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26/02/2013 | FRANCE | N°11-22145

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 26 février 2013, 11-22145


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 17 mars 2011), qu'un avenant n° 83 du 24 avril 2006 à la convention collective nationale étendue des entreprises artisanales de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie, a mis en place dans cette profession un régime de remboursement obligatoire de frais de santé ; que cet avenant a désigné l'AG2R prévoyance comme organisme assureur en application de l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale, l'article 14 prévoyant une clause

de migration stipulant que l'adhésion de toutes les entreprises relevant ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 17 mars 2011), qu'un avenant n° 83 du 24 avril 2006 à la convention collective nationale étendue des entreprises artisanales de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie, a mis en place dans cette profession un régime de remboursement obligatoire de frais de santé ; que cet avenant a désigné l'AG2R prévoyance comme organisme assureur en application de l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale, l'article 14 prévoyant une clause de migration stipulant que l'adhésion de toutes les entreprises relevant du champ d'application de la convention collective nationale avait un caractère obligatoire, notamment à l'égard des entreprises ayant un contrat de complémentaire santé auprès d'un autre organisme assureur avec des garanties identiques ou supérieures à celles définies par l'avenant ; que cet avenant n° 83 a fait l'objet d'un arrêté d'extension le 16 octobre 2006 ; que l'AG2R prévoyance a assigné la société Medelices devant un tribunal d'instance pour obtenir sa condamnation à régulariser son adhésion et à payer les cotisations à compter du 1er janvier 2007 ;

Attendu que la société Medelices fait grief à l'arrêt de faire droit à ces demandes alors, selon le moyen :

1°/ qu'il résulte de l'article L. 912-1, alinéa 2, du code de la sécurité sociale que lorsque des accords professionnels de mutualisation des risques s'appliquent à une entreprise qui, antérieurement à leur date d'effet, a adhéré ou souscrit un contrat auprès d'un organisme différent de celui prévu par les accords pour garantir les mêmes risques à un niveau équivalent, les dispositions de l'article L. 2253-2 du code du travail sont applicables ; qu'aux termes de ce dernier article, lorsqu'une convention de branche ou un accord professionnel ou interprofessionnel vient à s'appliquer dans l'entreprise postérieurement à la conclusion de conventions ou d'accords d'entreprise ou d'établissement, les stipulations de ces derniers sont adaptées en conséquence ; que l'adaptation prévue par ces deux textes a alors pour objet de permettre aux entreprises concernées par un accord de mutualisation de conserver leur liberté d'adhésion, pourvu que la garantie des risques par elles souscrites antérieurement à l'accord soit équivalente ou supérieure à la garantie visée par celui-ci ; qu'en affirmant l'inverse, la cour d'appel a violé l'article L. 912-1, alinéa 2, du code de la sécurité sociale, ensemble l'article L. 2253-2 du code du travail ;

2°/ que si les articles 102 et 106 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) ne s'opposent pas à ce que les pouvoirs publics investissent un organisme de prévoyance du droit exclusif de gérer un régime de remboursement complémentaire des frais de soins de santé pour l'ensemble des entreprises d'un secteur d'activité, sans possibilité, pour les entreprises de ce secteur, d'être dispensée de s'affilier audit régime, il appartient néanmoins aux pouvoirs publics, lorsqu'ils confient à un organisme de prévoyance la gestion d'un tel régime, de respecter les règles fondamentales du traité de l'Union européenne et notamment le principe de non-discrimination, lequel implique le respect d'une obligation de transparence consistant à garantir un degré de publicité adéquat permettant une mise en concurrence ainsi que le contrôle de l'impartialité des procédures de choix ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si la société AG2R s'était vu confier cette mission dans le respect des principes communautaires régissant la commande publique et notamment du principe de transparence, a privé sa décision de base légale au regard dudit principe et de l'article 18 du TFUE ;

Mais attendu que selon l'article L. 912-1, alinéa 2, du code de la sécurité sociale, lorsque des accords professionnels ou interprofessionnels qui instituent des garanties collectives au profit des salariés, anciens salariés ou ayants droit en complément de celles qui sont déterminées par la sécurité sociale en prévoyant une mutualisation des risques dont ils organisent la couverture, s'appliquent à une entreprise qui, antérieurement à leur date d'effet, a adhéré ou souscrit un contrat auprès d'un organisme différent de celui prévu par les accords pour garantir les mêmes risques à un niveau équivalent, les dispositions du second alinéa de l'article L. 132-23 du code du travail, devenu l'article L. 2253-2 dudit code, sont applicables ; que, suivant celui-ci, lorsqu'une convention de branche ou un accord professionnel ou interprofessionnel vient à s'appliquer dans l'entreprise postérieurement à la conclusion de conventions ou d'accords d'entreprise ou d'établissement négociés conformément aux dispositions relatives aux conventions et accords collectifs d'entreprise, les dispositions des conventions ou accords sont adaptées en conséquence ; qu'il résulte de la combinaison de ces textes que, lorsque l'accord professionnel ou interprofessionnel impose l'adhésion à un régime géré par une institution désignée par celui-ci, l'adaptation de l'accord d'entreprise consiste nécessairement dans sa mise en conformité avec ledit accord professionnel ou interprofessionnel de mutualisation des risques et, partant, l'adhésion de l'entreprise au régime géré par l'institution désigné par celui-ci ; que, dès lors, la cour d'appel a exactement décidé que les clauses de désignation et de migration contenues dans l'avenant n° 83 à la convention collective nationale des entreprises artisanales de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie étaient conformes aux dispositions des articles L. 911-1 et -2 et L. 912-1 du code de la sécurité sociale et que le principe d'adaptation prévu par l'article L. 132-23 du code du travail consistait nécessairement dans la mise en conformité de l'accord d'entreprise avec l'accord professionnel ou interprofessionnel de mutualisation des risques qui impose l'adhésion de l'entreprise au régime géré par l'institution désignée par celui-ci ; que le moyen, irrecevable en sa seconde branche, comme nouveau et mélangé de fait et de droit, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Medelices aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Medelices et la condamne à payer à la société AG2R prévoyance la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six février deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Fabiani et Luc-Thaler, avocat aux Conseils, pour la société Medelices

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR ordonné à la société MEDELICES de régulariser son adhésion à l'AG2R sous une astreinte de 100 € par jour de retard passé un délai de 15 jours à compter de la signification de l'arrêt et de l'AVOIR condamnée à payer 5.920 € au titre des cotisations dues depuis le 1er janvier 2007 ;

AUX MOTIFS QUE « sur la validité de la clause de désignation, qu'il ressort des articles L 911-1 et L 911-2 du code de la sécurité sociale qu'une convention collective peut prévoir un système de garantie collective de prévoyance concernant le remboursement des frais engagés à l'occasion d'une maladie ou d'un accident ; qu'en outre, aux termes de l'article L 912-1 alinéa 1er du même code, la convention collective peut désigner un opérateur unique obligatoire pour toutes les entreprises entrant dans son champ d'application ; qu'au nombre des organismes mentionnés à l'alinéa 1er de la loi du 31 décembre 1989 visé par l'article L. 912-1 précité, figurent les "institutions de prévoyance" visées à l'article L 931-1 du même code, lesquelles sont des personnes morales de droit privé faisant l'objet d'un agrément du ministre chargé de la sécurité sociale dans les conditions de l'article L 931-4 ; qu'en conséquence, la désignation, dans I'article13 de l'avenant numéro 83, de l'institution de prévoyance AG2R PREVOYANCE en tant qu'organisme assureur du régime de remboursement complémentaire de frais de santé est parfaitement licite ; que, sur la validité de la clause de migration, selon les termes de l'alinéa 2 de l'article L 912-1 du code de la sécurité sociale lorsque les accords professionnels ou interprofessionnels de mutualisation s'appliquent à une entreprise qui, antérieurement à la date d'effet, a adhéré ou souscrit un contrat auprès d'un organisme différent de celui prévu par les accords pour garantir les mêmes risques à niveau équivalent, les dispositions de l'article L 2253-2 du code du travail imposant une adaptation vis à vis de ces accords sont applicables ; que l'adaptation imposée par les textes doit être interprétée comme consistant nécessairement dans la mise en conformité de l'accord d'entreprise avec l'accord professionnel de mutualisation imposant l'adhésion de l'entreprise au régime géré par l'institution de prévoyance désignée par celui-ci ; que le dispositif qualifié de clause de migration concrétise le principe d'adaptabilité entre les deux accords et l'article 14 de l'avenant numéro 83 faisant obligation d'adhérer à AG2R y compris pour les entreprises ayant un contrat de complémentaire-santé auprès d'un autre organisme assureur avec des garanties identiques ou supérieures à celles définies par le présent avenant, est licite ; que l'argumentation de la société appelante est ainsi rejetée » ;

ET AUX MOTIFS QU' « au regard du droit communautaire, la société AGEP, affinant son analyse, soutient par une interprétation a contrario de la jurisprudence communautaire que si les dispositions instaurant un régime obligatoire d'adhésion ne contiennent pas de clause de dispense d'affiliation permettant aux entreprises de souscrire notamment un régime plus favorable ou au moins offrant des garanties équivalentes auprès d'un autre organisme, l'entreprise bénéficiaire de la gestion exclusive du régime ainsi instauré doit être considérée comme exploitant sa position dominante de façon abusive ; qu'elle précise que le simple fait de vouloir éliminer une infime concurrence découlant de l'impossibilité des entreprises de boulangeries de présenter une quelconque demande de dispense caractérise l'abus de position dominante de TAG2R, étant précisé qu'il s'agit de la totalité du marché national des frais de santé des salariés de la boulangerie-pâtisserie ; que l'article 82 du Traité instituant la Communauté Européenne énonce "qu'est incompatible avec le marché commun et interdit, dans la mesure où le commerce entre Etats membres est susceptible d'en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d'exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché commun ou dans une partie substantielle de celui-ci" ; qu'en l'espèce, et comme le souligne le préambule de l'avenant litigieux, le régime d'adhésion obligatoire à TAG2R vise à pallier les difficultés économiques rencontrées par certaines entreprises de la profession, généralement de petite taille, et garantit l'accès aux garanties collectives sans considération notamment d'âge ou d'état de santé ; qu'il est évident que l'objectif de solidarité ne pourrait être respecté si une partie des entreprises ne participait pas à la mutualisation du régime ; que compte tenu des risques que l'octroi de dispenses comporte pour l'équilibre financier du régime instauré, nonobstant le nombre actuellement limité des entreprises réfractaires, l'absence de clause de dispense d'affiliation se déduit de l'objectif de solidarité et ne suffit pas à démontrer que le dispositif de l'avenant numéro 83 amènerait AG2R PREVOYANCE à exploiter sa position dominante de façon abusive ; qu'en outre, à le supposer établi, un tel abus n'affecterait pas une partie substantielle du marché commun, compte tenu de la faible part du marché national et de la prévoyance complémentaire couverte par le dispositif en question ; qu'enfin, l'avenant prévoit en son article 13 un réexamen, dans un délai de cinq ans, des modalités d'organisation de la mutualisation du régime ; que l'ensemble de ces éléments conduit à considérer que l'avenant numéro 83 n'est pas contraire aux dispositions du Traité et à la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés Européennes même en l'absence de clause de dispense d'affiliation » ;

ALORS, D'UNE PART, QU'il résulte de l'article L. 912-1, alinéa 2, du code de la sécurité sociale que lorsque des accords professionnels de mutualisation des risques s'appliquent à une entreprise qui, antérieurement à leur date d'effet, a adhéré ou souscrit un contrat auprès d'un organisme différent de celui prévu par les accords pour garantir les mêmes risques à un niveau équivalent, les dispositions de l'article L. 2253-2 du code du travail sont applicables ; qu'aux termes de ce dernier article, lorsqu'une convention de branche ou un accord professionnel ou interprofessionnel vient à s'appliquer dans l'entreprise postérieurement à la conclusion de conventions ou d'accords d'entreprise ou d'établissement, les stipulations de ces derniers sont adaptées en conséquence ; que l'adaptation prévue par ces deux textes a alors pour objet de permettre aux entreprises concernées par un accord de mutualisation de conserver leur liberté d'adhésion, pourvu que la garantie des risques par elles souscrites antérieurement à l'accord soit équivalente ou supérieure à la garantie visée par celui-ci ; qu'en affirmant l'inverse, la cour d'appel a violé l'article L. 912-1 alinéa 2 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article L. 2253-2 du code du travail ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE si les articles 102 et 106 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) ne s'opposent pas à ce que les pouvoirs publics investissent un organisme de prévoyance du droit exclusif de gérer un régime de remboursement complémentaire des frais de soins de santé pour l'ensemble des entreprises d'un secteur d'activité, sans possibilité, pour les entreprises de ce secteur, d'être dispensée de s'affilier audit régime, il appartient néanmoins aux pouvoirs publics, lorsqu'ils confient à un organisme de prévoyance la gestion d'un tel régime, de respecter les règles fondamentales du traité de l'Union européenne et notamment le principe de non-discrimination, lequel implique le respect d'une obligation de transparence consistant à garantir un degré de publicité adéquat permettant une mise en concurrence ainsi que le contrôle de l'impartialité des procédures de choix ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si la société AG2R s'était vu confier cette mission dans le respect des principes communautaires régissant la commande publique et notamment du principe de transparence, a privé sa décision de base légale au regard dudit principe et de l'article 18 du TFUE.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-22145
Date de la décision : 26/02/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 17 mars 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 26 fév. 2013, pourvoi n°11-22145


Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats (président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Fabiani et Luc-Thaler

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:11.22145
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