La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/05/2013 | FRANCE | N°11-28252

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 16 mai 2013, 11-28252


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 21 septembre 2011), que trois vidéogrammes d'une série télévisée réalisée en 1968 ayant été ultérieurement exploités sans l'autorisation des vingt-trois musiciens qui les avaient sonorisés, la Société de perception et de distribution des droits des artistes interprètes de la musique et de la danse (Spedidam) a, en décembre 2004, assigné l'Institut national de l'audiovisuel (INA), aux droits des sociétés DEMD et Europe images int

ernational, productrices des oeuvres litigieuses, en réparation des préjudices ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 21 septembre 2011), que trois vidéogrammes d'une série télévisée réalisée en 1968 ayant été ultérieurement exploités sans l'autorisation des vingt-trois musiciens qui les avaient sonorisés, la Société de perception et de distribution des droits des artistes interprètes de la musique et de la danse (Spedidam) a, en décembre 2004, assigné l'Institut national de l'audiovisuel (INA), aux droits des sociétés DEMD et Europe images international, productrices des oeuvres litigieuses, en réparation des préjudices de chacun ; que son action, en tant que menée au nom de douze artistes interprètes dont le décès était avéré, a été dite irrecevable ;
Attendu que la Spedidam fait grief à la cour d'appel d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen, que les héritiers étant tenus par les conventions que leur auteur a passées, la cession par un artiste de ses droits de propriété intellectuelle à une société de gestion collective perdure après le décès de l'artiste ; que cette cession confère à la société de gestion collective la qualité pour défendre en justice ces droits, sans avoir à solliciter un quelconque mandat des héritiers ; qu'en l'espèce, la Spedidam faisait valoir que son droit d'action ne résultait pas d'un mandat qui lui aurait été conféré par l'artiste-interprète ou ses héritiers mais de l'apport que fait l'artiste-interprète de ses droits à la Spedidam lors de son adhésion, cet apport restant propriété de la Spedidam lors du décès de l'artiste-interprète ; qu'en s'abstenant de répondre à cette argumentation, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt, après avoir estimé que l'invocation faite par elle de ses statuts - « en cas de décès d'un associé, les rémunérations continueront à être versées à ses ayants droit » - (article 14) et de son règlement général - « en cas de décès d'un ayant droit, les droits lui revenant seront versés par la Spedidam à ses héritiers identifiés » - est sans pertinence en l'espèce où il est question, non de la répartition des rémunérations dues aux ayants droit de l'artiste décédé, mais d'une action en réparation d'un préjudice, énonce que le droit d'agir en justice dans l'intérêt d'autrui, revêtant un caractère exceptionnel, ne peut résulter que de la loi, sans que la Spedidam prétende qu'une disposition légale l'investirait du droit d'agir en toutes circonstances en réparation d'un préjudice subi par tel de ses adhérents décédé pour le compte des héritiers de celui-ci, au demeurant non identifiés et donc non avertis de cette action ; que ces motifs font exactement ressortir qu'une créance de réparation dont la victime ne s'est pas prévalue de son vivant, élément de l'actif successoral transmis ensuite à ses ayants cause universels, ne peut être invoquée en justice que par eux, sauf à ce qu'ils aient donné à un tiers mandat d'y procéder, élément dont l'absence est précisément constatée ; d'où il suit que le moyen manque en fait ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la Société de perception et de distribution des droits des artistes-interprètes de la musique et de la danse aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande la Société de perception et de distribution des droits des artistes-interprètes de la musique et de la danse ; la condamne à payer à l'Institut national de l'audiovisuel la somme de 2 000 euros, et la même somme globale de 2 000 euros aux sociétés DEMD et Europe images international ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize mai deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la Société de perception et de distribution des droits des artistes interprètes de la musique et de la danse
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré la Spedidam irrecevable à agir au nom des douze artistes-interprètes suivants : Mme Madeleine X..., MM. Roger Y..., Marcel Z..., Pierre A..., Paul B..., Roger C..., Jackie D..., Jacques E..., Hubert F..., Fernand G..., Charles G... et Gabriel H... ;
AUX MOTIFS qu' « il ne subsiste plus devant la cour aucune contestation relative à l'intérêt à agir de la Spedidam au nom d'artistes-interprètes dont la preuve ne serait pas rapportée de leur adhésion à ses statuts ; que les intimées admettent en effet que la Spedidam a communiqué la totalité des bulletins d'adhésion des artistes-interprètes concernés ; … que l'INA verse au débat un document qui lui a été communiqué par la société Audiens, groupe de protection sociale de l'audiovisuel, de la communication, de la presse et du spectacle chargé notamment de payer les pensions de retraite des artistes-interprètes, qui établit que douze des vingt-trois artistesinterprètes au nom desquels prétend agir la Spedidam sont décédés ; que la Spedidam discute vainement la fiabilité de ces informations au prétexte de discordances de détail relevées entre les numéros de sécurité sociale indiqués par cet organisme et les numéros correspondant attribués à deux personnes de la liste dans ses propres documents, feuilles de présence et bulletins d'adhésion ; que l'intérêt d'un organisme payeur de pensions de retraite à veiller avec la plus grande exactitude au décès éventuel des ayants droit confère en effet aux renseignements qu'elle donne à ce sujet une meilleure garantie d'exactitude que les documents invoqués en l'espèce par la Spedidam ; que la société Audiens explique que les renseignements ainsi fournis sont fondés sur les actes de décès des intéressés ; que, d'ailleurs, la production par l'INA de documents d'état civil confirmant le décès de sept de ces douze artistes-interprètes achève de confirmer la force probante des informations fournies par la société Audiens ; … que la Spedidam soutient encore qu'elle serait en toute hypothèse recevable à agir au nom des artistes-interprètes décédés et invoque à cette fin les dispositions de ses statuts selon lesquelles « en cas de décès d'un associé, les rémunérations continueront à être versées à ses ayants droit » (article 14) et celles de son règlement général qui prévoient que « en cas de décès d'un ayant droit, les droits lui revenant seront versés par la Spedidam à ses héritiers identifiés » ; mais … que la référence à ces différentes dispositions, qui ont pour objet de prévoir que la Spedidam doit payer aux héritiers de ses adhérents décédés les sommes qu'elle continue de percevoir pour leur compte est sans pertinence en l'espèce où il est question, non des conditions de répartition des rémunérations perçues ou dues à des artistes-interprètes, mais d'action en justice en réparation d'un préjudice ; … en effet que la Spedidam ne poursuit pas dans la présente instance le paiement des rémunérations dues à chacun des membres au nom desquels elle prétend agir, dont elle donne seulement, à titre indicatif, une valeur moyenne (page 69 de ses dernières écritures), et qu'elle serait bien en peine d'individualiser compte tenu de sa défaillance dans la charge de la preuve qui sera montrée plus loin, mais le paiement de dommagesintérêts en réparation du préjudice causé à chacun d'eux par la faute de l'INA pour ne pas s'être assuré de leur autorisation avant d'exploiter les vidéogrammes litigieux ; … en effet que nul n'est admis à agir dans l'intérêt d'autrui s'il n'est légalement qualifié à cette fin ; qu'une telle attribution de qualité ne peut résulter que de la loi et revêt un caractère exceptionnel ; que la Spedidam ne prétend pas qu'elle serait investie par une disposition de la loi pour agir en toutes circonstance en réparation d'un préjudice prétendument subi par tel de ses adhérents décédé pour le compte des héritiers de celui-ci, au demeurant non identifiés en l'espèce et donc, par hypothèse, non avertis de cette action, alors que le droit d'agir en justice est une liberté fondamentale, qui appartient à chacun dans son propre intérêt et n'appartient, en principe, à personne d'autre ; … qu'il résulte de ce qui précède que la Spedidam sera déclarée irrecevable à agir au nom des héritiers non identifiés de ses adhérents dont le décès est établi par les pièces versées au débat, soit MM. Roger Y..., Marcel Z..., Pierre A..., Paul B..., Robert C..., Jackie D..., Jacques E..., Mme Madeleine X..., MM. Hubert F..., Fernand G..., Charles G... et Gabriel H... »
ALORS que les héritiers étant tenus par les conventions que leur auteur a passées, la cession par un artiste de ses droits de propriété intellectuelle à une société de gestion collective perdure après le décès de l'artiste ; que cette cession confère à la société de gestion collective la qualité pour défendre en justice ces droits, sans avoir à solliciter un quelconque mandat des héritiers ; qu'en l'espèce, la Spedidam faisait valoir que son droit d'action ne résultait pas d'un mandat qui lui aurait été conféré par l'artiste-interprète ou ses héritiers mais de l'apport que fait l'artiste-interprète de ses droits à la Spedidam lors de son adhésion, cet apport restant propriété de la Spedidam lors du décès de l'artiste-interprète (conclusions de la société Spedidam, p.23 à 28) ; qu'en s'abstenant de répondre à cette argumentation, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 11-28252
Date de la décision : 16/05/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

PROPRIETE LITTERAIRE ET ARTISTIQUE - Sociétés de perception et de répartition des droits - Société de perception et de répartition des droits des artistes-interprètes - Action en justice - Action en réparation d'un préjudice subi par un de ses adhérents décédé - Exercice - Mandat - Nécessité

PROPRIETE LITTERAIRE ET ARTISTIQUE - Sociétés de perception et de répartition des droits - Société de perception et de répartition des droits des artistes-interprètes - Action en justice - Action en réparation d'un préjudice subi par un de ses adhérents décédé - Recevabilité - Condition PROPRIETE LITTERAIRE ET ARTISTIQUE - Droits voisins du droit d'auteur - Droits des artistes-interprètes - Artiste-interprète décédé - Réparation d'un préjudice subi - Action en justice - Recevabilité - Condition

Une société de perception et de répartition des droits des artistes-interprètes, quels que soient ses statuts, est irrecevable à agir en justice en réparation d'un préjudice subi par un de ses adhérents décédé, cette action appartenant aux héritiers de celui-ci sauf pour ces derniers à avoir donné mandat à un tiers afin d'y procéder


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 21 septembre 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 16 mai. 2013, pourvoi n°11-28252, Bull. civ. 2013, I, n° 103
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2013, I, n° 103

Composition du Tribunal
Président : M. Charruault
Avocat général : M. Mellottée
Rapporteur ?: M. Gridel
Avocat(s) : SCP Boutet, SCP Fabiani et Luc-Thaler, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:11.28252
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award