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20/02/2013 | FRANCE | N°11-30388

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 20 février 2013, 11-30388


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 avril 2011), que le 1er juillet 1996, la société Chantemur Ile-de-France, aux droits de laquelle vient la société Heytens France, a conclu avec Mme X..., épouse Y..., un contrat de mandat de gérance d'un magasin de vente de produits de décoration ; que le 6 juin 2006, celle-ci a été placée en arrêt de travail pour maladie qui s'est prolongé ; que par lettre du 26 janvier 2007, alors que la gérante était encore en arrêt de travail, la sociétÃ

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 avril 2011), que le 1er juillet 1996, la société Chantemur Ile-de-France, aux droits de laquelle vient la société Heytens France, a conclu avec Mme X..., épouse Y..., un contrat de mandat de gérance d'un magasin de vente de produits de décoration ; que le 6 juin 2006, celle-ci a été placée en arrêt de travail pour maladie qui s'est prolongé ; que par lettre du 26 janvier 2007, alors que la gérante était encore en arrêt de travail, la société Heytens France a résilié le mandat ; que Mme Y... a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que la gérante fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes au titre de la rupture du contrat, alors, selon le moyen, qu'un gérant de succursale, qui bénéficie de la protection offerte par le code du travail en matière de licenciement, ne peut être licencié à raison de son état de santé ni en raison de faits survenus pendant son absence justifiée par un congé maladie ; qu'en considérant que la baisse d'activité du magasin dont Mme Y... avait la gérance, l'absence de signature de bulletins de relevés hebdomadaires et l'absence de prise de décisions indispensables au redressement de la situation et, notamment, son non-remplacement durant son arrêt maladie, constituaient une cause réelle et sérieuse de licenciement de l'intéressée, quand l'ensemble de ces reproches avait trait à la période durant laquelle Mme Y... avait été placée en congé maladie, ce qui revenait à retenir à la charge de celle-ci des fautes commises durant un arrêt maladie, la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1, L. 1231-1, L. 1234-1, L. 1234-9 et L. 7321 du code du travail et 3 de la convention interne liant les parties ;

Mais attendu que si l'article L. 1132-1 du code du travail fait interdiction de licencier un travailleur en raison de son état de santé ou de son handicap, ce texte ne s'oppose pas au licenciement motivé, non pas par l'état de santé de celui-ci mais par la situation objective de l'entreprise qui se trouve dans la nécessité de pourvoir au remplacement définitif de l'intéressé dont l'absence prolongée ou les absences répétées perturbent son fonctionnement ;

Et attendu, qu'ayant apprécié non des fautes mais la réalité de ces conditions, la cour d'appel a, abstraction faite de la référence à une convention et à l'incidence des absences sur le chiffre d'affaires, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt février deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

.
Moyen produit par la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat aux Conseils, pour Mme Y....
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Madame Elisabeth Y... de l'ensemble de ses demandes contre la société HEYTENS France ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « Madame Elisabeth Y... exerçait les fonctions de mandataire gérant depuis 1996, en dernier lieu au magasin de Heytens Coignières, absente pour maladie depuis le 6 juin 2006, lorsqu'elle a reçu de la société un courrier du 26 janvier 2007 l'informant de la résiliation de son mandat en application de l'article 3 alinéa 1 des conditions collectives de la Convention interne Heytens France qui stipule « En cas d'absence prolongée ou fréquemment répétée du Mandataire-Gérant, notamment en cas de maladie de longue durée et en raison du caractère intuitu personae du mandat, la Société pourra mettre fin au mandat, en respectant la procédure prévue à l'article 11 des Conditions individuelles, si elle estime de bonne foi que cette absence apporte ou peut apporter une désorganisation ou un trouble grave dans le fonctionnement et/ ou les résultats du magasin » (…). Dans ce courrier de résiliation l'employeur indiquait « votre absence pour maladie depuis le 6 juin 2006, soit plus de 6 mois, a considérablement nui à l'exploitation du magasin de Paris Coignières, dont vous avez la gérance.
. Les résultats de magasin se sont effondrés …
. L'exploitation quotidienne de magasin s'est dégradée …
. Cette désorganisation totale dans l'exploitation du point de vente s'est également manifestée sur le plan administratif et financier par trois rejets successifs en novembre et décembre dernier, de vos ordres de prélèvements des sommes dues à la Société … ».
(…) dans sa lettre de résiliation la société HEYTENS FRANCE précise qu'au 31 décembre 2006, le magasin Coignières finissait au total l'année en recul de 7, 5 % par rapport à 2005 alors que pour la même période le parc de magasins « comparable » maintenait une progression annuelle de + 4, 5 % sur 2006 ; (…) en présence de ces chiffres précis, Mme Y... se borne à en discuter la signification parce qu'ils « reposent sur des graphiques établis par l'employeur lui-même » et que la notion de magasin comparable est imprécise ; mais les chiffres ainsi avancés sont attestés par le Commissaire aux comptes ; que Mme Y... gérante du magasin ne fournit aucun élément de nature à contester le chiffre d'affaires du magasin au 31 décembre 2006 en recul de 7, 5 % par rapport à 2005 ; elle ne conteste pas qu'elle aurait pu obtenir communication des chiffres auprès du Conseil des mandataires, ainsi que le soutient la société HEYTENS ; l'insuffisance du développement du chiffre d'affaires était constatée dés le début de l'année 2006 ; par courrier du 11 avril 2006 convoquant Mme Y... à un entretien pour des explications, la société HEYTENS constatait que le chiffre d'affaires était à «-10, 7 % par rapport à l'objectif à fin mars » et que les dépenses « dérapent » ; qu'une mise au point détaillée était faite par lettre du 27 avril 2006 adressée à Mme Y... ; que par lettre du 1er mai 2006 cette dernière se borne à affirmer avoir, au 1er trimestre 2006, " fait un peu plus que l'année précédente " et que l'objectif en mars était atteint et que celui du mois d'avril le serait ; (…) la situation du magasin s'est encore dégradée avec l'absence prolongée de Mme Y... telle que constatée dans les termes du courrier de résiliation « votre absence prolongée du magasin a donc entraîné l'effondrement du chiffre d'affaires du magasin en lui faisant perdre près de 10 points en 6 mois » ; Mme Y... ne fournit aucun élément de nature à démentir le constat chiffré par l'employeur alors que l'intéressée fait valoir qu'elle a toujours veillé à être informée au jour le jour de l'activité du magasin ; que la dégradation des résultats du magasin était d'autant plus surprenante qu'il avait été ouvert en 2004 et pouvait, ainsi que le fait remarquer la société, bénéficier des retombées de deux années d'exploitation ; Mme Y... n'explique pas de manière sérieuse et indépendante de sa longue absence, la baisse des résultats du magasin dont elle avait la gérance ; Considérant que de son côté, la société HEYTENS justifie par une attestation du commissaire aux comptes, de l'augmentation du chiffre d'affaires de 29, 31 % après le remplacement de Mme Y... (902 167, 27 en 2006, 1 166 626, 61 en 2007) ; (…) c'est donc à juste titre que les premiers juges ont retenu que la rupture du contrat de Madame Y... se justifiait par une cause réelle et sérieuse » arrêt p. 2 et 3)
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'« au moment de son congédiement soit le 26 janvier 2007, Madame Y... est en congé maladie depuis le 6 juin 2006. Il ressort des pièces versées aux débats et des débats eux-mêmes que Madame Y... n'a pas rempli ses obligations stipulées dans la convention interne HEYTENS FRANCE. Les griefs et leurs conséquences évoqués lui sont directement imputables ; il est notable que les faits ne sont pas contestés par les parties. Dans ses courriers datés du 1er et 28 mai 2006, Madame Y... les reconnaît implicitement mais les explique par un manque de personnel. Or, selon l'article B : " conditions de travail au sein du magasin ", il lui appartient de recruter le personnel dont elle estime avoir besoin pour la bonne marche de l'entreprise. Par ailleurs, la perte de chiffre d'affaires de son magasin est réelle. Les chiffres sont sans ambiguïté : le CA HEYTENS sur la période juin à décembre 2006 est en hausse de 5, 4 %. Celui du magasin de COIGNERES est de-14, 4 %. Les conditions extérieures sont favorables au développement de l'activité : la zone chalandise importante, plutôt favorisée, le magasin récent. Ainsi, seules les carences internes de gestion peuvent expliquer ces mauvais résultats. Ce que conforte la forte progression du chiffre d'affaires dès le départ de Madame Y.... L'exploitation quotidienne du magasin dégradée est le second motif évoqué dans la lettre de résiliation. Il est notable que certaines attestations produites par Madame Y... viennent au soutien des griefs de l'employeur :- Monsieur A..., vendeur, atteste : "... je regrette fortement que Mme Y... ait du subir cette opération car si elle avait été présente au magasin pendant cette période, je suis persuadé que nous aurions fait un excellent chiffre d'affaires et une meilleure progression afin d'obtenir un résultat et atteindre les objectifs fixés... "- Madame Z..., ancienne salariée précise : "... quand Mme Y... est partie en congé maladie du à son opération de la hanche, nous nous sommes retrouvés seuls au magasin et nous avons fait de notre mieux pour tenir le magasin propre... ". D'autres attestations, le livre d'or évoquent un engagement fort, une totale implication Madame Y... mais les faits remontent avant l'absence pour maladie de cette dernière. La Société HEYTENS allègue, par ailleurs, un rejet des ordres de prélèvements. Les pièces versées aux débats et notamment les avis bancaires, prouvent la réalité du grief. Les bulletins de relevés hebdomadaires (BRH) des 1er novembre au 30 novembre 2006 du magasin de COIGNIERES sont signés par quatre personnes différentes qui ne sont pas Madame Y.... Madame Y... a contrevenu aux dispositions de la convention interne HEYTENS FRANCE. De plus, Madame Y..., avertie de ses dysfonctionnements à de multiples reprises, n'a pas pris les décisions indispensables au redressement de la situation ; elle ne s'est pas fait remplacer provisoirement par une personne de son choix comme la convention interne le prévoit ; les compétences de Mme Y..., avant cette période de maladie, ne sont pas remises en cause, mais force est de constater que les dysfonctionnements graves dus à l'absence de Madame Y... se sont produits ultérieurement entraînant de graves conséquences pour l'entreprise ; » (jugement p. 4 et 5)
ALORS QU'un gérant de succursale, qui bénéficie de la protection offerte par le code du travail en matière de licenciement, ne peut être licencié à raison de son état de santé ni en raison de faits survenus pendant son absence justifiée par un congé maladie ; qu'en considérant que la baisse d'activité du magasin dont Madame Y... avait la gérance, l'absence de signature de bulletins de relevés hebdomadaires et l'absence de prise de décisions indispensables au redressement de la situation et, notamment, son non remplacement durant son arrêt maladie, constituaient une cause réelle et sérieuse de licenciement de l'intéressée, quand l'ensemble de ces reproches avait trait à la période durant laquelle madame Y... avait été placée en congé maladie, ce qui revenait à retenir à la charge de celle-ci des fautes commises durant un arrêt maladie, la Cour d'appel a violé les articles L 1132-1, L 1231-1, L 1234-1, L 1234-9 et L 7321 du Code du travail et 3 de la convention interne liant les parties.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-30388
Date de la décision : 20/02/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 05 avril 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 20 fév. 2013, pourvoi n°11-30388


Composition du Tribunal
Président : M. Bailly (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Foussard, SCP Hémery et Thomas-Raquin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:11.30388
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