LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la société Allianz IARD de son intervention ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été victime, le 18 août 1998, d'un accident de la circulation en Espagne, alors qu'elle était passagère transportée dans le véhicule appartenant à son mari et conduit par celui-ci, assuré auprès de la société GAN eurocourtage IARD (l'assureur) ; que par acte des 13 novembre et 14 novembre 2007, elle a assigné l'assureur et la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF (la caisse) devant le tribunal de grande instance pour voir reconnaître son droit à réparation et obtenir l'indemnisation de son préjudice corporel ; que par jugement du 5 mars 2009, ce tribunal a notamment constaté que son action était prescrite en application de l'article 1968 du code civil espagnol, déclaré en conséquence sa demande en indemnisation irrecevable et rejeté le recours subrogatoire exercé par la caisse contre l'assureur ;
Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche :
Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu que pour déclarer prescrite l'action directe de Mme X... à l'encontre de l'assureur, l'arrêt, après avoir constaté l'accord des parties pour soumettre cette action à la loi espagnole et en particulier à l'article 1968, alinéa 2, du code civil espagnol qui édicte, pour les actions visées à l'article 1902 de ce code, un délai de prescription d'un an à partir du moment où la personne lésée a eu connaissance du fait dommageable, retient que la victime, se sachant blessée, était à même d'agir dès l'accident, que le délai de prescription expirait donc le 18 août 1999 alors que la première demande de prise en charge de la victime à l'assureur est du 15 novembre 2006 ;
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher si, comme elle y était invitée par la caisse, si la date de connaissance du fait dommageable s'entendait, au sens de la jurisprudence espagnole, de la date de la consolidation des blessures et non pas de la date à laquelle les blessures avaient été causées à la victime, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Sur le second moyen :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que pour confirmer le jugement en ce qu'il rejette le recours de la caisse, l'arrêt retient que le recours subrogatoire de celle-ci a pour support nécessaire l'action dont dispose la victime contre le tiers responsable ; que tel n'est pas le cas en l'espèce dès lors que l'action de la victime est éteinte ; qu'il en résulte que la demande de la caisse a été à bon droit rejetée par le tribunal ;
Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs insuffisants du fait de la cassation intervenue sur le premier moyen, la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deux premières branches du premier moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 octobre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne la société Allianz IARD aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société GAN eurocourtage IARD, condamne la société Allianz IARD à payer à la caisse de prévoyance de la SNCF la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit février deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Odent et Poulet, avocat aux Conseils, pour la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait déclaré irrecevable, par application de la loi espagnole, l'action en indemnisation intentée par une victime non conductrice (Mme X...), contre l'assureur (le GAN) du véhicule accidenté,
AUX MOTIFS QU'il était acquis aux débats que c'était la loi espagnole qui était applicable à l'accident dont avait été victime Mme X..., le 18 août 1998, en Espagne ; que les dispositions de l'article 1968, alinéa 2 du code civil espagnol édictent un délai de prescription d'un an pour les actions visant à faire jouer la responsabilité civile au titre des obligations découlant de la faute d'imprudence ou de négligence mentionnée à l'article 1902, à partir du moment où la personne lésée en a eu connaissance ; que l'accident avait eu lieu le 18 août 1998 ; que, se sachant blessée, Mme X... était à même d'agir dès l'accident ; que le délai de prescription expirait le 118 août 1999 ; que le courrier du ler décembre 1998 adressé par M. Jacques X... à VB COURTAGE ASSURANCES faisait seulement état des circonstances de l'accident, avec une mention in fine en ces termes « Mme X... était passagère dans l accident » ; que cette lettre ne contenait aucune demande concernant Mme X..., ni même aucune indication sur l'existence des blessures qu'elle aurait subies ; que le rapatriement de Mme X... en ambulance était sans incidence particulière ; qu'il ne suffisait à démontrer, ni que le GAN avait eu connaissance des graves lésions dont Mme X... se prévalait, ni qu'une demande au titre de l'indemnisation du préjudice corporel subi lui avait été faite ; qu'il n'était justifié d'aucune autre déclaration ou réclamation écrite précédant la demande de prise en charge résultant du courrier du conseil de Mme X... du 15 novembre 2006, alors que la prescription de l'action était largement acquise ; que c'était ainsi à bon droit que le tribunal avait considéré que la prescription était acquise,
1 ° ALORS QUE le juge qui déclare une loi applicable doit en rechercher la teneur ; qu'en l'espèce, la cour qui, après avoir déclaré la loi espagnole applicable au litige, s'est ensuite bornée à en appliquer le régime général de responsabilité délictuelle, sans rechercher le contenu de la loi espagnole propre aux accidents de la circulation (le Royal décret législatif du 29 octobre 2004), a violé l'article 3 du code civil ;
2° ALORS QU'il appartient au juge qui déclare la loi étrangère applicable, d'en rechercher la teneur, afin de procéder à sa mise en oeuvre ; qu'en l'espèce, la cour qui, après avoir déclaré la loi espagnole applicable à l'accident de la circulation subi par Mme X..., s'est ensuite bornée à mettre en oeuvre le régime général de responsabilité délictuelle espagnol, sans rechercher le contenu de la loi espagnole spécifique aux accidents de la circulation (soit le Royal décret législatif du 29 octobre 2004), a méconnu les prescriptions de l'article 12 du code de procédure civile,
3° ALORS QUE les juges du fond ne peuvent dénaturer le contenu de la loi étrangère déclarée applicable ; qu'en l'espèce, la cour, qui a énoncé que le point de départ du délai de prescription de l'action de Mme X... en réparation des dommages qu'elle avait subis par suite de l'accident de la circulation en cause, courait depuis le jour où elle en avait eu connaissance, ce qui s'entendrait, au sens du régime général de responsabilité délictuelle espagnol, du jour de l'accident, quand la loi espagnole fixe ce jour de connaissance à la consolidation de la victime, a violé l'article 1134 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté le recours exercé par un organisme tiers payeur (la CPRPSNCF), contre l'assureur (le GAN) du responsable d'un accident de la circulation, à raison des préjudices subis par une passagère (Mme X...) transportée,
AUX MOTIFS QUE la Convention de La Haye du 4 mai 1971 exclut, en son article 2.6, de son champ d'application les recours exercés par ou contre les organismes de sécurité sociale ; que c'était dès lors la loi française qui était applicable au recours exercé par le tiers payeur à l'encontre de l'assureur ; que, cependant, le recours subrogatoire du tiers payeur a pour support nécessaire l'action dont dispose la victime contre le tiers responsable ; que tel n'était pas le cas en l'espèce, dès lors que l'action de la victime était éteinte ; qu'il en résultait que la demande de la Caisse avait à bon droit été rejetée par le tribunal,
ALORS QU'en cas d'inaction de la victime d'un accident de la circulation, l'organisme tiers payeur dispose, dans la limite des prestations versées se trouvant en lien avec l'accident, d'un droit-propre à en poursuivre le remboursement auprès de l'assureur du responsable ; qu'en l'espèce, la cour, qui a débouté la CPRPSNCF de son recours, dirigé contre le GAN, en remboursement des prestations qu'elle avait versées à Mme X..., a violé les articles 29 de la loi du 5 juillet 1985 et L 376-1 du code de la sécurité sociale.