LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles 2333 du code civil et L. 527-1 du code de commerce ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Recovco Affimet (la société), mise en redressement judiciaire le 19 janvier 2009, a fait l'objet d'un plan de cession puis d'une liquidation judiciaire le 14 septembre 2009, la SELAFA MJA, en la personne de M. X..., étant nommée mandataire-liquidateur (le liquidateur) ; que la Bank of London and the Middle East PLC (la banque), qui avait consenti à la société, par acte du 17 décembre 2007, un prêt garanti par un gage sans dépossession portant sur un stock de marchandises et comprenant un pacte commissoire, a résilié le contrat de crédit pour non-paiement des échéances le 9 janvier 2009, notifié à la société la réalisation de son gage le 16 janvier 2009, puis revendiqué le stock constituant l'assiette de son gage le 21 avril 2009 ; que par ordonnance du 30 octobre 2009, le juge-commissaire a ordonné la restitution à la banque du stock existant à la date du 16 janvier 2009, ou de sa contre-valeur, et a donné acte à celle-ci de ce qu'elle est en droit de réclamer le paiement de celui consommé postérieurement à cette date ; que par jugement du 25 juin 2010, le tribunal a confirmé l'ordonnance ;
Attendu que pour confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté le recours contre l'ordonnance du juge-commissaire donnant acte à la banque qu'elle était propriétaire des stocks tels que définis au contrat de gage, l'arrêt, après avoir énoncé qu'aux termes de l'article L. 527-1 du code de commerce "tout crédit consenti par un établissement de crédit à une personne morale de droit privé ou à une personne physique dans l'exercice de son activité professionnelle peut être garanti par un gage sans dépossession des stocks détenus par cette personne", en déduit qu'il résulte sans ambiguïté de l'utilisation du mot "peut" qu'il s'agit d'une possibilité offerte aux parties auxquelles aucune disposition n'interdit de prévoir l'application des règles de droit commun du gage telles qu'elles sont fixées par les articles 2333 et suivants du code civil, puis retient qu'une telle interdiction ne peut davantage être déduite de l'article 2354 du code civil qui prévoit que "les dispositions du présent chapitre ne font pas obstacle à l'application des règles particulières prévues en matière commerciale ou en faveur des établissements de prêt sur gage autorisés" sans établir d'exclusivité au profit de ces dernières règles, ce dont il résulte que les parties pouvaient valablement choisir, comme elles l'ont fait, de se référer aux dispositions des articles 2333 et suivants du code civil ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que, s'agissant d'un gage portant sur des éléments visés à l'article L. 527-3 du code de commerce, les parties, dont l'une est un établissement de crédit, ne peuvent soumettre leur contrat au droit commun du gage de meubles sans dépossession, la cour d'appel a violé l'article 2333 du code civil par fausse application et l'article L. 527-1 du code de commerce par refus d'application ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 mai 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la Bank of London and the Middle East PLC aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme de 2 500 euros à la SELAFA MJA, ès qualités, et rejette sa demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf février deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Bénabent, avocat aux Conseils, pour la SELAFA MJA, ès qualités.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement déféré en toutes ses dispositions et notamment en ce qu'il avait rejeté le recours de Maître X... et de Maître Y..., ès qualités, et confirmé l'ordonnance du juge-commissaire rendue le 30 octobre 2009, qui avait donné acte à la BLME qu'elle était propriétaire des stocks tels que définis au contrat de gage ;
AUX MOTIFS QU'« aux termes du « contrat de gage de biens meubles » conclu entre les parties le 17 décembre 2007, la société RECOVCO AFFIMET a consenti à affecter, en garantie de l'exécution des obligations résultant du contrat de prêt conclu le même jour avec la BLME, des biens meubles définis comme le stock présent et futur des matières premières et approvisionnements, des produits intermédiaires, des produits résiduels et des produits finis et marchandises ; qu'à l'article 6-2 de ce contrat, il est prévu « conformément à l'article 2348 du code civil » qu'« en cas de survenance d'un cas de résiliation, les parties consentent irrévocablement à ce que le bénéficiaire puisse librement décider, sans avoir à recourir à une quelconque procédure d'attribution judiciaire, de se voir attribuer automatiquement les biens meubles et tous autres droits compris dans l'assiette du gage conformément au présent contrat, auquel cas le bénéficiaire acquerra automatiquement la propriété des biens meubles considérés à la date de survenance du cas de réalisation » ; qu'il est précisé à l'article 2-2 que « le gage est un gage sans dépossession et le bénéficiaire pourra se prévaloir des dispositions de l'article 2344 alinéa 2 du code civil. Les parties conviennent qu'étant donné la nature des obligations garanties, il est plus approprié de convenir d'un gage de biens meubles conformément aux articles 2333 et suivants du code civil et aux articles L. 521-1 et suivants du code de commerce plutôt que d'un gage de stocks au titre des articles L. 527-1 et suivants du code de commerce » ; que par lettre du 9 janvier 2009, la BLME a résilié le contrat de crédit pour non paiement des échéances et par lettre du 16 janvier 2009, elle a notifié à la société RECOVCO AFFIMET la réalisation de son gage en application du contrat susvisé ; que les appelantes prétendent tout d'abord que ce gage relève des dispositions des articles 527-1 et suivants du code de commerce qui interdisent le pacte commissoire et sont donc exclusives de l'application des dispositions du code civil ; qu'aux termes de l'article L. 527-1 du code de commerce : « tout crédit consenti par un établissement de crédit à une personne morale de droit privé ou à une personne physique dans l'exercice de son activité professionnelle peut être garanti par un gage sans dépossession des stocks détenus par cette personne » ; qu'il résulte sans ambiguïté de l'utilisation du mot « peut » qu'il s'agit d'une possibilité offerte aux parties auxquelles aucune disposition n'interdit de prévoir l'application des règles de droit commun du gage telles qu'elles sont fixées par les articles 2333 et suivants du code civil ; qu'une telle interprétation ne peut davantage être déduite de l'article 2354 du code civil qui prévoit que « les dispositions du présent chapitre ne font pas obstacle à l'application des règles particulières prévues en matière commerciale ou en faveur des établissements de prêt sur gage autorisés », sans établir d'exclusivité au profit de ces dernières règles ; qu'il s'ensuit que les parties pouvaient valablement choisir, comme elles l'ont clairement fait aux termes de l'article 2-2 dudit contrat, de se référer aux dispositions des articles 2333 et suivants du code civil dont il n'est pas contesté que les exigences ont en l'espèce été respectées ; qu'enfin, dès lors que les parties n'ont fait qu'user d'une option qui leur était ouverte, il ne peut être soutenu que le choix de recourir au gage de droit commun constituait une fraude à la loi ; qu'il s'ensuit que les appelantes ne sont pas fondées à demander la nullité du pacte commissoire ; que les appelantes font plaider à titre subsidiaire que la réalisation du pacte commissoire constitue une dation en paiement qui encourt la nullité en application de l'article L. 632-1 du code de commerce ; qu'il est constant que le principe du paiement de la créance en nature par l'attribution de la propriété du stock a été prévu dès l'origine, dans la convention du 17 décembre 2007, de sorte que la réalisation du pacte commissoire ne peut s'analyser comme une « dation en paiement » intervenue depuis la cessation des paiements et susceptible d'être annulée au visa de l'article L. 632-1-I-4 du code de commerce ; que dès lors, le pacte commissoire dont il est constant qu'il a été décidé avant l'ouverture de la procédure collective, ne peut être annulé sur ce fondement ; que la réalisation de ce pacte n'encourt pas davantage la nullité au visa de l'article L. 632-2 du code de commerce dès lors, d'une part, qu'il résulte de ce qui précède qu'il ne s'agit pas d'une dation en paiement, et, d'autre part, que les seules pièces versées, qui se bornent à faire état de la défaillance de la débitrice dans le paiement des échéances, ne suffisent pas à démontrer que la BLME avait connaissance de l'état de cessation des paiements » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QU'« aux termes des articles 2333 et suivants du code civil, insérés dans le titre des sûretés réelles, chapitre II « du gage de meubles corporels », Section I « du doit commun du gage » il est précisé que le gage est une convention par laquelle le constituant accorde au créancier le droit de se faire payer par préférence à ses autres créanciers sur un bien mobilier ou un ensemble de biens mobiliers présents ou futurs, les créances garanties pouvant également être présentes ou futures, à condition d'être déterminables ; que l'article 2342 du code civil traite l'hypothèse du gage de choses fongibles, celles-ci pouvant être aliénées par le constituant si la convention le prévoit, à charge pour lui de les remplacer par la même quantité de choses équivalentes ; que le décret n° 2006-1804 du 23 décembre 2006 pris pour l'application de l'article 2338 du code civil relatif à la publicité du gage prévoit dans son article 1-4° que le bordereau adressé au greffe en vue de l'inscription du gage précise la désignation du bien gagé avec, lorsqu'il s'agit d'un ensemble de biens présents ou futurs, leur nature, qualité et quantité ; que l'arrêté du 1er février 2007 donnant la liste des biens sur lesquels peut être inscrit un gage sans dépossession comporte une dix-septième catégorie, intitulée « Autres » ; que les stocks sont des meubles corporels fongibles présents ou futurs mais déterminables qui répondent aux conditions posées par les articles 2333 et suivants du code civil et les textes d'application subséquents ; que les règles spéciales des articles L. 527-1 à L. 527-11 du code de commerce relatives au gage sur stocks permettent aux établissement de crédit de disposer d'une option entre les deux catégories de gage ; qu'il appartient aux parties de choisir la sûreté qui présente, suivant le cas d'espèce, le plus d'intérêt pratique ; que les parties doivent clairement préciser leur choix ; qu'il résulte des termes du contrat conclu entre BLME et RECOVCO le 17 décembre 2007, intitulé « gage de meubles corporels » soumis au Tribunal, des éléments du dossier, des écritures des parties, des explications fournies au cours des débats que les parties ont entendu opter pour le gage de droit commun défini par le code civil dans ses articles 2333 et suivants ; que ce choix a été formulé clairement dès l'origine, au moment de la signature du contrat de gage qui précise en son article 2.2 que « que les parties conviennent qu'étant donné la nature des obligations garanties, il est plus approprié de convenir d'un gage de biens meubles conformément aux articles 2333 et suivants du code civil et aux articles L. 521-1 et suivants du code de commerce plutôt que d'un gage de stocks au titre des articles L. 527-1 et suivants du code de commerce » ; que, en raison de ce choix et conformément aux dispositions de l'article 2348 du code civil, les parties ont pu valablement convenir que le créancier deviendra propriétaire du bien gagé en cas de défaillance du débiteur ; que les parties qui ont la possibilité d'opter pour le pacte commissoire, peuvent le prévoir dès l'origine, ou à tout moment de leur relation contractuelle ; que le paiement en nature a été convenu dès l'origine dans la convention des parties, soit le 17 décembre 2007 et ne saurait donc constituer une dation en paiement forcée non communément admise dans les relations d'affaires tombant sous le coup de la nullité de plein droit prévue par l'article L. 632-1-I-4° du code de commerce ; que le gage a été pris pour garantir une créance de BLME antérieure à la période suspecte ; que l'article L. 622-7 du Code de commerce précise que le jugement ouvrant la procédure de sauvegarde fait obstacle à la conclusion et à la réalisation d'un pacte commissoire ; qu'en l'espèce la réalisation de la garantie, par mise en ouvre du pacte commissoire est intervenue avant l'ouverture de la procédure collective de RECOVCO ; que, en ce qui concerne la valorisation des stocks, il appartiendra aux organes de la procédure collective de faire application des règles prévues par le contrat de gage ; que, sans qu'il soit nécessaire de suivre davantage les parties dans le détail de leur argumentation, il convient de retenir que la réalisation par BLME du gage au moyen du pacte commissoire est parfaitement régulière » ;
1/ ALORS QUE les parties aux opérations qui relèvent du champ d'application du régime spécial du gage de stocks ne peuvent déroger à ses règles impératives en optant pour le droit commun du gage sans dépossession ; qu'en conséquence, les parties dont le gage relève objectivement du régime du gage de stocks ne peuvent soumettre leur contrat au droit commun du gage de meubles sans dépossession pour stipuler un pacte commissoire, qui est expressément prohibé s'agissant du gage de stocks ; qu'en l'espèce, il n'était pas contesté que le gage conclu le 17 décembre 2007 entre la BLME et la société RECOVCO AFFIMET relevait du régime impératif du gage de stocks dans la mesure où il était consenti au profit d'un établissement de crédit et qu'il portait sur les stocks de la société RECOVCO AFFIMET ; que le pacte commissoire stipulé par les parties dans leur contrat de gage était donc illicite ; que pour juger cependant que la société BLME avait valablement mis en oeuvre le pacte commissoire, la Cour d'appel a décidé que les parties pouvaient valablement choisir de soumettre leur gage au droit commun qui autorise la stipulation d'un pacte commissoire ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a violé l'article 2333 du Code civil par fausse application et l'article L. 527-1 du Code de commerce par refus d'application ;
2/ ALORS ET SUBSIDIAIREMENT QUE la fraude à la loi est constituée par l'utilisation intentionnelle d'un moyen de droit, fût-il objectivement licite, pour se soustraire à l'exécution d'une règle obligatoire ; que la fraude est notamment constituée lorsque les parties dont la convention relève objectivement du champ d'application du gage de stocks optent pour l'application du droit commun du gage, à supposer même que ce choix soit licite, dans le seul but d'éluder la prohibition du pacte commissoire ; qu'en l'espèce, les parties ont prétendu soumettre leur gage au régime de droit commun, à l'exclusion du régime spécial de gage de stocks, tout en reconstituant, par le biais de clauses particulières, l'essentiel du régime du gage de stocks ; que la prétendue soumission du contrat de gage au droit commun constituait donc une fraude à la loi puisqu'elle avait pour unique but de mettre en place un gage soumis au régime du gage des stocks tout en échappant à la prohibition du pacte commissoire ; qu'en écartant pourtant la fraude au seul motif que « dès lors que les parties n'ont fait qu'user d'une option qui leur était ouverte, il ne peut être soutenu que le choix de recourir au gage de droit commun constituait une fraude à la loi » (arrêt, p. 5, alinéa 7), cependant que la fraude consiste précisément à user d'un droit objectivement licite mais dans une intention illicite, la Cour d'appel a violé la règle fraus omnia corrumpit, ensemble l'article L. 527-2 du Code de commerce ;
3/ ALORS ET SUBSIDIAIREMENT QU'est nul, lorsqu'il intervient pendant la période suspecte, tout paiement fait par un mode non communément admis dans les relations d'affaires ; que la mise en oeuvre d'un pacte commissoire constitue un paiement qui n'est pas communément admis dans les relations d'affaires ; qu'en conséquence, est nulle de plein droit la mise en oeuvre d'un pacte commissoire pendant la période suspecte ; qu'en l'espèce, le jugement du 10 juillet 2009 du Tribunal de commerce de PARIS a ouvert la procédure collective de la société RECOVCO AFFIMET et fixé la date de la cessation des paiements au 8 janvier 2009 ; que la BLME a réalisé le pacte commissoire le 16 janvier 2009, soit durant la période suspecte ; qu'en retenant cependant que la BLME avait valablement mis en oeuvre le pacte commissoire, la Cour d'appel a violé l'article L. 632-1 du Code de commerce.