LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 20 mars 2012), que le 17 mai 2000 les époux X... ont adhéré à un contrat d'assurance souscrit par le Crédit lyonnais auprès de la société Assurances fédérales vie et y sont investi chacun la somme de 700 000 francs sur un support en unités de compte dit « dynamique » ; qu'en septembre 2000, ils ont versé une somme complémentaire de 500 000 francs sur le même support ; qu'ayant demandé, le 16 février 2004, le rachat total des contrats, l'assureur leur a versé à ce titre la somme de 206 000 euros ; que le 9 octobre 2007, les époux X... ont assigné la société Prédica, venant aux droits de la société Assurances fédérales vie, (l'assureur) en nullité des contrats sur le fondement de l'article L. 132-5-1 du code des assurances et en restitution du capital investi, outre des dommages-intérêts ;
Attendu que l'assureur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer aux époux X... une indemnité de 120 000 euros correspondant à une perte de chance de ne pas contracter alors, selon le moyen :
1°/ que l'assureur qui a communiqué au souscripteur d'une assurance vie libellée en unités de comptes les caractéristiques essentielles des divers supports financiers qui lui étaient proposés ainsi que les risques qui leur étaient associés a, par là même, satisfait à son obligation d'information et ne saurait voir sa responsabilité engagée, peu important que les documents remis à l'assuré aient omis certaines des mentions exigées par les articles L. 132-5-1 et A. 132-5 du code des assurances ; qu'en se fondant, pour retenir la responsabilité de l'assureur sur les circonstances inopérantes tirées de l'absence de notice d'information distincte du contrat et de projet distinct de lettre de renonciation, d'information sur la prolongation du délai de renonciation, d'information sur le sort de la garantie décès en cas de renonciation ou sur les valeurs de rachat ou de la rédaction de la mention prévue par l'article A. 132-5 du code des assurances, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;
2°/ que l'assuré ne peut pas se plaindre de ne pas avoir été averti des risques liés à une opération dépendant des fluctuations de la bourse ; qu'il résulte des propres constatations de la cour d'appel que la notice de la Commission des opérations de bourse remise aux époux X... précisait que le profil de gestion qu'ils avaient choisi était orienté sur des parts et actions d'OPCVM et que les conditions générales précisaient que la valeur des unités de compte était sujette à des fluctuations favorables ou défavorables ; qu'en estimant que les époux X... n'avaient pas été suffisamment avertis sur les risques de perte financière en cas de baisse des marchés boursiers, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que malgré le rachat total du contrat, les éventuels manquements de l'assureur à son obligation précontractuelle d'information telle que définie par les articles L. 132-5-1, A. 132-4 et A. 132-5 du code des assurances sont susceptibles d'engager sa responsabilité civile dans les conditions de droit commun ; que le premier article des conditions générales mentionnait que « les garanties du contrat portent sur un nombre d'unités de compte à payer mais non sur leur valeur, sujette à des fluctuations favorables ou défavorables et dont la performance doit être analysée sur plusieurs années » ; que cette mention n'était pas rédigée en caractères très apparents, puisque la typographie utilisée était strictement identique à celle des autres articles et n'était donc pas susceptible d'attirer l'attention du souscripteur ; qu'aucun autre article des conditions générales n'attirait l'attention des adhérents sur les risques liés au choix du profil de gestion « dynamique », qui était soumis aux fluctuations des marchés financiers ; que même si la notice de la Commission des opérations de bourse qui était annexée à ce document indiquait que ce profil de gestion était orienté sur « des parts ou actions d'OPCVM du groupe Crédit lyonnais », aucune mention de ladite notice n'alertait les adhérents sur les risques de pertes financières en cas de baisse des marchés boursiers ; que les époux X..., qui exercent la profession de pharmaciens, n'ont pas de connaissances particulières en matière de gestion de patrimoine ; qu'à la date de leur adhésion aux contrats en cause, ils n'avaient pas encore ouvert de comptes auprès de la société Boursorama et n'étaient donc pas habitués aux placements à risques ;
Que de ces constatations et énonciations procédant de son pouvoir souverain d'appréciation de la valeur et de la portée des éléments de preuve, la cour d'appel, abstraction faite des motifs erronés mais surabondants critiqués par la première branche, a pu déduire que l'assureur avait manqué à son obligation d'information des assurés sur les risques de pertes financières liées au choix du type de contrat souscrit ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Prédica aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mai deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Ricard, avocat aux Conseils, pour la société Prédica
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Prédica à verser 120.000 € à Monsieur et Madame X...
AUX MOTIFS PROPRES QUE malgré le rachat total du contrat, les éventuels manquements de l'assureur à son obligation précontractuelle d'information telle que définie par les articles L. 132-5-1, .A. 132-4 et A. 132-5 du code des assurances sont susceptibles d'engager sa responsabilité civile dans les conditions de droit commun ; en premier lieu la société PREDICA n'a pas remis aux intimés une note d'information sur les conditions essentielles du contrat distincte des conditions générales et des conditions particulières, violant ainsi les dispositions de l'article L. 132-5-1 du code des assurances dans sa rédaction alors en vigueur ; elle soutient que les conditions générales remises aux adhérents valaient note d'information et répondaient à toutes les exigences légales ; Mais ce document n'était pas conforme aux dispositions de l'article A. 132-5 du code des assurances dans sa rédaction alors en vigueur, aux termes duquel l'assureur devait indiquer, en caractères très apparents, qu'il ne s'engageait que sur le nombre d'unités de compte, mais pas sur leur valeur, et que celle-ci était sujette à des fluctuations à la hausse ou à la baisse ; en effet le premier article des conditions générales comportait la mention suivante : ''Les garanties du contrat portent sur un nombre d'unités de compte à payer mais non sur leur valeur, sujette à des fluctuations favorables ou défavorables et dont la performance doit être analysée sur plusieurs années'' ; cette mention n'était pas rédigée en caractères très apparents, puisque la typographie utilisée était strictement identique à celle des autres articles et n'était donc pas susceptible d'attirer l'attention du souscripteur ; elle n'était pas non plus strictement conforme aux dispositions de l'article A. 132-5, l'adjectif défavorable étant beaucoup moins précis et évocateur que la notion de ''baisse" qui était visée dans le texte précité ; aucun autre article des conditions générales n'attirait l'attention des adhérents sur les risques liés au choix du profil de gestion "dynamique", qui était soumis aux fluctuations des marchés financiers ; même si la notice COB qui était annexée à ce document indiquait que ce profil de gestion était orienté sur "des parts ou actions d'OPCVM du Groupe Crédit Lyonnais", aucune mention de ladite notice n'alertait les adhérents sur les risques de pertes financières en cas de baisse des marchés boursiers ; les époux X..., qui exercent la profession de pharmaciens, n'ont pas de connaissances particulières en matière de gestion de patrimoine ; à la date de leur adhésion aux contrats Actilion Vie, ils n'avaient pas encore ouvert de comptes auprès de la société Boursorama et n'étaient donc pas habitués aux placements à risques ; l'assureur a donc manqué à son devoir d'information sur les risques de pertes financières liés au choix du profil de gestion "dynamique" ; les époux X... ont ainsi perdu une chance certaine, s'ils avaient pu apprécier convenablement les risques encourus, de ne pas contracter ou de contracter selon des modalités mieux adaptées à leur situation personnelle ; en second lieu la proposition d'assurance remise aux adhérents ne comprenait pas le projet de lettre destiné à faciliter l'exercice de la faculté de renonciation au contrat, qui était exigé par l'article L. 132-5-1 du code des assurances dans sa rédaction en vigueur à l'époque ; le choix de faire figurer ce projet de lettre dans les conditions générales ne pouvait pallier cette carence car il ne permettait pas d'atteindre le but fixé par le législateur, qui était d'attirer l'attention des adhérents sur les modalités d'exercice de leur faculté de renonciation ; ce projet de lettre était en effet placé au milieu des nombreux articles figurant conditions générales, document qui, en outre, n'était pas signé par l'adhérent ; les époux X... ont donc perdu une chance certaine de récupérer l'intégralité des fonds qu'ils avaient investis si leur attention avait été attirée sur les modalités d'exercice de leur faculté de renonciation ; compte tenu de la perte financière subie par les intimés suite au rachat total de leurs contrats, à savoir 167.251,80 euros, le tribunal a fait une juste appréciation de leur perte de chance en l'évaluant à la somme de 120.000 euros ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE les contrats d'assurance vie ACTILION Vie, auxquels ont adhéré les époux X... le 17 mai 2000, ne comportaient pas de note d'information distincte des conditions générales, permettant d'offrir aux assurés une information précontractuelle sur ses éléments essentiels, en contravention aux dispositions de l'article L 132-5-1 du code des assurances ; que les assurés n'ont pas été avisés que le point de départ du délai pour renoncer au contrat était prorogé en cas de non remise des documents et informations prescrits par ce texte ; les conditions générales ne comportaient pas les valeurs de rachat du contrat au terme de chacune des huit premières années ; le contrat aurait dû en outre, conformément à l'article A. 132-5 du code des assurances, comporter l'indication en caractères très apparents que l'assureur ne s'engageait que sur le nombre d'unités de compte mais pas sur leur valeur, celle-ci étant sujette à des fluctuations à la hausse ou à la baisse ; cet avertissement essentiel, s'il figure dans les conditions générales à l'article "Votre objectif- nos garanties", n'a pas été donné en caractères très apparents et n'attire absolument pas l'attention des assurés ; d'autres informations visées à l'article A 132-5 du code des assurances, telles que les informations sur le sort de la garantie décès en cas de renonciation, n'ont pas davantage été données aux demandeurs ; PREDICA, en substance, ne conteste pas les manquements qui lui sont reprochés ; l'assureur ne peut soutenir que les demandeurs étaient cependant parfaitement avertis du risque présenté par l'unité de compte choisie, l'annexe aux conditions générales relative au support dynamique n'évoquant pas la possibilité d'une dévalorisation du capital ; cette absence d'information sur les risques de perte et sur ta faculté de renonciation a privé les demandeurs d'un choix éclairé ; au surplus, la proposition d'assurance ne comporte pas le projet de lettre destiné à faciliter le droit de rétractation prévu à l'article L. 132-5-1 du code des assurances ; ce manquement supplémentaire a limité pour Monsieur et Madame X... l'exercice de leur droit de rétractation, qui leur aurait permis d'obtenir la restitution intégrale des sommes investies, plutôt que d'en demander le rachat et de devoir supporter une perte substantielle ; si la sanction du non-respect des dispositions de l'article L. 132-5-1 du code des assurances consiste en la prorogation du délai de renonciation et non en la nullité du contrat, ce texte n'exclut pas l'octroi de dommages et intérêts lorsque le manquement de l'assureur a causé à l'assuré un préjudice ; tel est le cas en l'espèce ; la perte d'une chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée ; il doit être tenu compte de l'aléa affectant la réalisation de la chance perdue ; PREDICA ne contestant pas que la perte subie par les époux X... s'élève au total à la somme de 167 251,80 €, le tribunal est en mesure d'évaluer la perte de chance à la somme de 120 000 € ;
ALORS QUE l'assureur qui a communiqué au souscripteur d'une assurance vie libellée en unités de comptes les caractéristiques essentielles des divers supports financiers qui lui étaient proposés ainsi que les risques qui leur étaient associés a, par là même, satisfait à son obligation d'information et ne saurait voir sa responsabilité engagée, peu important que les documents remis à l'assuré aient omis certaines des mentions exigées par les articles L. 132-5-1 et A. 132-5 du code des assurances ; qu'en se fondant, pour retenir la responsabilité de la société PREDICA, sur les circonstances inopérantes tirées de l'absence de notice d'information distincte du contrat et de projet distinct de lettre de renonciation, d'information sur la prolongation du délai de renonciation, d'information sur le sort de la garantie décès en cas de renonciation ou sur les valeurs de rachat ou de la rédaction de la mention prévue par l'article A 132-5 du code des assurances, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;
ALORS QUE l'assuré ne peut pas se plaindre de ne pas avoir été averti des risques liés à une opération dépendant des fluctuations de la bourse ; qu'il résulte des propres constatations de la cour d'appel que la notice de la COB remise aux époux X... précisait que le profil de gestion qu'ils avaient choisi était orienté sur des parts et actions d'OPCVM et que les conditions générales précisaient que la valeur des unités de compte était sujette à des fluctuations favorables ou défavorables ; qu'en estimant que les époux X... n'avaient pas été suffisamment avertis sur les risques de perte financière en cas de baisse des marchés boursiers, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil.