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20/03/2013 | FRANCE | N°11-26822

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 20 mars 2013, 11-26822


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses onze branches, ci-après annexé :
Attendu selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 octobre 2011), que Alberto X..., dit Y..., auteur de la photographie représentant Z... intitulée « Guerillero Heroïco » et connue comme la photographie du « Che au béret et à l'étoile », est décédé le 25 mai 2001, que Mme A..., sa fille et légataire universelle, a cédé à la société Legende Global, à titre exclusif et pour une durée de dix ans, l'ensemble des droits d'exploitation

sur cette photographie, qu'ayant constaté que la société américaine Onion Inc. pro...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses onze branches, ci-après annexé :
Attendu selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 octobre 2011), que Alberto X..., dit Y..., auteur de la photographie représentant Z... intitulée « Guerillero Heroïco » et connue comme la photographie du « Che au béret et à l'étoile », est décédé le 25 mai 2001, que Mme A..., sa fille et légataire universelle, a cédé à la société Legende Global, à titre exclusif et pour une durée de dix ans, l'ensemble des droits d'exploitation sur cette photographie, qu'ayant constaté que la société américaine Onion Inc. proposait à la vente, sur son site internet, un tee-shirt reproduisant la photographie en cause et que la livraison des produits commandés sur ce site était effectuée par la société américaine The Onion, Mme A... et la société Legende Global ont assigné ces dernières devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de leurs droits moraux et patrimoniaux d'auteur ; que les sociétés Onion Inc. et The Onion ont soulevé l'incompétence des juridictions françaises au profit des juridictions américaines ;
Attendu que Mme A... et la société Legende Global font grief à l'arrêt de déclarer le tribunal de grande instance de Paris incompétent pour connaître du litige ;
Attendu que, par arrêt du 5 avril 2012 (pourvoi n° 10-15. 890, Bull. 2012, I, n° 88), la première chambre civile de la Cour de cassation a posé à la Cour de justice de l'Union européenne les questions préjudicielles suivantes :
1°/ L'article 5, point 3, du Règlement (CE) n° 44/ 2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution de décisions en matière civile et commerciale, doit-il être interprété en ce sens qu'en cas d'atteinte alléguée aux droits patrimoniaux d'auteur commise au moyen de contenus mis en ligne sur un site Internet,
- la personne qui s'estime lésée a la faculté d'introduire une action en responsabilité devant les juridictions de chaque Etat membre sur le territoire duquel un contenu mis en ligne est accessible ou l'a été, à l'effet d'obtenir réparation du seul dommage causé sur le territoire de l'Etat membre de la juridiction saisie,
ou
-il faut, en outre, que ces contenus soient ou aient été destinés au public situé sur le territoire de cet Etat membre, ou bien qu'un autre lien de rattachement soit caractérisé ?
2°) La question posée au 1°) doit-elle recevoir la même réponse lorsque l'atteinte alléguée aux droits patrimoniaux d'auteur résulte non pas de la mise en ligne d'un contenu dématérialisé, mais, comme en l'espèce, de l'offre en ligne d'un support matériel reproduisant ce contenu ?
Et attendu que les réponses qui seront données à ces questions sont susceptibles d'avoir une incidence sur la solution du présent litige ;
PAR CES MOTIFS :
Sursoit à statuer dans l'attente de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne répondant aux questions préjudicielles qui lui ont été posées par arrêt rendu le 5 avril 2012 par la première chambre civile de la Cour de cassation ;
Dit que l'affaire sera de nouveau examinée à l'audience du 10 décembre 2013 ;
Réserve les dépens.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mars deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Roger et Sevaux, avocat aux Conseils pour la société Legende Global et Mme A...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré le Tribunal de grande instance de Paris incompétent pour connaître du présent litige et y ajoutant, d'avoir condamné in solidum Diana Evangelina A... et la société Legende Global aux dépens de première instance et d'appel et à payer, au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, la somme de 4. 000 euros tant à la société Onion Inc qu'à la société The Onion ;
1°) Aux motifs que la demande de rejet des pièces numéros 1, 2, 3-1, 3-2, 4, 5, 6, 20 et 21, lesquelles consistent en des extraits de site Internet et impressions d'écran, est fondée, d'une part sur leur absence de traduction en français, d'autre part sur le fait que les impressions d'écran ne sont pas constatées par un procès-verbal de constat d'huissier ; que les passages utiles desdites pièces sont traduites en français de façon libre, par les intimées, dans le corps de leurs écritures ; que cette traduction ne fait l'objet d'aucune critique de la part des appelantes ; que, par ailleurs, des captures et impressions d'écran de sites Internet, qu'elles soient ou non constatées par huissier, constituent un moyen de preuve admissible, dont la valeur probante doit être appréciée par la Cour ; que par conséquent il convient de rejeter la demande de rejet desdites pièces ce qui rend sans objet la même demande présentée à titre subsidiaire par les intimées ;
Alors, de première part, que le juge doit écarter comme élément de preuve un document écrit en langue étrangère, faute de production d'une traduction en langue française ; qu'en se fondant néanmoins sur des pièces en langue anglaise, non assorties d'une traduction française intégrale, versées à la procédure par les sociétés The Onion et Onion Inc, la Cour d'appel a violé les articles 2 de la Constitution du 4 octobre 1958, 16 du Code de procédure civile et 111 de l'Ordonnance de Villers-Cotterêts en date du 10 août 1539 ;
Alors, de deuxième part, que la preuve résultant d'une impression ou d'une capture d'écran d'un site Internet nécessite l'intervention d'un huissier de justice indiquant le matériel utilisé pour procéder aux recherches sur Internet, le cheminement adopté pour accéder aux pages litigieuses, précisant avoir vidé les caches et s'étant assuré que l'ordinateur utilisé n'était pas connecté à un serveur proxy ; qu'en considérant néanmoins que des captures et impressions d'écran de sites Internet, qu'elles soient ou non constatées par huissier, constituent un moyen de preuve admissible, dont la valeur probante doit être appréciée par elle, la Cour d'appel a méconnu les articles 1er de l'ordonnance n° 45-2592 en date du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers de justice et 9 du Code de procédure civile ;
2°) Aux motifs que les appelantes ayant produit des constats d'huissier de nature, selon elles, à démontrer l'existence de la vente sur le territoire français, du produit argué de contrefaçon, le juge de la mise en état n'a nullement outrepassé ses pouvoirs en examinant ces constats, cette analyse, qui ne préjudicie pas au fond, étant nécessaire pour statuer sur la compétence ;
Alors, de troisième part, que le juge de la mise en état, n'ayant pour mission que de veiller au déroulement loyal de la procédure, spécialement à la ponctualité de l'échange des conclusions et de la communication des pièces, ne saurait, sans excéder ses pouvoirs, examiner les moyens de preuve produits par les parties ; qu'en soutenant néanmoins que le juge de la mise en état n'aurait pas outrepassé ses pouvoirs en examinant des constats produits par les parties dès lors que cette analyse lui paraissait nécessaire pour statuer sur sa compétence, la Cour d'appel a méconnu les articles 763 et 771 du Code de procédure civile ;
3°) Aux motifs qu'en vertu des dispositions de l'article 46 du Code de procédure civile, le demandeur peut, en matière délictuelle, saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur, celle du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort duquel le dommage a été subi ; que, s'agissant de la vente de produits argués de contrefaçon sur un site Internet exploité aux Etats Unis, dont l'accessibilité en France n'est pas contestée, il convient, pour déterminer si les juridictions françaises sont compétentes, de rechercher si le site en question est, par ailleurs, destiné au public de France ; que le site de Onion Inc est exclusivement rédigé en langue anglaise ; qu'il contient des informations et des commentaires à dominante satirique ayant trait principalement à l'actualité américaine et à la culture américaine ; que les articles proposés à la vente sont payables exclusivement en dollars américains, et les vêtements définis en tailles internationales ; que l'ensemble de ces éléments permet de conclure que ce site n'est pas destiné au public de France, peu important qu'il soit, ou ne soit pas, destiné exclusivement au public américain ; que le constat de l'achat effectué en ligne, en septembre et octobre 2009, d'un exemplaire du tee-shirt litigieux, effectué par le conseil des appelantes, achat dont les frais d'envoi sont quasiment du même montant que l'achat lui-même, et dont la livraison n'a été faite qu'en février 2010, n'est pas de nature à apporter la preuve contraire ; que la preuve n'est pas non plus rapportée de « l'envoi régulier de courriels par les intimés aux internautes français », alors que tous les courriels publicitaires (spams) produits ont été adressés au seul conseil des appelantes, manifestement à la suite de l'achat effectué par ce dernier ;
qu'enfin, les offres de recrutement de personnels invoquées par les appelantes ont été extraites, non de la page d'accueil du site The Onion, mais d'autres sites tels que Linkedin, Gizmodo, renvoyant au site The Onion, et ne s'adressent pas à un public français, s'agissant d'offres rédigées en anglais et exclusivement pour des postes basés aux Etats Unis ; qu'il convient en conséquence, pour ces motifs substitués à ceux du premier juge, de confirmer l'ordonnance entreprise ;
Alors, de quatrième part, qu'au stade de l'examen de la compétence territoriale d'une juridiction saisie d'une action en contrefaçon, la seule accessibilité du site Internet litigieux sur le territoire français suffit à rendre compétentes les juridictions françaises ; qu'en retenant qu'il convenait, pour déterminer si les juridictions françaises sont compétentes, de rechercher si le site en question est destiné au public de France, après avoir constaté qu'il s'agissait de la vente de produits argués de contrefaçon sur un site Internet exploité aux Etats-Unis, dont l'accessibilité en France n'était pas contestée, la Cour d'appel a méconnu la portée légale de ses propres constatations en violation de l'article 46 du Code de procédure civile ;
Subsidiairement,
Alors de cinquième part, que les juridictions françaises, prises comme celles du lieu du fait dommageable ou de la réalisation du dommage lui-même, sont compétentes en application de l'article 46 du Code de procédure civile pour connaître de faits de contrefaçon réalisés sur un site internet dès lors que les faits et actes dommageables allégués présentent avec la France un lien suffisant, substantiel ou significatif et sont susceptibles d'avoir en France un impact économique, lequel est constitué lorsque le site internet litigieux, bien que situé à l'étranger, sollicite les internautes français par voie de courriels afin de les inciter à se rendre sur le site litigieux pour acheter en ligne des produits contrefaits ; qu'en se déclarant incompétente après avoir cependant constaté que le site litigieux adressait, à la suite de l'achat en ligne effectué, des courriels publicitaires concernant les produits litigieux à l'internaute ayant passé commande, la Cour d'appel a violé l'article 46 du Code de procédure civile ;
Alors de sixième part, que les juridictions françaises prises, comme celles du lieu du fait dommageable ou de la réalisation du dommage lui-même, sont compétentes en application de l'article 46 du Code de procédure civile pour connaître de faits de contrefaçon réalisés sur un site internet dès lors que les faits et actes dommageables allégués présentent avec la France un lien suffisant, substantiel ou significatif et sont susceptibles d'avoir en France un impact économique, lequel est constitué lorsque le site internet litigieux, bien que situé à l'étranger, permet aux internautes français d'acheter en ligne des produits contrefaits et d'en recevoir livraison sur le territoire français ; qu'en se déclarant incompétente après avoir cependant constaté l'achat effectué en ligne, en septembre et octobre 2009, d'un exemplaire du tee-shirt litigieux, effectué par le conseil des appelantes, achat dont les frais d'envoi sont quasiment du même montant que l'achat lui-même, et dont la livraison a été faite en février 2010, la Cour d'appel a violé l'article 46 du Code de procédure civile ;
Alors, de septième part, que la contrefaçon peut être prouvée par tout moyen, ce dont il se déduit que la preuve de la contrefaçon peut être amenée par le propriétaire d'un droit d'auteur ou d'un droit voisin par l'achat du produit litigieux dès lors que ledit achat est intervenu dans des circonstances ne pouvant être tenues pour anormales et qu'il a été opéré sans difficulté particulière, ni réticence de la part de l'auteur de la contrefaçon ; qu'en se déclarant incompétente après avoir constaté que l'achat effectué en ligne, en septembre et octobre 2009, d'un exemplaire du tee-shirt litigieux, effectué par le conseil des appelantes, achat dont les frais d'envoi sont quasiment du même montant que l'achat lui-même, sans mettre en évidence que cet achat serait intervenu dans des circonstances pouvant être tenues pour anormales, ni caractériser des difficultés particulières ou la réticence des sociétés The Onion et Onion Inc, la Cour d'appel a privé sa décisions de toute base légale au regard de l'article L. 716-7 du Code de la propriété intellectuelle ;
Alors de huitième part, que les juridictions françaises, prises comme celles du lieu du fait dommageable ou de la réalisation du dommage lui-même, sont compétentes en application de l'article 46 du Code de procédure civile pour connaître de faits de contrefaçon réalisés sur un site internet que dès lors que les faits et actes dommageables allégués présentent avec la France un lien suffisant, substantiel ou significatif et sont susceptibles d'avoir en France un impact économique ; qu'en se déclarant incompétente au motif inopérant que le site Internet était rédigé en langue anglaise, sans s'assurer préalablement que l'emploi de la langue anglaise dépassait la compétence moyenne de l'internaute français, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 46 du Code de procédure civile ;
Alors de neuvième part, que les juridictions françaises, prises comme celles du lieu du fait dommageable ou de la réalisation du dommage lui-même, ne sont compétentes en application de l'article 46 du Code de procédure civile pour connaître de faits de contrefaçon réalisés sur un site internet que dès lors que les faits et actes dommageables allégués présentent avec la France un lien suffisant, substantiel ou significatif et sont susceptibles d'avoir en France un impact économique ; qu'en se déclarant incompétente au motif inopérant que le site contenait des informations et des commentaires à dominante satirique ayant trait principalement à l'actualité américaine et à la culture américaine, sans caractériser le lien qu'auraient présenté les produits proposés à la vente, dont le tee-shirt litigieux, avec l'actualité ou la culture américaine, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 46 du Code de procédure civile ;
Alors de dixième part, que les juridictions françaises, prises comme celles du lieu du fait dommageable ou de la réalisation du dommage lui-même, ne sont compétentes en application de l'article 46 du Code de procédure civile que pour connaître de faits de contrefaçon réalisés sur un site internet dès lors que les faits et actes dommageables allégués présentent avec la France un lien suffisant, substantiel ou significatif et sont susceptibles d'avoir en France un impact économique ; qu'en se déclarant incompétente au motif que le prix des objets proposés à la vente était fixé en dollars américains, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le site n'assurait pas la conversion des dollars américains en euros dès lors qu'il avait été possible au conseil de Madame A... et de la société Legende Global de commander un tee-shirt à l'aide de la carte de crédit d'un compte ouvert dans les livres d'un établissement bancaire français, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 46 du Code de procédure civile ;
Alors, de onzième part, que les juridictions françaises prises, comme celles du lieu du fait dommageable ou de la réalisation du dommage lui-même, ne sont compétentes en application de l'article 46 du Code de procédure civile pour connaître de faits de contrefaçon réalisés sur un site internet que dès lors que les faits et actes dommageables allégués présentent avec la France un lien suffisant, substantiel ou significatif et sont susceptibles d'avoir en France un impact économique ; qu'en se déclarant incompétente au motif que le site proposait des vêtements selon les tailles internationales sans rechercher, comme elle y était invitée, si ces standards n'étaient aussi en vigueur en France, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 46 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 11-26822
Date de la décision : 20/03/2013
Sens de l'arrêt : Sursis a statuer
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 05 octobre 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 20 mar. 2013, pourvoi n°11-26822


Composition du Tribunal
Président : M. Charruault (président)
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié, SCP Roger et Sevaux

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:11.26822
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