2008 avec capitalisation jusqu'à la mise en liquidation judiciaire de la société Queeky, soit le 18 février 2011 ;
Aux motifs qu'« ainsi, la créance de la société LA ROMANA au passif de la société QUEEKY doit être fixée à la somme de 125. 119 euros, cette somme couvrant l'entier préjudice et ne pouvant porter intérêts par application de l'article L. 622-28 qui suspend leur cours dès le jugement d'ouverture » (arrêt, p. 10, § 4) ;
Alors que l'arrêt du cours des intérêts prévu par l'article L. 622-28 du code de commerce s'applique aux intérêts qui courent postérieurement au jugement d'ouverture à l'exclusion de ceux échus antérieurement ; qu'après avoir constaté que la société Queeky avait été mise en liquidation judiciaire le 18 février 2011, de telle sorte que les intérêts échus antérieurement à cette date n'étaient pas soumis à l'arrêt du cours de intérêts, la cour d'appel, qui a néanmoins débouté la société La Romana de sa demande en fixation d'une créance d'intérêts au taux légal échus entre le 28 octobre 2008, date de sa demande en justice et de capitalisation, et le 18 février 2011, date de la liquidation de la société Queeky, a violé le texte susvisé.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 12-14049
Date de la décision : 28/05/2013
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

FONDS DE COMMERCE - Eléments - Clientèle propre - Nécessité - Applications diverses - Domaine public maritime

L'existence d'un fonds de commerce, exploité dans un port de plaisance dépendant du domaine public maritime, nécessite une clientèle propre, distincte de celle attachée à la situation des lieux


Références :

article L. 141-5 du code de commerce

articles L. 2122-1, L. 2122-2 et L. 2122-3 du code général de la propriété des personnes publiques

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 18 novembre 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 28 mai. 2013, pourvoi n°12-14049, Bull. civ. 2013, IV, n° 90
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2013, IV, n° 90

Composition du Tribunal
Président : M. Espel
Avocat général : M. Carre-Pierrat
Rapporteur ?: Mme Laporte
Avocat(s) : Me Blondel, SCP Delaporte, Briard et Trichet

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.14049
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