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04/04/2013 | FRANCE | N°12-13756

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 04 avril 2013, 12-13756


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 8 décembre 2011), que M. X..., salarié de la société Paul Kroely - Etoile 67 (l'employeur) en qualité de directeur, a été victime d'un accident vasculaire cérébral, le 1er février 2008, sur son lieu de travail ; que cet accident a été pris en charge au titre de la législation professionnelle par la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin (la caisse) ; que l'employeur a saisi une juridiction de sécurité sociale d'un recours

;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alor...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 8 décembre 2011), que M. X..., salarié de la société Paul Kroely - Etoile 67 (l'employeur) en qualité de directeur, a été victime d'un accident vasculaire cérébral, le 1er février 2008, sur son lieu de travail ; que cet accident a été pris en charge au titre de la législation professionnelle par la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin (la caisse) ; que l'employeur a saisi une juridiction de sécurité sociale d'un recours ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors, selon le moyen :
1°/ que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que dans ses conclusions d'appel, la société Paul Kroely - Etoile 67 avait demandé l'organisation d'une expertise judiciaire ; qu'aussi en retenant, pour débouter cet employeur de son recours, que la procédure d'expertise technique prévue à l'article L. 141-1 du code de la sécurité sociale ne s'applique pas en cas de contestation entre un employeur et un organisme social sur le caractère professionnel d'un accident, la cour d'appel a méconnu les termes du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
2°/ que la présomption d'imputation au travail posée par l'article L. 411-1 du code de sécurité sociale est une présomption simple que l'employeur peut combattre en démontrant que l'accident survenu aux temps et lieu du travail au salarié avait une cause entièrement étrangère au travail ; que pour disposer d'un recours effectif en cette matière, l'employeur doit pouvoir obtenir la mise en oeuvre d'une mesure d'instruction afin de faire constater des éléments concrets lui permettant de combattre utilement cette présomption ; qu'en l'espèce, la société avait présenté aux juges du fond un dossier faisant apparaître l'existence de facteurs extérieurs au travail qui pouvaient être à l'origine de l'accident vasculaire cérébral dont M. X... avait été victime au temps et au lieu de son travail et sollicité la mise en oeuvre d'une mesure d'instruction afin d'établir que cet accident était sans relation avec le travail ; qu'aussi en retenant, pour refuser d'ordonner une telle mesure indispensable à la démonstration requise de l'employeur, qu'il était « inutile d'ordonner l'expertise sollicitée avant dire droit, cette mesure d'instruction ne pouvant être décidée pour suppléer la carence de preuve de la SAS Kroely », la cour d'appel a violé le principe du contradictoire et empêché l'employeur de rapporter la preuve d'un élément de fait essentiel pour le succès de ses prétentions, portant ainsi atteinte au principe de l'égalité des armes résultant du droit au procès équitable garanti par l'article 6 § 1de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
3°/ que la présomption d'imputation au travail posée par l'article L. 411-1 du code de sécurité sociale est une présomption simple que l'employeur peut combattre en démontrant que l'accident survenu aux temps et lieu du travail au salarié avait une cause entièrement étrangère au travail ; que le lien entre l'accident et le tabagisme du salarié ne peut, quand bien même ce tabagisme est toléré sur le lieu de travail, permettre de rattacher l'accident au travail ; qu'aussi en retenant, pour retenir la nature professionnelle de l'accident, que l'important tabagisme de M. X... avait notamment lieu sur son lieu de travail, l'intéressé fumant soit dans son bureau, soit sur la terrasse de l'établissement, la cour d'appel a déduit un motif inopérant et violé l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale ;
Mais attendu que l'arrêt retient que l'employeur n'apporte aucun élément médical relatif à un état pathologique antérieur de nature à exclure totalement le rôle causal du travail dans l'accident ;
Qu'en l'état de ces énonciations et constatations, procédant de son pouvoir souverain d'appréciation de la valeur et de la portée des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel a pu décider, sans rompre l'égalité des armes entre les parties, que des propos du salarié, évoqués de manière indirecte, par deux collègues de travail, ne pouvaient suffire à remettre en cause le bien-fondé de la décision de la caisse et qu'en l'absence de tout élément de nature à étayer les prétentions de l'employeur, il n'y avait pas lieu à ordonner une expertise ;
D'où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa première branche, est mal fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Paul Kroely - Etoile 67 aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Paul Kroely - Etoile 67 et la condamne à payer à la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre avril deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Paul Kroely - Etoile 67.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, rejetant le recours de la société KROELY tendant à la mise en oeuvre d'une mesure d'instruction afin de démontrer l'absence de relation entre le travail de Monsieur X... et l'accident dont il avait été victime 1er février 2008 aux temps et lieu du travail et le travail, décidé que cet accident avait une nature professionnelle dans les relations entre la caisse primaire d'assurance maladie du Bas Rhin et la société KROELY.
Aux motifs propres qu' « Aux termes de l'article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale est considéré comme accident du travail, qu'elle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait où à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.
Ce texte institue une présomption simple en faveur des salariés d'imputabilité au travail de tout accident survenu aux temps et lieu de ce travail ou lorsque le salarié est placé sous la subordination de son employeur, laquelle est aussi applicable en cas de litige entre la Caisse et l'employeur.
Cette présomption supporte la preuve contraire, à savoir qu'il incombe à celui qui la remet en cause de prouver que l'accident avait une cause entièrement étrangère au travail.
En l'espèce, ne sont contestés ni la matérialité de l'accident, à savoir le malaise, qui s'est révélé être un accident vasculaire cérébral, dont a été victime Monsieur X... le premier février 2008, ni le fait qu'il s'est produit au temps et au lieu de travail de ce dernier, en l'occurrence comme le rapporte le témoin Monsieur Y..., dont la société KROELY produit elle-même une attestation, le matin, plus précisément à 9h45 aux termes de la déclaration d'accident du travail établie sans réserves par l'employeur, lorsqu'il faisait sa tournée des services.
Dès lors la présomption d'imputabilité s'applique et la SAS KROELY se doit de démontrer que le malaise de Monsieur X... a eu une cause entièrement étrangère à son travail, plus précisément qu'il a été dû à un état pathologique préexistant, évoluant pour son propre compte, sans aucune relation avec ce travail.
Cette preuve n'est pas rapportée en l'espèce par les seules attestations d'autres salariés de la société produites aux débats par l'appelante, qui ne font que rapporter certains dires de Monsieur X..., à savoir :
- Monsieur Z... que Monsieur X... lui avait appris qu'il avait eu « un jour » un « souci médical grave sur une table d'opération » et qu'il avait failli mourir,
- Monsieur A... que Monsieur X..., après le triple pontage subi suite à son AVC, s'était entendu dire par les médecins qu'il avait déjà eu un infarctus dont il ne s'était pas aperçu car sans doute intervenu dans son sommeil et que « son coeur avait été très endommagé » ou que les médecins lui avaient indiqué que son taux de cholestérol de 4 était « mortel ».
Ces propos de Monsieur X..., évoqués de manière indirecte par ses deux collègues de travail, ne constituent pas un élément d'ordre médical prouvant l'existence d'un état pathologique antérieur de nature à exclure totalement le rôle causal du travail dans l'accident.
En l'absence d'un tel élément et alors que le protocole d'expertise médicale prévu à l'article L. 141-1 du Code de la sécurité sociale ne s'applique pas en cas de contestation entre un employeur et un organisme social sur le caractère professionnel d'un accident, il est inutile d'ordonner l'expertise sollicitée avant dire droit, cette mesure d'instruction ne pouvant être décidée pour suppléer la carence de preuve de la SAS KROELY.
La Cour relève au surplus que les attestations produites par l'employeur rendent vraisemblables au contraire un lien entre l'accident dont a été victime Monsieur X... et son travail habituel, puisque les cinq témoins, Monsieur Z..., Monsieur B..., Monsieur C..., Monsieur Y... et Monsieur A... font tous état d'un important tabagisme de Monsieur X... sur son lieu de travail, connu de tous, le salarié fumant soit dans son bureau, soit sur la terrasse de l'établissement, deux d'entre eux, Monsieur C... et Monsieur A... ayant aussi constaté qu'il avait une mauvaise hygiène de vie, dont le fait selon Monsieur C... qu'il s'alimentait peu et mal le midi ou ne déjeunait pas régulièrement.
L'appelante produit en l'espèce une recherche internet sur wikipédia d'où il ressort que les AVC en dehors de l'hérédité ou de certaines maladies spécifiques, tous facteurs dont l'existence n'est pas médicalement démontrée dans le cas de Monsieur X..., sont parfois liés à une mauvaise hygiène de vie, à type de tabagisme ou d'obésité.
Le tabagisme avéré de Monsieur X... et qui plus est toléré sur son lieu de travail a donc pu jouer un rôle dans son accident, plus que plausible en l'espèce puisque certains témoins évoquent aussi comme conséquence de ce tabagisme, un essoufflement de l'intéressé à l'effort ou même quand il ne se déplaçait pas ou des bouffées de chaleur l'obligeant fréquemment à changer de chemise.
La contestation par la SAS KROELY du lien entre l'accident de Monsieur X... et son travail ne saurait dès lors prospérer et le jugement entrepris mérite par conséquent confirmation. »
Aux motifs adoptés que « Monsieur Etienne X... a été victime d'un malaise accompagné d'une perte de connaissance et d'une paralysie du côté gauche le 01/02/2008 à 9 h 45 au temps et au lieu du travail.
Ledit accident a été pris en charge au titre de la législation professionnelle par décision de la commission de recours amiable prise en sa séance du 01/10/2008.
L'article L. 411-1 du Code de la Sécurité Sociale institue une présomption d'imputabilité de l'accident au travail, dans la mesure où il pose en principe que tout accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail quelle qu'en soit la cause, est considéré comme un accident du travail.
La société KROELY S.A.S. conteste le caractère professionnel de l'accident survenu à Monsieur Etienne X... le 01/02/2008 en raison d'un état pathologique antérieur et estime que ledit accident a une cause totalement étrangère au travail.
Il appartient à la partie qui conteste le caractère professionnel de l'accident, d'apporter la preuve que la lésion a une cause totalement étrangère au travail.
En l'espèce, la société KROELY S.A.S. invoque que Monsieur X... avait une mauvaise hygiène de vie, était un gros fumeur, une défaillance cardiaque passée, un facteur héréditaire, mais n'apporte aucun élément médical relatif à un état pathologique antérieur à l'appui de ses dires, qui permettrait d'écarter la présomption d'imputabilité et de conclure à une cause totalement étrangère au travail dans la survenance de l'accident du 01/02/2008.
Par ailleurs, il n'est pas possible de suppléer à la carence de la société KROELY S.A.S. dans l'administration de la preuve qui lui incombe.
Il convient, en conséquence, de débouter la société KROELY S.A.S. de sa demande et de statuer tel qu'énoncé dans le dispositif de la présente décision. »1) ALORS QUE, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que dans ses conclusions d'appel, la société Paul KROELY ETOILE 67 avait demandé l'organisation d'une expertise judiciaire ; qu'aussi en retenant, pour débouter cet employeur de son recours, que la procédure d'expertise technique prévue à l'article L. 141-1 du Code de la sécurité sociale ne s'applique pas en cas de contestation entre un employeur et un organisme social sur le caractère professionnel d'un accident, la cour d'appel a méconnu les termes du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile.
2) ALORS QUE la présomption d'imputation au travail posée par l'article L. 411-1 du code de sécurité sociale est une présomption simple que l'employeur peut combattre en démontrant que l'accident survenu aux temps et lieu du travail au salarié avait une cause entièrement étrangère au travail ; que pour disposer d'un recours effectif en cette matière, l'employeur doit pouvoir obtenir la mise en oeuvre d'une mesure d'instruction afin de faire constater des éléments concrets lui permettant de combattre utilement cette présomption ; qu'en l'espèce, la société Paul KROELY ETOILE 67 avait présenté aux juges du fond un dossier faisant apparaître l'existence de facteurs extérieurs au travail qui pouvaient être à l'origine de l'accident vasculaire cérébral dont Monsieur X... avait été victime au temps et au lieu de son travail et sollicité la mise en oeuvre d'une mesure d'instruction afin d'établir que cet accident était sans relation avec le travail ; qu'aussi, en retenant pour refuser d'ordonner une telle mesure indispensable à la démonstration requise de l'employeur, qu'il était « inutile d'ordonner l'expertise sollicitée avant dire droit, cette mesure d'instruction ne pouvant être décidée pour suppléer la carence de preuve de la SAS KROELY, » la cour d'appel a violé le principe du contradictoire et empêché l'employeur de rapporter la preuve d'un élément de fait essentiel pour le succès de ses prétentions, portant ainsi atteinte au principe de l'égalité des armes résultant du droit au procès équitable garanti par l'article 6 § 1de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
3) ALORS QUE la présomption d'imputation au travail posée par l'article L. 411-1 du code de sécurité sociale est une présomption simple que l'employeur peut combattre en démontrant que l'accident survenu aux temps et lieu du travail au salarié avait une cause entièrement étrangère au travail ; que le lien entre l'accident et le tabagisme du salarié ne peut, quand bien même ce tabagisme est toléré sur le lieu de travail, permettre de rattacher l'accident au travail ; qu'aussi en retenant, pour retenir la nature professionnelle de l'accident que l'important tabagisme de Monsieur X... avait notamment lieu sur son lieu de travail, l'intéressé fumant soit dans son bureau, soit sur la terrasse de l'établissement, la cour d'appel a déduit un motif inopérant et violé l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 12-13756
Date de la décision : 04/04/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 08 décembre 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 04 avr. 2013, pourvoi n°12-13756


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : Me Foussard, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.13756
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