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24/04/2013 | FRANCE | N°12-10118

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 24 avril 2013, 12-10118


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Besançon, 28 octobre 2011), que M. X..., engagé le 1er octobre 1977 par la société Fruitière vinicole d'Arbois en qualité de responsable technique, a été licencié le 18 mai 2007 pour inaptitude et impossibilité de reclassement ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal de l'employeur ci-après annexé :
Attendu que sous le couvert de griefs non fondés de violation tant de la loi que de l'article 455 du code de procédure civile

et de manque de base légale, le moyen ne tend qu'à contester l'appréciation ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Besançon, 28 octobre 2011), que M. X..., engagé le 1er octobre 1977 par la société Fruitière vinicole d'Arbois en qualité de responsable technique, a été licencié le 18 mai 2007 pour inaptitude et impossibilité de reclassement ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal de l'employeur ci-après annexé :
Attendu que sous le couvert de griefs non fondés de violation tant de la loi que de l'article 455 du code de procédure civile et de manque de base légale, le moyen ne tend qu'à contester l'appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve par les juges du fond ayant constaté, par un motif non dubitatif, que la recherche de reclassement avait été limitée à une société, ce alors que l'employeur ne justifiait pas du périmètre exact du groupe auquel il appartenait ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident du salarié :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi principal ;
DECLARE NON ADMIS le pourvoi incident ;
Laisse à chaque partie la charge des dépens qu'elle a exposés ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre avril deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Fruitière vinicole d'Arbois.
Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR dit que le licenciement de M. Jean-Louis X... ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse et d'AVOIR condamné la société fruitière vinicole d'Arbois à payer à M. Jean-Louis X... 12 291 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 1129,10 € brut au titre des congés payés afférents et 40 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; outre 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE « l'avis d'inaptitude à tout emploi dans l'entreprise délivré par le médecin du travail ne dispense pas l'employeur de rechercher une possibilité de reclassement au sein de l'entreprise et le cas échéant du groupe auquel celle-ci appartient, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutation, transformation de poste de travail ou aménagement du temps de travail ; qu'en l'espèce, le médecin du travail n'a pas visé le danger immédiat et a reçu à deux reprises M. X... les 3 avril et 17 avril 2007 ; que la première fiche des visites était rédigée ainsi : apte tout poste directeur technique - inapte poste directeur technique à la fruitière vinicole d'Arbois ; que dans sa seconde fiche, le médecin du travail a mentionné : apte tout poste directeur technique viti vinicole - inapte tous postes fruitière vinicole d'Arbois ; attendu que la société fruitière vinicole d'Arbois soutient qu'elle a respecté son obligation de reclassement ce que conteste M. X... qui affirme n'avoir reçu aucune proposition écrite de la part de son employeur qui ne lui a fait aucune proposition après l'avis d'inaptitude du 17 avril 2007, étant rappelé qu'auparavant la question de l'aménagement de son poste portait notamment sur la durée du travail et que l'avis du médecin du travail ne dispensait pas l'employeur de rechercher effectivement une solution de reclassement ; que le document produit aux débats par la société fruitière vinicole d'Arbois concernant l'absence de poste disponible auprès de la société château Béthanie, faisant partie du même groupe, à savoir une lettre datée du 23 avril 2007, sans au demeurant de réponse, n'est pas suffisant pour justifier de la réalité de la recherche de reclassement, alors qu'il s'évince de la lettre même de licenciement que l'employeur, qui avait sollicité le 17 avril 2007 le médecin de travail pour lui demander de faire connaître ses éventuelles propositions de reclassement au sein des structures du groupe, a motivé son impossibilité de reclassement en raison des restrictions très importantes émises par le médecin du travail et en raison de l'absence de poste adapté à sa situation, en précisant : "le médecin du travail n'ayant pas formulé, malgré les sollicitations, de possibilités de reclassement compatibles avec votre état de santé" ; que l'obligation de reclassement pèse sur l'employeur et non sur le médecin du travail, et que la lettre de licenciement fait précisément reposer sur le médecin du travail la recherche d'un poste compatible : Qu'il sera d'autre part relevé que dans la lettre de licenciement, l'employeur écrit qu'il est contraint de constater l'impossibilité du reclassement de M. X... "au sein de notre coopérative comme au sein des sociétés qui y sont liées", alors que seule la société Château Béthanie a fait l'objet d'une démarche, la cour ignorant si d'autres sociétés sont concernées par le groupe ; qu'enfin, les débats ont permis de relever que la discussion avant la déclaration d'inaptitude ont porté sur la durée du travail relative aux missions que souhaitait assumer M. X... qui reproche à l'employeur de ne lui avoir fait aucune proposition écrite et qu'il n'a donc pas pu refuser une proposition qui lui aurait été faite par le président, contrairement à ce que ce dernier mentionne dans la lettre de licenciement ; que la cour considère en conséquence que l'employeur n'a pas respecté son obligation de reclassement et que le licenciement est dès lors dépourvu de cause réelle et sérieuse, le jugement devant être infirmé en ce qu'il a débouté le salarié de ses demandes à ce titre ; attendu que M. Jean-Louis X..., né en 1953, a travaillé pour le compte de la société fruitière vinicole d'Arbois depuis le 1er octobre 1977 ; que sa situation reste précaire et qu'il a incontestablement subi un préjudice du fait de la rupture de son contrat de travail, étant relevé que la société ne comptait qu'une dizaine de salariés ; que l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sera fixée à la somme de 40 000 € ; que M. X... est également en droit de percevoir l'indemnité compensatrice de préavis (3 mois) à hauteur de 12 291 € brut, comme demandé, outre les congés payés à hauteur de 1229,10 € brut ; que la société fruitière vinicole d'Arbois devra remettre au salarié les documents légaux sans qu'il soit nécessaire de prononcer une astreinte et qu'elle devra en outre verser à l'intéressé une indemnité de 2000 € au titre de l'ensemble de ses frais irrépétibles » ;
1) ALORS QUE si l'avis du médecin du travail déclarant un salarié inapte à tout emploi dans l'entreprise ne dispense pas l'employeur de rechercher des possibilités de reclassement, il doit cependant, dans le cadre de ses recherches, tenir compte des prescriptions du médecin du travail ; que ne manque donc pas à son obligation de reclassement l'employeur qui n'a formulé aucune proposition de reclassement dès lors que le médecin du travail, interrogé dans le cadre des recherches à la suite de la déclaration d'inaptitude du salarié à tout poste dans l'entreprise, a exclu tout reclassement ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a constaté que dans son second avis d'inaptitude du 17 avril 2007, le médecin du travail avait affirmé que le salarié était « inapte tous postes Fruitière Vinicole d'Arbois » (arrêt page 7 al. 8) ; que l'employeur justifiait que postérieurement, en réponse à ses sollicitations, le médecin du travail avait indiqué : « A ce jour, Monsieur X... est apte médicalement à exercer le poste de Directeur technique viti vinicole mais INAPTE à tout poste dans votre entreprise, la Fruitière Vinicole d'Arbois ainsi que dans les autres sociétés qui lui sont liées » (lettre du 25 avril 2007, production d'appel n° 34) ; qu'en reprochant à l'employeur de n'être pas passé outre ces prescriptions pour proposer au salarié un aménagement de son poste, et de ne pas justifier de recherches de reclassement dans les sociétés faisant partie du groupe dont faisait partie l'employeur, la Cour d'appel a violé l'article L.1226-2 du Code du travail ;
2) ALORS au surplus QUE l'employeur qui justifie de l'absence de poste de reclassement disponible n'a pas en outre à justifier de recherches ou de propositions de reclassement ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir qu'aucune possibilité de reclassement ne pouvait être identifiée en son sein ou au sein la société Château Béthanie (conclusions d'appel page 24 et 25) ; que pour justifier de l'absence de postes de reclassement disponibles, l'employeur versait aux débats le registre du personnel de ces deux sociétés (productions d'appel n° 37 et 38) ; qu'en jugeant que l'employeur avait manqué à son obligation de reclassement faute de justifier de recherches suffisantes au sein de la société château Béthanie, sans examiner s'il ne rapportait pas la preuve de l'absence de postes disponibles dans cette entreprise, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.1226-2 du Code du travail ;
3) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent pas statuer par motif dubitatif ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a cru pouvoir juger que l'employeur avait manqué à son obligation de reclassement au prétexte qu'en dehors de la société FVA, seule la société Château Béthanie avait fait l'objet de démarches de reclassement et qu'elle ignorait « si d'autres sociétés sont concernées par le groupe » ; qu'en statuant à raison d'un doute sur le périmètre du groupe, que le salarié ne contestait même pas, la Cour d'appel a statué par un motif dubitatif et violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
4) ALORS QU'en reprochant à l'employeur de ne pas avoir proposé formellement un aménagement du poste du salarié sans dire en quoi un tel aménagement, envisagé avant la déclaration d'inaptitude, aurait permis le reclassement du salarié déclaré inapte à tout poste dans l'entreprise, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.1226-2 du Code du travail.

Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. X....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué, confirmatif sur ce point, d'avoir débouté M. X... de ses demandes tendant à la nullité de son licenciement et à la réparation du préjudice résultant du harcèlement moral dont il a été victime.
AUX MOTIFS QUE dans une lettre adressée le 25 septembre 2006 à son employeur, M. X... rappelle que le 5 mai 2006 il a fait l'objet d'une hospitalisation d'urgence en raison d'un grave problème de santé qui a nécessité une arterio-embolisation, que lors des diverses consultations médicales réalisées ensuite, les spécialistes ont évoqué le problème du stress intense et de la pression permanente auxquels il était soumis sur le plan professionnel, que cela l'avait conduit à une importante réflexion sur sa situation au sein de son entreprise, qu'il avait alors réalisé qu'au cours de ces dernières années sa charge de travail avait considérablement augmenté en raison des évolutions importantes de la fruitière et de la législation sans que les moyens nécessaires au bon accomplissement de sa nouvelle mission qui lui était assignées n'aient été dégagées ; qu'il ajoutait que dans ces conditions, la surcharge de travail à laquelle il est soumis ne pouvait qu'être préjudiciable à sa santé qui se trouvait mise en péril, et d'autre à l'entreprise dont l'efficacité se trouvait compromise faute de rationalisation de l'organisation, et qu'au regard de ce constat, dès le 8 août 2006, il avait eu un entretien avec le président afin d'envisager une réorganisation du poste qu'il occupait depuis septembre 1977 à la direction de production, et de ramener sa mission à ce qui fait le coeur de son métier: le produit ; qu'il rappelait qu'antérieurement, il avait déjà, à plusieurs reprises, attiré son attention sur la nécessité que ses fonctions soient clairement précisées et que ses conditions de travail soient améliorées, le bruit permanent auquel il était confronté ne pouvant qu'être nuisible à sa santé et à ses capacités professionnelles ; que la société fruitière vinicole d'Arbois conteste la surcharge de travail invoquée par M. X... comme d'ailleurs un quelconque harcèlement moral et produit aux débats divers organigrammes démontrant que l'intéressé n'était pas seul à assurer la production des vins, ceux-ci étant le fruit d'une organisation et d'une équipe complète, chacun ayant des attributions très précises et M. X... ayant été assisté dans sa mission à compter de l'année 2003 par une responsable qualité (pièce 15) ; qu'elle produit d'autre part aux débats la liste de tous les avis du médecin du travail émis entre 1990 et 2003 portant, chaque année, la mention "apte" à l'exception d'une visite en 2003, le salarié étant absent excusé ; qu'elle soutient que les problèmes de santé étaient en fait liés à des raisons personnelles et plus particulièrement à son tabagisme, ainsi que l'attestent plusieurs salariés et que cela résulte de divers documents médicaux ; qu'il résulte du compte-rendu d'hospitalisation rédigé le 19 mai 2006 par le docteur Y... que M. X... avait subi une arterio-embolisation pendant son hospitalisation intervenue en urgence le 5 mai 2006, qu'il avait connu deux épisodes de pneumopathie en 1990 et 1998 et qu'il présentait un tabagisme important estimé à trois paquets par jour depuis environ 33 ans ; que le docteur Didier Z..., pneumophtisiologue, a précisé dans un certificat du 12 septembre 2006, que M. X... venait de présenter une décompensation respiratoire sévère liée à la conjonction d'un tabagisme actif, mais également à un stress professionnel lié à une surcharge de travail extrêmement importante ; que cette dernière observation ne fait que reprendre les déclarations du salarié lui-même, étant rappelé que ce dernier avait précisé dans sa lettre du 25 septembre 2006 qu'il avait réalisé, à la suite des diverses consultations médicales ayant suivi son hospitalisation du mois de mai 2006, que sa charge de travail avait considérablement augmenté ; qu'il résulte d'autre part des pièces du dossier que M. X... a repris son travail en juin 2006 dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique, accepté par l'employeur, et que par la suite le salarié a eu un entretien avec le président de la société fruitière pour évoquer un aménagement de son poste de travail, ainsi que M X... le précise dans sa lettre du 25 septembre 2006, en rappelant la proposition qu'il avait faite lors d'un entretien tenu le 8 août 2006, aux termes duquel le président avait souhaité un délai de réflexion, le but de cette lettre étant précisément de demander à son président de prendre position sur la réorganisation, M. X... concluant sa lettre ainsi: «Par conséquent, pour mener à bien le "challenge " qu'implique pour moi une campagne de vinification, il est impératif que soit dès maintenant trouvé un accord quant à la réorganisation de mon poste et à l'amélioration des conditions de travail, et ce ,Monsieur le président, dans notre intérêt commun afin de préserver aussi bien ma santé personnelle que la pérennité de l'entreprise » ; que cette lettre du 25 septembre 2006, pièce essentielle du salarié, ne traduit aucune animosité à l'égard de son employeur et confirme que des discussions étaient en cours pour aménager le poste de travail de l'intéressé en tenant compte de son état de santé, qui s'était dégradé en mai 2006 pour des raisons principalement liées au tabagisme important du salarié, lequel a pu mener à bien la campagne de vinification 2006, et qui a été en arrêt de travail pour maladie à compter du 24 octobre 2006, après un désaccord sur les modalités de l'aménagement du poste de travail, le salarié souhaitant se consacrer à la responsabilité intégrale tant sur le plan de l'oenologie qu'au niveau de la gestion de la vinification et aux produits prêts à la mise en bouteille et ce sur un temps plein alors que le président de l'association estimait que ces tâches ne correspondaient pas un temps plein ;
ALORS QU'est susceptible de constituer un harcèlement moral le fait par l'employeur de continuer à accroître la charge de travail du salarié, sur une longue période sans aucun égard à ses demandes réitérées tendant à ce que cette surcharge de travail soit supprimée, et à ce que son poste soit réaménagé en supprimant certaines de ses missions qu'il ne pouvait plus mener à bien, cette situation ayant conduit à une déclaration d'inaptitude de la part du médecin du travail ; qu'en s'abstenant de rechercher si le maintien systématique de cette surcharge de travail, réitéré pendant une longue période ne caractérisait pas un tel harcèlement, et en s'abritant derrière des motifs inopérants tels que l'absence d'animosité du salarié à l'égard de son employeur, à l'existence d'entretiens avec la direction qui n'ont d'ailleurs débouché sur rien, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L.1152-1, L.1152-2 et L.1152-3 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12-10118
Date de la décision : 24/04/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Besançon, 28 octobre 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 24 avr. 2013, pourvoi n°12-10118


Composition du Tribunal
Président : M. Chollet (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.10118
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