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15/05/2013 | FRANCE | N°12-14733

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 15 mai 2013, 12-14733


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Limoges, 22 septembre 2011), que Louis X...est décédé le 21 juin 2006, laissant pour lui succéder trois enfants issus d'un premier mariage, Anne, Isabelle et Henri X...(les consorts X...), et son épouse, Mme Marie Y...; que Louis X...et Mme Marie Y...se sont consenti une donation entre époux le 18 novembre 1992 ; que Louis X...a, par un testament authentique du 3 juin 2003, privé son épouse de tous droi

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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Limoges, 22 septembre 2011), que Louis X...est décédé le 21 juin 2006, laissant pour lui succéder trois enfants issus d'un premier mariage, Anne, Isabelle et Henri X...(les consorts X...), et son épouse, Mme Marie Y...; que Louis X...et Mme Marie Y...se sont consenti une donation entre époux le 18 novembre 1992 ; que Louis X...a, par un testament authentique du 3 juin 2003, privé son épouse de tous droits dans sa succession ; que par un testament olographe du 6 décembre 2005, Louis X...a révoqué toutes dispositions antérieures et a légué un quart de ses biens à Mme Marie Y...; que les consorts X...ont sollicité la nullité de ce dernier testament ;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'annuler le testament olographe établi le 6 décembre 2005 par Louis X..., et, en conséquence, de dire que la donation entre époux du 18 novembre 1992 a été révoquée par le testament authentique du 3 juin 2003 ;
Attendu que, sous couvert de griefs non fondés de violation de l'article 1315 du code civil et de manque de base légale au regard de l'article 901 du même code, dans sa rédaction antérieure au 1er janvier 2007, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion devant la Cour de cassation l'appréciation souveraine par les juges du fond des preuves soumises à leur examen, par laquelle ils ont estimé que l'insanité d'esprit de Louis X...était établie à l'époque de la rédaction du testament olographe du 6 décembre 2005, et qu'aucun élément ne démontrait que ce testament aurait été rédigé dans un intervalle de lucidité ; que le moyen doit être rejeté ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Y..., veuve X..., aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme Y..., veuve X..., et la condamne à payer à Mme Anne X..., épouse Z..., Mme Isabelle X...et M. Henri X...la somme totale de 4 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mai deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard, avocat aux Conseils, pour Mme Y...

Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR dit que le testament olographe établi le 6 décembre 2005 par Louis X...était nul et, en conséquence, D'AVOIR dit que la donation entre époux du 18 novembre 1992 avait été révoquée par le testament authentique de Louis X...du 3 juin 2003, que madame Y...était privée de tout droit dans la succession de Louis X...et que ladite succession revenait entièrement aux enfants de Louis X...;
AUX MOTIFS ADOPTES QU'un testament peut être annulé dès lors qu'il est établi que le rédacteur n'était pas sain d'esprit au moment de la rédaction de celui-ci ; que la preuve de l'insanité d'esprit peut se faire par tout moyen, de même que celle de l'instant exceptionnel de lucidité qui aurait pu exister dans cette période d'insanité d'esprit ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que la date portée sur l'acte soit le 6 décembre 2005 ; que la rédaction de l'acte en lui-même ne porte pas trace d'une insanité d'esprit ; mais qu'il est établi par les deux courriers faits le 5 décembre 2005 par le docteur A..., du service de médecine interne et de rhumatologie du centre hospitalier de Brive que Louis X...a été hospitalisé du 22 novembre 2005 au 5 décembre 2005 pour « altération de l'état général », avec, après la liste détaillée des troubles physiologiques d'une myélodysplasie, la description précise suivante : « le problème majeur est surtout que monsieur M. fait manifestement depuis de nombreux mois une démence d'Alzheimer comportant des troubles de la mémoire, de nombreuses erreurs dans les différentes questions, une dyscalculie, des troubles de la mémoire de rappel, une impossibilité à reproduire une figure géométrique et à exécuter un ordre triple. Le mini-mental est à 21/ 30 ce qui est fort sérieux pour un homme de son niveau socio-culturel … Un anticholinestérasique a été débuté et son action sera à réévaluer en consultation dans un mois. Cependant on peut d'ores et déjà conseiller une mise sous protection juridique » ; qu'il est aussi produit le certificat médical établi le 7 décembre 2005 par le docteur B..., neurologue, que « l'état de santé de monsieur X...Louis nécessite une mesure de protection juridique de ses biens dans un premier temps avec secondairement une probable tutelle ou curatelle aggravée. Monsieur X...présente une démence de type Alzheimer avec une atrophie corticale au scanner et une perturbation du mini-mental test. L'examen clinique retrouve un ralentissement idéomoteur assez net. Son état clinique actuel ne lui permet pas de gérer ses biens » ; qu'il résulte de ces pièces médicales précises et circonstanciées que dans les deux jours même précédant et suivant la rédaction du testament, l'état de santé mentale de Louis X...était altéré, et qu'il ne pouvait avoir une compréhension exacte, libre et personnelle de la portée de cet acte ; qu'il apparaît que la disposition prise par ce testament se retrouvait en parfaite contradiction avec les volontés clairement exprimées à trois reprises par Louis X..., dans deux testaments olographes des 7 et 14 décembre 1999, puis authentique du 3 juin 2003, qui excluaient Marie-Jeanne Y...de tout droit dans la succession de son mari ; que Marie-Jeanne Y...considère que les pièces médicales qu'elle produit ainsi qu'une lettre écrite par Louis X...le 15 mars 2006 au préfet du Lot établissent la parfaite capacité de son mari ; que les certificats produits sont : le 14 mars 2006, du docteur C..., médecin à Brive : « Je soussigné certifie avoir examiné Monsieur Louis X.... Je note à l'examen clinique une conservation des fonctions cognitives bien que physiquement il soit diminué », le 11 avril 2006 du professeur D..., neurologue au CHU de Limoges : « Je soussigné certifie avoir examiné monsieur Louis X...le 11 avril 2006. Je n'ai pas constaté d'anomalie physiques ou cognitives le rendant incapable de gérer ses propres affaires », le 12 avril 1006, du docteur E..., cardiologue à Sarlat : « Je soussigné certifie avoir examiné ce jour (12. 04. 06) monsieur le docteur X...Louis chez ce confrère que je connais depuis 1971, je n'ai pas constaté de handicap physique ni d'anomalies cognitives susceptibles de lui interdire de gérer son propre patrimoine », le 13 avril 2006, du docteur F..., médecin, homéopathe, à Martel : « Je soussigné certifie avoir consulté ce jour monsieur Louis X.... Il ne présente pas d'altération des fonctions cognitives et peut donc gérer seul ses affaires » ; mais que d'abord ces pièces interviennent pour une période qui est éloignée de celle de la réalisation du testament ; qu'ensuite, elles ne présentent pas le caractère détaillé de celles faites les 5 et 7 décembre, et il ne peut qu'être constaté que le docteur X...a été conduit chez trois médecins différents, dans trois villes différentes, sur les trois départements limitrophes de la Corrèze, en trois jours, pour l'établissement de ces certificats qui s'expliquait par l'instance en cours alors devant le tribunal de grande instance de Brive pour les recours exercés par Louis X...et son épouse contre la décision du juge des tutelles de désigner un mandataire spécial pendant le temps de la procédure ouverte afin de juger du placement de Louis X...sous un régime de protection ; qu'il est rappelé que le tribunal dans son jugement du 12 mai 2006, après débats le 14 avril 2005, avait considéré qu'« il résulte des pièces médicales versées aux débats et de l'audition de monsieur X...que celui-ci n'est plus à même d'administrer seul ses biens » ; qu'en définitive, ces pièces n'ont aucune pertinence pour établir que Louis X...aurait eu un intervalle de lucidité précisément le 5 décembre 2005 ; que la production par Marie-Jeanne Y...de la réponse faite le 15 mars 2006 au préfet de la Correze informant Louis X...de son élévation au grade de commandeur de l'Ordre du mérite agricole ne prouve rien quant à l'état de santé mentale de Louis X...au moment du testament, mais démontre l'absence manifeste de décision par lui-même : en effet, il est produit deux exemplaires différents de cette réponse, établis sur le papier d'ordonnancier du docteur X...: l'un manuscrit, en original, avec sa copie carbonée, écrit d'une main autre que celle ayant apposé la signature qui empiète sur la formule « salutations distinguées », l'autre en copie carbonée manuscrite d'un original non produit (puisque sans doute adressé au préfet) qui reprend exactement mot pour mot le précédent, mais paraît là écrit par Louis X...et signé par lui sans empiéter sur la formule susvisée ; que de l'ensemble de ces pièces, il est jugé que Louis X...était atteint d'insanité d'esprit lors de la rédaction du testament du 5 décembre 2005 et qu'en conséquence cet acte est déclaré nul (jugement, pp. 6 à 9) ;
ET AUX MOTIFS PROPRES QUE c'est par des motifs exacts en fait et pertinents en droit, que la cour d'appel adopte et que ne remettent pas en cause les moyens actuellement développés et les pièces versées en appel, que le tribunal de grande instance de Brive, après avoir à bon escient estimé, au vu des documents contradictoirement versés aux débats, que Louis X...était atteint d'insanité d'esprit lors de la rédaction du testament olographe du 5 décembre 2005, de sorte que cet acte était nul, et après avoir constaté que la donation entre époux du 18 novembre 1992 avait été clairement révoquée par le testament authentique du 3 juin 2003, en a exactement déduit que madame Y..., conjoint survivant non réservataire, était privée de tout droit dans la succession de Louis X..., laquelle revient en conséquence, entièrement à ses trois enfants issus d'un premier lit ; que c'est ainsi que, de façon judicieuse, le jugement déféré relève non seulement la totale contrariété du contenu du testament olographe du 6 décembre 2005 avec les volontés antérieurement exprimées de manière claire et réitérée par Louis X...dans deux testaments olographes des 7 et 14 décembre 1999, puis de nouveau dans un testament authentique du 3 juin 2003, mais aussi le caractère particulièrement précis et circonstancié, et surtout extrêmement rapproché – tant avant qu'après – de la date du testament litigieux, des documents à finalité strictement médicale produits par les consorts X..., à savoir deux lettres établies par les docteurs Yves A..., le 5 décembre 2005, jour de la sortie d'hospitalisation du Louis X...dans son service, ainsi qu'un certificat du docteur Frédéric B..., neurologue, du 7 décembre 2005, diagnostiquant indiscutablement une démence de type Alzheimer avec une atrophie corticale et une perturbation du test mini-mental, et concluant, chacun, de manière concordante, à la nécessité d'une mesure de protection juridique des biens, mesure qui, comme l'a relevé une décision du conseil régional de l'Ordre des médecins de Midi-Pyrénées du 20 janvier 2007, a effectivement, après confortation du diagnostic d'altérations psychiques de Louis X...par plusieurs autres certificats médicaux, été par la suite judiciairement ordonnée ; que c'est, dès lors, à juste titre, qu'au regard de leur imprécision et du caractère trop éloigné de leurs dates, le premier juge a décidé de ne pas retenir, comme manquant de pertinence, les certificats médicaux postérieurement établis les 14 mars, 11, 12 et 13 avril 2006, pour les seuls besoins de la cause, par les docteurs C..., D..., E...et F..., ces documents produits par madame Y...étant effectivement impropres à combattre la preuve sérieusement et complètement rapportée par les consorts X...de l'insanité d'esprit du testateur lors de l'acte, ou du moins dans un temps très proche de celui-ci ; et que ne peuvent que suivre le même sort les nouveaux documents, au contenu également insuffisamment détaillé et probant, qui sont communiqués en cause d'appel par madame Y...pour justifier de la volonté du de cujus ainsi que de la conservation de ses capacités intellectuelles et de ses fonctions cognitives, tels notamment que le certificat du docteur G..., médecin phlébologue, date du 4 juin 2010, le rapport du docteur H..., praticien hospitalier en cardiologie, rédigé le 9 septembre 2010 à la demande de maître Roudié, conseil de l'appelante, la lettre du 11 mai 2010 adressée à cet avocat, sur sa demande, par maître I..., notaire, ou encore les attestations établies le 5 octobre 2010 par maître J..., notaire, le 4 avril 2006 par monsieur K..., masseur-kinésithérapeute, et le 14 septembre 2010 par monsieur L..., retraité de la fonction publique (arrêt, pp. 4 et 5) ;
ALORS QUE celui qui invoque la nullité d'un testament pour altération des facultés mentales du défunt doit rapporter la preuve de l'insanité d'esprit du testateur au jour de l'acte ; qu'à défaut, seule la preuve que le testateur était, dans la période au cours de laquelle le testament a été rédigé, dans un état habituel de confusion mentale permet de présumer l'insanité d'esprit au jour de l'acte, présomption qui peut être renversée par la preuve que l'acte a été rédigé dans un intervalle de lucidité ; qu'en jugeant, pour accueillir la demande de nullité du testament litigieux, que la preuve d'un intervalle de lucidité le jour de la rédaction du testament n'était pas rapportée, cependant qu'elle avait estimé que la preuve de l'insanité d'esprit était rapportée « dans un temps très proche » de l'acte mais sans avoir constaté l'état habituel de confusion mentale du testateur au moment de la rédaction de l'acte, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du code civil ;
ALORS, A TOUT LE MOINS, QU'en se prononçant ainsi, en l'état de pièces attestant la bonne santé mentale de Louis X...postérieurement à la rédaction du testament litigieux, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée par les conclusions d'appel de madame Y...(p. 9, alinéa 3 et suivants, p. 12, alinéa 3 et p. 17, alinéa 7), si Louis X...était dans un état habituel de confusion mentale à l'époque où avait été rédigé le testament contesté, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 901 du code civil ;
ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE l'insanité d'esprit s'entend de troubles présentant un degré de gravité suffisant pour fausser le jugement du testateur et le priver de tout discernement ; qu'en estimant que la preuve de l'insanité d'esprit du testateur était apportée au seul vu de certificats indiquant que Louis X...n'était plus en mesure de gérer ses biens, sans rechercher, comme elle y était invitée par les conclusions d'appel de madame Y...(p. 12, alinéa 5), s'il était dans un état d'inconscience telle que ses facultés de discernement auraient été totalement obérées le jour de la rédaction du testament litigieux, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 901 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 12-14733
Date de la décision : 15/05/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Limoges, 22 septembre 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 15 mai. 2013, pourvoi n°12-14733


Composition du Tribunal
Président : M. Charruault (président)
Avocat(s) : SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard, SCP Bouzidi et Bouhanna

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.14733
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