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03/04/2013 | FRANCE | N°12-13886

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 03 avril 2013, 12-13886


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la chambre de commerce et d'industrie de Sète, Frontignan et Mèze que sur le pourvoi incident relevé par la société Alba ;

Donne acte à la chambre de commerce et d'industrie de Sète, Frontignan et Mèze de ce qu'elle se désiste de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la SELAFA Fidal Montpellier et M. X... ;
Met hors de cause, sur leur demande, M. Y..., la société civile professionnelle Y..., Z... et A..., MM. B... et C..., la société civi

le professionnelle D..., E..., F... et G..., la société civile professionnelle...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la chambre de commerce et d'industrie de Sète, Frontignan et Mèze que sur le pourvoi incident relevé par la société Alba ;

Donne acte à la chambre de commerce et d'industrie de Sète, Frontignan et Mèze de ce qu'elle se désiste de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la SELAFA Fidal Montpellier et M. X... ;
Met hors de cause, sur leur demande, M. Y..., la société civile professionnelle Y..., Z... et A..., MM. B... et C..., la société civile professionnelle D..., E..., F... et G..., la société civile professionnelle H..., I..., J..., K... et L..., Mme Odile M... épouse N..., Mme Béatrice N..., Mme Nathalie N... épouse O..., Mme Elisabeth N... épouse P..., pris en leur qualité d'ayants droit de Georges N... ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par acte du 16 avril 1987, la chambre de commerce et d'industrie de Sète, Frontignan et Mèze (la CCI) et la banque Dupuy de Parseval ont constitué entre elles la société civile immobilière (la SCI) Cap de la Corniche dont l'objet était l'acquisition d'un terrain à bâtir et la construction d'une résidence hôtelière sur ce terrain ; que le financement de l'opération a été assuré par des prêts consentis par cinq établissements bancaires, dont la caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Midi (la CRCAM), avec la garantie du cautionnement solidaire de la CCI ; que par acte authentique reçu le 28 décembre 1992, la CCI et la banque Dupuy de Parseval ont cédé la totalité de leurs parts dans la SCI Cap de la Corniche à une société du groupe Symbiose et aux deux dirigeants du même groupe ; que par acte authentique du même jour, la SCI Cap de la Corniche a vendu à la société Prominvest, autre société du groupe Symbiose, l'immeuble construit avec les fonds empruntés, le prix étant pour partie payé comptant, et le solde payable avant le 31 décembre 1993 étant garanti par le cautionnement solidaire du Comptoir des entrepreneurs en faveur de la SCI Cap de la Corniche laquelle s'obligeait à en déléguer le bénéfice aux cinq organismes bancaires ayant financé le projet immobilier ; que la SCI Cap de la corniche et la société Prominvest ont été mises en redressement judiciaire et la confusion de leurs patrimoines prononcée ; qu'un arrêt irrévocable du 29 novembre 1994 ayant rejeté sa demande tendant à obtenir le bénéfice de la délégation de paiement du prix de vente, la CRCAM a fait assigner la CCI en exécution de son engagement de caution ; que la CRCAM ayant cédé sa créance à la société Alba, celle-ci est intervenue volontairement à l'instance d'appel ; que la CCI a soulevé la nullité de la société Alba et l'irrecevabilité de son intervention volontaire ; qu'elle a également invoqué la faute de la banque pour avoir accepté tardivement la délégation consentie par le Comptoir des entrepreneurs ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal :
Attendu que la CCI fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande tendant à voir déclarer nulle la société Alba et d'avoir déclaré recevables les demandes de cette dernière, alors, selon le moyen :
1°/ que la société fictive est une société de façade, faute d'affectio societatis, c'est-à-dire de volonté des associés de collaborer ensemble sur un pied d'égalité et de manière effective à l'exploitation d'une entreprise commune ; que la preuve du défaut d'affectio societatis résulte d'un faisceau d'indices constitué notamment de l'absence de toute activité économique de la société, de l'absence de fonctionnement social faute de réunion des organes sociaux et du déséquilibre manifeste dans la détention du capital social au profit d'un seul associé, véritable maître de l'affaire ; qu'en l'espèce, la CCI faisait précisément valoir dans ses conclusions que la fictivité de la « société » Alba était révélée par son absence totale d'activité économique réelle, le défaut de convocation des organes sociaux de la société et la structure capitalistique très déséquilibrée de cette prétendue société composée de cinq cents parts, quatre cent quatre vingt dix-neuf parts appartenant à M. Yvan Q... et une part à sa fille, Mme Christel Q... ; qu'en rejetant pourtant l'exception de fictivité de la « société » Alba sans rechercher, comme il lui était demandé, si l'absence de toute activité économique de celle-ci, l'absence de fonctionnement social et la détention de la quasi-intégralité du capital par M. Yvan Q... ne révélaient pas le défaut d'affectio societatis, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1832 du code civil ;
2°/ que la société fictive est une société qui, bien qu'immatriculée au registre du commerce et des sociétés et poursuivant un objet licite, est une société de pure façade, faute de véritable affectio societatis entre les associés ; qu'en l'espèce, pour rejeter l'exception de fictivité de la « société » Alba, la cour d'appel a relevé que « la société Alba est régulièrement immatriculée au RCS et que son objet social n'est en rien illicite » ; qu'en se déterminant ainsi par un motif parfaitement inopérant, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1832 du code civil ;
3°/ que la société qui n'a été instituée que pour permettre la réalisation d'une fraude aux droits des tiers est entachée de nullité ; qu'en l'espèce, la CCI faisait valoir que la « société » Alba n'avait été créée qu'en vue de se faire céder la créance de la CRCAM envers la SCI Cap de la Corniche ; qu'elle démontrait que la « société » Alba et la CRCAM avaient entretenu une véritable collusion frauduleuse au préjudice de la CCI à la seule fin de la contraindre à payer à une société émanant du groupe Symbiose et dirigée par M. Q... une dette d'une autre société de ce groupe, également dirigée par M. Q... ; que pour rejeter l'exception de nullité, la cour d'appel s'est bornée à relever que le fait que M. Q..., dirigeant de la « société » Alba était également dirigeant de la société du groupe Symbiose, débitrice principale, n'établissait pas la fraude ; qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si la « société » Alba n'avait pas été créée par M. Q... aux seules fins de reprendre, avec la complicité de la CRCAM, une dette du groupe Symbiose afin de contraindre la CCI à s'acquitter d'une dette de ce groupe, ce qui établissait la collusion frauduleuse de la CRCAM et de la « société » Alba au préjudice de l'exposante, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'adage fraus omnia corrumpit, ensemble l'article L. 235-1 du code de commerce ;
Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt relève que la société Alba est régulièrement immatriculée au registre du commerce et des sociétés et que son objet n'est en rien illicite ; qu'il retient que le fait qu'elle soit dirigée par M. Q..., directeur général de la société Symbiose, cessionnaire des parts de la CCI, et que la société Symbiose ait absorbé le 26 mars 1997 la SCI Cap de la Corniche, ne saurait suffire à établir son caractère fictif ; qu'il retient encore qu'il ne ressort pas des pièces produites que les patrimoines de ces sociétés appartenant au même groupe Symbiose soient confondus ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations dont il ne résulte pas que M. Yvan Q... et Mme Christelle Q... n'aient pas eu la volonté commune de se considérer comme associés, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
Et attendu, en second lieu, que dès lors que la société Alba avait été constituée sous forme d'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée depuis 1993, soit plusieurs années avant la cession de créance intervenue entre la CRCAM et cette société, est inopérant le reproche fait à la cour d'appel de n'avoir pas recherché si la société Alba n'avait pas été créée dans le dessein de faire échec aux droits de la CCI ;
D'où il suit que le moyen, qui ne peut être accueilli en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident :
Attendu que la société Alba fait grief à l'arrêt d'avoir condamné la CCI à lui payer seulement 50 % de sa créance, alors, selon le moyen :
1°/ que le créancier, bénéficiaire d'une promesse d'hypothèque, n'est pas en mesure de s'obliger à l'égard de la caution à rendre cette sûreté définitive, le promettant disposant seul du pouvoir de constituer la sûreté ; qu'en retenant que la CRCAM avait commis une négligence envers la CCI, caution, faute pour la promesse d'hypothèque faite par la SCI Cap de la corniche d'avoir été exécutée à son profit, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1147 du code civil ;
2°/ que le fait pour la CRCAM de n'avoir pas exigé de la SCI Cap de la corniche qu'elle exécute sa promesse d'hypothèque à son profit ne peut avoir causé un préjudice à la caution, la constitution de la sûreté étant au seul pouvoir du promettant ; qu'à défaut de lien de causalité entre le fait retenu à la charge de la CRCAM et le préjudice invoqué par la CCI, la cour d'appel qui a retenu la responsabilité de la CRCAM a, en statuant ainsi, violé l'article 1147 du code civil ;
3°/ que le créancier ne peut pas se voir reprocher comme une faute commise à l'égard de la caution le fait de n'avoir pas accepté la délégation de paiement en temps utile, soit avant le redressement judiciaire de la caution, la délégation de paiement ayant été consentie après l'engagement souscrit par la caution ; qu'en retenant néanmoins comme une faute de la CRCAM à l'égard de la CCI, caution, le défaut d'acceptation de la délégation de paiement consentie le 28 décembre 1992 par la SCI Cap de la corniche, emprunteur cautionné dans les actes de cession par lesquels la CCI a cédé les parts qu'elle détenait dans le capital de la SCI à la société Symbiose-Thalacap, délégation postérieure à l'engagement de caution et en conséquence, sans lien avec celui-ci, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;
Mais attendu que l'arrêt relève qu'il ressort des courriers échangés avec la CCI que la CRCAM était informée du projet de cession des parts que la CCI détenait dans la SCI Cap de la Corniche et que, le jour même de la conclusion des actes notariés, elle a fait part à la CCI de son accord de principe à cette cession ; qu'ayant ainsi fait ressortir que la CRCAM avait souscrit l'obligation d'accepter la délégation de paiement stipulée à son profit dans ces actes notariés, la cour d'appel en a déduit à bon droit, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les deux premières branches, qu'en ne formalisant son acceptation de la délégation de paiement que le 3 janvier 1994 alors que la SCI Cap de la corniche était en redressement judiciaire depuis le 30 décembre 1993, la CRCAM, aux droits de laquelle vient la société Alba, avait commis une négligence fautive ayant causé un préjudice à la CCI ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le deuxième moyen du pourvoi principal :
Vu l'article 1147 du code civil ;
Attendu que pour dire que les fautes commises par la CRCAM avaient fait perdre à la CCI une chance de ne pas voir sa garantie mise en jeu, l'arrêt retient qu'en ne formalisant son acceptation de la délégation de paiement que le 3 janvier 1994, alors que la SCI Cap de la corniche était en redressement judiciaire depuis le 30 décembre 1993, la CRCAM n'a pu obtenir le bénéfice de cette délégation ; qu'il constate que deux autres banques, qui avaient accepté en temps utile la délégation, ont été remplies de leur droit au remboursement de leur prêt accordé à la SCI Cap de la corniche ; qu'il retient encore que si la CRCAM avait accepté en temps utile la délégation de paiement contenue dans les actes notariés du 28 décembre 1992, cette acceptation lui aurait permis d'être remboursée sans intervention de la caution ; qu'il ajoute que sans les négligences de la CRCAM, le cautionnement de la CCI n'aurait peut-être pas été mis en jeu ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la faute commise par la CRCAM avait causé à la CCI un préjudice consistant dans la mise en oeuvre de son engagement de caution et non dans la perte d'une chance d'échapper à cette mise en oeuvre, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le troisième moyen du pourvoi principal :
REJETTE le pourvoi incident de la société Alba ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que les fautes commises par la CRCAM ont fait perdre à la CCI une chance de ne pas voir sa garantie mise en jeu, dit que cette perte de chance est de 50 % et condamné la CCI à payer à la société Alba 50 % de sa créance en capital et intérêts, l'arrêt rendu le 23 novembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt, et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier, autrement composée ;
Condamne la société Alba aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois avril deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Bénabent et Jéhannin, avocat aux Conseils, pour la chambre de commerce et d'industrie de Sète, Frontignan et Mèze, demanderesse au pourvoi principal
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir rejeté l'exception de nullité et d'irrecevabilité des demandes de la « société » ALBA ;
AUX MOTIFS QUE « la CRCA titulaire d'une créance sur la SCI CAP DE LA CORNICHE, garantie par le cautionnement de la CCI, a le 27 janvier 1994 régulièrement déclaré sa créance à la procédure de redressement de la SCI pour un montant de 4. 264. 922, 85 francs ; que le 12 décembre 2001, elle a cédé cette créance à la société ALBA pour le prix de 207. 330, 66 euros ; que cette cession a été régulièrement signifiée à la société SYMBIOSE qu'il ressort en outre des pièces versées aux débats que la société ALBA est régulièrement immatriculée au RCS et que son objet social n'est en rien illicite ; que le fait qu'elle soit dirigée par Yvan Q..., directeur général de la société SYMBIOSE, cessionnaire des parts de la CCI, et que la société SYMBIOSE ait absorbé le 26 mars 1997 le SCI CAP DE LA CORNICHE, ne saurait suffire à établir son caractère fictif ; que par ailleurs, il ne ressort pas des pièces produites que les patrimoines de ces sociétés appartenant au même groupe SYMBIOSE, soit confondu ; qu'il résulte en outre de l'acte de cession, que le cessionnaire est subrogé dans la totalité des droits et actions que le cédant possède à l'encontre du débiteur cédé ; qu'il s'en suit que contrairement à ce que soutient la CCI, la demande de la société ALBA est recevable » ;
1/ ALORS QUE la société fictive est une société de façade, faute d'affectio societatis, c'est-à-dire de volonté des associés de collaborer ensemble sur un pied d'égalité et de manière effective à l'exploitation d'une entreprise commune ; que la preuve du défaut d'affectio societatis résulte d'un faisceau d'indices constitué notamment de l'absence de toute activité économique de la société, de l'absence de fonctionnement social faute de réunion des organes sociaux et du déséquilibre manifeste dans la détention du capital social au profit d'un seul associé, véritable maître de l'affaire ; qu'en l'espèce, la CCI faisait précisément valoir dans ses conclusions que la fictivité de la « société » ALBA était révélée par son absence totale d'activité économique réelle, le défaut de convocation des organes sociaux de la société et la structure capitalistique très déséquilibrée de cette prétendue société composée de 500 parts, 499 parts appartenant à Monsieur Yvan Q... et une part à sa fille, Madame Christel Q... ; qu'en rejetant pourtant l'exception de fictivité de la « société » ALBA sans rechercher, comme il lui était demandé, si l'absence de toute activité économique de celle-ci, l'absence de fonctionnement social et la détention de la quasi-intégralité du capital par Monsieur Yvan Q... ne révélaient pas le défaut d'affectio societatis, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1832 du Code civil ;
2/ ALORS QUE la société fictive est une société qui, bien qu'immatriculée au RCS et poursuivant un objet licite, est une société de pure façade, faute de véritable affectio societatis entre les associés ; qu'en l'espèce, pour rejeter l'exception de fictivité de la « société » ALBA, la Cour d'appel a relevé que « la société ALBA est régulièrement immatriculée au RCS et que son objet social n'est en rien illicite » (arrêt, p. 17, alinéa 4) ; qu'en se déterminant ainsi par un motif parfaitement inopérant, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1832 du Code civil.
3/ ALORS QUE la société qui n'a été instituée que pour permettre la réalisation d'une fraude aux droits des tiers est entachée de nullité ; qu'en l'espèce, la CCI faisait valoir que la « société » ALBA n'avait été créée qu'en vue de se faire céder la créance de la CRCAMM envers la SCI CAP DE LA CORNICHE ; qu'elle démontrait que la « société » ALBA et la CRCAMM avaient entretenu une véritable collusion frauduleuse au préjudice de la CCI à la seule fin de la contraindre à payer à une société émanant du groupe SYMBIOSE et dirigée par Monsieur Q... une dette d'une autre société de ce groupe, également dirigée par Monsieur Q... ; que pour rejeter l'exception de nullité, la Cour d'appel s'est bornée à relever que le fait que Monsieur Q..., dirigeant de la « société » ALBA était également dirigeant de la société du groupe SYMBIOSE, débitrice principale, n'établissait pas la fraude ; qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si la « société » ALBA n'avait pas été créée par Monsieur Q... aux seules fins de reprendre, avec la complicité de la CRCAMM, une dette du groupe SYMBIOSE afin de contraindre la CCI à s'acquitter d'une dette de ce groupe, ce qui établissait la collusion frauduleuse de la CRCAMM et de la « société » ALBA au préjudice de l'exposante, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'adage fraus omnia corrumpit, ensemble l'article L. 235-1 du Code de commerce.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)
Il est fait grief à l'arrêt à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que les fautes commises par la CRCAMM ont fait perdre à la CCI une chance de ne pas voir sa garantie mise en jeu, dit que cette perte de chance est de 50 % et d'avoir, en conséquence, condamné la CCI à payer à la « société » ALBA 50 % de sa créance (capital et intérêts) ;
AUX MOTIFS QUE « bien que la CRCA ne se soit pas engagée à inscrire une hypothèque sur les biens de la SCI CAP DE LA CORNICHE en garantie du prêt accordé, la promesse faite, si elle avait été tenue, lui aurait permis d'obtenir en tout ou partie le remboursement de sa créance sans mise en jeu du cautionnement de la CCI ou avec une mise en jeu partielle seulement ; que cette négligence de sa part a indéniablement causé un préjudice à la CCI ; que de même, le fait de ne pas avoir accepté en temps utile la délégation de paiement contenue dans les actes notariés du 28 décembre 1992, ce qui lui aurait permis là encore d'être remboursée sans intervention de la caution ; que la société ALBA est mal fondée à soutenir que n'ayant pas été appelée à la rédaction des actes notariés, elle n'a pu avoir connaissance de cette délégation de paiement ; qu'il ressort en effet des courriers échangés avec la CCI qu'elle était informée du projet de cession des parts de la CCI dans la SCI CAP DE LA CORNICHE et que le jour même de l'acte notarié elle faisait part à la CCI de son accord de principe à cette cession, laquelle lui a été notifiée le 4 février 1993 par Maître Y... ; qu'en ne formalisant son acceptation de la délégation de paiement que le 3 janvier 1994, alors que la SCI CAP DE LA CORNICHE était en redressement judiciaire depuis le 30 décembre 1993, la CRCA n'a pu en obtenir le bénéfice alors que deux autres banques (le Crédit coopératif et le Crédit local de France) qui avaient accepté en temps utile cette délégation, ont été remplis de leurs droits quant aux prêts accordés à la SCI ; que cette négligence de la part de la CRCA est elle aussi responsable de la mise en jeu de la garantie donnée par la CCI ; que sans ses deux négligences (absence d'inscription d'hypothèque et défaut d'acceptation en temps utile de la délégation de paiement), le cautionnement de la CCI n'aurait peut-être pas été mis en jeu ; que la perte de chance subie par la CCI de voir sa garantie non mise en jeu peut être évaluée à 50 % du préjudice subi ; qu'il convient en conséquence de limiter sa garantie à 50 % du montant des sommes réclamée par la société ALBA » ;
ALORS QUE le préjudice, en relation directe avec la faute commise, et présentant un caractère certain doit être intégralement réparé et ne peut être indemnisé à hauteur d'une simple perte de chance ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a retenu que la CRCAMM avait commis une faute en n'acceptant pas en temps utile la délégation de paiement qui lui avait été consentie le 28 décembre 1992 par la société PROMINVEST, cautionnée par le COMPTOIR DES ENTREPRENEURS ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que cette faute est en relation de causalité directe avec le préjudice de la CCI car si cette faute n'avait été commise, la CRCAMM aurait été entièrement et certainement remplie de ses droits sans avoir à appeler le cautionnement de la Chambre de commerce ; que la Cour d'appel a ainsi relevé que l'acceptation de la délégation en temps utile « aurait permis là encore d'être remboursée sans intervention de la caution » (arrêt, p. 18, alinéa 4) ; que le caractère certain du préjudice de la CCI était d'autant mieux caractérisé que les juges du fond ont également constaté que les banques qui avaient accepté en temps utile la délégation avaient été intégralement désintéressées sans actionner la CCI : « la CRCA n'a pu en obtenir le bénéfice de la délégation alors que deux autres banques (le Crédit coopératif et le Crédit local de France) qui avaient accepté en temps utile cette délégation, ont été remplis de leurs droits quant aux prêts accordés à la SCI » (arrêt, p. 18, pénultième alinéa) ; qu'en limitant pourtant l'indemnisation du préjudice de la CCI à une simple perte de chance de ne pas être appelée en qualité de caution, perte de chance qu'elle a évaluée à 50 %, cependant qu'il s'agissait d'un préjudice certain, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article 1147 du Code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté la CCI de son appel en garantie contre les notaires ;
AUX MOTIFS QU'« il convient d'observer d'une part que les notaires, parties à la présente procédure ne sont intervenus ni dans la constitution de la SCI CAP DE LA CORNICHE en avril 1987 par la CCI, ni dans l'octroi du prêt de 5. 000. 000 francs accordé le 10 novembre 1989 par la CRCA à la SCI, ni dans le montage du projet de réalisation et d'aménagement de la résidence hôtelière pour lequel la SCI avait été créée et d'autre part, que la CCI et la CRCA sont des professionnels avertis ayant le sens des affaires et sont pleinement compétents pour appréhender les conséquences juridiques des actes établis portés à leur connaissance ; qu'il ne ressort pas des dits actes notariés que les notaires ont commis une faute ou ont été négligents dans leur rédaction en ne mentionnant pas des garanties suffisantes ; que les actes de cessions comportent les engagements précis du cessionnaires avec la garantie de la CCI dans l'acte de cession des parts de celle-ci et celle du CDE dans l'acte de vente avec en outre l'inscription d'une hypothèque et une délégation de paiement au profit des banques prêteuses ; que ces garanties dépourvues de tout caractère aléatoire établissent suffisamment que les déboires de la société ALBA et de la CCI ne leur sont pas imputables, étant rappelé que le notaire n'est pas tenu d'une obligation de mise en garde et de conseil concernant l'opportunité économique d'une opération et que dans le contexte de montage d'une cession de part et de vente d'immeuble établi en amont pas des professionnels, son rôle est limité par les instructions données par ces professionnels, pour la rédaction des actes concrétisant leur accord ; qu'il convient en conséquence de débouter la CCI de son appel en garantie contre les notaires » ;
1/ ALORS QUE le notaire, tenu d'un devoir de conseil absolu, n'est pas déchargé de celui-ci du simple fait que l'acte qu'il est requis d'instrumenter avait déjà fait l'objet d'un accord entre les parties constaté par un acte sous seing prive ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a pourtant retenu que les notaires rédacteurs de la convention de cession de parts sociales de la SCI CAP DE LA CORNICHE n'engageaient pas leur responsabilité au prétexte que « le montage d'une cession de parts et de vente d'immeuble avait été établi en amont par des professionnels » ce dont il résultait que « son rôle du notaire est limité par les instructions données par ces professionnels, pour la rédaction des actes concrétisant leur accord » (arrêt, p. 19, antépénultième alinéa) ; qu'en déchargeant ainsi le notaire instrumentaire de son devoir de conseil au seul prétexte que ses clients étaient des professionnels qui avaient décidé du montage hors de sa présence, la Cour d'appel a méconnu le caractère absolu du devoir de conseil et violé l'article 1382 du Code civil ;
2/ ALORS QUE tenu d'un devoir de conseil absolu, le notaire doit veiller à l'efficacité juridique mais également à l'efficacité pratique, c'est-àdire à l'utilité réelle, des actes qu'il instrumente ; que si le notaire n'a pas d'obligation de conseil quant à l'opportunité économique d'une opération, il lui appartient de conseiller utilement et habilement les clients en leur conseillant les mesures juridiques les plus appropriées afin d'atteindre le but économique qu'ils se sont fixés ; qu'en l'espèce, les parties entendaient, à l'occasion de la cession de parts sociales de la SCI CAP DE LA CORNICHE, transférer définitivement la charge de la dette de remboursement du prêt aux cessionnaires afin de libérer définitivement et immédiatement la CCI, caution solidaire du remboursement du prêt ; que si les notaires n'avaient pas à se prononcer sur l'opportunité économique de cette opération, il leur appartenait en revanche de conseiller les parties quant aux moyens juridiques les plus appropriés pour atteindre ce but ; qu'à l'évidence, le moyen juridique le plus approprié consistait à appeler à l'acte les établissements bancaires afin qu'ils acceptent soit une substitution de caution soit une délégation parfaite de paiement, qui auraient pu libérer définitivement la CCI ; que la Cour d'appel a pourtant retenu que les notaires n'avaient pas manqué à leur devoir de conseil au prétexte qu'ils n'étaient pas tenus « d'une obligation de mise en garde et de conseil concernant l'opportunité économique d'une opération » (arrêt, p. 19, antépénultième alinéa) ; qu'en statuant ainsi, cependant que les notaires, en dépit de l'absence d'obligation de conseil quant à l'opportunité économique de l'acte, n'en demeuraient pas moins tenus d'appeler les établissements bancaires pour assurer l'efficacité juridique celui-ci, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;
3/ ALORS ET SUBSIDIAIREMENT QU'il incombe au notaire, tenu de s'assurer de l'efficacité de l'acte auquel il prête son concours, de procéder, sans même qu'il ait reçu mandat pour ce faire, aux formalités correspondantes dont le client se trouve alors déchargé ; qu'en l'espèce, les notaires ayant prévu, dans les actes de cession qu'ils ont rédigé, une délégation de paiement aux banques prêteuses, il leur appartenait de notifier ces délégations aux établissements bancaires afin de s'assurer de leur acceptation et de rendre efficace les actes instrumentés ; que pour rejeter l'appel en garantie formé par la CCI contre les notaires, la Cour d'appel a pourtant retenu qu'« il ne ressort pas des dits actes notariés que les notaires ont commis une faute ou ont été négligents dans leur rédaction en ne mentionnant pas des garanties suffisantes » (arrêt, p. 19, alinéa 5) ; qu'en statuant ainsi, alors qu'à supposer même que les garanties aient pu être jugées suffisantes, il fallait encore qu'elles soient efficaces, ce qui supposait que le notaire notifie la délégation aux banques, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;
4/ ALORS ET SUBSIDIAIREMENT QU'à supposer même que le devoir de conseil puisse consister à ne faire que recopier un acte sous seing privé précédemment conclu par les parties, le notaire doit alors, au moins, instrumenter un acte authentique qui soit en tout point conforme aux stipulations de l'acte sous seing privé ; qu'en l'espèce, le compromis de cession de parts du 16 avril 1992, rédigé par Maître Y..., prévoyait que le remboursement anticipé des établissements bancaires par la SCI CAP DE LA CORNICHE serait garanti par un cautionnement du COMPTOIR DES ENTREPRENEURS, qui serait délégué au profit de la CCI ; que les actes authentiques de cession de parts sociales et de vente du 28 décembre 1992 prévoyaient que le remboursement anticipé des établissements bancaires par la SCI CAP DE LA CORNICHE serait garanti par un cautionnement du COMPTOIR DES ENTREPRENEURS, qui serait délégué au profit des établissements bancaires, et non plus de la CCI ; qu'en dépit de cette flagrante erreur relative au bénéficiaire de la délégation, la Cour d'appel a retenu qu'il « ne ressort pas desdits actes notariés que les notaires ont commis une faute ou ont été négligents dans leur rédaction en ne mentionnant pas des garanties suffisantes » (arrêt, p. 19, alinéa 5), violant ainsi l'article 1382 du Code civil ;
5/ ALORS QUE le notaire, tenu de s'assurer de l'efficacité de l'acte auquel il prête son concours, doit conseiller aux parties de prendre toute garantie utile de nature à assurer la bonne exécution de l'acte qu'il instrumente ; qu'en omettant de rechercher, comme elle y était invitée par les conclusions de la CCI (conclusions, p. 75, alinéa 2), si les notaires n'avaient pas manqué à leur obligation de conseil en ne conseillant pas aux parties d'inscrire une hypothèque sur les biens immobiliers objet de la vente et un nantissement sur le fonds de commerce de la SARL CAP DE LA CORNICHE au profit de la CCI, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils pour la société Alba, demanderesse au pourvoi incident
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la CCI de Sète à payer à la société ALBA seulement 50 % de sa créance ;
AUX MOTIFS QUE bien que la CRCAM ne se soit pas engagée à inscrire une hypothèque, sur les biens de la SCI CAP DE LA CORNICHE en garantie du prêt accordé, la promesse faite, si elle avait été tenue, lui aurait permis d'obtenir tout ou partie du remboursement de sa créance, sans mise en jeu du cautionnement de la CCI ou avec une mise en jeu partielle seulement ; que cette négligence de sa part a indéniablement causé un préjudice à la CCI, de même que le fait de ne pas avoir accepté en temps utile la délégation de paiement contenue dans les actes notariés du 28 décembre 1992, ce qui lui aurait permis là encore d'être remboursée sans intervention de la caution ; que la Sté ALBA est mal fondée à soutenir que n'ayant pas été appelée à la rédaction des actes notariés, elle n'a pas pu avoir connaissance de cette délégation de paiement ; qu'il ressort en effet des courriers échangés avec la CCI qu'elle était informée du projet de cession des parts de la CCI dans la SCI CAP DE LA CORNICHE et que le jour même de l'acte notarié, elle faisait part à la CCI de son accord de principe à cette cession, laquelle lui a été notifiée le 4 février 1993, par Maître Y... ; qu'en ne formalisant son acceptation de la délégation de paiement que le 3 janvier 1994, alors que la SCI CAP DE LA CORNICHE était en redressement judiciaire, depuis le 30 décembre 1993, la CRCAM n'a pas pu en obtenir le bénéfice, alors que les deux autres banques, le Crédit Coopératif et la Crédit Local de France, qui avaient accepté en temps utile cette délégation ont été remplis de leurs droits, quant aux prêts accordés à la SCI ; que cette négligence de la part de la CRCAM est elle aussi responsable de la mise en jeu de la garantie donnée par la CCI ; que sans ces deux négligences, le cautionnement de la CCI n'aurait pas été mis en jeu ; que la perte de chance subie par la CCI de voir sa garantie non mise en jeu peut être évaluée à 50 % du préjudice subi ;
1) ALORS QUE le créancier, bénéficiaire d'une promesse d'hypothèque, n'est pas en mesure de s'obliger à l'égard de la caution à rendre cette sûreté définitive, le promettant disposant seul du pouvoir de constituer la sûreté ; qu'en retenant que la CRCAM avait commis une négligence envers la CCI de Sète, caution, faute pour la promesse d'hypothèque faite par la SCI CAP DE LA CORNICHE à son profit la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1147 du code civil ;
2) ALORS QUE, à titre subsidiaire, le fait pour la CRCAM de n'avoir pas exigé de la SCI CAP DE LA CORNICHE d'exécuter sa promesse d'hypothèque à son profit ne peut avoir causé un préjudice à la caution, la constitution de la sûreté étant au seul pouvoir du promettant ; qu'à défaut de lien de causalité entre le fait retenu à la charge de la CRCAM et le préjudice invoqué par la CCI de Sète, la cour d'appel qui a retenu la responsabilité de la CRCAM a, en statuant ainsi, violé l'article 1147 du code civil ;
3) ALORS QUE le créancier ne peut pas se voir reprocher comme une faute commise à l'égard de la caution le fait de n'avoir pas accepté la délégation de paiement en temps utile, soit avant le redressement judiciaire de la caution, la délégation de paiement ayant été consentie après l'engagement souscrit par la caution ; qu'en retenant néanmoins comme une faute de la CRCAM à l'égard de la CCI de Sète, caution, le défaut d'acceptation de la délégation de paiement consentie le 28 décembre 1992 par la SCI CAP DE LA CORNICHE, emprunteur cautionné dans les actes de cession par lesquels la CCI de Sète a cédé les parts qu'elle détenait dans le capital de la SCI à la Sté SYMBIOSETHALACAP, délégation postérieure à l'engagement de caution et en conséquence, sans lien avec celui-ci, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 12-13886
Date de la décision : 03/04/2013
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 23 novembre 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 03 avr. 2013, pourvoi n°12-13886


Composition du Tribunal
Président : M. Espel (président)
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Bénabent et Jéhannin, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.13886
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