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20/03/2013 | FRANCE | N°12-11702

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 20 mars 2013, 12-11702


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Vanves, 2 janvier 2012), que la société Ausy a organisé des élections professionnelles en janvier 2011 sur la base d'un protocole préélectoral signé le 28 octobre 2010 satisfaisant à la double condition de majorité prévue par l'article L. 2324-4-1 du code du travail ; que ce protocole prévoyait que n'étaient pas électeurs et éligibles les salariés que leurs fonctions assimilaient au chef d'entreprise, et notamment " les manag

ers commerciaux, à partir de la fonction de responsable d'agence " ; q...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Vanves, 2 janvier 2012), que la société Ausy a organisé des élections professionnelles en janvier 2011 sur la base d'un protocole préélectoral signé le 28 octobre 2010 satisfaisant à la double condition de majorité prévue par l'article L. 2324-4-1 du code du travail ; que ce protocole prévoyait que n'étaient pas électeurs et éligibles les salariés que leurs fonctions assimilaient au chef d'entreprise, et notamment " les managers commerciaux, à partir de la fonction de responsable d'agence " ; que le 3 octobre 2011, M. X...a été désigné représentant syndical au comité d'entreprise par le syndicat SNEPSSI CFE-CGC ; que contestant que le salarié, occupant les fonctions de directeur technique au sein de l'entreprise, remplissait les conditions requises, la société Ausy a saisi le tribunal d'instance ;
Attendu que la société Ausy fait grief au jugement de rejeter la demande d'annulation de la désignation de M. X..., alors, selon le moyen :
1°/ que pour pouvoir être désigné en qualité de représentant syndical au comité d'entreprise, un salarié doit notamment avoir la qualité d'électeur ; qu'en outre, dès lors que sa régularité n'est pas contestée, le protocole préélectoral remplissant la condition de double majorité prévue par l'article L. 2324-4-1 du code du travail s'impose à tous, y compris au syndicat non signataire ayant formulé des réserves lors de la présentation de sa liste de candidats ; qu'en l'espèce, le protocole préélectoral du 28 octobre 2010 stipulait que les managers commerciaux à partir de la fonction de responsable d'agence, et notamment donc les directeurs techniques, n'avaient pas la qualité d'électeurs ; que la régularité de ce protocole, dont il était constant qu'il remplissait la condition de double majorité prévue par l'article L. 2324-4-1 du code du travail, n'avait pas été contestée ; qu'en affirmant qu'un protocole préélectoral n'a vocation à s'appliquer que s'il est unanime et en déclarant que le SNEPSSI CFE-CGC n'était pas lié par le protocole préélectoral du 28 octobre 2010 au prétexte qu'il ne l'avait pas signé et avait émis des réserves en présentant des candidats aux élections, pour en déduire la validité de la désignation de M. X..., directeur technique ayant la fonction de responsable technique d'affaires, en qualité de représentant syndical au comité d'entreprise, le tribunal d'instance a violé les articles L. 2324-4-1, L. 2324-2 et L. 2324-15 du code du travail ;
2°/ qu'il est fait interdiction aux juges du fond de dénaturer les documents soumis à leur examen ; qu'en l'espèce, la fiche de poste du responsable technique d'affaires (RTA) précise que celui-ci a pour mission principale notamment de « contribuer à la progression des compétences des équipes ou des collaborateurs qu'il gère » et qu'il est plus précisément responsable « de la gestion des collaborateurs au niveau du projet en collaboration avec le RC (responsable commercial) », qu'il est l'unique interlocuteur des collaborateurs pour tous ces sujets même si les actions et décisions étaient prises par le binôme RC-RTA, qu'il est responsable de « la mise à disposition des moyens nécessaires pour réaliser les projets qu'il gère : pilote les actions pour obtenir les collaborateurs (…...) dont il a besoin » et qu'il lui incombe d'engager « les actions suite aux demandes ou problèmes dont il a eu connaissance dans le périmètre qui lui est confié » ; qu'il en résulte que M. X..., en sa qualité de responsable technique d'affaires, disposait du pouvoir de prendre les décisions nécessaires dans son périmètre, en ce qui concerne tant le recrutement et la gestion des équipes que la prise de décision suites aux différentes revendications et réclamations dont il avait connaissance, de sorte qu'il était bien titulaire d'un pouvoir de recrutement et de sanction et donc d'une délégation particulière d'autorité lui permettant d'être assimilé au chef d'entreprise ; qu'en affirmant qu'il ne résulte pas de la fiche de poste du responsable technique d'affaires que celui-ci dispose du pouvoir de recruter, sanctionner ou licencier une personne, la gestion d'équipe devant être distinguée du pouvoir disciplinaire, et qu'aucune délégation particulière de pouvoir dont serait titulaire M. X...n'était versée aux débats, le tribunal d'instance a dénaturé le document précité, et violé le principe susvisé ;
Mais attendu qu'un protocole préélectoral, même signé aux conditions de validité prévues par l'article L. 2324-4-1 du code du travail, ne peut exclure de l'éligibilité au comité d'entreprise, et par suite du droit à y être désigné représentant syndical, des salariés qui remplissent les conditions légales pour en être membres ;
Et attendu que le tribunal d'instance, qui a, sans dénaturation, constaté que le salarié ne disposait pas d'une délégation écrite particulière d'autorité et que les éléments qui lui étaient soumis, et notamment la fiche de poste du salarié, n'établissaient pas qu'il soit amené à représenter l'employeur devant les institutions représentatives du personnel, en a exactement déduit qu'il pouvait être désigné représentant syndical au comité d'entreprise ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Ausy ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mars deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Ausy
IL EST FAIT GRIEF au jugement attaqué d'AVOIR déclaré inopposable au syndicat SNEPPSI CFE-CGC le protocole d'accord préélectoral du 28 octobre 2010, débouté la société AUSY de l'ensemble de ses demandes et validé la désignation du 3 octobre 2011 par le syndicat SNEPSSI CFE-CGC auprès du comité d'entreprise de la société AUSY,
AUX MOTIFS d'abord QU'il est constant que le protocole préélectoral du 28 octobre 2010 en vue des élections des représentants du personnel en janvier 2011 a été signé par la SA AUSY ainsi que 4 des 5 organisations syndicales, à l'exception du syndicat CFE CGC ; que s'il est certain que depuis la loi du 20 août 2008, la validité du protocole préélectoral n'est plus soumise à la condition de l'unanimité et la règle de la double majorité est désormais requise, il n'en demeure pas moins que contrairement à l'accord collectif, le protocole préélectoral n'a vocation à s'appliquer que s'il est unanime ; qu'à défaut, le syndicat qui n'a pas signé le protocole préélectoral, et qui n'y a pas adhéré tacitement, n'est pas lié par ses dispositions ; qu'un syndicat non signataire de l'accord préélectoral n'est pas réputé y avoir adhéré, et garde donc le droit de le contester même s'il présente des candidats aux élections, à condition de formuler ses réserves sur cet accord lors du dépôt de la liste ; qu'en l'espèce, il est établi que le syndicat SNEPSSI CFE CGC n'a pas signé le protocole d'accord préélectoral du 28 octobre 2010 ; qu'il ne peut être contesté que, par courrier du 3 décembre 2010, ce syndicat a présenté des candidats en vue des élections en janvier 2011 des représentants du personnel au sein de la SA AUSY, tout en précisant la mention suivante " sous réserve de la licité du protocole d'accord préélectoral y afférent " ; que par conséquent, le syndicat SNEPSSI CFE CGC ne peut être considéré comme ayant adhéré tacitement au protocole d'accord préélectoral du 28 octobre 2010, et ce dernier ne saurait lier le syndicat SNEPSSI CFE CGC par ses dispositions ;
1. ALORS QUE pour pouvoir être désigné en qualité de représentant syndical au comité d'entreprise, un salarié doit notamment avoir la qualité d'électeur ; qu'en outre, dès lors que sa régularité n'est pas contestée, le protocole préélectoral remplissant la condition de double majorité prévue par l'article L. 2324-4-1 du Code du travail s'impose à tous, y compris au syndicat non signataire ayant formulé des réserves lors de la présentation de sa liste de candidats ; qu'en l'espèce, le protocole préélectoral du 28 octobre 2010 stipulait que les managers commerciaux à partir de la fonction de responsable d'agence, et notamment donc les directeurs techniques, n'avaient pas la qualité d'électeurs ; que la régularité de ce protocole, dont il était constant qu'il remplissait la condition de double majorité prévue par l'article L. 2324-4-1 du Code du travail, n'avait pas été contestée ; qu'en affirmant qu'un protocole préélectoral n'a vocation à s'appliquer que s'il est unanime et en déclarant que le SNEPSSI CFE-CGC n'était pas lié par le protocole préélectoral du 28 octobre 2010 au prétexte qu'il ne l'avait pas signé et avait émis des réserves en présentant des candidats aux élections, pour en déduire la validité de la désignation de Monsieur X..., directeur technique ayant la fonction de responsable technique d'affaires, en qualité de représentant syndical au comité d'entreprise, le tribunal d'instance a violé les articles L. 2324-4-1, L. 2324-2 et L. 2324-15 du Code du travail ;
AUX MOTIFS ensuite QUE l'article L. 2324-2 du code du travail dispose que sous réserve des dispositions applicables dans les entreprises de moins de trois cents salariés, prévues à l'article L. 2143-22, chaque organisation syndicale ayant des élus au comité d'entreprise peut y nommer un représentant ; que celui-ci assiste aux séances avec voix consultative et est choisi parmi les membres du personnel de l'entreprise et doit remplir les conditions d'éligibilité au comité d'entreprise fixées à l'article L. 2324-15 ; qu'aux termes de l'alinéa 1 de l'article L. 2324-15 du code du travail, sont éligibles, à l'exception des conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité, concubin, ascendants, descendants, frères, soeurs ou alliés au même degré de l'employeur, les électeurs âgés de 18 ans révolus et travaillant dans l'entreprise depuis un an au moins ; qu'il est établi que de jurisprudence constante, ne peuvent exercer un mandat de représentation les salariés qui, soit disposent d'une délégation écrite particulière d'autorité leur permettant d'être assimilés au chef d'entreprise, soit représentent effectivement l'employeur devant les institutions représentatives du personnel ; qu'il importe par ailleurs de préciser que c'est à la date de la désignation qu'il convient de se placer pour apprécier la condition d'éligibilité et d'électeur de Monsieur Francis X..., peu important qu'aux dernières élections il ait eu ou non la qualité d'électeur ; qu'en l'espèce, il ressort des éléments versés aux débats qu'à la date du 3 octobre 2011, Monsieur Francis X...exerçait les fonctions de Responsable technique d'affaires (RTA) au niveau de Directeur technique ; qu'or, d'une part, il ne résulte ni de la fiche de poste RTA ni de celle de Directeur technique que le responsable technique d'affaires ou le directeur technique dispose du pouvoir de recruter, sanctionner ou licencier une personne, étant précisé que la gestion d'équipe doit être distinguée du pouvoir disciplinaire ; que les autres pièces produites, notamment celle relative au pôle contrôle et gestion, sont beaucoup trop imprécises pour établir que Monsieur Francis X...aurait des fonctions assimilables à celles du chef d'entreprise ; que d'autre part, bien qu'évoquée par la SA AUSY, aucune délégation particulière de pouvoir dont serait titulaire Monsieur Francis X...n'est versée aux débats ; qu'enfin, il ne résulte pas des pièces du dossier que Monsieur Francis X... aurait le pouvoir de représenter l'employeur devant les institutions représentatives du personnel ; que par conséquent, il y a lieu de constater que le syndicat SNEPSSI CFE CGC a satisfait aux conditions prescrites à l'article L. 2324-2 du Code du travail en désignant le 3 octobre 2011 Monsieur Francis X...en qualité de représentant syndicat CFE CGC auprès du comité d'entreprise ; que la SA AUSY et le Groupe AUSY SCA seront déboutés de leur demande ; que la désignation contestée sera validée ;
2. ALORS QU'il est fait interdiction aux juges du fond de dénaturer les documents soumis à leur examen ; qu'en l'espèce, la fiche de poste du responsable technique d'affaires (RTA) précise que celui-ci a pour mission principale notamment de « contribuer à la progression des compétences des équipes ou des collaborateurs qu'il gère » et qu'il est plus précisément responsable « de la gestion des collaborateurs au niveau du projet en collaboration avec le RC (responsable commercial) », qu'il est l'unique interlocuteur des collaborateurs pour tous ces sujets même si les actions et décisions étaient prises par le binôme RC-RTA, qu'il est responsable de « la mise à disposition des moyens nécessaires pour réaliser les projets qu'il gère : pilote les actions pour obtenir les collaborateurs (…) dont il a besoin » et qu'il lui incombe d'engager « les actions suite aux demandes ou problèmes dont il a eu connaissance dans le périmètre qui lui est confié » ; qu'il en résulte que Monsieur X..., en sa qualité de responsable technique d'affaires, disposait du pouvoir de prendre les décisions nécessaires dans son périmètre, en ce qui concerne tant le recrutement et la gestion des équipes que la prise de décision suites aux différentes revendications et réclamations dont il avait connaissance, de sorte qu'il était bien titulaire d'un pouvoir de recrutement et de sanction et donc d'une délégation particulière d'autorité lui permettant d'être assimilé au chef d'entreprise ; qu'en affirmant qu'il ne résulte pas de la fiche de poste du responsable technique d'affaires que celui-ci dispose du pouvoir de recruter, sanctionner ou licencier une personne, la gestion d'équipe devant être distinguée du pouvoir disciplinaire, et qu'aucune délégation particulière de pouvoir dont serait titulaire Monsieur X...n'était versée aux débats, le tribunal d'instance a dénaturé le document précité, et violé le principe susvisé.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12-11702
Date de la décision : 20/03/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

REPRESENTATION DES SALARIES - Comité d'entreprise - Représentant syndical - Désignation - Conditions - Salarié de l'entreprise - Eligibilité au comité d'entreprise - Détermination - Protocole d'accord préélectoral - Validité - Absence d'influence

Un protocole préélectoral, même signé aux conditions de validité prévues par l'article L. 2324-4-1 du code du travail, ne peut exclure de l'éligibilité au comité d'entreprise, et par suite du droit à y être désigné représentant syndical, des salariés qui remplissent les conditions légales pour en être membres


Références :

articles L. 2324-2, L.2324-4-1 et L. 2324-15 du code du travail

Décision attaquée : Tribunal d'instance de Vanves, 02 janvier 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 20 mar. 2013, pourvoi n°12-11702, Bull. civ. 2013, V, n° 79
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2013, V, n° 79

Composition du Tribunal
Président : M. Béraud (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat général : M. Finielz (premier avocat général)
Rapporteur ?: Mme Pécaut-Rivolier
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.11702
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