LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Attendu que lorsqu'un établissement public tient de la loi la qualité d'établissement public industriel et commercial, les litiges nés de ses activités relèvent de la compétence de la juridiction judiciaire, à l'exception des litiges relatifs à celles de ses activités qui, telles la réglementation, la police ou le contrôle, ressortissent par leur nature de prérogatives de puissance publique ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, se plaignant de l'endommagement de la dune et de la forêt domaniales des Sables Barataud dont il assure la gestion, attribué aux travaux de construction réalisés sur le terrain voisin appartenant à la société J2L, l'Office national des forêts a assigné cette société devant le juge des référés pour voir ordonner l'arrêt immédiat et provisoire des travaux ainsi qu'une mesure d'expertise en vue de l'évaluation des risques d'effondrement de la dune et d'atteinte à la propriété forestière ;
Attendu que, pour dire que l'action intentée par l'Office national des forêts relevait de la compétence des juridictions administratives, l'arrêt retient qu'il agissait aux fins de protection, de conservation et de surveillance du domaine forestier et exerçait ainsi une mission de service public administratif ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'action de l'Office national des forêts, gestionnaire du domaine privé de l'Etat auquel appartient la forêt dunaire litigieuse, ne s'inscrit pas dans l'exercice d'une activité mettant en oeuvre les prérogatives dont il est investi en matière de réglementation, de police ou de contrôle, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 novembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;
Vu l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire,
Dit n'y avoir lieu à renvoi du chef de la disposition statuant sur la compétence ;
Dit la juridiction judiciaire compétente pour connaître du litige opposant l'Office national des forêts à la société J2L ;
Remet sur les autres dispositions, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ;
Condamne la société J2L aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société J2L ; la condamne à payer à l'Office national des forêts la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix avril deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Delvolvé, avocat aux Conseils pour l'Office national des forêts
IL EST FAIT GRIEF A L'ARRET CONFIRMATIF ATTAQUE D'AVOIR confirmé l'ordonnance entreprise en ce qu'elle avait constaté que l'action intentée par l'ONF relevait de la compétence des juridictions de l'ordre administratif et invité les parties à mieux se pourvoir,
AUX MOTIFS PROPRES QUE, dans son assignation, l'ONF avait rappelé qu'il s'agissait de protéger ses intérêts « en tant que gestionnaire d'un domaine privé forestier appartenant à l'Etat alors qu'il y a manifestement une atteinte à un intérêt collectif qui réside dans la protection du milieu dunaire, dont on a pu voir récemment qu'il avait une extrême importance… » ; que dans ce contexte il était évident que l'ONF agissait dans le cadre de son activité de protection, conservation et surveillance de la forêt dunaire qui relevait de sa mission de service public administratif et que les juridictions de l'ordre judiciaire n'étaient pas compétentes pour en connaître ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'en l'espèce la dune domaniale des SABLES BARATAUD relevait nécessairement du domaine privé de l'Etat puisqu'il était constant que l'ONF était chargé d'en assurer la gestion ; qu'à supposer que la dune pût recevoir la qualification de domaine public, il n'en demeurait pas moins que l'ONF était compétent pour assurer la gestion de la forêt qui croissait à sa surface ; que cependant, la compétence du juge judiciaire était limitée aux actions qui découlaient de la mission de gestion et d'équipement confiée à l'ONF en tant que service public industriel et commercial ; que lorsque l'ONF agissait aux fins de protection, de conservation et de surveillance du domaine forestier, il exerçait une mission de service public administratif de sorte qu'il devait agir devant les juridictions de l'ordre administratif,
ALORS, D'UNE PART, QUE les juridictions de l'ordre judiciaire sont seules compétentes pour connaître des atteintes portées à la propriété immobilière ; que par suite, l'action tendant à mettre fin aux troubles causés par un particulier à une forêt appartenant au domaine privé de l'Etat relève de la seule compétence des juridictions de l'ordre judiciaire ; qu'en retenant néanmoins en l'espèce que l'action tendant à faire cesser les désordres occasionnés par la société J2L sur la forêt dunaire de l'Etat échappait à la compétence du juge judiciaire eu égard à la nature de service public administratif de la mission exercée par l'ONF, la cour d'appel a violé l'article 13 de la loi des 16 et 24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III et l'article 4 de la loi du 28 pluviôse an VIII,
ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE la cour d'appel ne pouvait se borner à affirmer, sur le seul fondement des déclarations effectuées par l'ONF devant les premiers juges, que ce dernier avait à l'évidence agi dans le cadre de son activité de protection, conservation et surveillance de la forêt dunaire, sans caractériser en l'espèce l'exercice par l'ONF d'une telle mission de nature à justifier la compétence des juridictions de l'ordre administratif ; qu'elle a donc privé son arrêt de base légale au regard des mêmes textes.